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Insee Conjoncture Corse · Juillet 2021 · n° 34
Insee Conjoncture CorseBilan économique 2020 - Corse Une activité fortement impactée mais une économie maintenue à flots

En 2020, la crise sanitaire liée à la propagation du virus de la Covid-19 bouleverse fortement l’économie régionale. L’activité est fortement impactée comme l’indique le décrochage des chiffres d’affaires et de l’investissement pour les entreprises enquêtées par la Banque de France et celles soumises à la TVA auprès de la DRFIP. De même, les heures rémunérées par les entreprises restent très en retrait de leur niveau d’avant crise.

L’emploi résiste toutefois grâce aux dispositifs d’aide : le recours au chômage partiel en particulier reste très mobilisé en Corse notamment dans les secteurs clés de l’hébergement-restauration. Toutefois les difficultés sont réelles sur le marché du travail. Les Déclarations Préalables à l’Embauche (DPAE) peinent à dépasser les trois quarts de leur niveau de 2019. Parallèlement, les effets de la crise conduisent certains demandeurs d’emploi à suspendre leurs recherches dans les secteurs à l’arrêt en période de confinement, ce qui induit un effet en trompe-l’œil sur le chômage. Par ailleurs, du fait de la suspension des procédures judiciaires et des délais accordés les défaillances d’entreprises régressent, alors que les créations marquent le pas. Au niveau sectoriel, les deux confinements instaurés au niveau national limitent de façon drastique les déplacements des personnes, engendrant l’arrêt brutal des activités liées aux transports de passagers. Ainsi, les activités touristiques se trouvent réduites à néant lors du premier confinement et subissent le plus fort préjudice de la crise sanitaire. Le contexte sanitaire a également des effets néfastes sur la construction de logements et les ventes immobilières. Dans le monde agricole, les exploitants, les autorités de tutelle et même les consommateurs font preuve de solidarité, d’adaptation et d’innovation, limitant ainsi les effets délétères de la crise.

Insee Conjoncture Corse
No 34
Paru le :Paru le08/07/2021

Ce bilan économique fait partie des 17 bilans économiques régionaux 2020 publiés par l'Insee.
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Agriculture - Situation inédite et réactivité du monde agricole Bilan économique 2020

Philippe Pailler (Direction Régionale de l’Alimentation, de l’Agriculture et de la Forêt de Corse - Service Régional de l'Information Statistique et Economique)

La crise sanitaire n’a pas épargné l’agriculture insulaire, avec une contraction des débouchés. La conduite des élevages et des cultures a été affectée, avec des problèmes de stockage et difficultés d’accès à la main-d’œuvre saisonnière en raison des restrictions des déplacements internationaux. Solidarité, adaptation et innovation ont été les réponses des exploitants, autorités de tutelle ainsi que des consommateurs, permettant de limiter les dégâts.

Insee Conjoncture Corse

No 34

Paru le :08/07/2021

L’eau, un bien commun à sécuriser

Avec encore une année particulièrement chaude et un déficit hydrique hivernal, l’agriculture corse se trouve à nouveau confrontée aux conséquences du changement climatique (figure 1 et figure 2). La sécheresse a également sévi en début d’été en Balagne et dans l’Extrême-Sud, la pénurie ayant toutefois été évitée en raison de la moindre pression touristique due à la crise Covid. Plus que le manque d’eau, c’est l’alternance accélérée de périodes sèches et de précipitations intenses et localisées qui caractérise ces dernières années : selon Météo France, ces épisodes de très fortes pluies ont augmenté de 22 % depuis les années 60.

Dans ce contexte, le débat autour de la gestion de l’eau se fait plus intense et des stratégies voient le jour. L’Office d’équipement hydraulique de la Corse a ainsi présenté à l’été 2020 son projet Acqua nostra 2050. À cette échéance, il prévoit, sur le volet agricole, un doublement des surfaces irriguées, permettant de répondre a un accroissement des besoins estimé à 40 %.

Figure 1Températures moyennes 2019-2020

Degrés
Températures moyennes 2019-2020 (Degrés)
2019 2020 Températures normales saisonnières
Janvier 9,4 11,8 9,9
Février 11,2 12,7 9,8
Mars 12,7 12,2 11,4
Avril 14,0 15,1 13,5
Mai 15,7 19,1 17,3
Juin 23,1 21,4 20,9
Juillet 25,7 24,7 23,8
Août 25,7 25,9 24,2
Sept 23,1 22,4 21,3
Octobre 20,0 17,0 18,1
Novembre 14,5 15,1 13,9
Décembre 13,4 11,5 11,0
  • Source : Météo France.

