France, portrait social Édition 2023

Cet ouvrage dresse un panorama des inégalités sociales dans plusieurs domaines. La satisfaction dans la vie et le bien-être, l’état de santé des jeunes et leur consommation de substances psychoactives, la proximité sociale des personnes en couple, les inégalités de niveau de vie et de patrimoine, les inégalités d’orientation à la fin du collège et les inégalités en matière de santé, en France et en Europe sont ainsi abordés en mobilisant les nomenclatures socioéconomiques ou socioprofessionnelles, dont la nouvelle PCS Ménage ou encore les classes d’emploi.

Par ailleurs, deux dossiers analysent le niveau de vie des ménages en 2022, année marquée par une forte inflation.

Insee Références
Paru le :Paru le23/11/2023
Erwan Pouliquen (Insee)
France, portrait social- Novembre 2023
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Dans quatre couples sur dix, les deux conjoints appartiennent au même groupe social

Erwan Pouliquen (Insee)

En 2021-2022, six adultes sur dix vivent en couple au sein d’un même logement. Le comportement de conjugalité est très lié à la position sociale, approchée ici par les classes d’emploi. Ainsi, quatre personnes en couple cohabitant sur dix vivent avec une personne de la même classe d’emploi. Ce phénomène d’homogamie sociale est plus fréquent au sein des emplois de niveau supérieur où une personne en couple sur deux vit avec un conjoint de la même catégorie. Les indépendants ont un comportement d’homogamie plus marqué que les salariés. Lorsqu’ils ne se font pas dans la même classe d’emploi, les couples entre indépendants se forment plus souvent entre personnes de classes d’emploi voisines que pour les salariés. Partager le même niveau de diplôme que son conjoint ou avoir des parents relevant des mêmes positions sociales que les parents de son conjoint augmente les chances de former un couple homogame socialement.

Insee Références

Paru le :23/11/2023

L'homogamie sociale

Six adultes sur dix vivent en couple dans le même logement

En 2021-2022, 60 % des individus âgés de 18 à 89 ans résidant en logement ordinaire en France (hors Mayotte) vivent en couple au sein d’un même logement. La propension à vivre en couple varie en fonction de l’âge et du sexe, reflétant des effets liés au cycle de vie mais aussi des comportements conjugaux ayant évolué au fil des générations (encadré 1). Le comportement de conjugalité dépend de divers facteurs dont le niveau d’éducation [Daguet, 2023] ou la position socioprofessionnelle des individus [Vanderschelden, 2006]. Dans cette étude, ce comportement est analysé selon une grille à cinq postes, établie en fonction des classes d’emploi, qui distinguent, pour les personnes en emploi ou ayant travaillé, quatre niveaux de qualification (les emplois de niveau supérieur, les emplois de niveau intermédiaire, les emplois dits d’exécution qualifiés et les emplois dits d'exécution peu qualifiés, ces derniers rassemblant à la fois le salariat d’exécution et les indépendants parmi les moins qualifiés, agriculteurs, artisans ou commerçants, dénommés par la suite petits indépendants), une cinquième catégorie étant constituée des inactifs n’ayant jamais travaillé (encadré 2). À la différence de la nomenclature des professions et catégories socioprofessionnelles (PCS), cette grille permet de regrouper dans sa version agrégée des indépendants et des salariés de niveaux de qualification comparables au sein de chacune des quatre classes d’emploi. Par ailleurs, elle complète l’approche historique des PCS en proposant une grille de lecture actualisée de la société fondée sur une définition contemporaine de la qualification.

Quatre couples sur dix sont homogames socialement

En 2022, près de quatre personnes en couple cohabitant sur dix vivent avec une personne de la même classe d’emploi : l’adage « qui se ressemble s’assemble » semble donc toujours d’actualité (figure 1). Depuis le début des années 2000, cette proportion est restée assez stable.

