Insee
Insee Conjoncture Occitanie · Juin 2023 · n° 37
Insee Conjoncture OccitanieBilan économique 2022 - Occitanie Croissance modérée après le fort rebond de 2021

Après le fort rebond de 2021, l’activité économique ralentit nettement en 2022 sous l’effet de la crise énergétique et d’une forte inflation. Néanmoins, l’emploi salarié résiste et augmente de 1,4 % sur un an en Occitanie. Cette résilience est portée par le redécollage de la filière aéronautique. La Haute-Garonne, très affectée par la crise sanitaire, est ainsi le département le plus dynamique de la région en 2022. Les départements plus agricoles subissent les conséquences de la sécheresse et de la hausse des coûts des intrants. La fréquentation touristique bénéficie de la levée des restrictions sanitaires et dépasse son niveau d’avant-crise au cours de l’été. En revanche, l’activité ralentit nettement dans la construction et le commerce, secteurs affectés par la hausse des prix et des taux d’intérêt.

Insee Conjoncture Occitanie
No 37
Paru le :Paru le01/06/2023

Ce bilan économique fait partie des 17 bilans économiques régionaux 2022 publiés par l'Insee.

Retrouvez les bilans des autres régions.

Consulter

Agriculture - Entre sécheresse précoce et marchés déstabilisés Bilan économique 2022

Camille Dross (Direction Régionale de l’Alimentation, de l’Agriculture Occitanie)

L'année 2022 est marquée par une sécheresse très précoce et par des hausses très importantes des prix des intrants comme des prix à la production. Les conditions météorologiques extrêmes réduisent la production d’herbe et de fourrage et dégradent les rendements de plusieurs céréales de printemps.

Le bilan de la campagne viticole est très contrasté selon les bassins, avec une récolte supérieure à la moyenne quinquennale dans le bassin Languedoc-Roussillon et une récolte particulièrement mauvaise dans l’ouest de la région. Les cultures légumières et fruitières, en grande majorité irriguées, sont moins impactées par la sécheresse. Les pénuries de fourrage et le contexte inflationniste affectent toutes les filières animales.

Insee Conjoncture Occitanie

No 37

Paru le :01/06/2023

Une explosion des prix des intrants et des prix à la production des produits agricoles

Déjà en hausse en 2021 (+9 % par rapport à 2020), les prix à la production des produits agricoles s’envolent en 2022 (+21 % par rapport à 2021), sous l’effet conjugué d’une reprise forte de la demande mondiale en produits agricoles, d’une hausse des coûts de production et de divers chocs sur l’offre. En particulier, l’invasion de l’Ukraine par la Russie en février 2022 et les sanctions internationales contre la Russie laissent craindre au printemps 2022 une pénurie mondiale de produits agricoles et du gaz nécessaire à la production d’engrais azotés.

À l’exception des fruits et des légumes, les prix agricoles à la production atteignent des niveaux inédits en 2022 (figure 1a). Les prix des céréales et des oléagineux, déjà très élevés depuis mi-2021, explosent au printemps 2022 (respectivement +41 % et +38 % entre février et avril 2022).

Les prix d’achat des intrants suivent une tendance similaire (figure 1b). Après une hausse de +9 % en 2021, ils bondissent de +22 % en 2022. Là encore, les tensions internationales sur l’approvisionnement en gaz jouent un rôle majeur, avec une explosion des prix des engrais et de l’énergie au printemps 2022.

Au second semestre 2022, les coûts de l’énergie baissent légèrement mais ils restent très élevés par rapport aux années précédentes. Les coûts des engrais et des amendements restent très hauts sur toute l’année. Au final, sur l’année 2022, la hausse des prix atteint +42 % pour l’énergie, +25 % pour les aliments pour animaux et +75 % pour les engrais.