Figure 1Températures moyennes 2019-2020

  • Source : Météo France.

Figure 2Précipitations moyennes 2019-2020

Millimètres
Précipitations moyennes 2019-2020 (Millimètres)
2019 2020 Précipitations normales saisonnières
Janvier 52,6 19,8 47
Février 40,8 4,7 38
Mars 5,7 29,6 45
Avril 55,4 59,8 52
Mai 51,4 38,0 37
Juin 0,9 30,3 25
Juillet 56,5 1,9 7
Août 1,4 25,1 15
Sept 22,5 93,8 54
Octobre 57,3 70,8 77
Novembre 202,4 24,2 90
Décembre 68,9 140,1 65
Cumul 615,8 538,1 552
  • Source : Météo France.

Figure 2Précipitations moyennes 2019-2020

  • Source : Météo France.

L’ombre de la Covid, la lueur des nouveaux modes de consommation

Dès mars, la crise sanitaire a des impacts dans le secteur agricole, qui perdureront tout au long de l’année, au gré des confinements et des restrictions. La fermeture des restaurants, l’annulation des foires et salons, la saison touristique perturbée ont engendré des problèmes de débouchés et de commercialisation, obligeant la profession à être réactive et se réinventer pour écouler les productions : intensification de la vente directe à travers le développement des drives, click-and-collect, livraisons à domicile. Cette promotion des circuits courts a été renforcée par de multiples campagnes de communication, d’initiative locale ou régionale, par les professionnels et les autorités de tutelle (« cumpreme quì », « cumprate nustrale »,…). Les consommateurs insulaires ont semblé sensibles à la démarche et ont joué le jeu.

Soutien et adaptabilité

Pour faire face à la crise, des dispositifs d’aides publiques ont été mis en œuvre à l’échelle nationale (fonds de solidarité, prêt garanti par l’État, chômage partiel…). Au niveau régional, des mesures de soutien aux filières agricoles ont été déployées, principalement par l’Office du développement agricole et rural de la Corse (ODARC) : aides à la trésorerie, cofinancement de l’achat de cuves de stockage, gratuité de l’abattage...

Pour la filière lait, l’impact a été fort. Les fromageries ont mis l’accent sur la collecte locale, délaissant un temps l’approvisionnement depuis le continent. Les éleveurs/transformateurs ont ainsi pu écouler leur matière première, mais sans valorisation fromagère. Des mesures de rachats de stocks et compensations de pertes ont aussi été prises par l’Odarc.

La fermeture des frontières de l’espace Schengen a entraîné une pénurie en main-d’œuvre saisonnière d’origine étrangère. Si les vendanges ont bénéficié de la fenêtre estivale avant reconfinement, les agrumiculteurs, qui ramassent à l’automne, ont mis en place, en collaboration avec les autorités des deux pays, un dispositif inédit de pont aérien entre le Maroc et la France. 900 saisonniers ont ainsi pu fouler le sol corse et sauver la récolte de clémentines.

Viticulture : d’importants volumes à écouler

Avec près de 390 000 hectolitres, la production 2020 retrouve les volumes importants du milieu de la décennie (figure 3). Le niveau particulièrement élevé en AOP (121 000 hectolitres) dépasse de 10 000 hectolitres la moyenne des cinq années précédentes. Les pluies bénéfiques de la fin de l’été ont permis cette belle récolte. Le millésime a été tardif et marqué par des disparités mais s’avère satisfaisant en qualité. La crise sanitaire perdurant, la problématique des stocks se pose pour les rosés (deux tiers de la production), à durée de conservation limitée.

Figure 3Évolution de la production de vin

Hectolitres
Évolution de la production de vin (Hectolitres)
Vins AOP Vins IGP Vins sans IG Total vins
2016 113 738 239 206 35 795 388 739
2017 101 985 192 337 20 659 314 981
2018 107 764 236 456 30 430 374 650
2019 111 218 188 067 14 344 313 629
2020 121 178 237 863 30 103 389 144
  • Note : données 2020 provisoires.
  • Source : Agreste - Statistique Agricole Annuelle (SAA).

Figure 3Évolution de la production de vin

  • Note : données 2020 provisoires.
  • Source : Agreste - Statistique Agricole Annuelle (SAA).

Clémentine : production record et logistique inédite

Grâce à la réactivité de la profession (voir supra), le recours habituel à la main d’œuvre spécialisée en provenance du Maroc a pu être maintenu. D’autant plus indispensable qu’en cette campagne 2020/2021, les volumes ont été au rendez-vous : 37 500 tonnes, soit la meilleure récolte de la décennie (figure 4). Malgré les nombreux écarts de tri, la qualité est reconnue et la valorisation satisfaisante, avec des cours supérieurs à ceux des années récentes tout au long de la campagne.