Figure 1 - Homogamie et indice de mesure relative d’homogamie depuis 2003

Figure 1 - Homogamie et indice de mesure relative d’homogamie depuis 2003 - Lecture : En 2014, 35,1 % des couples sont en situation d’homogamie (échelle de gauche) et l’indice d’homogamie est de 0,72 (échelle de droite).
Année Homogamie
(en %)
Indice
d’homogamie
(échelle de
droite)
Homogamie
(en %)
Indice
d’homogamie
(échelle de
droite)
Homogamie
(en %)
Indice
d’homogamie
(échelle de
droite)
2003 31,0 0,73
2004 31,3 0,73
2005 32,0 0,74
2006 32,1 0,74
2007 31,9 0,75
2008 32,0 0,74
2009 32,2 0,74
2010 32,7 0,74
2011 32,7 0,75
2012 32,5 0,75
2013 35,3 0,72
2014 35,1 0,72
2015 35,5 0,72
2016 35,6 0,72
2017 36,2 0,72
2018 35,5 0,72
2019 35,7 0,72
2020 36,1 0,72
2021 37,3 0,70
2022 38,5 0,72
  • Notes : L’indice de mesure relative d’homogamie mesure la part comportementale de l’homogamie, indépendante de la répartition de la population par classe d’emploi. Il varie entre 0, en cas d’absence d’homogamie nette des effets de structure dans la population considérée, et 1. Les années 2013 et 2021 marquent des ruptures de séries générées par des changements de questionnaire et de protocole dans l’enquête Emploi (sources et méthodes).
  • Lecture : En 2014, 35,1 % des couples sont en situation d’homogamie (échelle de gauche) et l’indice d’homogamie est de 0,72 (échelle de droite).
  • Champ : France métropolitaine jusqu'en 2013, France hors Mayotte à partir de 2014, personnes de 18 à 89 ans vivant en logement ordinaire, en couple cohabitant.
  • Source : Insee, enquêtes Emploi.

Figure 1 - Homogamie et indice de mesure relative d’homogamie depuis 2003

  • Notes : L’indice de mesure relative d’homogamie mesure la part comportementale de l’homogamie, indépendante de la répartition de la population par classe d’emploi. Il varie entre 0, en cas d’absence d’homogamie nette des effets de structure dans la population considérée, et 1. Les années 2013 et 2021 marquent des ruptures de séries générées par des changements de questionnaire et de protocole dans l’enquête Emploi (sources et méthodes).
  • Lecture : En 2014, 35,1 % des couples sont en situation d’homogamie (échelle de gauche) et l’indice d’homogamie est de 0,72 (échelle de droite).
  • Champ : France métropolitaine jusqu'en 2013, France hors Mayotte à partir de 2014, personnes de 18 à 89 ans vivant en logement ordinaire, en couple cohabitant.
  • Source : Insee, enquêtes Emploi.

Ce phénomène d’ sociale dépend tout d’abord de la façon dont les hommes et les femmes en couple se répartissent dans les différentes classes d’emploi, la plupart des couples étant composés de personnes de sexe différent. Si une catégorie concentre une part importante des personnes en couple, alors ces dernières ont plus de chances d’être homogames, c’est-à-dire d’avoir un conjoint de la même catégorie sociale. Cela correspond à la composante structurelle de l’homogamie, liée à un effet de composition des catégories sociales. Par ailleurs, le phénomène reflète également la préférence des individus à s’unir avec des personnes dotées des mêmes attributs sociaux. Il s’agit alors de la composante comportementale de l’homogamie.

L’indice de mesure relative d’homogamie, qui permet de neutraliser les effets de structure, est de 0,72 en 2022, indiquant que les comportements exercent un effet important sur l’homogamie sociale, appréciée à l’aune de la grille en cinq postes des classes d’emploi (encadré 3). Les comportements d’homogamie sont légèrement plus répandus au sein des couples de même sexe (indice de mesure relative d’homogamie de 0,77) qu’au sein des couples de sexe différent (0,71). Sur l’ensemble des couples, la valeur de cet indice sur la période 2003-2022 confirme la stabilité de la tendance comportementale à choisir un conjoint de la même catégorie sociale. Sur une période plus longue, Ouvrir dans un nouvel ongletBouchet-Valat (2014) avait toutefois constaté une baisse de l’homogamie entre 1969 et 2011.

Les femmes occupent plus souvent une position sociale moins élevée que leur conjoint

L’homogamie sociale varie fortement selon les classes d’emploi. En 2021-2022, elle concerne une personne en couple sur deux ayant un emploi de niveau supérieur, mais seulement une sur trois parmi les emplois d’exécution peu qualifiés (figure 2). L’écart entre la classe des emplois de niveau supérieur et les autres catégories est plus marqué pour les femmes. Ainsi, parmi les personnes relevant des emplois de niveau supérieur, 60 % des femmes sont homogames, contre 44 % des hommes. À l’inverse, parmi les personnes appartenant à la classe des emplois d’exécution peu qualifiés, 29 % des femmes vivent avec un conjoint de la même classe, contre 43 % des hommes.

