Formations et emploi Édition 2025
L'Insee présente avec Formations et emploi les principales analyses sur les sortants du système éducatif, leur insertion professionnelle et la formation tout au long de la vie.
La plupart des métiers en tension attirent les jeunes mais certains peinent à les fidéliser
Thomas Couppié, Céline Gasquet, Lola Lercari (Céreq)
Deux jeunes sur trois ayant terminé leurs études en 2017 et occupé au moins un emploi durant les trois années suivantes ont exercé au moins un métier en tension, c’est‑à‑dire un métier exposé à des difficultés de recrutement. Ils sont en moyenne plus diplômés que les autres jeunes en emploi. Ils ont également de meilleures conditions d’emploi : 41 % sont embauchés en CDI, contre 22 % des embauches dans les métiers sans tension. Ces meilleures conditions d’emploi expliquent en partie le fait que les jeunes s’inscrivent durablement dans ces métiers en tension. Cependant, les métiers en tension ne constituent pas un tout homogène. Cinq profils types de métiers en tension peuvent être identifiés : deux d’entre eux se caractérisent par un passage transitoire, ils concernent davantage des peu diplômés, à l’instar des métiers d’employés de l’hôtellerie‑restauration ou d’ouvriers agricoles. Les trois autres, à l’ancrage plus durable et nécessitant généralement des compétences particulières, sont plus souvent occupés par des jeunes diplômés. Il s’agit par exemple de métiers d’infirmier, d’ingénieur en informatique ou de professionnels du droit.
Insee Références
Paru le :12/02/2025
- Les jeunes en emploi exercent plus souvent un métier en tension que leurs aînés
- Des métiers en tension plus souvent occupés par des jeunes très diplômés
- Les jeunes dans les métiers en tension tendent à s’y ancrer
- Ces métiers sont aussi associés à de meilleures conditions d’emploi
- Cinq profils types de métiers en tension
- Un sous‑ensemble de métiers de passage, plutôt exercés par les jeunes les moins diplômés
- Un sous‑ensemble de métiers d’ancrage exercés par des jeunes qui y sont formés
- Les conditions d’emploi à l’embauche expliquent en partie l’ancrage dans les métiers en tension
- Encadré – Une typologie des métiers en tension dans les premières années de vie active des jeunes
Les jeunes en emploi exercent plus souvent un métier en tension que leurs aînés
Les métiers en tension résultent de déséquilibres sur le marché du travail que les politiques publiques visent à atténuer en facilitant la concordance entre les compétences des individus et les attentes des employeurs. Si ces déséquilibres se retrouvent dans toutes les catégories d’âge, ils concernent particulièrement les entrants sur le marché du travail. Selon l’enquête Emploi, au 4e trimestre 2021, 56 % des personnes en emploi sorties du système éducatif depuis un à quatre ans occupent un métier en tension (sources et méthodes), contre 48 % de celles sorties depuis onze ans ou plus.
Cette étude s’intéresse donc aux jeunes sortis de formation initiale en 2017 et à la place effective des métiers en tension dans les trois premières années après leur sortie. Elle vise à comprendre les mécanismes à l’origine de l’accès et du maintien ou non des jeunes dans ces emplois. D’après l’enquête menée en 2020 s’intéressant à la génération 2017, 53 % des premiers emplois occupés par les jeunes de cette génération après leur sortie de formation concernent un métier en tension. Seuls les emplois salariés (hors fonctionnaires) sont ici associés à des métiers en tension.
Des métiers en tension plus souvent occupés par des jeunes très diplômés
Parmi les 675 000 jeunes qui ont terminé leurs études en 2017 et occupé au moins un emploi au cours de leurs trois premières années de vie active, 432 000 ont exercé au moins une fois un métier en tension soit près des deux tiers d’entre eux, dont 280 000 n’ont exercé que des métiers en tension (figure 1).
tableauFigure 1 – Les jeunes sortis de formation initiale en 2017 selon qu’ils ont exercé ou non des métiers en tension dans les trois premières années de vie active
Caractéristiques | Nombre de personnes |
---|---|
Pas de métier en tension | 243 000 |
Des métiers en tension, dont : | 432 000 |
Uniquement des métiers en tension | 280 000 |
Ensemble | 675 000 |
- Lecture : 280 000 jeunes, qui ont terminé leurs études en 2017 et occupé au moins un emploi au cours de leurs trois premières années de vie active, ont exercé uniquement des métiers en tension.
