Insee Conjoncture OccitanieBilan économique 2019 - Occitanie

En 2019, l’emploi salarié accélère en Occitanie, progressant de 1,8 % après + 0,9 % en 2018. L’accélération dans la région est ainsi plus marquée qu’en France, où l’emploi progresse de 1,1 % après + 0,6 %. Dans le même temps, la croissance française décélère, avec une augmentation du PIB de 1,5 % après + 1,8 %. Mais en 2020, la crise sanitaire liée à la pandémie de Covid-19 a un très fort impact économique qui interrompt cette bonne dynamique de l’économie régionale. C’est particulièrement le cas dans la construction et le tourisme et de fortes incertitudes pèsent sur les secteurs liés à la filière aéronautique.

Insee Conjoncture Occitanie
No 22
Paru le :Paru le18/06/2020
Patrick Voisin (Insee)
Insee Conjoncture Occitanie No 22- Juin 2020

Ce bilan économique fait partie des 17 bilans économiques régionaux 2019 publiés par l'Insee.
Retrouvez les bilans des autres régions ici.

Cette année, la situation exceptionnelle de la pandémie dans les premiers mois de 2020 introduit une rupture avec la dynamique de 2019 et remet en question les éventuelles prévisions réalisées précédemment. Ainsi, ces bilans rendent également compte de la crise, uniquement sur la période de confinement.

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Aéronautique et spatial - La crise de 2020 intervient après une année record pour Airbus et pour l’ensemble de l’activité aéronautique et spatiale, stimulée par l’innovation Bilan économique 2019

Patrick Voisin (Insee)

En 2019, le contexte mondial avec un nouveau record du trafic aérien favorise le développement de l'activité aéronautique. Cela profite à Airbus tandis que Boeing fait face à d’importantes difficultés suite aux accidents du 737 Max. Les producteurs de plus petite taille implantés sur certains segments de marché comme les avions à turbopropulseurs, mais aussi la chaîne d'approvisionnement, profitent également de la croissance du trafic aérien. Malgré les tensions, la chaîne d'approvisionnement fait face à la montée des cadences et poursuit son développement en 2019 grâce à l’innovation et à la recherche.

Confronté à un marché difficile, le spatial enregistre également des succès dont l'impact régional est considérable.

L'ensemble de la filière, qui emploie 110 300 personnes fin 2018 en Occitanie, continue de se développer en 2019. En revanche, le confinement qui a débuté mi-mars 2020 en France et l’impact mondial du coronavirus, remettent en question des années de croissance continue du secteur aéronautique et spatial.

Insee Conjoncture Occitanie

No 22

Paru le :18/06/2020

En 2019, le trafic aérien mondial enregistre un nouveau record, avec 4,7 milliards de passagers. La demande mesurée en kilomètres passagers augmente ainsi de 4,2 % par rapport à 2018, selon l'association internationale du transport aérien (IATA). Cela marque néanmoins un ralentissement par rapport à la tendance de long terme estimée à + 5,5 %, en lien avec le ralentissement économique mondial et les tensions internationales, en particulier la guerre économique entre la Chine et les États-Unis.

La croissance du trafic de passagers des vols internationaux (hors passagers intérieurs) ralentit à + 3,8 %. Toutes les régions du monde sont concernées par ce ralentissement, même les transporteurs de l'Asie Pacifique qui enregistrent une augmentation de 4,5 % après + 7,3 %. Le trafic de passagers des vols intérieurs ralentit également (+ 5,8 % après 7 %).

Cette croissance du trafic mondial reste bénéfique pour les principaux constructeurs Airbus et Boeing, mais ce dernier est impacté par la crise du 737 Max.

Airbus atteint son objectif et devient le premier constructeur mondial

Airbus atteint son objectif avec la livraison de 863 avions (figure 1), niveau jamais atteint auparavant. Cet objectif a cependant été revu légèrement à la baisse - 880 appareils initialement prévus -, suite aux difficultés d’industrialisation de l’A321 ACF (nouveau modèle avec cabines modulables).

Les moyen-courriers mono-couloirs A320, A320neo (version re-motorisée) et A321 constituent une part importante de ces livraisons (690 appareils). L’A320 devient l’avion le plus vendu de l’histoire, tous constructeurs confondus, mais la forte accélération des cadences de production qui atteignent jusqu’à 60 appareils par mois en 2019, est parfois difficile à suivre par les motoristes, ou par les fournisseurs de cabines.

