Insee Analyses Hauts-de-France ·
Novembre 2024 · n° 178Les « nouveaux » quartiers prioritaires de la ville : davantage de difficultés qu’ailleurs
La liste et les contours des quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) en vigueur depuis 2015 ont été actualisés en début d’année 2024. Au 1er janvier 2024, 204 QPV se situent dans les Hauts-de-France et abritent 753 100 habitants, ce qui en fait la région la plus concernée par la géographie prioritaire après l’Île-de-France.
Une majorité des anciens quartiers de la région ont vu leur contour modifié à plus ou moins grande échelle. La superficie de certains va même jusqu’à tripler, comme à Villeneuve d’Ascq ou à Boulogne-sur-Mer.
La population des QPV des Hauts-de-France a un profil similaire à celle des quartiers de France métropolitaine en termes d’âge et de composition familiale. À l’image des habitants des territoires urbains alentours, elle rencontre cependant de plus grandes difficultés pour s’insérer sur le marché du travail et pour accéder à un emploi stable, en raison notamment d’une moindre qualification.
- Les Hauts-de-France, la région de province la plus concernée par la géographie prioritaire
- 204 QPV contre 199 en 2014
- 753 100 habitants dans les quartiers prioritaires
- Une structure démographique similaire à celle des QPV métropolitains
- Les ménages occupent moins souvent un HLM ou un logement suroccupé qu’en moyenne nationale
- Une plus faible insertion dans l’emploi
- Une population moins diplômée
Les Hauts-de-France, la région de province la plus concernée par la géographie prioritaire
Les quartiers de la politique de la ville (QPV) sont des territoires infra-urbains caractérisés par un écart de développement économique et social important avec leur environnement urbain. Leur périmètre, initialement défini dans la loi de programmation pour la ville et la cohésion urbaine du 21 février 2014, a été actualisé le 1er janvier 2024.
Avec 204 des 1 362 quartiers prioritaires de France métropolitaine (figure 1), les Hauts-de-France en concentrent le plus, derrière l’Île-de-France (298 QPV) et devant Auvergne-Rhône-Alpes (145). Plus des trois quarts des quartiers de la région se situent dans les départements du Nord et du Pas-de-Calais.
Le Nord est d’ailleurs le département qui regroupe le plus grand nombre de QPV (94) devant la Seine-Saint-Denis (75) et les Bouches-du-Rhône (71). Le Pas-de-Calais en rassemble 64, ce qui le classe au 4e rang. L’Oise, l’Aisne et la Somme en ont respectivement 19, 17 et 10.
tableauFigure 1 – Nombre de quartiers de la politique de la ville et part de la population vivant en QPV dans les régions de France métropolitaine (population au 1er janvier 2020, périmètre 2024)
Code | Libellé de la région | Nombre de QPV | Part de la population en QPV (en %) |
---|---|---|---|
11 | Île-de-France | 298 | 13,9 |
24 | Centre-Val de Loire | 57 | 6,4 |
27 | Bourgogne-Franche-Comté | 62 | 5,7 |
28 | Normandie | 63 | 6,7 |
32 | Hauts-de-France | 204 | 12,6 |
44 | Grand Est | 123 | 7,5 |
52 | Pays de la Loire | 48 | 4,0 |
53 | Bretagne | 31 | 2,8 |
75 | Nouvelle-Aquitaine | 83 | 3,7 |
76 | Occitanie | 108 | 6,6 |
84 | Auvergne-Rhône-Alpes | 145 | 5,7 |
93 | Provence-Alpes-Côte d'Azur | 135 | 10,6 |
94 | Corse | 5 | 5,2 |
- Lecture : 12,6 % des habitants des Hauts-de-France résident dans l’un des 204 QPV (population au 1er janvier 2020, périmètre 2024) de la région.
- Source : Insee, recensement de la population 2020.
graphiqueFigure 1 – Nombre de quartiers de la politique de la ville et part de la population vivant en QPV dans les régions de France métropolitaine (population au 1er janvier 2020, périmètre 2024)
204 QPV contre 199 en 2014
Suite à cette actualisation, seuls 21 des 199 anciens QPV conservent leur périmètre au 1er janvier 2024. Parmi les autres, sept fusionnent dans trois quartiers distincts, fusions accompagnées d’élargissements. « Résidence » et « Résidence-Poste-Terroir » (à Villeneuve d’Ascq) sont regroupés et intègrent un nouveau quartier trois fois plus vaste (73 hectares) : « Résidence-Poste-Triolo » (8 500 habitants en 2020) (figure 2). « Des Résidences Sud du Boulonnais » (6 300 habitants) s’étire quant à lui sur une zone incluant trois des anciens quartiers de la façade littorale : « Henriville-Montplaisir » (sur les communes du Portel et de Boulogne-sur-mer), « Quartier des Résidences » (Le Portel) et « Quartier Tour du Renard » (Outreau). Ce territoire couvre désormais 113 hectares contre 38 en 2015. Enfin, « Cité Thiers-Cité du Rivage-Brunehaut » (128 hectares et 4 200 habitants) résulte de la fusion de deux anciens quartiers de 52 et 34 hectares sur les communes de Bruay-sur-l’Escaut, Escautpont et Raismes.