- Champ : Personnes sorties de formation initiale en 2017 ayant occupé au moins un emploi entre 2017 et 2020.
- Source : Céreq, enquête 2020 auprès de la génération 2017.
graphiqueFigure 1 – Les jeunes sortis de formation initiale en 2017 selon qu’ils ont exercé ou non des métiers en tension dans les trois premières années de vie active

- Lecture : 280 000 jeunes, qui ont terminé leurs études en 2017 et occupé au moins un emploi au cours de leurs trois premières années de vie active, ont exercé uniquement des métiers en tension.
- Champ : Personnes sorties de formation initiale en 2017 ayant occupé au moins un emploi entre 2017 et 2020.
- Source : Céreq, enquête 2020 auprès de la génération 2017.
Les recrutements dans les métiers en tension se distinguent par le profil des jeunes embauchés. Les femmes y sont moins présentes que dans les métiers sans tension (49 % contre 59 %) (figure 2). À l’inverse, les diplômés d’un bac+5 ou plus sont beaucoup plus souvent recrutés dans les métiers en tension (24 % contre 12 %), ainsi que les jeunes issus d’une formation en alternance (30 % contre 19 %). Ces résultats sont confirmés toutes choses égales par ailleurs : la probabilité d’occuper au moins une fois un métier en tension est 1,3 fois plus élevée pour un homme que pour une femme, 1,9 fois plus élevée pour un sortant d’alternance que pour un sortant de la voie scolaire et 1,6 fois plus élevée pour un diplômé de bac+5 ou plus que pour un jeune peu ou pas diplômé.
tableauFigure 2 – Caractéristiques des emplois occupés dans les trois premières années de vie active par les jeunes sortis de formation initiale en 2017, selon le niveau de tension du métier
Caractéristiques | Ensemble des métiers | Métiers dont le degré de tension est inconnu | Métiers sans tension | Métiers en tension | |||||
---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|
Ensemble des métiers en tension | Métiers de première expérience peu qualifiés | Métiers de transition | Métiers avec un fort lien emploi-formation | Métiers très qualifiés | Métiers médicaux et paramédicaux | ||||
Emplois occupés par des : | |||||||||
Peu ou pas diplômés | 9 | 8 | 11 | 7 | 17 | 10 | 6 | 0 | 0 |
Diplômés d'un CAP ou BEP | 10 | 6 | 10 | 11 | 17 | 11 | 16 | 1 | 0 |
Diplômés d'un bac | 35 | 31 | 41 | 31 | 44 | 41 | 36 | 6 | 16 |
Diplômés d'un bac+2 | 12 | 9 | 14 | 12 | 11 | 14 | 14 | 7 | 15 |
Diplômés d'un bac+3 ou bac+4 | 14 | 13 | 12 | 15 | 8 | 11 | 16 | 10 | 60 |
Diplômés d'un bac+5 ou plus | 21 | 33 | 12 | 24 | 3 | 13 | 12 | 76 | 9 |
Sortants d'alternance | 24 | 15 | 19 | 30 | 26 | 28 | 37 | 30 | 20 |
Jeunes dont la formation est en lien avec le métier | 45 | 37 | 33 | 56 | 21 | 37 | 68 | 48 | 91 |
Jeunes déclassés dans l'emploi, par rapport au niveau de diplôme atteint | 22 | 26 | 26 | 17 | 9 | 23 | 17 | 9 | 9 |
Femmes | 52 | 48 | 59 | 49 | 50 | 40 | 50 | 41 | 90 |
Embauches réalisées : | |||||||||
En CDI ou fonctionnaire | 33 | 29 | 22 | 41 | 39 | 38 | 33 | 62 | 32 |
À temps plein | 77 | 75 | 70 | 82 | 70 | 80 | 83 | 96 | 81 |
Avec une rémunération au dessus de la médiane | 50 | 52 | 32 | 60 | 35 | 52 | 57 | 91 | 75 |
Ensemble des emplois (en nombre) | 1 415 000 | 202 000 | 489 000 | 724 000 | 169 000 | 125 000 | 227 000 | 157 000 | 46 000 |
- Lecture : 49 % des emplois dans un métier en tension occupés par des jeunes sortis de formation initiale en 2017 dans les trois premières années de vie active l'ont été par des femmes.
