Du PIB, des Jeux, des inconnues Note de conjoncture - juillet 2024

 

Note de conjoncture
Paru le :Paru le09/07/2024
Note de conjoncture- Juillet 2024
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Vue d'ensemble

La publication de cette Note de Conjoncture intervient dans un contexte particulier. Initialement prévue le 18 juin 2024, elle a été décalée au 9 juillet 2024 afin de respecter la période dite « de réserve électorale ». La prévision retenue s’appuie sur les indicateurs disponibles à date, y compris les enquêtes de conjoncture de juin, dont il faut souligner qu’elles ont été collectées pour l’essentiel avant le 9 juin. Les mesures que pourrait prendre un nouveau gouvernement ne sont pas intégrées ni les effets d’une période d’attentisme prolongé dans le cas où l’orientation de la politique économique resterait durablement incertaine.

Note de conjoncture

Paru le :09/07/2024

En 2024, la zone euro sort de l’ornière

En 2023, tandis que la croissance américaine restait soutenue (+2,5 %), l’activité en zone euro est globalement demeurée étale (+0,6 %), pénalisée par des prix énergétiques élevés et les effets du resserrement monétaire. Toutefois, depuis le début de l’année, les économies européennes semblent repartir doucement : la zone euro (+0,3 %) tout comme le Royaume-Uni (+0,7 %) ont renoué avec la croissance au premier trimestre. Ce retour de la croissance provient pour le moment essentiellement du commerce extérieur, la contribution de la demande intérieure demeurant modeste. À l’inverse, la croissance américaine (+0,4 % au premier trimestre) est restée tirée par une dynamique interne robuste, et notamment une orientation favorable de la politique budgétaire.

La demande intérieure prendrait progressivement le relais pour soutenir la croissance européenne. L’inflation a nettement reflué et les salaires réels se redressent après deux années de pertes, ce qui favorise la consommation des ménages. En revanche, l’amélioration de l’investissement resterait limitée, les conditions de financement restant globalement restrictives malgré un léger assouplissement. Au sein de la zone euro, les divergences conjoncturelles se maintiendraient au printemps : l’économie allemande continuerait de patiner tandis que la croissance espagnole ne faiblirait presque pas. Au second semestre, les situations convergeraient un peu, à la faveur du redémarrage de la consommation et de l’investissement en Allemagne. Outre-Atlantique, les fortes créations d’emploi continueraient d’entretenir une dynamique favorable de la consommation jusqu’à la fin de l’année. Exprimée en glissement annuel, la croissance de la zone en fin d‘année (+1,1 %) resterait inférieure à celle des États-Unis (+1,9 %).

Été olympique en France

En France, l’activité a progressé modérément depuis deux trimestres (+0,2 % au premier trimestre 2024 après +0,3 % fin 2023). Cette croissance provient, comme ailleurs en Europe, d’une forte contribution du commerce extérieur. En juin 2024, le climat des affaires se maintient un peu en deçà de sa moyenne de longue période, suggérant, pour le moment, que la croissance conserverait un rythme similaire en tendance : elle s’établirait à +0,3 % au deuxième trimestre. Au second semestre, le profil trimestriel de l’activité serait fortement marqué par l’accueil des Jeux Olympiques et Paralympiques à Paris cet été, qui rehausserait la croissance de 0,3 point au troisième trimestre (à +0,5 %) : aux ventes de billets et de droits de rediffusion enregistrés au moment de l’événement s’ajouterait un surcroît d’activité touristique. Cet effet étant ponctuel, l’activité marquerait le pas par contrecoup en fin d’année (-0,1 %). Sur l’ensemble de l’année 2024, la croissance atteindrait +1,1 %, soit autant qu’en 2023.

Les ménages retrouvent un peu de pouvoir d’achat

L’inflation a nettement reflué, s’établissant à +2,1 % sur un an en juin 2024 contre +4,5 % un an plus tôt. La composition de l’inflation a par ailleurs beaucoup changé : les prix alimentaires et des produits manufacturés se stabilisent et l’inflation est désormais essentiellement portée par les prix de services. Dans ce secteur, les entreprises répercutent à leurs clients la hausse passée de leurs coûts salariaux. Les hausses de salaires restent toutefois modérées et n’alimentent pas une boucle prix-salaires : après deux années de recul (en 2022 et en 2023), les salaires réels augmenteraient seulement modestement en 2024.

Outre les gains de salaires réels, les ménages bénéficient de la revalorisation des prestations, en premier lieu des pensions et, dans une moindre mesure, de revenus de la propriété encore dynamiques. Au final, le pouvoir d’achat du revenu disponible brut par unité de consommation augmenterait de +0,9 % en 2024 après +0,3 % en 2023 et -0,3 % en 2022. Cette hausse de pouvoir d’achat est largement acquise au premier trimestre 2024, la plupart des revalorisations ayant eu lieu en début d’année.