Parmi les autres modifications notables, trois des QPV tourquennois, « Pont Rompu », « Phalempins » et « Virolois » (16 400 habitants au total) doublent chacun leur superficie pour cumuler 160 hectares en 2020. De même, « Dutemple Chasse Royale Saint-Waast-La Sentinelle » (5 800 habitants), sur les communes de La Sentinelle et Valenciennes, gagne 60 hectares.
La superficie d’autres quartiers prioritaires, de taille plus petite, triple comme à « L’Épinette » (1 900 habitants en 2020), à « Pont de Pierre » (3 200 habitants) et à « Provinces Françaises-La Joyeuse » (2 100 habitants) à Maubeuge ou encore dans le « Quartier du 3/15 » (2 600 habitants) sur les communes de Méricourt, Noyelles-sous-Lens et Sallaumines.
graphiqueFigure 2 – Cartographie de 6 QPV des Hauts-de-France avec un nouveau périmètre fortement élargi
Au 1er janvier 2024, neuf nouveaux quartiers de la politique de la ville sont également créés, dont cinq dans le département du Nord (à Cappelle-la-Grande, Haubourdin, Bruay-sur-l’Escaut, Aulnoye-Aymeries et Louvroil) et deux dans l’Oise (à Creil et Nogent-sur-Oise). Le Pas-de-Calais et la Somme bénéficient chacun d’un nouveau QPV (respectivement à Berck-sur-Mer et Amiens).
Enfin, l’ancien quartier « Arras Ouest » se scinde en deux (« Quartier Blancs Monts-Hochettes » et « Quartier Bonnettes-Saint-Pol-Baudimont »). « Liancourt-Les abords du Parc » (à Liancourt) sort, quant à lui, intégralement de la géographie prioritaire en 2024.
753 100 habitants dans les quartiers prioritaires
Dans les Hauts-de-France, 753 100 personnes vivent dans un quartier prioritaire (population au 1er janvier 2020, périmètre 2024), soit 13 % de la population régionale. C’est la part la plus élevée de France métropolitaine derrière l’Île-de-France (14 %). La région représente également 14 % de la population métropolitaine résidant en géographie prioritaire, une proportion largement supérieure à son poids démographique (9 %). L’Île-de-France concentre à elle seule un tiers de la population vivant en QPV.
Les quartiers prioritaires des Hauts-de-France sont en moyenne plus peuplés qu’en province (3 700 habitants contre 3 400), et plus encore dans le département du Nord (4 600 habitants en moyenne) (figure 3). Celui-ci comprend en effet deux des trois quartiers les plus peuplés de France métropolitaine : le « Quartier Intercommunal Roubaix-Tourcoing-Blanc Seau-Croix Bas Saint Pierre-Wattrelos Nord » (77 300 habitants) et « Secteur Sud » (53 300 habitants) sur les communes de Faches-Thumesnil, Lezennes, Lille et Loos.
tableauFigure 3 – Population dans les quartiers de la politique de la ville des Hauts-de-France (population au 1er janvier 2020, périmètre 2024)
Code | Libellé | Nombre de QPV | Nombre d’habitants vivant dans un QPV | Population moyenne des QPV | Part de la population vivant dans un QPV (%) |
---|---|---|---|---|---|
59 | Nord | 94 | 432 926 | 4 606 | 16,6 |
62 | Pas-de-Calais | 64 | 172 022 | 2 688 | 11,8 |
60 | Oise | 19 | 73 193 | 3 852 | 8,8 |
02 | Aisne | 17 | 36 850 | 2 168 | 7,0 |
80 | Somme | 10 | 38 122 | 3 812 | 6,7 |
32 | Hauts-de-France | 204 | 753 113 | 3 692 | 12,6 |
France métropolitaine | 1 362 | 5 307 453 | 3 897 | 8,1 |
- Lecture : En 2024, le Nord comprend 94 quartiers de la politique de la ville qui regroupent 432 926 habitants (soit 4 606 personnes en moyenne par QPV). Ces habitants représentent 16,6 % de la population du département.
