Emploi et revenus des indépendants Édition 2020

Cet ouvrage offre un ensemble d’analyses sur les travailleurs indépendants. Cette population hétérogène recouvre les exploitants agricoles, les commerçants, les artisans ou encore les professionnels libéraux. Ils sont liés par l’absence de lien de subordination juridique à l’égard d’un donneur d’ordre et ne disposent pas de contrat de travail. La plupart n’ont pas le statut de salarié et sont donc « non-salariés ».

Insee Références
Paru le :Paru le28/04/2020
Damien Babet, Claude Picart (Insee)
Emplois et revenus des indépendants- Avril 2020
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Indépendants : une offre de travail plus contrainte depuis 2008

Damien Babet, Claude Picart (Insee)

Insee Références

Paru le :28/04/2020

Résumé

Après l’essor de formes d’emploi salarié à la fois plus souples et plus précaires – CDD et intérim – à la fin du XXe siècle, c’est désormais la frontière entre salariés et indépendants qui se brouille en ce début de XXIe siècle, avec la mise en place du statut de l’auto‑entrepreneur en 2009 devenu micro‑entrepreneur en 2014, puis le développement des plateformes numériques. Quel est l’impact de ces innovations sur la situation des indépendants ? Les indépendants restent moins souvent touchés que les salariés par une contrainte dans leur offre de travail, c’est‑à‑dire être au moins une fois dans l’année au chômage, dans le halo autour du chômage ou en sous‑emploi, mais l’écart entre les deux catégories s’est réduit. Si les chefs d’entreprise, les professions libérales et les professions intermédiaires de la santé sont relativement épargnés, les autres indépendants sont plus touchés, notamment dans les professions où les micro‑entrepreneurs sont les plus nombreux. Cette contrainte sur l’offre de travail des indépendants se traduit le plus souvent par du sous‑emploi. Elle reflète des périodes de manque de travail et de clients et ne semble pas particulièrement liée à des situations de dépendance économique.

Les indépendants sont moins contraints que les salariés, mais l’écart se réduit

De nombreuses personnes sont contraintes dans leur offre de travail : certaines sont au chômage au sens du Bureau international du travail (BIT) ; d’autres personnes sans emploi, souhaitant travailler, ne sont pas actives au sens du BIT et ne sont donc pas considérées comme chômeuses, car elles ne font pas de démarches actives de recherche d’emploi ou ne sont pas rapidement disponibles : elles constituent le halo autour du chômage ; d’autres, enfin, sont en situation de sous-emploi, au sens où elles travaillent involontairement moins que ce qu’elles souhaiteraient : personnes absentes de leur emploi en raison de chômage partiel ou d’intempéries, ou, pour l’essentiel, personnes à temps partiel souhaitant travailler davantage et disponibles pour le faire (qu’elles recherchent ou non un autre emploi).

La part des personnes ayant connu au moins une fois une de ces situations de contrainte sur le marché du travail dans l’année selon leurs déclarations à l’enquête Emploi (méthode) se situe depuis 2012 légèrement au-dessus de 30 % des [Insee, 2019]. Cette part est un peu moins élevée – 27% en 2018 – pour ceux qui, avant l’année considérée, étaient ou avaient été en emploi ; elle est de 19 % pour ceux qui étaient , contre 28 % pour ceux qui étaient salariés (figure 1). L’écart entre salariés et indépendants est toutefois en nette réduction : de l’ordre de 15 points au milieu des années 1990, de 10 à 12 points au début des années 2000, il n’est plus que de 8 points en moyenne sur la période 2016- 2018. La réduction de l’écart ces dernières années est même un peu plus frappante si on tient compte du fort changement de la composition des indépendants depuis le début des années 1990, au détriment des agriculteurs et des aides familiaux : la rupture de tendance apparaît un peu plus nette en se concentrant sur les autres indépendants, pour lesquels le taux de contrainte a fluctué au-dessous de 15 % jusqu’en 2009 et a culminé à 24 % en 2017.