Figure 2 - Part de personnes homogames et hypergames selon leur classe d’emploi

en %
Figure 2 - Part de personnes homogames et hypergames selon leur classe d’emploi (en %) - Lecture : Parmi les femmes en couple appartenant à la classe des emplois de niveau intermédiaire, 33,7 % ont un conjoint relevant de la même classe d’emploi (homogamie) et 33,2 % vivent avec un conjoint appartenant à une classe d’emploi supérieure (hypergamie).
Classe d’emploi Personnes homogames Personnes hypergames
Femmes Hommes Ensemble Femmes Hommes
Emplois de niveau supérieur 59,6 44,3 50,7 /// ///
Emplois de niveau intermédiaire 33,7 29,1 31,2 33,2 18,9
Emplois d’exécution qualifiés 38,3 36,1 37,1 43,8 23,5
Emplois d’exécution peu qualifiés 29,2 42,9 34,8 70,4 48,8
Inactifs n’ayant jamais travaillé 5,1 43,8 9,0 94,9 56,2
Ensemble 37,9 37,9 37,9 41,8 20,4
  • /// : absence de résultat due à la nature des choses.
  • Lecture : Parmi les femmes en couple appartenant à la classe des emplois de niveau intermédiaire, 33,7 % ont un conjoint relevant de la même classe d’emploi (homogamie) et 33,2 % vivent avec un conjoint appartenant à une classe d’emploi supérieure (hypergamie).
  • Champ : France hors Mayotte, personnes de 18 à 89 ans vivant en logement ordinaire, en couple cohabitant.
  • Source : Insee, enquêtes Emploi 2021 et 2022.

Les femmes sont plus souvent en situation d’ : 42 % des femmes en couple occupent une position sociale moins élevée que leur conjoint – un homme dans la très grande majorité des cas –, contre 20 % des hommes. Bien que la part des femmes parmi les cadres ait par exemple doublé en 40 ans [Roussel, 2022], la répartition des professions occupées selon le genre reste déséquilibrée. Les femmes occupent moins souvent des emplois de niveau supérieur ou intermédiaire : c’est le cas de 41 % des femmes en couple, contre 52 % des hommes (figure B de l'encadré 2)
.

Les salariés des emplois de niveau supérieur choisissent plus souvent un conjoint de même niveau social

Une grille plus détaillée en neuf catégories distingue salariés et indépendants. La mesure de l’homogamie dépend directement de la maille de la grille adoptée (sources et méthodes). Ainsi, une personne en couple sur trois (32 %) est homogame au sens de cette grille détaillée (figure 3), soit 6 points de moins qu’au sens de la grille agrégée mobilisée dans le reste de l’étude (38 %).

Figure 3 - Répartition des personnes en couple selon leur classe d’emploi et celle de leur conjoint

  • Lecture : 9,9 % des personnes relèvent de la classe d’emploi salarié de niveau supérieur, et sont en couple avec une personne relevant également de cette catégorie.
  • Champ : France hors Mayotte, personnes de 18 à 89 ans vivant en logement ordinaire, en couple cohabitant.
  • Source : Insee, enquêtes Emploi 2021 et 2022.

75 % des couples sont composés de deux personnes salariées (ou anciennement salariées pour les personnes qui ne travaillent pas). En 2021-2022, ces couples sont en situation d’homogamie dans 39 % des cas. À tous les niveaux des classes d’emploi salarié, l’homogamie est plus fréquente que si les individus s’étaient unis au hasard (figure 4, encadré 3). C’est le cas en particulier au sommet et, dans une moindre mesure, à la base de cette échelle.

Figure 4 - Rapport des chances d’union des personnes en couple selon leur classe d’emploi et celle de leur conjoint

  • ns : non significatif.
  • Lecture : Les chances des personnes relevant du salariat supérieur d’être en couple avec une personne de la même catégorie plutôt qu’avec une autre personne sont 5 fois plus élevées que les chances des personnes relevant des autres catégories à être en couple avec une personne du salariat supérieur plutôt qu’avec une personne d’une autre catégorie.
  • Champ : France hors Mayotte, personnes de 18 à 89 ans vivant en logement ordinaire, en couple cohabitant.
  • Source : Insee, enquêtes Emploi 2021 et 2022.

Les couples homogames de la classe des emplois salariés de niveau supérieur sont 1,6 fois plus nombreux que ceux de la classe des emplois salariés d’exécution peu qualifiés (12 % des couples de salariés, contre 8 %). Les premiers comprennent par exemple les enseignants, les ingénieurs, les cadres, les journalistes, les médecins salariés. Les seconds comprennent notamment les agents de service du public, les personnels d’aide au maintien à domicile des personnes fragiles, les employés de cafés, restaurants et hôtels, les ouvriers peu qualifiés du nettoyage, les caissiers. Entre les deux, figurent les infirmiers, les personnels de catégorie B de l’État, les techniciens et agents de maîtrise ou les travailleurs sociaux parmi la classe des emplois de niveau intermédiaire d’une part, et d’autre part, parmi la classe des emplois d’exécution qualifiés, les aides-soignants, les employés d’accueil de la petite enfance, les employés administratifs, les ouvriers qualifiés, les conducteurs de véhicules de transport de marchandises. Les chances des salariés relevant de la classe des emplois de niveau supérieur d’être en couple avec une personne salariée de la même classe plutôt qu’avec une autre personne sont 5 fois plus élevées que les chances des personnes relevant des autres classes. Autrement dit, une personne appartenant à la classe d’emploi salarié de niveau supérieur a plus tendance à choisir de s’unir avec une autre personne de cette même classe, reflétant un phénomène d’homogamie comportementale. Pour les couples relevant du salariat d’exécution peu qualifié, ce rapport de chances s’établit à 2,5, indiquant aussi des comportements d’homogamie, moins prégnants que dans le haut de l’échelle sociale, mais plus marqués que pour les couples salariés dans les deux autres classes.