- Source : Insee, recensement de la population 2020.
Une structure démographique similaire à celle des QPV métropolitains
La structure par âge de la population des QPV de la région est proche de celle observée à l’échelle métropolitaine. En 2020, sur dix personnes résidant dans un quartier prioritaire des Hauts-de-France, quatre ont moins de 25 ans et deux ont 60 ans ou plus, comme dans l’ensemble des QPV de France métropolitaine. De même, leur composition familiale ne présente pas de spécificité forte. Parmi l’ensemble des ménages, 39 % sont composés d’une personne seule, 24 % de couple avec enfant(s), 18 % de familles monoparentales (figure 4) et 14 % de couples sans enfant.
tableauFigure 4 – Principaux indicateurs caractérisant les quartiers prioritaires et leur environnement urbain dans les Hauts-de-France et en France métropolitaine (population au 1er janvier 2020, périmètre 2024)
Caractéristiques | QPV | Environnement urbain | ||
---|---|---|---|---|
Hauts-de-France | France métropolitaine | Hauts-de-France | France métropolitaine | |
Familles monoparentales | 17,5 | 17,0 | 9,7 | 8,9 |
Résidences suroccupées | 7,6 | 13,8 | 2,6 | 5,5 |
Taux de chômage | 33,1 | 27,5 | 14,4 | 11,9 |
Ouvriers | 39,1 | 34,6 | 23,3 | 16,4 |
Jeunes de moins de 25 ans ni en emploi ni en études | 31,2 | 26,8 | 17,1 | 13,1 |
- Lecture : En 2020, les familles monoparentales représentent 18 % des ménages vivant dans un QPV des Hauts-de-France et 17 % dans ceux de France métropolitaine. Cette part s’élève à 10 % dans les environnements urbains des QPV de la région et 9 % dans ceux de France métropolitaine.
- Source : Insee, recensement de la population 2020.
graphiqueFigure 4 – Principaux indicateurs caractérisant les quartiers prioritaires et leur environnement urbain dans les Hauts-de-France et en France métropolitaine (population au 1er janvier 2020, périmètre 2024)
Les ménages occupent moins souvent un HLM ou un logement suroccupé qu’en moyenne nationale
Les habitations à loyer modéré (HLM), nombreuses dans les quartiers de la politique de la ville, sont moins présentes dans les QPV des Hauts-de-France. 56 % des ménages des QPV déclarent vivre en HLM, part la plus faible de métropole. Cette proportion de locataires sociaux se situe sept points sous la moyenne de France métropolitaine, en raison d’une implantation plus diffuse des HLM sur le territoire. Les ménages des QPV de la région sont aussi plus fréquemment propriétaires de leur habitation qu’ailleurs, constat qui se vérifie également dans les environnements urbains.
Si les quartiers de la politique de la ville accueillent fréquemment des ménages en situation de suroccupation, c’est moins le cas dans les Hauts-de-France qu’en moyenne nationale (8 % contre 14 %) compte tenu des caractéristiques du parc de logement : la moitié comportent plus de trois pièces (53 % contre 41 % dans les QPV de France métropolitaine) du fait de la surreprésentation des maisons (respectivement 38 % et 11 %). Cette part est d’ailleurs la plus élevée du pays – loin devant celle de la région Occitanie (13 %) – en raison du passé industriel de la région et des destructions de la première guerre mondiale. Parmi les 30 QPV où les maisons représentent au moins 90 % de l’habitat, 28 se situent dans le bassin minier qui est jalonné de cités ouvrières (quartiers « Sabatier » à Raismes ou « 3 Cités » à Mazingarbe).
Une plus faible insertion dans l’emploi
Les habitants des quartiers prioritaires des Hauts-de-France rencontrent davantage de difficultés pour accéder à l’emploi. La part des 15 à 64 ans en emploi s’élève à 42 % contre 47 % pour la population des QPV de France métropolitaine. Seules les régions Occitanie et Grand Est ont un taux d’emploi plus faible (41 % chacune). Le taux d’emploi dépasse 50 % dans seulement 22 des 204 quartiers de la politique de la ville de la région et il n’excède jamais 60 %. À « Beau Marais » (Calais), « Pont de Pierre » (Maubeuge), « Long Prés-Prés du Paradis » (Louvroil) et « Chevreux » (Soissons), moins de trois personnes en âge de travailler sur dix occupent un emploi. Cette situation reflète en partie les conditions économiques plus défavorables observées plus largement dans leurs environnements urbains où le taux d’emploi est de 5 points inférieur à la moyenne nationale (soit 61 % en 2020).