Figure 1 - Indicateur de contrainte selon le statut

en %
Figure 1 - Indicateur de contrainte selon le statut (en %)
Indépendants Salariés Tous (y compris jamais travaillé) Indépendants hors aides familiaux et agriculteurs
1991 11,9 22,7 23,6 13,0
1992 10,1 22,8 23,5 11,6
1993 11,7 25,3 26,0 14,6
1994 13,0 27,8 28,4 14,8
1995 12,9 27,8 28,6 12,9
1996 12,4 27,0 28,2 12,5
1997 12,5 27,6 28,7 13,7
1998 11,9 27,7 28,6 12,8
1999 13,1 27,1 28,1 13,3
2000 13,1 26,8 27,7 13,2
2001 13,0 25,1 25,9 13,1
2002 12,6 24,4 25,2 12,9
2003
2004 13,4 24,6 27,2 12,2
2005 14,5 25,4 27,3 15,1
2006 12,7 25,1 27,1 12,4
2007 15,6 24,7 26,7 15,1
2008 13,2 23,4 25,5 13,4
2009 13,9 25,7 27,7 13,8
2010 17,0 27,0 29,2 16,9
2011 16,6 25,7 27,7 17,0
2012 15,9 26,2 28,3 15,8
2013 18,8 28,5 30,5 19,9
2014 19,0 28,7 31,0 20,7
2015 18,1 29,1 31,2 20,8
2016 19,2 29,1 31,4 21,7
2017 22,0 28,3 31,0 24,0
2018 18,5 27,9 30,2 20,0
  • Note : rupture de série en 2003 liée à la transformation de l’enquête Emploi annuelle en enquête trimestrielle en continu.
  • Champ : France métropolitaine, participants au marché du travail (c’est-à-dire en emploi, au chômage ou appartenant au halo autour du chômage) au moins une semaine sur les cinq décrites.
  • Source : Insee, enquêtes Emploi.

Figure 1 - Indicateur de contrainte selon le statut

  • Note : rupture de série en 2003 liée à la transformation de l’enquête Emploi annuelle en enquête trimestrielle en continu.
  • Champ : France métropolitaine, participants au marché du travail (c’est-à-dire en emploi, au chômage ou appartenant au halo autour du chômage) au moins une semaine sur les cinq décrites.
  • Source : Insee, enquêtes Emploi.

Les professions libérales et les professions intermédiaires de la santé restent relativement peu contraintes

Pour les artisans et les commerçants, qui regroupent désormais près de la moitié des indépendants, l’évolution de leur contrainte reflète assez bien celle de l’ensemble des indépendants. Pour les autres groupes en revanche, les évolutions divergent : les chefs d’entreprises, les professions libérales et les professions intermédiaires de la santé restent relativement peu contraints ; l’indicateur de contrainte, tout en augmentant légèrement au cours des années 2000-2010, demeure pour eux au-dessous de 10 % (figure 2).

Pour les agriculteurs, après une légère hausse en milieu de période, la contrainte dans l’offre de travail redescend aussi au-dessous de 10 % en 2016-2018. À l’opposé, les autres groupes sont plus exposés que les salariés : la contrainte des aides familiaux augmente au fur et à mesure que leur part dans l’emploi devient résiduelle ; les autres indépendants (un tiers sont artistes ou techniciens de l’expression artistique ; un sixième sont professionnels de l’enseignement), partant d’une contrainte déjà élevée au début des années 1990 (19 %), sont désormais 35 % à être contraints dans leur offre de travail au moins une fois dans l’année. Ces dernières professions sont aussi celles où l’emploi indépendant augmente le plus et où la part des micro-entrepreneurs est la plus forte (44 % en moyenne entre 2016 et 2018).

Figure 2 - Évolution et composantes du taux de contrainte selon le statut détaillé