- Champ : Ensemble des emplois occupés par les jeunes de la génération 2017 au cours des trois années qui ont suivi leur sortie de formation initiale.
- Source : Céreq, enquête 2020 auprès de la génération 2017.
Les jeunes dans les métiers en tension tendent à s’y ancrer
Ce profil davantage diplômé peut expliquer en partie que les jeunes ayant exercé un métier en tension ont passé plus de temps en emploi durant les trois premières années après la sortie de formation initiale : ils sont en emploi en moyenne 31 mois, contre 27 mois pour les jeunes passés par un métier sans tension. Lorsqu’un jeune occupe un métier en tension, il y passe plus de temps que lorsqu’il occupe un métier sans tension : dans le premier cas, il y reste 68 % de son temps passé en emploi, contre 59 % dans le deuxième cas (figure 3). Autre illustration de cette spécificité, 63 % des jeunes ayant exercé un métier en tension au premier emploi exercent encore ce même métier trois ans après la sortie des études, qu’ils aient été mobiles ou pas entre‑temps (cette proportion n’étant que de 48 % quand le premier emploi correspond à un métier sans tension).
tableauFigure 3 – Place des métiers en tension dans le parcours des jeunes sortis de formation initiale en 2017 dans les trois premières années de vie active
Indicateur | Ensemble des métiers | Métiers dont le degré de tension est inconnu | Métiers sans tension | Métiers en tension | |||||
---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|
Ensemble des métiers en tension | Métiers de première expérience peu qualifiés | Métiers de transition | Métiers avec un fort lien emploi- formation | Métiers très qualifiés | Métiers médicaux et paramédicaux | ||||
Parmi les individus ayant travaillé dans un métier donné, part (en %) de ceux : | |||||||||
Qui y sont rentrés dès leur premier emploi | 64 | 60 | 62 | 68 | 65 | 54 | 71 | 73 | 90 |
Qui y ont eu un seul emploi | 77 | 85 | 76 | 75 | 74 | 84 | 71 | 77 | 55 |
Qui y ont eu au moins deux emplois | 23 | 15 | 24 | 25 | 26 | 16 | 29 | 23 | 45 |
Parmi les individus en emploi 3 ans après la sortie des études et ayant travaillé dans un métier donné dès le 1er emploi, part (en %) de ceux : | |||||||||
Qui y travaillent toujours trois ans plus tard | 59 | 67 | 48 | 63 | 44 | 49 | 65 | 76 | 77 |
Temps moyen d'accès au premier emploi dans le métier (en mois) | 10 | 12 | 12 | 9 | 11 | 13 | 9 | 8 | 3 |
Part du temps passé dans le métier dans le temps total passé en emploi (en %) | 64 | 65 | 59 | 68 | 59 | 57 | 71 | 78 | 92 |
Durée moyenne d'un emploi dans un métier rapportée à la durée moyenne d'un emploi dans la génération | 1,00 | 1,16 | 0,81 | 1,08 | 0,74 | 0,97 | 1,10 | 1,42 | 1,36 |
- Lecture : En moyenne, les jeunes qui travaillent au moins une fois dans un des métiers de première expérience peu qualifiés le font 11 mois après la fin de leurs études, et 65 % d'entre eux y rentrent dès leur premier emploi.
- Champ : Ensemble des jeunes de la génération 2017 ayant occupé au moins un emploi dans les trois premières années de vie active.
- Source : Céreq, enquête 2020 auprès de la génération 2017.
Par ailleurs, l’entrée dans ces métiers est plus rapide : en moyenne, le premier emploi exercé dans un métier en tension débute neuf mois après la sortie, contre douze mois pour le premier emploi dans un métier sans tension. En outre, les liens avec le métier se sont alors plus souvent noués dès la formation. Ainsi, 35 % des jeunes démarrant par un métier en tension avaient travaillé dans l’entreprise à l’occasion d’une alternance, d’un stage ou d’un emploi occupé pendant leurs études, contre 28 % pour ceux débutant par un métier sans tension. Le métier correspond aussi plus souvent à la formation suivie. D’une part, la spécialité du diplôme préparé s’accorde davantage au métier (56 % contre 33 %), dans le sens où le poids de la spécialité de formation est au moins deux fois plus élevé dans le métier en question que dans l’ensemble des emplois. D’autre part, le déclassement à l’embauche est moindre : 17 % des emplois correspondent à un niveau de formation inférieur au niveau de l’individu, contre 26 % des emplois dans un métier sans tension, ce qui favorise l’ancrage dans le métier [Ouvrir dans un nouvel ongletCouppié, Gasquet, 2024].
