Insee Conjoncture Martinique ·
Juin 2024 · n° 29
Bilan économique 2023 - Martinique En 2023, des signes de ralentissement de l’économie martiniquaise après deux années
de reprise
En 2023, l’emploi salarié augmente moins vite que les années précédentes et les créations d’entreprises reculent. Toutefois, le chômage diminue, en particulier chez les jeunes et les moins diplômés. Le recours à l’intérim s’intensifie sur un an. Les prix des produits alimentaires augmentent alors que l’inflation ralentit. Le secteur agricole souffre des conditions météorologiques peu favorables diminuant les rendements. Le tourisme confirme sa reprise, en particulier grâce aux croisiéristes et aux touristes de plaisance.
Ce bilan économique fait partie des 17 bilans économiques régionaux 2023 publiés par l'Insee.
Épargne-Crédit - La hausse des taux d’intérêt se diffuse chez les ménages comme dans les entreprises Bilan économique 2023
Evie Coyan (Institut d’émission des départements d’outre-mer Martinique)
La hausse des taux d’intérêt directeurs par la Banque centrale Européenne (BCE), amorcée en 2022, se poursuit en 2023. Le renchérissement des conditions de crédit se diffuse progressivement aux ménages et aux entreprises, avec des taux en nette hausse sur un an. En conséquence, la demande de crédits à l’habitat des ménages ralentit sensiblement, sans pour autant marquer un atterrissage brutal. En revanche, les crédits d’investissement des entreprises restent très bien orientés. Les actifs financiers détenus en banque par les entreprises reculent, pendant que ceux des ménages continuent de croître, bien qu’à un rythme plus modéré qu’au cours des dernières années. Les placements de court terme, tant l’épargne liquide (livrets réglementés), que non liquide (en particulier les dépôts à terme) bénéficient toujours d’un arbitrage favorable.
- La remontée des taux d’intérêt se poursuit
- La demande de crédit immobilier des ménages est freinée par la hausse des taux
- L’épargne des ménages progresse, en dépit de quelques signes de fragilisation
- Les crédits à la consommation évoluent de façon contrastée
- Les crédits d’investissement des entreprises restent dynamiques
- Le niveau de trésorerie des entreprises recule
- Les placements de court terme sont plébiscités
La remontée des taux d’intérêt se poursuit
À partir du second semestre 2022, la BCE avait mis fin à sa politique monétaire très accommodante et procédé à une normalisation progressive des taux d’intérêt. Après une hausse des taux directeurs de 250 points de base en 2022, ils augmentent encore de 200 points de base en 2023. Ces évolutions se répercutent assez mécaniquement sur les conditions financières proposées par les établissements financiers en Martinique, comme dans toute la zone euro. Ainsi, les taux des différents crédits augmentent de 180 à 200 points de base sur le territoire en 2023 (figure 1).
tableauFigure 1 – Taux des crédits par nature
Année | Ménages - Habitat | Ménages - Prêts personnels | Entreprises - Équipement | Entreprises - Trésorerie |
---|---|---|---|---|
2019 | 1,5 | 3,9 | 1,8 | 1,9 |
2020 | 1,4 | 3,9 | 1,9 | 0,4 |
2021 | 1,3 | 3,6 | 1,6 | 1,2 |
2022 | 1,8 | 4 | 2,6 | 2,6 |
2023 | 3,6 | 5,8 | 4,6 | 4,6 |
- Source : IEDOM.
graphiqueFigure 1 – Taux des crédits par nature

- Source : IEDOM.
La demande de crédit immobilier des ménages est freinée par la hausse des taux
Les encours de crédits à l’habitat des ménages demeurent en progression en 2023 (figure 2), mais la hausse est bien plus modérée qu’habituellement (+4,1 % en 2023, contre +7,0 % environ les trois années précédentes). En effet, la production, c’est-à-dire les encours de nouveaux crédits décaissés dans l’année, diminue de 25 % en 2023. Cette évolution s’explique pour partie par le renchérissement du coût du crédit (+180 points de base en 2023, après +40 points de base en 2022) qui freine la demande. Même en recul sur un an, la production reste supérieure aux fins de crédit, ce qui explique que les encours continuent à croître.
tableauFigure 2 – Évolution annuelle des crédits à l'habitat des ménages
Année | Crédit immobilier |
---|---|
2019 | 7,9 |
2020 | 7,6 |
2021 | 6,7 |
2022 | 7,4 |
2023 | 4,1 |
- Source : IEDOM.
graphiqueFigure 2 – Évolution annuelle des crédits à l'habitat des ménages