Figure 4Rendement et production des vergers purs et associés

Rendement et production des vergers purs et associés
Produit Rendement (100 kg/ha) Production récoltée (100 kg)
2016 2017 2018 2019 2020 2016 2017 2018 2019 2020
Clémentines 264 237 280 181 254 333 120 311 344 373 360 252 555 375 050
Pamplemousses 330 346 265 348 357 55 160 64 692 49 500 68 496 70 334
Actinidia (Kiwi) 113 94 94 99 91 36 360 30 215 29 766 32 021 28 990
Pêches, nectarines, pavies et brugnons 181 192 191 195 189 33 808 41 281 40 926 37 294 38 837
Olives 7 4 11 3 9 14 410 8 805 22 607 7 437 18 480
Amandes 8 7 5 8 6 3 045 2 745 1 775 2 425 1 610
Châtaignes 2 1 1 2 1 2 090 1 510 1 065 2 475 1 535
Noisettes 8 8 11 8 8 1 200 1 200 1 700 1 200 1 230
  • Note : données 2020 provisoires.
  • Source : Agreste - Statistique Agricole Annuelle (SAA).

Éclosion printanière de l’IGP Kiwi de Corse

Dernière née des Identifications géographiques protégées, l’IGP Kiwi de Corse a vu le jour le 31 mars 2020. Production présente depuis 40 ans sur l’île et représentant annuellement environ 3 000 tonnes, cette reconnaissance va dynamiser la filière.

Pour les autres productions végétales, les oliviers sont en année d’alternance positive, avec une bonne récolte de 1 850 tonnes. Néanmoins, la profession est inquiète pour la commercialisation de l’huile d’olive, produit de qualité mais onéreux, dans le contexte économique difficile de la crise sanitaire.

Des productions animales dans la continuité

En dépit de la fermeture de l’abattoir de Cuttoli pour travaux et de la concentration des abattages sur ceux de Porto-Vecchio et Ponte Leccia pendant la crise sanitaire, la production d’animaux de boucherie issue de ces entités est semblable à celle des années précédentes (3 275 tonnes). La production de lait de chèvre est également stable, celle du lait de brebis accusant un léger repli (figure 5).

Le cheptel porcin continue sa progression (+ 27 % en 5 ans) pour atteindre 64 000 têtes.

Figure 5Évolution de la production de lait

Hectolitres
Évolution de la production de lait (Hectolitres)
Lait de chèvre Lait de brebis
2016 57 150 99 410
2017 59 540 99 520
2018 59 790 100 290
2019 60 060 98 520
2020 59 880 94 940
  • Note : données 2020 provisoires.
  • Source : Agreste - Statistique Agricole Annuelle (SAA).

Figure 5Évolution de la production de lait

  • Note : données 2020 provisoires.
  • Source : Agreste - Statistique Agricole Annuelle (SAA).

Encadré  - 2021, l’agriculture corse dans l’expectative

L’année 2021 a démarré comme s’était achevée 2020, avec les mêmes problématiques liées au contexte sanitaire : incertitude persistante sur les débouchés, annulation du Salon de l’agriculture, véritable vitrine de la production insulaire, tension durable sur la main-d’œuvre étrangère avec la fermeture des frontières… Les mesures de desserrement des contraintes, à partir de mai, sont attendues avec impatience dans une avant-saison touristique qui tarde à démarrer. Les professionnels espèrent une présence plus marquée tout au long de l’été de ces consommateurs estivaux de produits locaux.

Par ailleurs, les gels tardifs et sévères d’avril (jusqu’à - 5 °) ont affecté certaines cultures et particulièrement les vignobles. À ce jour, l’impact sur les productions est encore difficile à estimer.

Publication rédigée par :Philippe Pailler (Direction Régionale de l’Alimentation, de l’Agriculture et de la Forêt de Corse - Service Régional de l'Information Statistique et Economique)

Définitions

Appellation d’origine contrôlée (AOC) : Désigne un produit dont toutes les étapes de fabrication (la production, la transformation et l’élaboration) sont réalisées selon un savoir-faire reconnu dans une même zone géographique qui donne ses caractéristiques au produit.

Appellation d’origine protégée (AOP) : Est l’équivalent de l’AOC. Elle protège le nom d’un produit dans tous les pays de l’Union européenne.

Indication géographique protégée (IGP) : Désigne un produit dont les caractéristiques sont liées au lieu géographique dans lequel se déroulent au moins sa production ou sa transformation selon des conditions bien déterminées. C’est un signe européen qui protège le nom du produit dans toute l’Union européenne.