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Figure 2 - Évolution et composantes du taux de contrainte selon le statut détaillé (en %) - Lecture : le taux de contrainte de l’ensemble des indépendants passe de 11,1 % en moyenne en 1991-1993 à 20,0 % en 2016-2018. Sur cette dernière période, 4,1 % des participants ne sont jamais en emploi, 6,7 % alternent des périodes d’emploi et de non-emploi contraint et 9,2 % ne sont jamais en non-emploi contraint mais connaissent des périodes de sous-emploi. 20 % des indépendants ont, en moyenne sur la période 2016-2018, le statut de micro-entrepreneur. Les agriculteurs représentaient 25 % des indépendants en moyenne sur la période 1991-1993 et 13 % sur la période 2016-2018.
Taux de contrainte en moyenne sur les périodes Part des micro-entrepreneurs Répartition des indépendants en emploi
1991-1993 2000-2002 2006-2008 2016-2018 dont :
jamais en emploi alternance emploi et non-emploi sous-emploi
2016 - 2018 1991-1993 2016-2018
Salariés 23,1 24,9 24,3 28,4 8,3 13 7,2 /// /// ///
Indépendants 11,1 12,9 13,9 20,0 4,1 6,7 9,2 20 100 100
Aides familiaux 7,0 14,9 18,5 32,2 9,4 7,6 15,2 3 19 3
Agriculteurs 10,3 11,3 12,9 7,4 0,8 1,5 5,1 3 25 13
Artisans, commerçants 14,6 14,7 14,4 24,1 5,8 8,8 9,6 25 39 47
Chefs d’entreprises, professions libérales et professions intermédiaires de la santé 5,1 5,0 7,3 9,4 1,2 3,4 4,9 11 12 24
Autres professions (artistes, formateurs, etc.) 18,7 22,9 24,7 35,3 5,6 10,5 19,2 44 5 12
  • /// : absence de résultat due à la nature des choses.
  • Note : rupture de série en 2003 liée à la transformation de l’enquête Emploi annuelle en enquête trimestrielle en continu.
  • Lecture : le taux de contrainte de l’ensemble des indépendants passe de 11,1 % en moyenne en 1991-1993 à 20,0 % en 2016-2018. Sur cette dernière période, 4,1 % des participants ne sont jamais en emploi, 6,7 % alternent des périodes d’emploi et de non-emploi contraint et 9,2 % ne sont jamais en non-emploi contraint mais connaissent des périodes de sous-emploi. 20 % des indépendants ont, en moyenne sur la période 2016-2018, le statut de micro-entrepreneur. Les agriculteurs représentaient 25 % des indépendants en moyenne sur la période 1991-1993 et 13 % sur la période 2016-2018.
  • Champ : France métropolitaine, participants au marché du travail (c’est-à-dire en emploi, au chômage ou appartenant au halo autour du chômage) au moins une semaine sur les cinq décrites et personnes en emploi (pour les trois dernières colonnes).
  • Source : Insee, enquêtes Emploi.

Pour les indépendants, la contrainte prend le plus souvent la forme du sous-emploi

Les situations de contrainte sont de trois ordres : le sous-emploi, l’alternance entre emploi et non-emploi contraint (chômage ou halo autour du chômage) et le seul non-emploi contraint. Ces trois composantes ont toutes augmenté depuis le début des années 2000, mais celle du sous-emploi demeure la plus importante chez les indépendants, alors que c’est l’alternance d’emploi et de non-emploi contraint qui est prépondérante chez les salariés (figure 2). C’est assez logique puisque l’adaptation aux fluctuations d’activité passe surtout par l’usage de contrats temporaires dans les entreprises alors que l’indépendant ajuste son volume de travail, surtout s’il n’est pas employeur.

Parmi les indépendants, le poids du chômage technique dû aux intempéries s’est fortement réduit depuis les années 1990, , mais la hausse de la composante liée au temps partiel est à l’origine de la nette hausse du sous-emploi depuis 2009 (figure 3). Cette croissance du sous-emploi correspond à une tendance à la réduction des heures travaillées depuis le début des années 2000. La part des indépendants travaillant habituellement moins de 30 heures par semaine pour leur emploi principal était de 9 % en 1990, de 8 % en 2008 (avant l’apparition du statut d’auto-entrepreneur, devenu micro-entrepreneur fin 2014) et de plus de 14 % depuis 2014. Restant depuis à ce niveau, elle a rejoint ainsi la part des salariés travaillant moins de 30 heures par semaine.

Figure 3 - Part de personnes en emploi travaillant moins de 30 heures en moyenne par semaine et part des indépendants en sous-emploi