Figure 1Livraisons : Airbus devient le 1ᵉʳ constructeur mondialLivraisons annuelles d'avions civils de plus de 100 places

Livraisons : Airbus devient le 1ᵉʳ constructeur mondial
Airbus Boeing
2009 498 481
2010 510 462
2011 534 477
2012 588 601
2013 626 648
2014 629 723
2015 635 762
2016 688 748
2017 718 763
2018 800 806
2019 863 380
  • Note : livraisons annuelles d'avions civils de plus de 100 places.
  • Source : constructeurs

Figure 1Livraisons : Airbus devient le 1ᵉʳ constructeur mondialLivraisons annuelles d'avions civils de plus de 100 places

  • Note : livraisons annuelles d'avions civils de plus de 100 places.
  • Source : constructeurs

La montée en cadence de l'A350, avion long-courrier allégé grâce à l'utilisation de matériaux composites et économe en carburant, permet de livrer 112 appareils (figure 2).

Quant à l'A380, huit avions seulement sont livrés en attendant l’arrêt complet de la production, décidé suite à l’insuffisance des commandes. Cependant les annulations se font parfois au profit de l’A350, mieux positionné sur le marché des long-courriers.

Figure 2Des livraisons toujours en hausseLivraisons annuelles d'avions Airbus

Des livraisons toujours en hausse
2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018 2019
Monocouloirs 402 401 421 455 493 490 491 545 558 646 690
dont A220 * 20 48
A330 76 87 87 101 108 108 103 66 67 49 53
A340 10 4 0 2 0 0 0 0 0 0 0
A350 0 0 0 0 0 1 14 49 78 93 112
Famille A330/A340/A350 86 91 87 103 108 109 117 115 145 142 165
A380 10 18 26 30 25 30 27 28 15 12 8
Total livraisons 498 510 534 588 626 629 635 688 718 800 863
  • * à partir de 2018 l’offre s’enrichit des appareils A220, avions Bombardiers rebaptisés A220.
  • Source : constructeur

Les commandes progressent par rapport à 2018, et le carnet de commandes se maintient à un niveau élevé en 2019 avec près de 7 500 unités, ce qui représente plus de huit années de production, estimation basée sur le rythme de fabrication connu cette année-là. Les résultats financiers du groupe sont cependant impactés par les difficultés de l’avion militaire A400M et les pénalités infligées par l’Organisation mondiale du commerce (OMC) dans le cadre des règles concernant la concurrence.

Les résultats de Boeing s’effondrent tant au niveau des commandes que des livraisons en lien avec l’immobilisation prolongée des 737 Max. Les problèmes n’étant pas résolus en fin d’année, l’arrêt de la production de cet appareil est annoncé mi-décembre par Boeing. Cette interruption ne profite cependant pas à court terme à son concurrent Airbus dont les cadences de production au plus haut, ne permettent pas de satisfaire des demandes de livraisons additionnelles. Pour les fournisseurs et sous-traitants de Boeing localisés en Occitanie, l’impact est quasi nul en 2019, la production ayant gardé une cadence quasi normale jusqu’en décembre, avec le stockage des avions produits. Mais les difficultés commencent à se faire sentir début 2020 chez certains sous-traitants de Boeing implantés dans la région.

Les acteurs locaux du secteur de la fabrication aéronautique fortement impliqués dans l’innovation

La société ATR (Avions de transport régional), dont la chaîne d’assemblage et le siège social sont implantés à Toulouse, se positionne sur le marché des avions régionaux équipés de turbopropulseurs économes en carburant, grâce à l’utilisation de matériaux composites, de fibre de carbone, et de moteurs intégrant les dernières technologies innovantes. ATR consolide sa première place sur le segment des turbopropulseurs avec 75 commandes assurées dès le salon du Bourget, mi-juin, ce qui permet d’atteindre les objectifs fixés pour 2019.

Daher produit des avions d'affaires à turbopropulseur et dispose d’une chaîne d'assemblage située à Tarbes. L’entreprise livre 48 avions de la gamme TBM (avions à mono-turbopropulseur). Ces avions d’affaires équipés d’un mono-turbopropulseur sont à la pointe de l’innovation technologique et le TBM 930 détient le record du monde de vitesse New York-Paris pour avion léger, en mars 2019.