Les couples de salariés appartenant à des classes d’emploi voisines sont fréquents : cette situation représente 41 % des couples de salariés et 31 % des couples. Cette fréquence n’est cependant pas plus forte que si les individus s’étaient unis au hasard. En effet, le rapport de chances dans de telles configurations est le plus souvent proche de 1, indiquant que le choix du conjoint n’est pas lié, en moyenne, à sa position sociale. Les salariés d’exécution font exception : parmi eux, les unions entre une personne qualifiée et une autre peu qualifiée sont proportionnellement plus nombreuses que si ces unions s’étaient formées au hasard (rapports de chances de 1,4 en considérant un couple avec une personne de référence peu qualifiée et un conjoint qualifié et 2,0 dans la configuration inverse).

Chez les indépendants, les conjoints exercent souvent le même métier

Les couples composés de deux indépendants sont peu nombreux (4 %), mais l’homogamie sociale est très répandue au sein de ces couples. Les deux tiers des couples d’indépendants sont homogames, soit près de deux fois plus souvent que l’ensemble des couples (au sens de la grille détaillée). En bas de l’échelle, les couples de deux petits indépendants correspondent au schéma d’union le plus fréquent. Il s’agit le plus souvent d’un couple d’exploitants agricoles, d’exploitants de cafés, restaurants ou hôtels, de commerçants ou d’artisans. Le degré d’homogamie est de loin le plus élevé parmi les petits indépendants avec salarié ou aide familial (rapport de chances de 21,6). Dans ces couples, les conjoints travaillent dans un cas sur deux dans la même entreprise.

L’homogamie est également très forte au sein des emplois indépendants de niveau supérieur (rapport de chances de 9,2). Ceux-ci comprennent les indépendants exerçant des professions libérales, de santé (médecins, pharmaciens) ou juridiques et techniques (avocats notamment), ainsi que les chefs d’entreprise de onze personnes ou plus, les artistes et les journalistes. Pour les deux tiers des couples rassemblant deux indépendants relevant des emplois de niveau supérieur, les conjoints exercent la même profession (selon la grille des professions regroupées, correspondant au niveau 3 de la nomenclature PCS 2020), soit 3 fois plus que parmi l’ensemble des couples homogames. Un couple sur trois travaille dans la même entreprise. À la différence des salariés, les unions entre travailleurs indépendants de catégories voisines, notamment entre emplois supérieurs et intermédiaires, sont plus fréquentes que si les unions s’étaient formées au hasard.

Parmi les couples indépendant‑salarié, une homogamie plus fréquente parmi les emplois de niveau supérieur

Les couples unissant un salarié et un indépendant représentent 17 % des couples. Il s’agit très majoritairement (70 %) de couples constitués d’un homme indépendant et d’une femme salariée. Malgré la différence de statut, une certaine proximité de niveau social existe au sein de ces couples. Ainsi, pour 36 % d’entre eux, les deux membres relèvent du même niveau social. Cette homogamie parmi les couples de statut différent est cependant essentiellement liée à la structure de la population puisque les rapports de chances sont proches de 1 : ces situations ne sont pas plus fréquentes que si les unions s’étaient faites au hasard, sauf pour les membres des classes d’emploi de niveau supérieur. Au total, bien que les couples d’indépendants soient moins nombreux, un indépendant semble davantage choisir de se mettre en couple avec un autre indépendant (rapport de chances de 3,5) qu’avec un salarié.

Les femmes n’ayant jamais travaillé sont plus souvent en couple avec un homme d’une classe d’emploi d’exécution

Dans 5 % des couples, un des conjoints au moins n’a jamais travaillé. Les personnes inactives n’ayant jamais travaillé sont très majoritairement des femmes, le plus souvent en couple avec une personne ayant déjà travaillé (95 %). Les femmes n’ayant jamais travaillé, qui se déclarent majoritairement femmes au foyer, forment plus souvent qu’au hasard un couple avec un petit indépendant ou un salarié peu qualifié. Toutefois, l’homogamie de cette catégorie est très marquée : une personne n’ayant jamais travaillé a 9,2 fois plus de chances que les autres de former un couple avec une autre personne n’ayant jamais travaillé plutôt qu’avec une personne dans une autre situation. 44 % des hommes n’ayant jamais travaillé sont en couple avec une personne elle‑même dans cette situation. Les hommes n’ayant jamais travaillé sont peu nombreux, notamment parmi la population en couple (0,5 %) et les trois quarts d’entre eux sont étudiants.