- Source : IEDOM.
L’épargne des ménages progresse, en dépit de quelques signes de fragilisation
En dépit du contexte inflationniste, les encours d’actifs détenus en banque par les ménages sont en hausse de 2,3 % en 2023. Pour autant, il s’agit de la croissance la plus faible sur les cinq dernières années (figure 3). Malgré une situation globalement bien orientée, l’évolution de certains indicateurs témoigne d’une fragilisation d’une partie des ménages. Ainsi, les découverts augmentent (+6,6 % en 2023, après +4,1 % en 2022), de même que le nombre de dossiers de surendettement (+11,9 % après +8,1 % en 2022).
tableauFigure 3 – Évolution annuelle des actifs des ménages
Année | Tous actifs |
---|---|
2019 | 3,1 |
2020 | 7,8 |
2021 | 4,9 |
2022 | 2,8 |
2023 | 2,3 |
- Source : IEDOM.
graphiqueFigure 3 – Évolution annuelle des actifs des ménages

- Source : IEDOM.
Les crédits à la consommation évoluent de façon contrastée
Les encours de crédits à la consommation des ménages restent en progression (+3,1 % en 2023, après +2,6 % en 2022), mais en grande partie du fait des découverts (figure 4). Les seuls crédits de trésorerie enregistrent un repli de 1,5 % après +1,9 % en 2022. Le taux d’intérêt moyen de ce type de financement augmente de 180 points de base en 2023, ce qui peut peser sur la demande de crédits. Le crédit-bail connaît une forte dynamique en Martinique (+124,5 % après +24,0 % en 2022), grâce notamment au développement des offres de location avec option d’achat (LOA) de véhicules, mais il représente une part marginale des encours de crédits à la consommation (8 %, contre 89 % pour les crédits de trésorerie et 3 % pour les découverts).
tableauFigure 4 – Évolution annuelle des crédits à la consommation des ménages
Année | Consommation (y compris découverts) | Crédits de trésorerie | Crédit-bail |
---|---|---|---|
2019 | 8,7 | 8,3 | 31,5 |
2020 | 2,2 | 2,3 | 41,3 |
2021 | 2,5 | 1,6 | 47,6 |
2022 | 2,6 | 1,9 | 24 |
2023 | 3,1 | -1,5 | 124,5 |
- Source : IEDOM.
graphiqueFigure 4 – Évolution annuelle des crédits à la consommation des ménages

- Source : IEDOM.
Les crédits d’investissement des entreprises restent dynamiques
Les entreprises continuent de mobiliser des financements bancaires, malgré le renchérissement du coût du crédit (+200 points de base sur les crédits d’équipement en 2023, après +100 points de base en 2022). Les encours de crédits d’investissement augmentent de 10,5 % sur l’année (figure 5). Cette dynamique est particulièrement soutenue dans les secteurs de la télécommunication, l’énergie solaire, la biotechnologie (valorisation des sargasses) et des transports. Une part de ces investissements concerne des projets en dehors du territoire martiniquais.
tableauFigure 5 – Évolution annuelle des crédits d'investissement aux entreprises
Année | Investissement |
---|---|
2019 | 10,6 |
2020 | 7,0 |
2021 | 7,1 |
2022 | 8,3 |
2023 | 10,5 |
- Source : IEDOM.
graphiqueFigure 5 – Évolution annuelle des crédits d'investissement aux entreprises

- Source : IEDOM.
Le niveau de trésorerie des entreprises recule
Les encours d’actifs détenus en banque par les entreprises s’inscrivent en repli en 2023 (-1,2 %) (figure 6). Cette évolution corrobore les résultats de l’enquête de conjoncture de l’IEDOM, dans laquelle les chefs d’entreprise témoignent globalement de tensions persistantes sur les trésoreries. Par ailleurs, les entreprises accroissent la part d’autofinancement dans leurs investissements pour réduire le coût financier des projets ou à la demande des établissements bancaires.
En dépit de ces tensions de trésorerie, les crédits d’exploitation reculent fortement en 2023 (-13,1 %). Pour mémoire, ces derniers avaient connu une augmentation sensible en 2020 avec l’octroi des prêts garantis par l’État (PGE) pour faire face aux conséquences de la crise sanitaire. La mise en amortissement et le remboursement des premières échéances expliquent le recul marqué des crédits d’exploitation. Les découverts des entreprises, qui représentent un cinquième des crédits d’exploitation, sont aussi en retrait sensible sur l’année (-9,7 %).
tableauFigure 6 – Évolution annuelle des actifs des entreprises
Année | Tous actifs |
---|---|
2019 | 5,6 |
2020 | 34,9 |
2021 | -5,2 |
2022 | 0,4 |
2023 | -1,2 |
- Source : IEDOM.
graphiqueFigure 6 – Évolution annuelle des actifs des entreprises