Figure 1 Évolution des prix à la production et des prix des moyens de production agricole1a - Indice mensuel national des prix agricoles à la production

(indice base 100 en 2015)
Évolution des prix à la production et des prix des moyens de production agricole ((indice base 100 en 2015))
date Indice général Céréales Oléagineux Animaux et produits animaux Fruits et légumes
01/01/2020 109,82 106,53 105,75 106,33 121,27
01/02/2020 108,26 105,30 101,73 105,50 114,55
01/03/2020 109,72 103,04 95,47 105,87 130,20
01/04/2020 110,20 106,26 95,33 104,02 148,78
01/05/2020 107,67 105,16 96,32 103,15 120,03
01/06/2020 107,55 102,34 95,15 102,63 122,57
01/07/2020 106,66 105,50 97,77 103,03 111,68
01/08/2020 107,29 104,30 99,20 103,52 118,34
01/09/2020 107,18 107,65 102,71 104,99 115,94
01/10/2020 109,45 114,84 105,52 104,58 120,70
01/11/2020 110,08 120,26 113,76 103,59 121,54
01/12/2020 108,79 119,26 114,72 102,69 112,89
01/01/2021 111,01 129,32 122,12 102,04 124,86
01/02/2021 112,61 131,04 128,32 102,97 127,65
01/03/2021 113,35 128,78 140,02 104,46 136,98
01/04/2021 113,56 127,09 131,92 106,13 135,75
01/05/2021 115,64 132,19 141,32 107,70 124,15
01/06/2021 116,19 125,62 137,68 109,35 131,50
01/07/2021 115,51 123,63 140,54 109,10 129,69
01/08/2021 118,34 139,25 147,37 110,31 132,37
01/09/2021 121,87 146,03 157,12 112,26 124,33
01/10/2021 125,47 159,08 174,24 112,25 120,89
01/11/2021 127,78 169,17 180,02 112,65 117,93
01/12/2021 128,29 164,50 179,26 114,47 117,87
01/01/2022 128,99 162,04 187,05 115,33 117,52
01/02/2022 129,40 158,69 187,67 118,59 119,50
01/03/2022 144,44 217,20 239,12 124,64 131,15
01/04/2022 148,85 223,08 259,10 130,84 135,07
01/05/2022 149,27 230,60 221,76 134,10 117,20
01/06/2022 145,75 216,66 197,28 136,17 125,39
01/07/2022 143,79 197,39 174,69 139,72 129,22
01/08/2022 144,52 195,04 169,13 141,48 133,93
01/09/2022 145,93 200,41 160,04 144,42 140,42
01/10/2022 146,68 200,72 169,07 147,03 135,27
01/11/2022 145,20 190,24 165,39 146,39 125,58
01/12/2022 142,32 179,14 152,65 145,82 131,05
  • Sources : Insee, Agreste.

Figure 1Évolution des prix à la production et des prix des moyens de production agricole1a - Indice mensuel national des prix agricoles à la production

  • Sources : Insee, Agreste.

Une sécheresse et une chaleur exceptionnelles

Au début du mois d’avril, la région connaît un épisode de froid très intense. Du 3 au 5 avril, des gelées nocturnes touchent plusieurs zones de l’Hérault, de l’Aveyron, du Tarn et du Gers.

La chaleur et la sécheresse s’installent ensuite durablement dans la région à partir du mois de mai 2022. Les températures sont supérieures aux normales de saison de +3,2° C en mai, mois pendant lequel de nombreux records de chaleur sont battus, puis de +2,8° C en juin, de +2,6° C en juillet, et de +2,9° C en août. Des vagues de chaleurs très intenses frappent la région en juin, en juillet et en août, avec des températures enregistrées jusqu’à 42,3° C à Durban Corbières.

Les précipitations sont très déficitaires de mai à mi-août. En particulier, le mois de juillet est le plus sec depuis 1959. L’indice d’humidité des sols superficiels s’effondre dès le mois de mai jusqu’à atteindre son record bas historique le 15 juillet 2022.

À partir de mi-août, des épisodes orageux abondants arrosent le Gard, la Lozère, les Pyrénées et l’est de l’Hérault, alors que la sécheresse perdure dans le reste de la région.

Les températures se rapprochent des normales de saison au mois de septembre, puis sont à nouveau anormalement élevées jusqu’à la fin de l’année. Le mois d’octobre en particulier est le plus chaud jamais enregistré dans la région.

Grandes cultures : des prix élevés et des rendements très faibles

Malgré des débuts prometteurs, avec des semis d’automne réalisés dans de bonnes conditions et un hiver propice, les grandes cultures de la région sont touchées de plein fouet par une sécheresse d’intensité exceptionnelle.