Dans ce contexte, un tiers de la population active des QPV de la région se déclare au chômage, soit le taux le plus élevé de France métropolitaine avec Grand Est (28 % en moyenne). Six des dix quartiers prioritaires de la ville avec le taux de chômage le plus élevé (dépassant les 50 %) se situent dans les Hauts-de-France, notamment « Résidence Gayant », à Douai ou « Quartier De La Résidence », à Chauny.
Les conditions d’emploi de la population des quartiers prioritaires sont également moins favorables. D’une part, 26 % des actifs occupés de ces quartiers ont un contrat à durée limitée contre 23 % pour leurs homologues de France métropolitaine. D’autre part, un quart de la population active des QPV de la région travaille à temps partiel, soit trois points de plus que la moyenne. De plus, les emplois sont souvent moins qualifiés. Parmi l’ensemble des actifs des QPV de la région, 39 % occupent un emploi d’ouvrier contre 35 % en métropole. À l’inverse, un quart exerce des fonctions de cadre ou une profession intermédiaire, 28 % à l’échelle nationale.
Une population moins diplômée
Les plus grandes difficultés sur le marché du travail des habitants des QPV des Hauts-de-France s’expliquent en partie par leur niveau de diplôme moins élevé. Les diplômés d’un Bac+2 a minima représentent 14 % de cette population, soit trois points de moins que dans l’ensemble des quartiers de la politique de la ville. Cette proportion ne dépasse pas 5 % dans le « Quartier des Cité 5-Cité de Marnes-Cité du Rond-Point » (à Auchel, Calonne-Ricouart et Marles-les-Mines), dans le « Quartier des Cités 6 et 30 » (à Calonne-Ricouart et Divion), dans la « Cité des Brebis » (à Bully-les-Mines et Mazingarbe) ou dans le « Quartier Prioritaire de Montigny-en-Ostrevent ». Ce moindre niveau de formation se vérifie également dans les environnements urbains où la part des diplômés du supérieur est dix points sous la moyenne nationale. De plus, les jeunes de moins de 25 ans se retrouvent plus souvent ni en emploi ni en formation ni en études (31 %) que leurs homologues métropolitains (27 %), tout comme ceux résidant dans les environnements urbains. La part de ces jeunes est d’ailleurs la plus élevée des quartiers prioritaires de France métropolitaine.
Sources
Le nombre d’habitants dans les QPV (découpage géographique 2024) est calculé au 1er janvier 2020, à partir des résultats du recensement de la population à cette date.
Les estimations démographiques pour les quartiers de la politique de la ville s’appuient sur le recensement de la population de 2020. Elles fournissent des indicateurs sur la répartition des habitants par âge, situation socioprofessionnelle, diplôme et nationalité ainsi que sur la répartition des ménages et des logements selon différents critères.
Définitions
L’environnement urbain est constitué de l’espace de l’unité urbaine ne comprenant pas de QPV. Une unité urbaine est une commune ou un ensemble de communes présentant une zone de bâti continu (pas de coupure de plus de 200 mètres entre deux constructions) qui compte au moins 2 000 habitants.
La suroccupation d’un logement est mesurée en rapportant la composition du ménage au nombre de pièces du logement pour les ménages composés de deux personnes ou plus. Un logement est considéré comme suroccupé lorsqu’il lui manque au moins une pièce par rapport à la norme d’« occupation normale » compte tenu de la composition du ménage.
Le taux d’emploi rapporte le nombre de personnes déclarant avoir un emploi dans le formulaire de recensement à la population totale.
La population active regroupe les personnes en emploi et celles au chômage.
Le taux de chômage correspond à la part de chômeurs dans la population active.
Pour en savoir plus
(1) Potin-Finette A., Cohen C., « Les nouveaux quartiers prioritaires de la politique de la ville en France métropolitaine », Insee Première no 2008, août 2024.
(2) Caron G., Éblé S., Pen L., « La population quittant un quartier prioritaire a une situation moins précaire que celle qui s’y installe », Insee Analyses Hauts-de-France no 173, mai 2024.
(3) Belhakem N., Caron G., Rault A., Samyn S., « Ségrégation résidentielle marquée à Lille, les autres pôles urbains du Nord plus mixtes », Insee Analyses Hauts-de-France no 158, septembre 2023.
(4) Données sur les quartiers 2024 de la politique de ville, Chiffres détaillés, août 2024.
(5) Ouvrir dans un nouvel ongletSystème d'information géographique de la politique de la ville.
(6) Périmètre 2024 des quartiers prioritaires de la ville : ANCT,Ouvrir dans un nouvel ongletdata.gouv.fr.