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Insee Conjoncture Corse · Juin 2023 · n° 44
Insee Conjoncture CorseBilan économique 2022 - Corse L’économie insulaire résiste même si les contraintes s’accumulent

En 2022, en dépit des événements sanitaire, géopolitique, climatique ou inflationniste, l’économie régionale reste résiliente. Grâce à une avant-saison retrouvée et une arrière-saison dynamique, le nombre de passagers hors croisiéristes atteint, comme en 2019, 8,3 millions de voyageurs. Ainsi, les chiffres d’affaires de l’hébergement-restauration et les nuitées passées dans les hôtels, campings et autres hébergements collectifs de tourisme dépassent même leur niveau d’avant crise.

Par rapport à 2021, les entreprises enquêtées par la Banque de France confirment l’augmentation de leur chiffre d’affaires et les recettes de TVA déclarées à la Direction régionale des finances publiques sont excédentaires. En matière de dépenses d’investissement, la hausse se poursuit dans l’industrie et la construction mais pas dans les établissements touristiques. Les encours de crédits bancaires progressent portés par les crédits à l’habitat et à l’équipement.

Avec 128 300 emplois en fin d’année, la croissance annuelle de l’emploi salarié perdure mais retrouve son rythme moyen d’avant crise. L’emploi dans la construction reste bien orienté. L’hébergement-restauration contribue à l’embellie avec de nombreux recrutements tandis que dans le commerce la croissance s’atténue. L’emploi industriel régional se stabilise. La hausse des créations d’entreprises reste portée par les micro-entreprises et les procédures de défaillances reprennent après leur suspension pendant la période Covid-19. Avec 6,0 % de la population active, le chômage, à l’instar du nombre de demandeurs d’emploi, se situe au point bas. Le marché de la construction reste en berne engendrant un faible stock de logements neufs en vente. En dépit des aléas, aussi climatiques, les productions de vins et clémentines sont abondantes et de qualité. La situation est plus mitigée pour les autres vergers et les productions animales.

Insee Conjoncture Corse
No 44
Paru le :Paru le01/06/2023

Ce bilan économique fait partie des 17 bilans économiques régionaux 2022 publiés par l'Insee.

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Agriculture - En 2022, les contraintes s’accumulent pour les agriculteurs corses Bilan économique 2022

Philippe Pailler (Direction régionale de l'Alimentation, de l'Agriculture et de la Forêt)

Les années se suivent et se ressemblent pour l’agriculture corse. En 2022, les coûts de production continuent à augmenter ; le réchauffement climatique, toujours plus prégnant, affecte l’ensemble des activités agricoles, y compris sur des cultures jusqu’ici préservées. Le vin et la clémentine, productions phares de l’île, ont néanmoins connu une nouvelle campagne satisfaisante. La situation est plus mitigée pour les productions animales, en proie à des difficultés structurelles récurrentes.

Insee Conjoncture Corse

No 44

Paru le :01/06/2023

Une sécheresse exceptionnelle, précoce et durable

De faibles chutes de neige en fin d’hiver et un déficit important de précipitations au printemps donnent le ton d’une année 2022 qui connaît une sécheresse exceptionnelle, en intensité et en durée. S’y ajoutent des températures élevées depuis l’avant saison jusqu’à la fin d’année, celles-ci sont supérieures de deux à trois degrés aux normales saisonnières (figure 1). Le faible étiage des cours d’eau et le niveau préoccupant des barrages entraînent le déclenchement précoce d’une vigilance sécheresse par les autorités dès le mois de mai et ce jusqu’à début décembre. Les mesures de restriction d’eau qui en découlent concernent également les agriculteurs, qui ont dû adapter leurs pratiques d’irrigation.

Figure 1aTempératures moyennes et précipitations moyennes en 2022Températures moyennes en 2022

(en °C)
Températures moyennes et précipitations moyennes en 2022 ((en °C))
Mois 2022 Normales saisonnières
Janvier 10,4 10,4
Février 11,6 10,2
Mars 11,5 12,0
Avril 13,7 14,2
Mai 19,6 17,8
Juin 25,0 21,6
Juillet 26,6 24,3
Août 26,4 24,8
Septembre 23,2 21,7
Octobre 20,5 18,5
Novembre 16,3 14,5
Décembre 13,5 11,5
  • Source : Météo France.

Figure 1aTempératures moyennes et précipitations moyennes en 2022Températures moyennes en 2022

  • Source : Météo France.

Des intrants de plus en plus chers

Aux préoccupations climatiques s’ajoute l’accélération de la flambée des prix d’achat des moyens de production agricole en raison du contexte international. Le conflit ukrainien succédant à la crise Covid-19, les prix de l’énergie et des carburants continuent à grimper, tandis que dans le domaine spécifiquement agricole, ceux de l’alimentation animale augmentent sensiblement (+15 %) et ceux des engrais s’envolent (+89 %). Pour soutenir les éleveurs particulièrement touchés, le gouvernement met en place dès le mois de juin une aide au surcoût de l’alimentation animale.