Les pertes de rendement sont relativement limitées pour les cultures d’hiver et de printemps en raison de conditions d’implantation et d’un début de campagne plutôt favorables (figure 2 ; blé tendre : -14 %, blé dur : -11 %, orge : -17 % par rapport aux moyennes quinquennales). Le colza tire même son épingle du jeu avec des rendements supérieurs à la moyenne quinquennale.

En revanche, l’impact de la sécheresse est beaucoup plus marqué pour les cultures plus tardives. Le rendement est en baisse de 24 % pour le tournesol et de 31 % pour le soja par rapport à la moyenne quinquennale. La perte de rendement est maximale pour le maïs non irrigué ( -49 %). L’irrigation a permis de réduire sensiblement les pertes pour cette culture : la baisse de rendement est de -10 % pour le maïs irrigué et de -20 % pour le maïs semence, irrigué en grande partie.

Malgré ces très faibles rendements, le bilan économique de la campagne semble plutôt favorable pour nombre de céréaliculteurs en raison de prix très élevés. Selon l’enquête trimestrielle FranceAgrimer, au troisième trimestre 2022, le blé tendre régional est payé 23 % plus cher que l’année précédente, le blé dur 60 %, le maïs 47 % (figure 3a) et le tournesol 35 % (figure 3b).

Figure 2Comparaison des rendements régionaux 2021 et 2022 avec le rendement quinquennal 2017-2021

(en quintaux/ha)
Comparaison des rendements régionaux 2021 et 2022 avec le rendement quinquennal 2017-2021 ((en quintaux/ha))
Culture Moyenne quinquenale 2017-2021 Rendement 2021 Rendement 2022
Maïs grain irrigué 104,71 116,56 93,94
Maïs grain non irrigué 75,86 89,61 38,57
Maïs semence 33,91 35,38 27,15
Total blé dur 47,10 45,39 41,88
Total blé tendre 50,91 48,21 43,62
Total orge et escourgeon 47,00 46,77 39,06
Tournesol 21,84 25,35 16,55
Soja 25,93 27,61 17,95
Colza 25,85 25,74 26,54
  • Sources : statistique agricole annuelle, estimations SRISET.

Figure 2Comparaison des rendements régionaux 2021 et 2022 avec le rendement quinquennal 2017-2021

  • Sources : statistique agricole annuelle, estimations SRISET.

Figure 3Prix moyen trimestriel payé aux producteurs d'Occitanie3a - Prix moyen trimestriels payés aux producteurs d'Occitanie pour les principales céréales

(en €/tonne)
Prix moyen trimestriel payé aux producteurs d'Occitanie ((en €/tonne))
Période Blé tendre Blé dur Maïs
2e trimestre 2021 172,97 210,18 149,72
3e trimestre 2021 170,17 217,11 133,90
4e trimestre 2021 170,78 221,82 148,46
1er trimestre 2022 189,62 278,07 198,08
2e trimestre 2022 198,04 326,42 183,88
3e trimestre 2022 209,18 346,30 197,49
  • Source : Enquête trimestrielle FranceAgriMer Occitanie.

Figure 3Prix moyen trimestriel payé aux producteurs d'Occitanie3a - Prix moyen trimestriels payés aux producteurs d'Occitanie pour les principales céréales

  • Source : Enquête trimestrielle FranceAgriMer Occitanie.

Viticulture : un bilan contrasté, très dégradé dans la partie ouest de la région

Le bilan de la campagne viticole 2022 est très contrasté selon les bassins.

La production dans le bassin Languedoc-Roussillon atteint 12,6 millions d’hectolitres (Mhl), supérieure de 10 % à la moyenne quinquennale. Ce bon résultat est principalement permis par de très bonnes vendanges dans l’Aude et l’Hérault. Ces deux départements bénéficient de précipitations bienvenues à la fin de l’été et d’une très bonne reprise des vignes après le gel de 2021. La part des vignes irriguées y est également élevée (respectivement 20 % et 26 % des surfaces). En revanche dans les Pyrénées-Orientales où la surface irriguée est très réduite (5 %), les effets de la sécheresse sont beaucoup plus marqués (production inférieure de 9 % à la moyenne quinquennale).