Ces métiers sont aussi associés à de meilleures conditions d’emploi
Lorsqu’ils exercent un métier en tension, 41 % des jeunes sont embauchés en contrat à durée indéterminée (CDI), une proportion nettement plus élevée que pour les jeunes occupant des métiers sans tension (22 %) ; la part de salariés à temps plein est aussi supérieure (82 % contre 70 %). Ces métiers offrent également de meilleures rémunérations, supérieures à la médiane de la génération pour 60 % des jeunes (32 % pour ceux exerçant un métier sans tension).
Cinq profils types de métiers en tension
S’ils se distinguent des autres métiers, les métiers en tension ne constituent pas pour autant un tout homogène. En particulier, le moment où ils interviennent dans le parcours d’insertion est structurant. Partant de ce constat, une typologie met en évidence cinq profils types de métiers en tension (encadré).
Un sous‑ensemble de métiers de passage, plutôt exercés par les jeunes les moins diplômés
Le premier profil type agrège six métiers en tension occupés de façon plutôt transitoire et en début de parcours, qualifiés ici de « métiers de première expérience peu qualifiés » (12 % de l’ensemble des emplois occupés sur les trois années observées). Ce sont des métiers habituellement occupés par les jeunes en tout début de vie active et dont ils s’éloignent rapidement tels que les employés de l’hôtellerie et de la restauration, les cuisiniers, et les ouvriers des industries agroalimentaires. Les métiers en tension de ce groupe se distinguent par une plus faible part de temps en emploi passé dans ces métiers (59 %, contre 68 % pour l’ensemble des métiers en tension), des emplois de courte durée (inférieure de 26 % à la durée moyenne d’un emploi dans la génération), qui se répètent mais que les jeunes quittent progressivement.
Les métiers de ce premier groupe sont occupés par des jeunes peu diplômés (17 % ont au plus le brevet et 78 % ont au plus un niveau bac) et n’ayant généralement pas une formation les préparant spécifiquement à occuper ces métiers (seuls 21 % ont une spécialité de formation correspondant au métier exercé). Ils sont fréquemment associés à des postes à temps partiel (dans 30 % des cas), y compris contraint, et faiblement rémunérés (36 % des jeunes occupant un de ces métiers font partie des 25 % les moins bien payés).
Le deuxième profil type agrège dix‑sept métiers en tension occupés de façon plutôt transitoire mais qui arrivent moins rapidement après la sortie de formation initiale (9 % des emplois de la génération). Ces métiers dits « de transition » sont notamment des métiers d’ouvriers agricoles, d’ouvriers des travaux publics, d’aides à domicile, de représentants et d’autres professions intermédiaires du commerce. En moyenne, un métier de transition ne représente que 57 % du temps passé en emploi par le jeune concerné et débute 13 mois après la fin de ses études, 4 mois de plus que pour l’ensemble des métiers en tension. Par rapport aux autres métiers en tension, ces métiers sont donc moins présents en début du parcours, dès le premier emploi dans seulement 54 % des cas (contre 68 %), mais aussi en fin de parcours, trois ans après la fin des études (46 % contre 54 %). Pour 84 % des jeunes, le passage dans ces métiers s’est limité à une seule expérience (contre 75 %). Les métiers de transition sont principalement occupés par des jeunes ayant au plus le baccalauréat (62 % d’entre eux, contre 49 % en moyenne). La proportion d’hommes y est plus élevée que dans l’ensemble des profils de métiers en tension (60 % contre 51 %). Ces métiers se distinguent également par une double inadéquation des jeunes y travaillant. D’une part, seulement 37 % d’entre eux ont une formation qui correspond au métier qu’ils exercent (contre 56 % pour l’ensemble des métiers en tension) ; d’autre part, 23 % d’entre eux se retrouvent déclassés par rapport à leur niveau de diplôme.
