Insee Analyses Hauts-de-France · Mai 2024 · n° 173

La population quittant un quartier prioritaire a une situation moins précaire que celle qui s’y installe

En 2018, 653 400 personnes vivent dans l’un des 199 quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) des Hauts-de-France. Elles représentent 11 % de la population régionale, deux fois plus qu’en France de province (6 %), plaçant les Hauts-de-France en tête des régions. Ces quartiers se situent majoritairement dans les départements du Nord et du Pas-de-Calais, notamment dans l’ancien bassin minier et la métropole de Lille. Celle-ci comprend d’ailleurs deux des cinq QPV les plus peuplés de France de province : le quartier intercommunal Roubaix-Tourcoing – Blanc Seau – Croix Bas Saint-Pierre (71 000 habitants) et Secteur Sud (47 000 habitants), au sud de Lille.

Les contours de la géographie prioritaire ont été définis par la loi de programmation pour la ville et la cohésion sociale urbaine du 21 février 2014 en tenant compte principalement de la faiblesse des revenus des habitants. En 2020, comme dans les autres régions de province, le taux de pauvreté des habitants des QPV (46 %) est trois fois plus élevé que celui des résidents des environnements urbains (16 %) du fait de la surreprésentation des jeunes de moins de 26 ans, des familles nombreuses et des familles monoparentales, plus exposés au risque de pauvreté.

La politique de la ville a pour ambition de réduire les inégalités sociales et les écarts de développement entre territoires. La persistance des difficultés sociales dans ces quartiers peut correspondre soit à l’absence d’amélioration des situations individuelles, soit au départ des QPV de populations moins défavorisées, remplacées par des populations plus fragiles. L’analyse des migrations résidentielles en entrée et en sortie des quartiers prioritaires permet ainsi d’identifier les caractéristiques socio-démographiques des personnes mobiles.

Sur 100 personnes résidant dans un QPV de la région, 15 ont intégré ou quitté un quartier prioritaire entre le 1^er janvier 2019 et le 1^er janvier 2020. Cette mobilité résidentielle, la 4^e plus faible de France de province, correspond à la moyenne nationale (16 %) (figure 1), qui est tirée vers le bas par les régions Auvergne-Rhônes-Alpes et Provence-Alpes-Côte d’Azur. Ces deux régions, aux taux de mobilité les plus faibles avec la Corse, regroupent en effet près de 30 % de la population de France de province vivant en QPV.

Le taux de mobilité illustre l’importance du renouvellement des ménages au sein du parc de logements. Dans les Hauts-de-France, comme en province, 6 % de la population vivant dans les QPV y a emménagé entre 2019 et 2020. Sur la même période, 8 % des habitants des quartiers prioritaires ont quitté leur quartier de résidence. Cet écart entre mobilité entrante et sortante peut s’expliquer en partie par les programmes de réhabilitation urbaine ou encore la vacance des logements.

L’emménagement des entrants dans un quartier prioritaire est souvent lié à une baisse de leurs revenus, par exemple suite à la perte d’un emploi ou à un changement de situation familiale. Entre 2018 et 2019, le niveau de vie médian des arrivants diminue de 6 %, soit une baisse annuelle de 850 €. La moitié des entrants a ainsi un niveau de vie inférieur à 13 700 €, un montant proche de celui des stables (figure 2). La dégradation de leur situation financière les incite fréquemment à se tourner vers le parc locatif social, plus largement répandu dans les QPV. Ainsi, 62 % des nouveaux habitants s’installent dans un logement à loyer modéré (figure 3). Plus de la moitié d’entre eux sont des anciens locataires du parc privé ou des propriétaires. Par ailleurs, les entrants sont plus jeunes et font plus souvent partie d’une famille monoparentale que les stables.

À l’inverse, le niveau de vie médian des personnes quittant les QPV progresse de 4 % l’année de leur déménagement (+630 €) pour s’élever à 15 400 €. Cette progression, deux fois plus rapide que celle des stables (+2 %), permet à 12 % des partants de sortir de la pauvreté. Ainsi, 37 % des sortants vivent sous le seuil de pauvreté, soit 9 points de moins que la population stable. À l’issue de leur mobilité, 85 % des partants quittent les quartiers ciblés par la géographie prioritaire tout en restant à proximité. La moitié d’entre eux déménagent en effet à moins de 4 km de leur ancien domicile. De plus, un tiers des sortants, qui occupait un logement social avant de déménager, ne réside plus dans ce type d’habitat et près d’un sortant sur cinq accède à la propriété. Ils vivent alors plus communément dans une maison (56 %) que les stables (43 %) et appartiennent moins souvent à une famille nombreuse ou monoparentale.

Dans la région, le niveau de mobilité et les caractéristiques des personnes mobiles (âge, composition familiale, pauvreté…) varient d’un QPV à l’autre. Les 199 quartiers prioritaires des Hauts-de-France ont été regroupés en six classes qui mettent en évidence leurs spécificités (pour comprendre) (figure 4). Les classes 1 et 2 se distinguent par leur taux de mobilité, respectivement les plus fort et plus faible des six profils. Dans les quatre autres classes, les taux de mobilité sont proches de la moyenne régionale, mais les profils des arrivants et des partants sont très variables. Certains quartiers accueillent davantage de familles monoparentales (classe 3) ; d’autres, de familles nombreuses (classe 4 et 5) ou de personnes âgées (classe 6). Le profil des sortants est souvent similaire à celui des arrivants d’un point de vue démographique mais s’en démarque davantage en matière de revenus.