Avoir la même origine sociale que son conjoint est un facteur qui favorise l’homogamie

De nombreux facteurs influent sur la probabilité pour les individus en couple d’être homogames. L’homogamie a notamment tendance à diminuer avec l’âge, en particulier pour les femmes (figure 5). Même au sein d’un couple stable, les positions sociales de chacun des membres ne sont pas figées et peuvent évoluer en fonction des carrières professionnelles. La maternité pourrait contribuer à l’augmentation de l’hypergamie des femmes. En effet, après l’arrivée d’un enfant, la mobilité professionnelle des femmes a tendance à diminuer par rapport à celle des hommes [Erb et al., 2022], réduisant le cas échéant leurs chances de promotion. Par ailleurs, en vieillissant, les personnes qui ont vécu des ruptures conjugales deviennent plus nombreuses et la probabilité de former un couple homogame est légèrement inférieure pour les femmes pour les unions postérieures à la première [Vanderschelden, 2006].

Figure 5 - Influence des caractéristiques des personnes, des critères de ressemblance avec le conjoint et de l’origine sociale sur la probabilité d’être en situation d’homogamie sociale

odds ratio
Figure 5 - Influence des caractéristiques des personnes, des critères de ressemblance avec le conjoint et de l’origine sociale sur la probabilité d’être en situation d’homogamie sociale (odds ratio) - Lecture : Toutes choses égales par ailleurs, une femme en couple âgée de 18 à 24 ans a 1,2 fois plus de chances qu’une femme en couple âgée de 25 à 39 ans d’être en situation d’homogamie sociale plutôt que de ne pas l’être.
Caractéristiques Hommes Femmes Ensemble
Critères de ressemblance du couple
Diplôme
Même niveau 1,8 1,9 1,8
Niveau distinct (Réf.)
Origine sociale
Même origine 1,1 1,1 1,1
Origine distincte (Réf.)
Lieu de naissance
Même lieu 0,9 ns 0,9
Lieu distinct (Réf.)
Mobilité sociale
Même classe d’emploi que le père 1,3 1,4 1,4
Classe d’emploi différente de celle du père (Réf.)
Même classe d’emploi que la mère 1,3 ns 1,2
Classe d’emploi différente de celle de la mère (Réf.)
Classe d’emploi
Emplois de niveau supérieur 1,8 2,4 2,0
Emplois de niveau intermédiaire (Réf.)
Emplois d’exécution qualifiés 1,2 1,1 1,2
Emplois d’exécution peu qualifiés 1,5 0,7 ns
Inactifs n’ayant jamais travaillé 2,0 0,1 0,3
Statut
Salarié du privé (Réf.)
Agent de la fonction publique 1,4 ns 1,2
Indépendant 1,1 1,4 1,3
Âge
18 à 24 ans ns 1,2 1,1
25 à 39 ans (Réf.)
40 à 49 ans ns ns 0,9
50 à 59 ans 0,8 0,9 0,8
60 à 64 ans 0,8 0,8 0,8
Statut face à l’immigration
Immigré 0,9 1,2 ns
Descendant d’immigré ns ns ns
Sans ascendance migratoire directe (Réf.)
  • ns : non significatif ; Réf. : modalité de référence.
  • Note : Seules les modalités significatives au seuil de 5 % sont représentées. Compte tenu de la forte corrélation existant entre classes d’emploi et diplôme, le niveau de diplôme n’a pas pu être intégré au modèle. Un même lieu de naissance correspond à un même département de naissance pour les personnes nées en France, un même pays de naissance pour celles nées à l’étranger. L’origine sociale correspond ici à la classe d’emploi la plus haute des deux parents.
  • Lecture : Toutes choses égales par ailleurs, une femme en couple âgée de 18 à 24 ans a 1,2 fois plus de chances qu’une femme en couple âgée de 25 à 39 ans d’être en situation d’homogamie sociale plutôt que de ne pas l’être.
  • Champ : France hors Mayotte, personnes de 18 à 64 ans vivant en logement ordinaire, en couple cohabitant.
  • Source : Insee, enquêtes Emploi 2021 et 2022.