Un sous‑ensemble de métiers d’ancrage exercés par des jeunes qui y sont formés
Les trois autres profils types sont composés de métiers qui apparaissent relativement rapidement dans les parcours professionnels des jeunes (entre trois et neuf mois après la sortie des études). Un jeune engagé dans un de ces métiers y sera resté en moyenne les trois quarts de son temps en emploi.
Les vingt métiers du troisième profil type sont marqués par davantage de mobilité au cours des trois années après la sortie des études, que ce soit vers un autre emploi du métier, vers un autre métier ou hors de l’emploi (16 % des emplois de la génération). Cette mobilité accrue résulte de séquences d’emploi en moyenne plus courtes, qui s’expliquent par le fait que 67 % des recrutements s’y font sur contrat à durée limitée (contre 59 % dans l’ensemble des métiers en tension). Ces métiers sont dits « métiers avec un fort lien emploi‑formation » : dans 68 % des cas, la formation des jeunes recrutés préparait effectivement au métier exercé. Ce sont des métiers qui demandent des compétences et une formation spécifiques, et qui présentent souvent un contenu technique marqué, tels que ceux d’aides‑soignants, les métiers de bouche, les professionnels du droit, de la comptabilité, etc. La part des jeunes diplômés du secondaire y est particulièrement élevée (52 %, contre 42 % dans l’ensemble des métiers en tension). Si ces métiers n’offrent en général pas des conditions d’emploi particulièrement favorables en matière de contrat de travail, ils protègent davantage des faibles niveaux de rémunération.
Le quatrième profil type se distingue par un ancrage plus durable dans ses onze métiers puisque les trois quarts des jeunes ayant travaillé dans l’un d’entre eux y sont encore trois ans après leur sortie de formation (11 % des emplois de la génération). Il s’agit de métiers très qualifiés, exclusivement de niveau cadre ou technicien, tels que techniciens et ingénieurs en informatique, ingénieurs et cadres techniques de l’industrie, cadres commerciaux et technico‑commerciaux. Ces métiers concernent les jeunes les plus diplômés (93 % détiennent un diplôme de l’enseignement supérieur et même 76 % au moins un bac+5) et offrent les meilleures rémunérations (les trois quarts des jeunes concernés font partie des 25 % les mieux rémunérés de la génération). De plus, 62 % des embauches se font avec un contrat à durée indéterminée (contre 41 % en moyenne).
Le cinquième profil type isole deux métiers, infirmiers‑sages femmes et professions paramédicales, dans lesquels l’entrée est très précoce et la présence continue (3 % des emplois de la génération). La relation emploi‑formation y est très forte. En effet, exercer ces métiers requiert des diplômes spécifiques. La correspondance entre spécialité de formation et métier s’observe ainsi dans 91 % des cas. Inscrits durablement dans ces métiers, les jeunes y multiplient cependant les expériences (45 % connaissent au moins deux emplois dans le métier), ce qui est caractéristique de ces marchés professionnels. Les conditions d’emploi n’y sont par ailleurs pas particulièrement favorables, seuls 32 % des emplois sont en CDI. En revanche, les rémunérations y sont meilleures que dans la moyenne des métiers en tension.
Les conditions d’emploi à l’embauche expliquent en partie l’ancrage dans les métiers en tension
Les jeunes ayant débuté leur vie professionnelle par un métier en tension tendent à y rester davantage que ceux ayant commencé par un métier sans tension. Ils sont plus nombreux à être encore dans leur premier emploi trois ans après la sortie de formation initiale (35 % contre 23 %). De même, ils se maintiennent plus souvent dans le métier trois ans après la sortie des études : parmi les jeunes en emploi à cette date, 63 % de ceux qui ont débuté dans un métier en tension y exercent toujours, qu’ils aient connu une mobilité ou non, contre 48 % des jeunes ayant débuté dans un métier sans tension. Des analyses toutes choses égales par ailleurs montrent que la pérennité de la relation professionnelle, dans l’emploi ou le métier, varie selon le type de métier en tension et selon les conditions d’embauche (figure 4). Commencer dans un métier du premier sous‑ensemble (métiers dits « de passage ») est associé à davantage de mobilité sur le marché du travail et à un risque plus élevé de quitter le métier. À l’inverse, débuter dans un métier en tension dit « d’ancrage » favorise la pérennité professionnelle.