Dans le bassin Midi-Pyrénées, la récolte viticole est particulièrement mauvaise (production totale inférieure d’environ 13 % à la moyenne quinquennale). Les pluies estivales ont été pratiquement inexistantes ; de plus, la sécheresse s’est souvent combinée avec d’autres aléas climatiques défavorables (par exemple, dans le Gers avec un épisode de gel très sévère début avril 2022 et des orages de grêle en juin 2022).

Fruits : une production proche de la normale pour la pomme, l’abricot, la cerise et la pêche

Les cultures légumières et fruitières sont en grande majorité irriguées et elles ont donc été moins impactées par la sécheresse. Pour la plupart des fruits d’été, la production s’est redressée en 2022, après une récolte 2021 historiquement basse en raison du gel exceptionnel qui avait touché les vergers au printemps. Les rendements restent cependant globalement un peu inférieurs aux moyennes quinquennales.

La production 2022 est proche de la normale pour l’abricot, la pêche, la cerise et la pomme. Pour la prune, au contraire, les vergers du Tarn-et-Garonne ont à nouveau été touchés par le gel et la production est à nouveau très faible en 2022.

Les fortes chaleurs du début d’été ont accéléré la maturation des différentes variétés et parfois désorganisé les marchés avec des périodes d’engorgement. Par exemple, l’arrivée simultanée sur le marché de cerises de différents bassins de production a tiré les prix vers le bas.

Pour la pêche et l’abricot, les prix des productions se sont maintenus à des niveaux plutôt satisfaisants pour les producteurs, en raison d’une faible concurrence espagnole et d’une demande stimulée par les températures estivales.

Animaux et fourrage : les pénuries de fourrage et le contexte inflationniste impactent quasiment toutes les filières

La production d’herbe et de fourrage pour l’alimentation des animaux a subi de plein fouet la sécheresse persistante de l’été et de l’automne 2022. Sur l’année, la perte de production fourragère dépasse 40 % dans de nombreuses régions agricoles d’Occitanie. À la fin de la campagne, les stocks fourragers dans les exploitations sont donc déjà largement entamés, alors qu’ils étaient plutôt élevés en début de campagne. Les volumes abattus dans la région sont en recul par rapport à 2021 pour les bovins (-5 %) et les ovins (-1 %). Les volumes de lait de vache et de brebis livrés à l’industrie baissent aussi (-5 % pour le lait de vache et -2 % pour le lait de brebis). Les fabrications régionales de produits à base de lait de brebis sont en retrait de 4 % entre 2021 et 2022 (-9 % pour celle du Roquefort). Seule la production de lait de chèvre est en progression (+2 % pour les livraisons à l’industrie par rapport à 2021). Les prix du lait et de la viande, historiquement élevés, ne permettent cependant pas de compenser les fortes augmentations des coûts de production liés à la pénurie de fourrage et à l’inflation des intrants (figure 4).

Figure 4Évolutions annuelles des indices des prix d’achat des moyens de production agricole (IPAMPA) calculés pour les filières d’élevage herbivore

(en %)
Évolutions annuelles des indices des prix d’achat des moyens de production agricole (IPAMPA) calculés pour les filières d’élevage herbivore ((en %))
Indice des prix d'achat des moyens de production agricoles Évolution 2019/2018 Évolution 2020/2019 Évolution 2021/2020 Évolution 2022/2021
Bovins viande 1,8 -1,3 8,3 19,4
Lait de vache 1,3 0 8,5 18,7
Ovins viande 2,1 -1,3 8 18,5
Lait de brebis 1,7 -0,6 8,7 18,9
Lait de chèvre 2,4 0,3 8,9 20
  • Sources : Institut de l’Élevage, d'après Insee et Agreste.

La filière « canards gras » est à nouveau touchée par l’épizootie de l’Influenza Aviaire. Plus de 600 000 canards gras sont abattus en Occitanie dans le cadre de la lutte contre le virus, essentiellement dans le Gers, le Lot et les Hautes-Pyrénées. L’impact sur la région est cependant plus modéré qu’en Nouvelle-Aquitaine ou dans les Pays de la Loire.

Publication rédigée par :Camille Dross (Direction Régionale de l’Alimentation, de l’Agriculture Occitanie)

Pour en savoir plus