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Figure 3 - Part de personnes en emploi travaillant moins de 30 heures en moyenne par semaine et part des indépendants en sous-emploi (en %) - Lecture : en 2018, pendant la semaine de référence, 14,6 % des indépendants travaillent en moyenne moins de 30 heures par semaine. 6,3 % des indépendants sont en sous-emploi, dont 4,6 % se déclarent à temps partiel et souhaitent travailler plus.
Moins de 30 heures Indépendants en sous-emploi
Indépendants Salariés À temps partiel et cherchant un emploi À temps partiel et souhaitant travailler plus Intempéries
1990 9,3 12,2 0,5 0,9 3,5
1991 8,8 11,9 0,6 0,9 2,6
1992 9,1 12,5 0,6 0,9 2,1
1993 8,7 13,4 0,8 1,0 2,5
1994 9,3 14,0 0,8 1,1 2,5
1995 9,4 14,3 0,8 1,4 2,9
1996 8,7 14,3 0,7 1,5 2,2
1997 8,4 15,0 0,8 1,3 1,4
1998 8,6 14,7 0,7 1,6 1,4
1999 9,2 14,6 0,7 1,3 2,9
2000 8,6 14,3 0,5 1,4 1,6
2001 8,3 13,8 0,7 1,2 2,7
2002 8,3 13,9 0,7 1,2 1,8
2003 7,6 13,7 0,3 1,2 1,5
2004 8,4 13,9 0,3 1,5 1,3
2005 8,0 13,9 0,3 1,5 1,2
2006 8,1 13,9 0,2 1,3 1,1
2007 8,1 14,0 0,4 1,6 1,1
2008 8,2 13,5 0,3 1,6 1,0
2009 9,0 13,9 0,3 2,1 1,0
2010 9,7 14,1 0,6 2,6 1,7
2011 11,5 13,9 0,6 2,9 0,7
2012 11,6 14,1 0,7 2,9 1,0
2013 12,4 14,2 1,0 3,4 1,2
2014 13,8 14,4 1,0 4,6 0,9
2015 14,5 14,3 1,1 4,7 0,6
2016 14,7 14,1 1,2 4,7 0,7
2017 14,3 14,3 1,0 4,6 0,6
2018 14,6 13,9 0,8 4,6 0,9
  • Note : rupture des séries en 2003.
  • Lecture : en 2018, pendant la semaine de référence, 14,6 % des indépendants travaillent en moyenne moins de 30 heures par semaine. 6,3 % des indépendants sont en sous-emploi, dont 4,6 % se déclarent à temps partiel et souhaitent travailler plus.
  • Champ : France métropolitaine, personnes en emploi pendant la semaine de référence. 
  • Source : Insee, enquêtes Emploi.

Figure 3 - Part de personnes en emploi travaillant moins de 30 heures en moyenne par semaine et part des indépendants en sous-emploi

  • Note : rupture des séries en 2003.
  • Lecture : en 2018, pendant la semaine de référence, 14,6 % des indépendants travaillent en moyenne moins de 30 heures par semaine. 6,3 % des indépendants sont en sous-emploi, dont 4,6 % se déclarent à temps partiel et souhaitent travailler plus.
  • Champ : France métropolitaine, personnes en emploi pendant la semaine de référence. 
  • Source : Insee, enquêtes Emploi.

Une hausse de la contrainte dans l’offre de travail liée au statut de micro-entrepreneur

En dehors du cas particulier et résiduel des aides familiaux, les professions au plus fort taux de contrainte sont aussi celles où la part des micro-entrepreneurs est la plus élevée : celle-ci atteint notamment 42 % des artistes et techniciens du spectacle et 57 % des moniteurs et formateurs (inclus dans la catégorie des « autres professions » d’indépendants dans la figure 2).

De fait, 37 % des sont au moins une fois dans l’année en sous-emploi en 2016-2018 et 24 % sont en alternance entre emploi et non-emploi, contre respective­ment 7 % et 7 % des indépendants classiques. Il est toutefois difficile d’établir un lien de causalité : le statut de micro-entrepreneur peut avoir été adopté par des personnes qui auraient été en situation contrainte même en l’absence de ce statut. De plus, pour exercer en tant que micro-entrepreneur, il ne faut pas dépasser un certain plafond de chiffre d’affaires. À qualification donnée, seuls les indépendants ayant le moins d’activité, et par conséquent les plus susceptibles d’être contraints, peuvent donc garder ce statut.

Par ailleurs, le statut de micro-entrepreneur peut être spécifiquement composé de professions pour lesquelles l’offre de travail est particulièrement contrainte. En comparant la contrainte par profession avant et après la création de ce statut (encadré), il apparaît clairement que, dans les métiers où la part des micro-entrepreneurs dépasse désormais 5 % des travailleurs, la contrainte était déjà relativement élevée avant la création de ce statut, aussi bien parmi les salariés que parmi les indépendants (figure 4). Dans ces métiers, où la part des indépendants a augmenté (+ 4 points), la hausse de la contrainte après 2008 pour les indépendants a été beaucoup plus forte que dans les autres métiers (+ 9 points contre + 1 point), alors que pour les salariés, elle augmentait au même rythme que dans les autres métiers (+ 3 points à 4 points).