tableauFigure 4a – Modélisation de la probabilité de n'avoir jamais quitté son premier emploi avant la date d'enquête selon les conditions d'emploi à la sortie des études et les caractéristiques individuelles
Caractéristiques | Odds ratio |
---|---|
Profil des métiers | |
Sans tension | Réf. |
En tension de première expérience peu qualifiés | 0,62*** |
En tension de transition | 1,17* |
En tension avec un fort lien emploi-formation | 1,21*** |
En tension très qualifiés | 1,76*** |
En tension médicaux et paramédicaux | 1,59*** |
Dont la tension est inconnue | 1,98*** |
Contrat d'embauche | |
En CDI ou en tant que fonctionnaire | Réf. |
En CDD ou contrat aidé | 0,45*** |
En intérim | 0,19*** |
Quartile des rémunérations à l'embauche | |
Inférieur au premier quartile¹ | Réf. |
Du premier quartile au deuxième quartile¹ | 1,49*** |
Du deuxième quartile au troisième quartile¹ | 1,90*** |
Supérieur au troisième quartile¹ | 2,01*** |
Lien de l'emploi avec la formation suivie | |
Sans lien | Réf. |
En lien | 1,02 |
Lien très fort | 1,19*** |
- Réf. : modalité de référence ; *** : significatif au seuil de 0,1 % ; ** : significatif au seuil de 1 % ; * : significatif au seuil de 5 % ; autres : significatif au seuil de 10 %.
- 1. Les emplois sont classés selon leur appartenance aux quartiles de rémunérations de l'ensemble des emplois de la génération. Les quartiles de rémunérations sont les valeurs-seuils qui, lorsque l'on ordonne la population selon les valeurs des rémunérations, la partitionnent en quatre sous-populations de tailles égales.
- Note : D'autres variables n'apparaissant pas dans ce tableau ont été mobilisées dans cette modélisation : le mode de passation de l'enquête, le sexe de la personne en emploi, son origine sociale, son origine migratoire, le niveau du plus haut diplôme obtenu, le fait d'avoir été en alternance lors de la dernière année de formation, le moyen de prise de connaissance de l'offre d'embauche, le fait d'avoir déjà travaillé dans l'entreprise avant la fin des études, le fait d'être surclassé ou déclassé dans l'emploi et enfin la quotité de travail (voir les données en téléchargement).
- Lecture : Les jeunes avec un emploi en lien très fort avec leur formation initiale ont 1,19 fois plus de chances que ceux en emploi sans lien avec leur formation d'être resté dans leur premier emploi trois ans après leur sortie de formation initiale.
- Champ : Ensemble des jeunes sortis de formation initiale et ayant occupé au moins un emploi dans les trois premières années de vie active.
- Source : Céreq, enquête 2020 auprès de la génération 2017.
Des modélisations ont aussi été réalisées pour chacun des profils afin d’identifier les facteurs, spécifiques ou communs, conditionnant les mobilités. Parmi les facteurs communs aux différents profils, avoir débuté en CDD plutôt qu’en CDI est associé à une forte réduction des chances d’être encore dans son premier emploi au moment de l’enquête. De même, la propension à être mobile (d’emploi, de métier) est corrélée au niveau de rémunération à l’embauche, les jeunes gagnant le moins ayant une propension à la mobilité supérieure aux autres. Débuter par un métier en correspondance avec la spécialité du diplôme obtenu favorise le maintien des jeunes dans le métier dans la plupart des profils types. Mais, comme dans les métiers du troisième et du cinquième profil type, ce maintien peut se faire au travers d’une accumulation d’expériences d’emploi.
Encadré – Une typologie des métiers en tension dans les premières années de vie active des jeunes
La typologie des métiers en tension élaborée ici est le résultat d’une classification ascendante hiérarchique (CAH) réalisée à la suite d’une analyse en composantes principales (ACP). L’ACP porte sur les métiers en tension occupés selon leur positionnement dans les parcours des jeunes. Huit variables sont retenues :
- temps moyen d’accès au métier ;
- part des jeunes ayant débuté par le métier ;
- poids du métier dans les emplois à trois ans rapporté à son poids dans les
premiers emplois ;
- part du temps en emploi passé dans le métier ;
- durée moyenne d’un emploi dans le métier rapportée à la durée moyenne des
emplois ;
- nombre moyen d’emplois exercés dans le métier ;
- part des jeunes qui exercent toujours le métier au moment de l’enquête ;
- part des emplois révolus parmi l’ensemble des emplois dans le métier (révolus
ou en cours).