Les individus s’unissent plus souvent avec des conjoints qui leur ressemblent et les critères de ressemblance sont plutôt cumulatifs, à commencer par l’homogamie éducative. À et géographique, statut d’emploi (salarié du secteur privé, public ou travailleur indépendant), nationalité, âge et classe d’emploi donnés, les individus en couple qui partagent le même niveau de diplôme que leur conjoint ont 1,8 fois plus de chances d’être en situation d’homogamie sociale. Au-delà de cet effet moyen, l’homogamie de diplôme est particulièrement forte pour les individus homogames relevant des emplois de niveau supérieur et d’exécution peu qualifiés. Par ailleurs, lorsque les membres du couple partagent les mêmes origines sociales, la probabilité d’être homogame est 1,1 fois plus importante. En revanche, avoir le même lieu de naissance (même département pour les personnes nées en France) est un critère de ressemblance entre conjoints qui, dans l’ensemble, diminue légèrement leur probabilité d’être dans la même classe d’emploi. Cet effet moyen recouvre des disparités selon la position sociale. Les individus homogames des classes supérieure et intermédiaire forment moins souvent un couple avec une personne née au même endroit qu’elles, sans doute parce qu’ils font plus fréquemment des études supérieures hors de leur département d’origine, tandis que les individus homogames des classes d’emploi d’exécution partagent plus souvent ce critère de ressemblance.

Origine sociale et homogamie sont aussi très liées et participent à la reproduction sociale. Les individus qui relèvent de la même classe d’emploi que l’un de leurs parents ont 1,2 à 1,4 fois plus de chances d’être homogames et donc de choisir également un conjoint qui relève de la même classe d’emploi.

Encadré 1 – La propension à vivre en couple augmente avec la position sociale

Les personnes sont d’autant plus fréquemment en couple que leur position sociale est élevée. Plus de deux personnes sur trois relevant de la classe d’emploi de niveau supérieur sont en couple. Ce n’est le cas que d’une personne sur deux au sein des emplois d’exécution peu qualifiés. Pour les hommes, ce lien entre position sociale et propension à vivre en couple est particulièrement net au-delà de 35 ans et s’atténue après 75 ans. Pour les femmes, avant 35 ans, la propension à vivre en couple augmente nettement avec le niveau de classe d’emploi. Entre 35 et 54 ans, les femmes des classes d’emploi de niveau supérieur se distinguent toujours des autres mais les femmes n’ayant jamais travaillé sont également plus souvent en couple, reflétant probablement la répartition traditionnelle des rôles au sein des couples : ces femmes ne travaillent pas, car elles s’occupent de leurs enfants. Si les profils d’activité des femmes et des hommes se sont nettement rapprochés en cinquante ans, l’inactivité des femmes reste très liée à leur situation familiale [Algava, Bloch, 2022]. Entre 55 et 74 ans, c’est parmi les emplois d’exécution qualifiés que la proportion de femmes en couple est la plus importante. Ces constats reflètent une évolution de la structure socioprofessionnelle des femmes et des changements de comportements dans le temps. De fait, auparavant, le mariage constituait un facteur d’ascension sociale pour les femmes [Ouvrir dans un nouvel ongletde Singly, 1977]. Leur propension à être en couple était plus élevée au bas de l’échelle sociale. L’union des femmes avec des hommes de position plus élevée allait de pair avec un taux de célibat des femmes plus important au sommet [Ouvrir dans un nouvel ongletBouchet-Valat, 2018].

Encadré 2 – Comment sont construites les classes d’emploi ?

Les classes d’emploi proposent une grille de lecture stratifiée de la société, complémentaire aux groupes et catégories historiques de la nomenclature des professions et catégories socioprofessionnelles (PCS). Elles proposent une autre façon d’agréger les niveaux les plus fins de la PCS entre eux. Pour les salariés et les anciens salariés, une hiérarchie à quatre niveaux a été construite à partir de regroupements de PCS fondés sur le diplôme requis, la position socioprofessionnelle occupée et le niveau de rémunération. Pour les indépendants (personnes travaillant ou ayant travaillé à leur compte), une hiérarchie comparable a été bâtie par rapprochement avec le niveau des professions équivalentes exercées en tant que salarié et la taille de l’entreprise. Une combinaison de ces deux stratifications permet de rapprocher les salariés et les indépendants, en retenant comme premier principe de classement la position sur l’échelle sociale (figure A). Les personnes sont ensuite classées dans la classe d’emploi qui correspond à leur statut ou ancien statut (indépendant ou salarié), leur PCS et la taille de leur entreprise pour les indépendants. Afin de prendre en compte l’ensemble des situations, la catégorie des personnes n’ayant jamais travaillé est ajoutée. Elle comprend très majoritairement des inactifs (92 %) et quelques chômeurs (8 %). Par convention, cette catégorie est désignée « Inactifs n’ayant jamais travaillé ». Cette grille à cinq positions constitue la principale grille d’analyse mobilisée dans cette étude. Elle enrichit l’analyse de l’homogamie sociale par rapport à celle fondée sur la PCS, dans la mesure où elle permet de comparer la position sociale des membres d’un couple formé d’un indépendant et d’un salarié. Une grille plus détaillée, comportant neuf positions, distingue les indépendants et les salariés, afin de caractériser le rôle du statut sur les comportements conjugaux (figure B).