Figure 4 - Indicateur de contrainte selon le type de métier et le statut, sur les périodes 2006-2008 et 2016-2018

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Figure 4 - Indicateur de contrainte selon le type de métier et le statut, sur les périodes 2006-2008 et 2016-2018 (en %) - Lecture : dans les métiers de micro-entrepreneurs, 22,9 % des indépendants étaient contraints en moyenne sur la période 2016-2018, contre 14,1 % sur la période 2006-2008.
2006-2008 2016-2018
Ensemble Autres métiers 18,4 21,5
Métiers de micro-entrepreneurs 20,4 26,6
Indépendants Autres métiers 11,2 12,0
Métiers de micro-entrepreneurs 14,1 22,9
dont indépendants classiques Autres métiers 11,2 8,6
Métiers de micro-entrepreneurs 14,1 13,4
Salariés Autres métiers 18,8 22,1
Métiers de micro-entrepreneurs 26,4 30,0
  • Note : les « métiers de micro‑entrepreneurs » sont définis comme l’ensemble des catégories socioprofessionnelles où la part des micro‑entrepreneurs dans l’emploi, y compris salariés, dépasse 5 % sur la période 2016‑2018 (encadré).
  • Lecture : dans les métiers de micro-entrepreneurs, 22,9 % des indépendants étaient contraints en moyenne sur la période 2016-2018, contre 14,1 % sur la période 2006-2008.
  • Champ : France métropolitaine, personnes en emploi au moins une fois dans l’année.
  • Source : Insee, enquêtes Emploi.

Figure 4 - Indicateur de contrainte selon le type de métier et le statut, sur les périodes 2006-2008 et 2016-2018

  • Note : les « métiers de micro‑entrepreneurs » sont définis comme l’ensemble des catégories socioprofessionnelles où la part des micro‑entrepreneurs dans l’emploi, y compris salariés, dépasse 5 % sur la période 2016‑2018 (encadré).
  • Lecture : dans les métiers de micro-entrepreneurs, 22,9 % des indépendants étaient contraints en moyenne sur la période 2016-2018, contre 14,1 % sur la période 2006-2008.
  • Champ : France métropolitaine, personnes en emploi au moins une fois dans l’année.
  • Source : Insee, enquêtes Emploi.

La situation de contrainte dans l’offre de travail n’est pas le reflet de situations de dépendance économique

Les indépendants contraints apparaissent manquer d’activité ou de clients : interrogés en 2017 sur leur principale difficulté au cours des douze derniers mois, ils sont 38 % à citer soit des difficultés financières, soit des périodes sans client, ni mission, ni projet sur lesquels travailler, contre 15 % des indépendants non contraints (figure 5). 41 % des indépendants sans contrainte sont employeurs, contre seulement 11 % des indépendants contraints. Lorsqu’on demande aux indépendants sans salarié pourquoi ils n’en ont pas, 38 % des indépendants contraints disent que c’est par manque de travail, contre 17 % des indépendants sans contrainte.

Ce manque de travail reflète les conditions de création de l’activité : 32 % des indépendants contraints étaient chômeurs ou sans activité professionnelle avant de créer leur entreprise, contre 11 % des indépendants sans contrainte. Ils sont d’ailleurs 18 % à évoquer le fait de ne pas parvenir à trouver d’emploi salarié comme principale raison pour avoir choisi d’être indépendants (contre 4 % pour les indépendants non contraints). Ils sont également plus nombreux à souhaiter devenir ou redevenir salariés (18 % contre 13 %).

En revanche, la contrainte ne semble que faiblement liée aux situations de dépendance économique que peuvent connaître les indépendants [Babet, 2019]. La dépendance « amont » (relation de type groupement, centrale d’achat, coopérative, etc., représentant plus de 75 % du revenu et dont la perte engendrerait des difficultés économiques importantes) est beaucoup moins fréquente parmi les indépendants contraints (2 %, contre 8 % parmi les indépendants non contraints). Les dépendances à un intermédiaire (indépendants citant comme seul mode d’accès aux clients une plateforme numérique ou un autre intermédiaire) ou à un client n’ont pas de lien significatif avec la contrainte.