L’ACP dégage deux axes principaux. Le premier axe oppose les métiers en tension occupés de façon transitoire aux métiers qui s’inscrivent de façon pérenne dans le parcours des jeunes. Le second axe oppose quant à lui des métiers en tension qui interviennent plutôt en début de parcours et donnent lieu à de multiples séquences d’emplois à ceux situés plutôt en fin de parcours observé et donnant lieu à un nombre de passages réduit, voire unique.
Sources et méthodes
Identifier des métiers en tension dans les parcours des débutants
L’enquête menée en 2020 auprès de la génération 2017 permet de décrire les différents emplois occupés pendant leurs trois premières années de vie active par un échantillon représentatif des jeunes sortis de formation initiale en 2017.
L’analyse des emplois se fonde sur leur découpage en métiers, selon la Ouvrir dans un nouvel ongletnomenclature en familles professionnelles (FAP 2021). Pour une grande majorité d’entre elles, la Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares) mesure un indicateur de tension dans les recrutements qui synthétise trois composantes : le rapport entre le flux d’offres d’emploi et le flux de demandeurs d’emploi ; le taux de sortie des listes des demandeurs d’emploi (sans emploi ou en activité réduite, tenus de rechercher activement un emploi) ; la part des projets de recrutement anticipés comme difficiles par les employeurs.
Trois catégories d’emplois sont alors distinguées [Ouvrir dans un nouvel ongletDucatel et al., 2023] :
- Les emplois correspondant à des métiers dits « en tension », c’est‑à‑dire des emplois salariés dans des métiers dont l’indicateur de tension dépasse 0,1 (seuil correspondant au troisième quintile de la distribution) ;
- Les emplois correspondant à des métiers dits « sans tension », c’est‑à‑dire des emplois salariés dans des métiers dont l’indicateur de tension est en deçà de ce seuil ;
- Les emplois dont le degré de tension est inconnu. Il s’agit principalement d’emplois non salariés ou fonctionnaires, non couverts par les sources mobilisées par la Dares.
Les données sur les tensions disponibles à la date de réalisation de cette étude sont celles calculées par la Dares pour l’année 2019 sur la période de référence 2014‑2018 et portent sur la nomenclature FAP 2009. L’enquête 2020 auprès de la génération 2017 étant codée en nomenclature FAP 2021, une matrice de passage entre les deux millésimes de la nomenclature a été utilisée pour estimer l’indicateur de tension en FAP 2021. Cette matrice a été calculée à partir des millésimes 2020 et 2021 de l’enquête Emploi. Les indicateurs de tension publiés par la Dares à une date ultérieure à la réalisation de cette étude, calculés directement à partir des FAP 2021, sont donc susceptibles de différer des estimations mobilisées ici.
Définitions
Les quintiles partagent une population d’unités statistiques classée selon un critère donné, par exemple le salaire (revenu salarial, revenu d’activité, etc.), en cinq sous‑populations de tailles égales. Le 1er quintile (respectivement 4e quintile) est le seuil au‑dessous (respectivement au‑dessus) duquel se situent les 20 % des salaires les plus faibles (respectivement les plus élevés).
Si on ordonne une distribution, la médiane partage cette distribution en deux parties d’effectifs égaux. Ainsi, pour une distribution de salaires, 50 % des salaires se situent sous la médiane et 50 % au‑dessus.
Pour en savoir plus
Ducatel V., Niang M., Lainé F., Chartier F., « Ouvrir dans un nouvel ongletLes tensions sur le marché du travail en 2022 – En nette hausse avec la levée complète des contraintes sanitaires », Dares Résultats no 59, décembre 2023.
Couppié T., Gasquet C., « Ouvrir dans un nouvel ongletLa mobilité singulière des jeunes débutants », in Le temps des mobilités et des reconversions professionnelles, Céreq, édition 2024.
Flamand J., Jolly C., « Ouvrir dans un nouvel ongletLa prospective des métiers, une boussole pour les politiques emploi‑formation », in L’Économie politique no 95, édition 2022.