Figure A - Schéma agrégé des classes d’emploi

  • Source : Amossé T., « La nomenclature socioprofessionnelle 2020 - Continuité et innovation, pour des usages renforcés », Courrier des statistiques n° 4, 2020, Insee.

Figure B - Répartition par classe d’emploi de la population et de la population en couple

en %
Figure B - Répartition par classe d’emploi de la population et de la population en couple (en %) - Lecture : Parmi les femmes âgées de 18 à 89 ans, 17,0 % relèvent de la classe d’emploi salarié de niveau supérieur ; cette proportion s’établit à 18,8 % lorsqu’elles sont en couple.
Classe d’emploi Population de 18 à 89 ans Population de 18 à 89 ans en couple cohabitant
Femmes Hommes Ensemble Femmes Hommes Ensemble
Emplois salariés de niveau supérieur 17,0 20,8 18,8 18,8 24,0 21,4
Emplois salariés de niveau intermédiaire 17,2 19,8 18,4 18,3 21,5 19,9
Emplois salariés d’exécution qualifiés 25,0 24,9 24,9 25,8 24,9 25,4
Emplois salariés d’exécution peu qualifiés 25,4 15,7 20,7 23,8 12,5 18,1
Emplois indépendants de niveau supérieur 1,5 3,1 2,3 1,8 3,8 2,8
Emplois indépendants de niveau intermédiaire 2,3 2,5 2,4 2,6 2,7 2,7
Emplois de petits indépendants, avec salarié ou aide familial 2,0 4,2 3,1 2,4 5,0 3,7
Emplois de petits indépendants, sans salarié ni aide familial 2,2 4,6 3,4 2,3 5,0 3,6
Inactifs n’ayant jamais travaillé 7,4 4,4 6,0 4,3 0,5 2,4
Ensemble 100,0 100,0 100,0 100,0 100,0 100,0
  • Lecture : Parmi les femmes âgées de 18 à 89 ans, 17,0 % relèvent de la classe d’emploi salarié de niveau supérieur ; cette proportion s’établit à 18,8 % lorsqu’elles sont en couple.
  • Champ : France hors Mayotte, personnes de 18 à 89 ans vivant en logement ordinaire.
  • Source : Insee, enquêtes Emploi 2021 et 2022.

Encadré 3 – Les indicateurs de mesure de l’homogamie

La construction d’indices d’homogamie a pour objectif de mesurer la composante comportementale du phénomène, par une mesure relative qui s’affranchit des effets de structure de la population. En effet, si une classe d’emploi regroupe une forte proportion d’individus, les personnes dans cette classe ont plus de chances d’être en couple avec une personne de la même catégorie et donc d’être en situation d’homogamie. Pour permettre les comparaisons temporelles ou entre sous-populations, il convient de choisir des indices insensibles à la répartition de la population par groupe social. L’indice de mesure relative d’homogamie et l’indice de rapport des chances possèdent cette bonne propriété [Ouvrir dans un nouvel ongletForsé, Chauvel, 1995].

Les tableaux de contingence croisant la classe d’emploi des personnes avec celle de leur conjoint permettent d’analyser la fréquence absolue de toutes les combinaisons d’unions parmi les personnes en couple. Afin de synthétiser un tableau de contingence de k lignes, il est possible de calculer un indice de diagonalité, donnant une mesure relative de l’homogamie, visant à être indépendante de la répartition de la population par classe d’emploi. Il se calcule ainsi :

avec nij le nombre de personnes de référence de catégorie i en couple avec une personne de catégorie j. Cet indice est compris entre 0 et 1. Il vaut 0 en cas d’absence d’homogamie nette des effets de structure dans la population considérée et tend d’autant plus vers 1 que l’homogamie liée aux comportements est forte.

L’indice de rapport des chances s’interprète comme un odds ratio. Il vaut 1 en cas d’indépendance entre les positions des membres du couple. Il est d’autant plus élevé que i et j s’unissent dans une proportion plus importante qu’en cas d’union aléatoire des individus entre eux. Il vaut moins de 1 si, au contraire, cette proportion est plus faible que ne le voudrait le hasard. Il se calcule de la façon suivante pour chaque croisement d’un tableau de contingence :

où :

nij correspond au nombre de personnes de référence de catégorie i en couple avec une personne de catégorie j

ni. est le nombre de personnes de référence appartenant à la catégorie i

n.j est le nombre des conjoints appartenant à la catégorie j

n est la population totale.