Figure 5 - Part des indépendants économiquement dépendants ou manquant de travail selon leur contrainte

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Figure 5 - Part des indépendants économiquement dépendants ou manquant de travail selon leur contrainte (en % ) - Lecture : en 2017, parmi les indépendants ayant connu une situation de sous-emploi ou de non-emploi contraint au cours de l’année écoulée, 2 % avaient une dépendance économique à une relation amont.
Indépendant contraint Indépendant non contraint Ensemble
Dépendance économique  13 19 18
Dépendance à un client 8 8 8
Dépendance à une relation « amont »1 2 8 7
Dépendance à une plateforme ou un autre intermédiaire 4 3 3
Principale raison du choix de l’indépendance
Ne parvenait pas à trouver un emploi salarié 18 4 7
Principale difficulté au cours de l’année
Les périodes de difficultés financières 15 7 9
Les périodes sans client, ni mission ou projet 23 8 11
Employeur 11 41 35
Raison de ne pas avoir de salariés
Il n'y a pas assez de travail 38 17 21
Souhaite devenir salarié 18 13 14
Situation antérieure à l’activité indépendante
Pas d'activité professionnelle, au chômage 32 11 15
  • 1. Relation de type groupement, centrale d’achat, coopérative, etc.
  • Lecture : en 2017, parmi les indépendants ayant connu une situation de sous-emploi ou de non-emploi contraint au cours de l’année écoulée, 2 % avaient une dépendance économique à une relation amont.
  • Champ : France métropolitaine, indépendants hors aides familiaux.
  • Source : Insee, enquêtes Emploi 2015 à 2017 et module complémentaire de l’enquête Emploi 2017.

Encadré - Professions, micro-entrepreneurs et contrainte

L’approche par métiers permet d’apprécier l’impact de la création du statut d’auto-entrepreneur (devenu micro-entrepreneur en 2014) en comparant la contrainte avant et après la création de ce statut dans les professions où il s’est le plus développé.

On définit les professions « mixtes » comme celles étant occupées à la fois par des indépendants et par des salariés. Pour ce faire, on commence par regrouper certaines professions et catégories socioprofessionnelles (PCS) similaires, isolées dans la nomenclature selon le statut d’indépendant ou de salarié. Par exemple, la PCS des artisans coiffeurs, manucure ou esthéticiens (217c) est regroupée avec les PCS salariés correspondantes (562a et 562b). Une fois ces regroupements opérés, les professions sont dites « mixtes » si elles sont exercées par au moins 5 % d’indépendants et au moins 10 % de salariés. Au total, ces professions « mixtes » concentrent 51 % des indépendants.

Enfin, au sein des professions « mixtes » ou quasi exclusivement occupées par des indépendants, on distingue les « métiers de micro-entrepreneurs » : ces métiers sont exercés par plus de 5 % de micro-entrepreneurs. Les « métiers de micro-entrepreneurs » concentrent 13 % des emplois (salariés ou non) et 82 % des micro-entrepreneurs (figure).

Figure - Encadré 2 - Types de métiers et de professions en moyenne sur les périodes 2006-2008 et 2016-2018

en %
Figure - Encadré 2 - Types de métiers et de professions en moyenne sur les périodes 2006-2008 et 2016-2018 (en %) - Lecture : en moyenne sur la période 2016-2018, les métiers et professions mixtes avec plus de 5 % de micro-entrepreneurs représentaient 9,9 % des emplois principaux. 11,7 % d’entre eux étaient micro-entrepreneurs et 40,1 % indépendants (y compris les micro-entrepreneurs).
Professions mixtes Professions d'indépendants Professions de salariés Ensemble
Métiers de micro-entrepreneurs (ME) Autres métiers Métiers de ME Autres métiers Métiers de ME Autres métiers Métiers de ME Autres métiers
Répartition par type de métier/profession…
… de l’emploi total 2006-2008 9,6 10,9 3,4 2,7 /// 73,5 12,9 87,1
2016-2018 9,9 12,2 3,2 2,1 /// 72,5 13,2 86,8
… des micro-entrepreneurs 2016-2018 51,0 10,0 31,0 1,0 /// 6,0 82,0 18,0
Poids dans le type de métier/profession...
… des indépendants 2006-2008 35,0 16,3 96,7 96,8 /// 0,6 50,4 5,7
2016-2018 40,1 16,7 98,3 98,2 /// 0,6 54,9 5,4
... des micro-entrepreneurs 2016-2018 11,7 1,9 21,1 1,2 /// 0,2 14,1 0,5
  • /// : absence de résultat due à la nature des choses.
  • Lecture : en moyenne sur la période 2016-2018, les métiers et professions mixtes avec plus de 5 % de micro-entrepreneurs représentaient 9,9 % des emplois principaux. 11,7 % d’entre eux étaient micro-entrepreneurs et 40,1 % indépendants (y compris les micro-entrepreneurs).
  • Champ : France métropolitaine, personnes en emploi.
  • Source : Insee, enquêtes Emploi 2006 à 2008 et 2016 à 2018.