- Source : IEDOM.
Les placements de court terme sont plébiscités
Toutes catégories de clientèle confondues, les actifs détenus en banque progressent de 1,0 % sur l’année. Cependant, les évolutions sont contrastées par nature d’actifs. Les dépôts à vue diminuent de 16,9 %, tandis que les placements de court terme connaissent une forte croissance de 17,6 %, et que l’épargne de long terme enregistre une hausse modérée, à +0,8 % (figure 7).
En effet, les taux d’intérêt créditeurs, comme les taux débiteurs, augmentent dans le sillage des taux directeurs. À titre d’exemple, le taux du livret A, qui avait atteint un plancher (0,5 %) en février 2020, s’est progressivement accru (1 % en février 2022, 2 % en août 2022, puis 3 % depuis février 2023). Les taux de marché (Euribor notamment), sur lesquels sont indexés une partie des placements tels que les dépôts à terme, bénéficient mécaniquement de la hausse des taux directeurs. Ainsi, les agents qui avaient peu d’incitation à placer leurs liquidités jusqu’en 2022, ont retrouvé de l’appétence pour ces supports qui permettent de percevoir des intérêts.
Dans ces conditions, les livrets A et les livrets de développement durable et solidaire (LDDS) enregistrent respectivement une hausse annuelle de 5 % et 8 %, tandis que les dépôts à terme sont très demandés (+69 %). Les évolutions sont plus mitigées sur l’épargne de long terme (+3 % pour l’assurance-vie, mais -7 % pour les plans d’épargne logement PEL).
La répartition des actifs par maturité s’en retrouve modifiée. En seulement un an, la part des dépôts à vue est passée de 51 % à 44 %, au profit des placements de court terme, et dans une moindre mesure, de l’épargne de long terme (figure 8).
tableauFigure 7 – Évolution annuelle des actifs par maturité
Année | Dépôts à vue | Placements court terme | Placements long terme |
---|---|---|---|
2019 | 6,4 | 0,6 | 1,9 |
2020 | 27,0 | 10,8 | 0,3 |
2021 | 1,2 | 1,9 | 2,5 |
2022 | 1,0 | 9,0 | -1,6 |
2023 | -6,9 | 17,6 | 0,8 |
- Source : IEDOM.
graphiqueFigure 7 – Évolution annuelle des actifs par maturité

- Source : IEDOM.
tableauFigure 8 – Répartition des actifs, par maturité
Année | Dépôts à vue | Placements court terme | Placements long terme |
---|---|---|---|
2019 | 47,1 | 24,0 | 28,9 |
2020 | 51,9 | 23,0 | 25,1 |
2021 | 51,6 | 23,1 | 25,3 |
2022 | 51,1 | 24,6 | 24,3 |
2023 | 44,2 | 30,2 | 25,6 |
- Source : IEDOM.
graphiqueFigure 8 – Répartition des actifs, par maturité

- Source : IEDOM.
Sources
Définitions
Point de base (pdb) :
Un point de base (pdb) équivaut à 0,01 %.
Taux directeur :
Taux d’intérêt fixé par une banque centrale pour les prêts qu’elle accorde aux banques commerciales qui en ont besoin. Il influence le taux d’intérêt auquel les banques commerciales prêtent à leur tour à leurs clients, notamment les ménages et les entreprises. Dans la zone euro, la Banque centrale européenne (BCE) utilise, comme d’autres banques centrales, non pas un mais trois taux directeurs.
Agent économique :
Personne physique ou morale participant à l’activité économique, via la production, la consommation ou l’échange de biens et services. Sont ici distingués : les entreprises, les ménages, les collectivités locales et les autres agents.
Actifs ou avoirs financiers :
Ensemble des dépôts et placements bancaires de la clientèle.
Dépôts à vue :
Dépôts fait dans un organisme bancaire et que l’on peut retirer à tout moment, sans contrainte de délai (au contraire du dépôt à terme).
Placements à court terme :
Ensemble des placements liquides (quand le possesseur peut récupérer son argent de manière instantanée) et à maturité courte (que le possesseur ne peut récupérer qu’au bout d’une durée fixée par contrat, inférieure à 2 ans). Ils comprennent les comptes d’épargne (ex. les livrets ordinaires ou les livrets A) et des placements indexés sur les taux du marché (ex. les dépôts à terme ou les OPCVM monétaires).
Placement à long terme :
Placements à maturité longue tels que les plans d’épargne logement, l’assurance-vie, etc.