Sources et méthodes

L’analyse de l’homogamie au sein des couples est menée à partir de l’enquête Emploi sur l’ensemble des individus âgés de 18 à 89 ans pour lesquels la profession principale (pour les personnes en emploi) ou antérieure (pour les chômeurs et inactifs ayant déjà travaillé) est connue au moment de l’enquête. C’est donc la dernière position sociale connue au moment de l’enquête qui est étudiée ici, et non celle au moment de la mise en couple, peu de sources disposant de cette information.

La notion de couple est restreinte aux individus en couple cohabitant dans le même logement en tant que personne de référence ou conjoint (représentant 99,8 % des personnes en couple cohabitant dans l’enquête Emploi). Les millésimes 2021 et 2022 de l’enquête Emploi sont empilés afin de pouvoir disposer de suffisamment d’observations.

Des changements de questionnaire et de protocole ont eu lieu dans l’enquête Emploi en 2013 et en 2021, générant une rupture de série en 2013 et possiblement en 2021. En effet, sur la période 2014-2020, les données sont rétropolées pour assurer le maximum de comparabilité avec 2021. Ces rétropolations ne permettent cependant pas de corriger d’éventuelles ruptures liées aux changements sur la situation de couple. L’introduction des DOM hors Mayotte en 2014 ne modifie pas les résultats.

La proportion d’homogamie dans une population dépend directement de la grille d’analyse adoptée : elle est d’autant plus élevée que la maille de la grille est large. Ainsi, en ayant recours à la grille agrégée des classes d’emploi avec cinq catégories (encadré 2), la part de personnes vivant dans un couple homogame est de 6 points supérieure à celle calculée avec la grille détaillée distinguant les classes d’emploi des salariés et des indépendants (9 catégories).

La partie de l’étude faisant intervenir l’origine sociale des individus est restreinte aux individus âgés de 18 à 64 ans, car les enquêtés au-delà de cet âge ne sont pas interrogés sur la profession de leurs parents. Cette restriction de champ ne modifie pas les résultats : la proportion de couples homogames n’est que de 0,7 point plus élevée parmi les 18 à 64 ans.

Définitions

Au sein des couples vivant ensemble, l’homogamie désigne l’union de deux personnes ayant la même position sociale au sens de la grille retenue.

L’hypergamie désigne la situation où l’un des deux membres du couple occupe une position sociale plus élevée que l’autre.

L’origine sociale correspond ici à la classe d’emploi (agrégée en cinq catégories) la plus élevée des deux parents de l’individu.

Pour en savoir plus

Algava É., Bloch K., « L’inactivité depuis cinquante ans : la présence d’enfants continue de faire la différence entre femmes et hommes », in Femmes et hommes, l’égalité en question, coll. « Insee Références », édition 2022.

Amossé T., « La nomenclature socioprofessionnelle 2020. Continuité et innovation, pour des usages renforcés », Courrier des statistiques, N4 - 2020.

Bouchet-Valat M., « Ouvrir dans un nouvel ongletHypergamie et célibat selon le statut social en France depuis 1969. Une convergence entre femmes et hommes ? », Revue de l’OFCE, pp. 5-45, n° 160, 2018.

Bouchet-Valat M., « Ouvrir dans un nouvel ongletLes évolutions de l’homogamie de diplôme, de classe et d’origine sociales en France (1969-2011) : ouverture d’ensemble, repli des élites ? », Revue française de sociologie, pp. 459-505, Vol. 55, 2014.

Daguet F., « Les femmes et les hommes très diplômés vivent plus souvent en couple que les peu diplômés », Insee Première n° 1937, février 2023.

de Singly F., « Ouvrir dans un nouvel ongletMobilité féminine par le mariage et dot scolaire : l’exemple nantais », Économie et Statistique, 1977.

Erb L.-A., Olivia T., Breda T., Tô M., « Après la naissance d’un enfant, les conditions de travail diffèrent entre les pères et les mères », Emploi, chômage, revenus du travail, coll. « Insee Références », édition 2022.

Forsé M., Chauvel L., « Ouvrir dans un nouvel ongletL'évolution de l'homogamie en France. Une méthode pour comparer les diagonalités de plusieurs tables », Revue française de sociologie, 1995, 36-1. Mobilité sociale. Histoire, outils d'analyse et connaissance de la société française. Études réunies et présentées par Mohamed Cherkaoui et Louis-André Vallet, pp. 123-142.

Insee, Couples et familles , coll. « Insee Références », édition 2015.

Roussel P., « Femmes et hommes : une lente décrue des inégalités », in Femmes et hommes, l’égalité en question, coll. « Insee Références », édition 2022.

Vanderschelden M., « Position sociale et choix du conjoint : des différences marquées entre hommes et femmes », in Données sociales - La société française, coll. « Insee Références », édition 2006.