La production de moteurs LEAP (Leading edge aviation propulsion - Propulsion aéronautique d’avant-garde) par Safran s’accélère pour satisfaire les besoins croissants des avionneurs. En 2019, 1 736 moteurs sont livrés (contre 1 118 en 2018) et 1 968 moteurs sont commandés (contre 3 211 en 2018). Ces moteurs équipent certains Airbus A320neo et le Boeing B737 Max. Les autres A320neo sont équipés de moteurs Pratt & Whitney, entreprise également implantée dans la région. En 2019, la production des 737 Max se poursuivant jusqu’en décembre, l’impact sur le motoriste ne s’est pas encore fait ressentir.

Développer des moteurs toujours plus innovants, économiques et respectueux de l’environnement mobilise de nombreux experts en recherche technologie et développement. Un partenariat entre Safran et Air France se traduit notamment par un vol hebdomadaire Toulouse-Paris effectué avec un A320 utilisant un biocarburant. Une collaboration de longue date entre SAFRAN et l’ONERA (Office national d’études et de recherches aérospatiales), expert en combustion, favorise la quête d’un moteur toujours plus sûr et moins polluant. Son département Multi-physique pour l’énergétique est implanté à Toulouse.

Lors du salon du Bourget, l’ONERA expose également ses travaux sur la propulsion électrique distribuée qui utilise un grand nombre de moteurs électriques placés sous chaque aile. Airbus de son côté, en collaboration avec plusieurs motoristes, a travaillé sur un démonstrateur d’avion à propulsion hybride baptisé E-Fan X. Le projet est cependant interrompu en 2020 compte tenu du nouveau contexte, mais il a permis de faire progresser les connaissances en matière de propulsion hybride. Parallèlement, les recherches s’intensifient pour produire des batteries adaptées à l’aéronautique.

La chaîne d'approvisionnement suit la cadence en 2019

La présence sur le territoire régional des grands donneurs d'ordres de l'aéronautique a un effet d’entraînement sur la chaîne d’approvisionnement située en Occitanie. Les entreprises régionales de la filière répondent aussi aux besoins de clients localisés dans les autres régions françaises et à l'international. La chaîne d'approvisionnement est sous tension pour faire face aux augmentations des cadences de production et s’approche en 2019 de son niveau de saturation. Le taux d’utilisation des capacités de production atteint 89 % dans les industries de la chaîne d’approvisionnement.

L'activité progresse fortement en Occitanie en 2019 et les perspectives d'activité restaient favorablement orientées pour la fin de l’année selon les chefs d'entreprise interrogés courant 2019. L'activité des services spécialisés se redresse également, après une période de perte de vitesse, depuis la fin des grands programmes de développement d'Airbus en 2012. En effet, sur un marché concurrentiel, la créativité procure aux entreprises concernées des avantages. L’utilisation de nouveaux matériaux et procédés de fabrication, l’offre de services inédits sont recherchées pour rester compétitif et satisfaire des clients ou anticiper leurs attentes. Pour innover, il faut se préoccuper de la connectivité, de la sécurité, et de la consommation d’énergie.

L'investissement incontournable qui accompagne l'innovation permet également à la chaîne d'approvisionnement de continuer à s'adapter aux besoins de la filière. En Occitanie, les chefs d'entreprise anticipent une nouvelle hausse de leurs investissements matériels en 2019 dans tous les secteurs industriels. L'investissement en recherche et développement suit la même tendance.

Un marché difficile dans le spatial mais des perspectives fin 2019

Toulouse regroupe des acteurs essentiels de la filière spatiale, avec le site du Cnes (Centre national d'études spatiales), un des principaux centres techniques européens dans le domaine spatial, l’ONERA, ainsi que les constructeurs de satellites Thales Alenia Space (spécialiste des satellites de télécommunication et d'observation) et Airbus Defense & Space (satellites d'observation optiques et satellites à propulsion 100 % électrique).

Après un début d’année difficile, l’écosystème spatial toulousain bénéficie au dernier trimestre 2019 d’un meilleur contexte malgré une compétition très rude sur le marché des satellites de télécommunication.

Si Thales Alenia Space (TAS) maintient l’annonce de la suppression de postes à Toulouse, l’entreprise recrute parallèlement de nouveaux profils pour faire face aux besoins changeants du marché. TAS bénéficie du programme européen d’observation de la Terre Copernicus, essentiel pour l’étude du climat, qui comprend une constellation de 12 satellites, construits en partie sur le site de Toulouse. Sur l’année qui vient de s’écouler, TAS décroche quatre contrats pour des satellites de télécommunication dont deux contrats essentiels en fin d’année. L’un concerne la modernisation d’EGNOS, le système de navigation européen. L’autre, la construction d’un satellite de télécommunication de dernière génération Eutelsat 10B, nouvel appareil géostationnaire destiné à fournir une connectivité haut débit dans les domaines aérien et maritime.