La consommation prendrait de l’élan

La consommation progresse modestement depuis six mois (+0,1 % après +0,2 %) et accélérerait d’ici la fin de l’année, portée par l’amélioration du pouvoir d’achat. Toutefois, la confiance des ménages, bien qu’en amélioration depuis son point bas de mi-2022 reste bien en deçà de sa moyenne de longue période. La hausse de la consommation n’excéderait ainsi pas celle du pouvoir d’achat et le taux d’épargne se stabiliserait à un niveau élevé en fin d’année, environ deux à trois points au-dessus de celui observé en 2019. Le profil trimestriel de la consommation serait fortement marqué par les Jeux Olympiques et Paralympiques, les deux tiers des spectateurs attendus étant résidents.

Vers une contribution positive du commerce extérieur en 2024

Les exportations ont été dynamiques fin 2023 et début 2024, portées par le redémarrage du commerce mondial. D’ici la fin de l’année leur progression se ferait par à-coups au gré des livraisons aéronautiques et navales. En moyenne, en 2024, elles progresseraient (+3,5 %) sensiblement plus vite que les importations (+0,8 %), si bien que la contribution du commerce extérieur à la croissance serait nettement positive (+0,9 point). Une partie de cette contribution aurait pour contrepartie un ajustement du niveau des stocks, que les entreprises jugeaient globalement trop élevés fin 2023. Au-delà du déstockage, elle reflète le décalage conjoncturel de la France avec le reste du monde, le redémarrage progressif des ventes aéronautiques et un effet ponctuel sur l’activité touristique des Jeux Olympiques et Paralympiques. L’économie regagnerait ainsi quelques parts de marché à l’exportation en 2024 sans effacer l’ensemble des pertes survenues depuis 2019, en partie liées à la hausse des prix de l’énergie.

L’investissement se stabiliserait, entre incertitude et contraintes financières

L’investissement s’est nettement replié depuis fin 2023. Côtés ménages, où le recul a été continu depuis deux ans, la fin du tunnel est peut-être en vue : les mises en chantier se stabilisent depuis plusieurs mois (à un niveau bas) et les intentions d’achat de logement exprimées avant les épisodes électoraux se redressent légèrement. Côté entreprises, le durcissement des conditions de financement a entraîné un net retournement des investissements depuis la mi-2023. Selon les enquêtes de conjoncture, en avril, les entreprises étaient légèrement moins pessimistes sur leurs intentions d’achat qu’en janvier du fait des perspectives de demande. Certes, les marges des entreprises sont restées un peu plus élevées qu’en 2019, mais ce constat est hétérogène car il provient notamment de l’industrie, plus particulièrement de l’énergie. De plus, ces marges supplémentaires sont absorbées par la hausse des frais financiers, limitant l’autofinancement des projets. Enfin, depuis le 9 juin, la volatilité s’est accrue sur les marchés financiers, suggérant qu’un effet d’incertitude est peut-être à l’œuvre, susceptible de générer une forme d’attentisme. Au final, l’investissement des entreprises se stabiliserait, tiraillé entre la légère amélioration des perspectives de demande, dans un contexte incertain, et des conditions financières difficiles.

Légère hausse du chômage

Après une croissance solide au premier trimestre (+0,3 %), l’emploi ralentirait un peu, les entreprises étant un peu moins optimistes en juin sur leurs recrutements passés et à venir. Sur l’ensemble de l’année, la progression de l’emploi serait de +0,6 % (soit +185 000 emplois environ), un rythme proche de celui de l’an passé. La productivité par tête continuerait de se redresser, retrouvant sa tendance pré-Covid, mais sans regagner les pertes enregistrées depuis 2019. De son côté, la population active augmenterait un peu plus vite (+230 000 environ), en particulier avec la poursuite de la montée en charge de la réforme des retraites. Le taux de chômage, qui s’établit à 7,5 % début 2024, augmenterait ainsi un peu, à 7,6 % en fin d’année.

Aléas : situation politique en France

Cette prévision est « à date » : elle repose sur l’analyse des indicateurs conjoncturels dont les plus récents portent sur le mois de mai, et sur les réponses aux enquêtes collectées auprès des acteurs économiques en juin, mais essentiellement avant l’annonce de la dissolution de l’Assemblée nationale. L’évolution de la situation politique en France constitue donc un aléa important du scénario, et les mesures qui pourraient être prises par un nouveau Gouvernement ne sont pas prises en compte. Concernant l’impulsion budgétaire, la prévision s’appuie sur les seules mesures votées, notamment les annulations de crédit décidées en début d’année. Outre la politique budgétaire, le contexte politique nouveau est susceptible de modifier les comportements : côté ménages, les précédents épisodes électoraux majeurs se sont souvent traduits par une hausse, temporaire, de l’optimisme, mais la situation actuelle est relativement inédite ; côté entreprises, les évolutions des indices financiers reflètent une hausse de l’incertitude susceptible de générer une forme d’attentisme, en particulier sur les décisions d’investissement. Son ampleur pourrait toutefois s’avérer plus forte que ce qui est retenu ici. Toutefois, l’écartement des taux d’emprunts entre les différents pays de la zone euro s’est pour le moment traduit davantage par une baisse des taux allemands que par une hausse dans les autres pays, signe de tensions relativement contenues au moment de la finalisation de cette Note.