Les inégalités salariales sont d’abord décrites avec le salaire en équivalent temps plein (EQTP) ou le salaire net journalier à temps complet, établis à volume de travail donné. Les inégalités de revenu salarial intègrent la variabilité du volume de travail. Ces inégalités sont mesurées ici par les rapports interdéciles et par la part de la masse salariale perçue par les salariés les mieux rémunérés.

Dans le secteur privé, le rapport interdécile D9/D1 du salaire net journalier a beaucoup diminué de 1967 jusqu’au milieu des années 1980, passant de 4,0 à 3,0 (figure 1). Il a ensuite un peu fluctué autour de 3,0 jusqu’en 2019. En 2020, il s’est fortement accru, à 3,5, du fait notamment de la hausse des écarts dans le bas de la distribution : lors de la crise sanitaire, les salariés les moins rémunérés ont été plus fréquemment en situation de chômage partiel, ce qui a diminué plus fortement leur salaire journalier. En 2021, le recours au chômage partiel ayant diminué, le rapport interdécile s’est replié à 3,2. La forte baisse des inégalités dans les années 1970 est due à une réduction des écarts dans le bas de l’échelle des salaires, liée notamment aux revalorisations du Smic ; le rapport du 9^e décile (D9) à la médiane (D5), qui décrit les inégalités dans le haut de l’échelle salariale, est resté bien plus stable sur la période, fluctuant autour de 2,0.

Dans la fonction publique, la dispersion des salaires nets journaliers est moins forte que dans le secteur privé, en particulier dans la moitié supérieure de la distribution : le rapport D9/D5 se situe entre 1,6 et 1,7, contre 2,0 dans le secteur privé. La dispersion des salaires a peu varié depuis la fin des années 1980 dans la fonction publique : le rapport D9/D1 est resté compris entre 2,3 et 2,6, se stabilisant à 2,4 de 2013 à 2021.

Alors que les inégalités de salaire dans le secteur privé ont diminué depuis la fin des années 1960, celles de revenu salarial ont globalement augmenté (figure 2). Notamment, le rapport D9/D1 du revenu salarial dans le secteur privé a fortement augmenté du milieu des années 1970 jusqu’au milieu des années 1990, puis s’est légèrement replié jusqu’en 2008. Après une brève stabilisation, il a baissé à nouveau de 2014 à 2021.

Ces évolutions reflètent celles du bas de l’échelle des revenus salariaux (D5/D1). Les inégalités de revenu salarial s’y sont accrues jusqu’au milieu des années 1990 avec l’amplification des écarts en matière de temps de travail. Elle est liée à la hausse de la part des contrats courts et de l’intérim, plus forte pour les premiers déciles, et à celle de la part de salariés à temps partiel.

Dans le haut de la distribution du revenu salarial, le rapport D9/D5 a globalement peu fluctué sur longue période. Mais la part dans les revenus salariaux du secteur privé des 1 % des salariés les mieux rémunérés a davantage varié (figure 3). Après une baisse au cours des années 1970 (de 8,4 % en 1967 à 6,8 % en 1980), cette part a augmenté entre 1997 et 2018 (de 6,9 % à 8,1 %), hormis un léger recul durant la crise économique de 2008-2009. Cette tendance haussière s’est interrompue avec un repli en 2019 (à 7,6 %), puis cette part est restée inférieure à son niveau de 2018 en 2020 et 2021 (7,9 %). Le dispositif de prime exceptionnelle de pouvoir d’achat (Pepa), ciblé sur les salaires les moins élevés, a notamment favorisé cette rupture de tendance.

Les inégalités de revenu salarial (D9/D1) sont deux fois plus faibles dans la fonction publique que dans le secteur privé, mais sont plus marquées que pour les salaires journaliers. Jusqu’au milieu des années 2000, les inégalités de revenu salarial du secteur public ont été en phase avec celles des salaires journaliers. Après une nouvelle hausse entre 2007 et 2011, elles ont baissé jusqu’en 2014 et se sont stabilisées depuis. Leur évolution provient, comme dans le privé, du bas de l’échelle des revenus salariaux (D5/D1), alors que le rapport D9/D5 est resté globalement stable. La part de la masse salariale perçue par les 1 % les mieux rémunérés, près de deux fois plus faible que dans le secteur privé, est restée stable depuis 2005.