Définitions

Participants au marché du travail : personnes au moins une fois dans l’année en activité (au sens du BIT) ou dans le halo autour du chômage.

Indépendants : conformément à l’usage de cet ouvrage, on emploie ici le terme « indépendant » dans un sens large, incluant notamment les aides familiaux, les non-salariés économiquement dépendants et les dirigeants salariés.

Sommaire
  1. Sources
  2. Méthode

Sources

L’enquête Emploi de l’Insee vise à observer de manière à la fois structurelle et conjoncturelle la situation des personnes sur le marché du travail. Elle s’inscrit dans le cadre des enquêtes européennes Forces de travail (Labour Force Survey). Il s’agit de la seule source statistique fournissant une mesure des concepts d’activité (emploi, chômage et inactivité) au sens du Bureau international du travail (BIT) et comparables entre tous les pays. L’Insee réalise cette enquête auprès d’un échantillon représentatif de 90 000 logements chaque trimestre (en France hors Mayotte) en interrogeant tous les occupants du logement âgés de 15 ans ou plus par des interviews réalisées en face à face ou par téléphone (110 000 personnes de 15 ans ou plus répondantes par trimestre). Les personnes résidant en ménages collectifs ne sont pas dans le champ de l’enquête. Les personnes enquêtées décrivent précisément leur situation à travers une vingtaine de questions qui permettent de déterminer si elles sont en emploi, au chômage ou inactives au sens du BIT. Toutes ces questions se rapportent à une semaine donnée, dite « semaine de référence », précédant de peu l’interrogation. Ces semaines sont réparties uniformément sur l’année. L’enquête Emploi en continu est un panel rotatif, c’est-à-dire que chaque logement entrant dans l’enquête est enquêté six trimestres de suite.

L’enquête Emploi permet notamment de mesurer le taux d’emploi. Elle fournit également des informations sur les caractéristiques des personnes en emploi (âge, sexe, niveau de diplôme, situation de handicap, etc.) et de l’emploi qu’elles occupent (type de contrat de travail, temps de travail, catégorie socioprofessionnelle, etc.), ainsi que des indicateurs de sous-emploi (personnes qui travaillent involontairement moins que ce qu’elles souhaitent : personnes travaillant à temps partiel mais souhaitant travailler davantage et disponibles pour le faire, personnes à temps complet ou partiel travaillant moins que d’habitude pour des raisons de chômage technique, etc.).

L’enquête Emploi fournit de l’information sur les travailleurs indépendants ; il s’agit des personnes ayant déclaré exercer leur profession principale en tant qu’indépendant, à leur compte ou comme dirigeant salarié.

Méthode

Indicateur de contrainte par statut (salarié / indépendant)

Une personne est définie ici comme « contrainte » dans son offre de travail si elle déclare souhaiter travailler et que son offre de travail est non utilisée – elle est alors en non-emploi contraint (au chômage au sens du BIT ou dans le halo autour du chômage) – ou sous-utilisée (sous-emploi). Un « participant au marché du travail » est défini ici comme une personne en emploi ou contrainte, autrement dit soit active au sens du BIT (emploi + chômage), soit dans le halo autour du chômage.
Dans l’enquête Emploi en continu (sources), les habitants de chacun des logements de l’échantillon sont interrogés six trimestres de suite. On peut alors, pour mieux prendre en compte les parcours discontinus, calculer un taux de contrainte sur l’année en utilisant cinq interrogations successives (la première et la dernière de ces cinq interrogations étant au total espacées d’un an). Ce taux de contrainte se calcule sur l’ensemble des participants au marché du travail au cours d’au moins une des cinq interrogations. Il représente la part, parmi ces individus, de ceux ayant connu au moins une situation de contrainte dans l’année. On peut alors distinguer trois situations de contraintes : n’avoir jamais été en emploi, avoir alterné entre emploi et non-emploi contraint, ou avoir toujours été en emploi mais au moins une fois en sous-emploi [Picart, 2018].

Indicateur de contrainte et statut

Cet indicateur peut sans difficulté se calculer par sexe, âge ou niveau de diplôme, car ces caractéristiques sont connues quelle que soit la situation d’emploi. Le calcul par statut (salarié, indépendant) soulève une difficulté, car un participant au marché du travail peut changer de statut ou ne pas avoir d’emploi, et donc pas de statut d’emploi, au cours de la période.
On adopte alors la démarche suivante :

  • les interrogations de rang 2 à 6 dans l’enquête Emploi en continu sont utilisées pour calculer l’indicateur de contrainte ;
  • la première interrogation (rang 1) sert à déterminer le statut un trimestre avant le début de l’année suivie ;
  • en cas de non-emploi lors de la première interrogation, le statut est celui du dernier emploi connu précédant l’enquête.