Les vins corses cultivent leur différence

En dépit de ces aléas, la viticulture corse continue de bien se porter, avec une récolte plus abondante (+9 % par rapport à 2021) et de qualité. Bien adapté au climat sec méditerranéen avec ses cépages endémiques, le vignoble produit 377 000 hectolitres en 2022 (figure 2). Des viticulteurs sont même dans l’anticipation, en commençant à implanter des vignes en altitude. Déjà bien côtés sur le marché national, les vins corses retrouvent peu à peu leurs parts de marché d’avant crise sanitaire à l’étranger. Avec un quart de la production exportée vers l’Allemagne, la Suisse, la Belgique ou les États-Unis, la profession qui compte beaucoup de jeunes fait preuve d’un fort dynamisme.

Figure 2Évolution de la production de vin

(en hectolitres)
Évolution de la production de vin ((en hectolitres))
Année Vins AOP Vins IGP Vins sans IG Total vins
2018 107 764 236 456 30 430 374 650
2019 111 218 188 067 14 344 313 629
2020 121 178 237 862 30 104 389 144
2021 115 288 215 722 14 524 345 534
2022 121 571 229 021 26 155 376 747
  • Note : données 2022 provisoires.
  • Source : Agreste - Statistique Agricole Annuelle (SAA).

Figure 2Évolution de la production de vin

  • Note : données 2022 provisoires.
  • Source : Agreste - Statistique Agricole Annuelle (SAA).

Production record pour la clémentine

La récolte de ce petit agrume dont la Corse détient le quasi-monopole à l’échelle nationale, dépasse pour la première fois les 40 000 tonnes en 2022 (figure 3). Cette production de qualité, malgré les inévitables écarts de tri, rencontre cependant une concurrence internationale accrue. Le contexte inflationniste accroît la difficulté à écouler les produits en raison d’une demande qui stagne pour ce type de fruit haut-de gamme. Malgré des cours inférieurs à la moyenne triennale 2019/2021, la commercialisation est néanmoins satisfaisante mais incite les agrumiculteurs à une réflexion sur l’avenir. L’intensification des exportations et la diversification par introduction de nouvelles variétés d’agrumes pour allonger la saison font partie des pistes envisagées.

Figure 3aProduction des vergersAgrumes

(en tonnes)
Production des vergers ((en tonnes))
Production Moyenne 2017/2021 2022
Clémentines 33 458 42 854
Pomelos 6 494 7 490
  • Note : données 2022 provisoires.
  • Source : Agreste - Statistique Agricole Annuelle (SAA).

Figure 3aProduction des vergersAgrumes

  • Note : données 2022 provisoires.
  • Source : Agreste - Statistique Agricole Annuelle (SAA).

Les vergers ancestraux souffrent aussi du manque d’eau

Les sécheresses récurrentes commencent aussi à affecter les solides oliviers et châtaigniers, pourtant réputés pour leur résistance aux aléas climatiques et leur adaptation aux terroirs corses. Si les premiers sont habitués aux étés chauds et secs, il leur faut quand même un minimum de pluies hivernales, voire printanières, qui manquent cette année. Résultat, une chute physiologique importante, des fruits de petits calibres et à l’arrivée une production du même ordre qu’en 2021 (854 tonnes), alors que cette année était prévue en alternance haute, au-delà des 1 500 tonnes. La production d’huile d’olive s’en trouve amputée d’autant. Les châtaigniers, pourtant plantés en altitude moyenne, subissent en 2022 une seconde année consécutive de stress hydrique et les tonnages récoltés sont également en baisse (-4 %). Pour l’ensemble des vergers, la conséquence indirecte de la sécheresse est aussi une vulnérabilité accrue aux maladies et parasites.

Les filières animales à la croisée des chemins

Tributaires d’importations de fourrage et d’autres aliments de plus en plus coûteux, les élevages insulaires sont d’autant plus touchés par la sécheresse. Si les cheptels et la production laitière se maintiennent pour les caprins, ils sont en baisse pour les ovins (figure 4). Les éleveurs de chèvres et de brebis ont de fortes inquiétudes quant à la pérennisation de leur activité et de leur savoir faire traditionnel dans un contexte économique difficile. Enfin, face aux difficultés de la filière bovine allaitante, les autorités prennent des mesures de soutien spécifiques, avec, notamment, une aide à la réforme des animaux et le lancement d'une campagne d'identification par bolus électronique intraruminal pour renforcer la traçabilité des animaux.

Figure 4aBétail et production laitièreBétail

(en têtes)
Bétail et production laitière ((en têtes))
Effectifs au 31/12 Moyenne 2017/2021 2022
Brebis-mères 80 633 76 830
Chèvres mères 34 794 34 930
Vaches nourrices 30 852 22 600
  • Note : données 2022 provisoires.
  • Source : Agreste - Statistique Agricole Annuelle (SAA).

Figure 4aBétail et production laitièreBétail

  • Note : données 2022 provisoires.
  • Source : Agreste - Statistique Agricole Annuelle (SAA).
Publication rédigée par :Philippe Pailler (Direction régionale de l'Alimentation, de l'Agriculture et de la Forêt)