En octobre, le satellite de télécommunication TIBA-1 conçu par Airbus Defense & Space (ADS) et TAS quitte les salles blanches d’Airbus à Toulouse pour être lancé à bord d’Ariane 5 depuis Kourou.

En décembre, une PME toulousaine lance son premier nano-satellite industriel baptisé Angels, co-fabriqué avec le Cnes. Ce démonstrateur ouvre la voie au développement de constellations qui fait l’objet d’accords signés avec ADS et TAS. Le défi est de faire chuter les coûts de développement pour se positionner dans la course au New Space.

La croissance du budget de l’Agence spatiale européenne et la politique du ministère des Armées en matière de défense spatiale devraient permettre la poursuite du développement de la filière en Occitanie. En effet, le gouvernement a décidé d’implanter dans la région le nouveau centre de Commandement de l’espace, qui sera accueilli transitoirement par le Cnes. En décembre, les essais du Rover ExoMars, réalisés sur le site d’Airbus à Toulouse sont entrés dans une nouvelle phase, visant à préparer son voyage vers la planète rouge en 2020.

L’ensemble de la filière emploie 110 300 personnes fin 2018 et la croissance de l’emploi se poursuit en 2019...

Avec 110 300 salariés en Occitanie fin 2018, l'ensemble de la filière aérospatiale intégrant les grands donneurs d'ordres, regroupe 8,7 % des emplois des secteurs marchands non agricoles de la région. Bien que très concentrée dans la métropole de Toulouse, la filière est également présente dans tous les départements d’Occitanie. En son sein, la chaîne d'approvisionnement aéronautique est le principal employeur avec 77 300 personnes fin 2018. D’après les chefs d'entreprise interrogés courant 2019, l’emploi devrait poursuivre sa progression en 2019, compte tenu des perspectives d'activité.

... mais s’interrompt brutalement en 2020

Cette croissance continue de l’activité et de l’emploi durant plus d’une décennie, connaît en 2020 un arrêt brutal. L’arrêt de la production du Boeing 737 Max commence en début d’année à impacter des sous-traitants locaux. Mais surtout mi-mars 2020 Airbus suspend sa production à Toulouse pour faire face au coronavirus. Il en est de même de ses sous-traitants industriels. Même si la reprise de la chaîne de montage toulousaine est rapide chez Airbus, le constructeur n’a prévu de maintenir que les deux tiers de sa production au cours des prochains mois.

La pandémie mondiale impacte l’ensemble de la chaîne de valeur et plus particulièrement les compagnies aériennes, durablement à l’arrêt et qui ne seront plus en mesure en 2020 de commander de nouveaux appareils et qui pourront aussi retarder la prise en charge des livraisons.

Pour comprendre

Une enquête régionale spécifique réalisée chaque année par l'Insee fournit des éléments chiffrés sur la filière aéronautique et spatiale dans le Grand Sud-Ouest et notamment en Occitanie. Au-delà des informations statistiques relatives à l’année 2018, cette enquête réalisée d’avril à juin 2019 permet de recueillir l'opinion des chefs d'entreprise, et de fournir des tendances sur la fin de l'année 2019, avant que les informations statistiques structurelles classiques ne soient disponibles, par exemple en matière d'emploi et d'investissement. Ces tendances recueillies sur l’année 2019 ne tiennent évidemment pas compte des conséquences de la crise économique 2020.

Pour en savoir plus

« Une dynamique toujours favorable dans la filière aéronautique et spatiale du Grand Sud-Ouest », Insee Analyses Occitanie n° 90, janvier 2020.

« La chaîne d’approvisionnement aérospatiale du Grand Sud-Ouest : atouts et défis », Insee Analyses Occitanie n° 91, janvier 2020

« La filière aéronautique et spatiale dans le Grand Sud-Ouest en 2018 », Enquête sur la filière aéronautique et spatiale dans le Grand Sud-Ouest, Chiffres détaillés, janvier 2020

Présentation de l’enquête sur la filière aéronautique et spatiale dans le Grand Sud-Ouest sur insee.fr