Cependant, on ne peut pas attribuer de statut indépendant / salarié aux participants au marché du travail qui n’ont jamais eu d’emploi : le taux de contrainte par statut reste donc inférieur au taux de contrainte global, qui inclut ces nouveaux entrants sur le marché du travail (figure 1).

Indicateur de contrainte et année de référence

L’indicateur de contrainte de l’année N est calculé sur les personnes interrogées pour la première fois l’année N-1. Il mobilise donc des informations allant du second trimestre de N-1 (2e interrogation pour les personnes interrogées pour la première fois au premier trimestre de l’année N-1) au premier trimestre de N+1 (6e interrogation pour les personnes interrogées la première fois au quatrième trimestre de l’année N-1). On choisit l’année N comme année de référence, et non l’année de première interrogation, N-1, car, parmi les 20 interrogations mobilisées, 13 sont de l’année N, 6 de l’année N-1 et 1 de l’année N+1.
Avant 2002, l’enquête Emploi était annuelle et les habitants des logements enquêtés étaient interrogés trois années de suite. Sur la période 1990-2002, on considère alors les personnes répondantes au moins deux années successives (N et N+1), et on utilise les questions du calendrier rétrospectif de l’enquête en N+1, couvrant les 12 mois de N à N+1, afin de repérer les alternances entre emploi et non-emploi contraint. Le taux de contrainte obtenu n’est donc pas, conceptuellement, exactement identique à celui calculé à partir de 2003.

Indicateur de contrainte sur des champs restreints

Pour les personnes sans emploi, la description du dernier emploi avant l’enquête permet de connaître le statut (salarié / indépendant) et la catégorie socioprofessionnelle, mais ne permet pas de savoir si un indépendant était micro-entrepreneur, ni quelle était sa profession à un niveau détaillé. Dans les parties mobilisant ces informations, qui ne sont disponibles que pour ceux en emploi au moins une fois au cours des six interrogations de l’enquête Emploi en continu, l’indicateur de contrainte calculé est inférieur au précédent puisqu’il exclut les personnes qui ne sont jamais en emploi lors de l’enquête. En cas d’emplois multiples dans l’année, un des emplois est tiré aléatoirement parmi ceux du statut le plus fréquent (salarié ou indépendant).
En 2017, le module complémentaire sur les formes d’emploi indépendant a été adressé aux répondants de l’enquête Emploi en sixième interrogation qui étaient indépendants (hors aides familiaux). Par construction, ces enquêtés sont en emploi lors de leur sixième interrogation. Pour comparaison, un indicateur de contrainte rétro­actif a aussi été calculé à partir des cinq interrogations précédentes. Il donne des résultats proches de l’indicateur de contrainte normal.

Babet D., « Un travailleur indépendant sur cinq dépend économiquement d’une autre entité », Insee Première n° 1748, avril 2019.

Insee, Fiche « Situations contraintes sur le marché du travail » in Emploi, chômage, revenus du travail, coll. « Insee Références », édition 2019.

Picart C., « De plus en plus de personnes en situation contrainte sur le marché du travail », in « Le marché du travail en 2017 : l’emploi accélère et le chômage baisse davantage », in Emploi, chômage, revenus du travail, coll. « Insee Références », édition 2018.

Par ailleurs, jusqu’en 2002, le questionnaire de l’enquête Emploi mentionnait, avec les intempéries, la « réduction saisonnière d’activité », ce qui a pu occasionner une légère rupture de série à la baisse sur la déclaration de cette composante du sous-emploi.

La composante « jamais en emploi » de l’indicateur de contrainte ne peut pas être mesurée pour le statut de micro-entrepreneur car ce statut n’est demandé que pour les emplois en cours (méthode).

Par ailleurs, jusqu’en 2002, le questionnaire de l’enquête Emploi mentionnait, avec les intempéries, la « réduction saisonnière d’activité », ce qui a pu occasionner une légère rupture de série à la baisse sur la déclaration de cette composante du sous-emploi.

La composante « jamais en emploi » de l’indicateur de contrainte ne peut pas être mesurée pour le statut de micro-entrepreneur car ce statut n’est demandé que pour les emplois en cours (méthode).

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