Au sein du premier profil (179 800 habitants), 24 des 27 quartiers se situent dans le Nord et le Pas-de-Calais et les trois quarts des habitants vivent dans trois des QPV les plus peuplés de la région : quartier intercommunal Roubaix-Tourcoing – Blanc Seau – Croix Bas Saint-Pierre, Secteur-Sud au sud de Lille et Secteur Nord-Est à Lille, tous situés dans la MEL. La mobilité entrante des QPV de cette classe est la plus élevée (en moyenne 8,9 %) des quartiers prioritaires des Hauts-de-France (5,6 %) (figure 5), à l’exception de quelques grands QPV, notamment ceux de Roubaix-Tourcoing et Secteur-Sud, dont l’étendue favorise les mobilités internes.

À l’inverse, les 10 QPV de la classe 2, peu peuplés (13 500 habitants au total), ont les taux de mobilité entrante les plus faibles (5,2 % en moyenne). Le bassin minier regroupe 8 de ces 10 QPV, dont le quartier Quatre chasses poudrière faïencerie (à Onnaing et Vicq) ou le quartier des cités 6 et 30 (à Cauchy-à-la-Tour et Auchel).

Ces taux de mobilité différenciés s’expliquent par la conjonction de plusieurs facteurs (âge des personnes mobiles, statut d’occupation du logement…). Les jeunes adultes changent plus souvent de domicile que leurs aînés en raison de la fin de leurs études, de leur entrée dans la vie active et/ou d’un changement de leur situation familiale. Or, les QPV du premier groupe accueillent deux fois plus de nouveaux habitants âgés de 19 à 26 ans (23 %) que ceux du deuxième (13 %), soit la part la plus élevée des 6 classes. De même, les locataires du parc privé sont généralement plus mobiles que les locataires sociaux, moins enclins à quitter une HLM (attribuée selon des conditions strictes) pour emménager dans un logement privé au loyer parfois dissuasif. Dans le premier profil, les entrants occupent cinq fois plus souvent un logement en tant que locataires privés (54 %, contre 10 % dans la classe 2) en raison d’une offre plus limitée de logements sociaux (43 % contre 81 %). Les entrants de la classe 1 louent ainsi moins fréquemment dans le secteur social (30 %) que ceux de la classe 2 (57 %).

Les QPV de la classe 2 attirent trois fois plus de propriétaires (32 % des entrants) qu’en moyenne dans les QPV de la région. Les arrivants s’installent ainsi deux fois plus souvent dans des maisons et bénéficient d’une situation financière relativement plus favorable, avec un niveau de vie médian de 16 600 €, soit 21 % de plus que leurs homologues des QPV des Hauts-de-France. De fait, seuls 28 % vivent sous le seuil de pauvreté contre 47 % en moyenne.

La troisième classe, surreprésentée dans les départements de l’Aisne, de la Somme et de l’Oise, regroupe 46 QPV et 126 400 habitants, soit 19 % de la population vivant dans un QPV des Hauts-de-France. Dans ces quartiers, l’habitat social est très répandu (90 % des logements, contre 76 % dans l’ensemble des QPV). Neuf entrants sur dix s’installent ainsi dans un logement à loyer modéré et autant dans un appartement (contre 62 % à l’échelle des 199 QPV), soit les parts les plus élevées des 6 classes. Dès lors, ces quartiers accueillent des populations plus souvent confrontées à des difficultés économiques, notamment des familles monoparentales, comme en témoigne le taux de pauvreté des entrants, le plus élevé des six catégories (58 %, soit 11 points de plus que l’ensemble des quartiers prioritaires).

Les quatrième et cinquième classes de QPV accueillent davantage de familles nombreuses (respectivement 29 % et 27 % contre 22 % en moyenne) et donc une population plus jeune (35 % des entrants ont moins de 18 ans dans les deux groupes) mais elles se différencient par le type de logement occupé (social ou privé).

Les 40 quartiers de la classe 4, qui regroupent 147 200 habitants (23 % de la population régionale en QPV), se répartissent sur l’ensemble du territoire régional avec toutefois une moindre présence dans la Somme. Les quartiers les plus peuplés de ce profil sont ceux des Hauts de Creil et Centre (sur les communes de Denain, Douchy-les-Mines et Lourches). Malgré une exposition plus élevée au risque de pauvreté (52 %), les nouveaux arrivants louent moins souvent dans le parc social (59 %) car l’offre de HLM est moins développée (66 % des logements du parc). Ils se tournent davantage vers la location privée (29 %) et vivent plutôt en appartement (51 %).

Au contraire, dans les 38 quartiers de la classe 5 (70 600 habitants, 11 % de la population régionale en QPV), quasiment tous situés dans l’ancien bassin minier, 84 % des emménagements se font en logement social, autant que la part des HLM dans le parc de logement. C’est nettement plus qu’en sortie (41 %). L’écart entre entrants et sortants est ainsi deux fois plus important que pour l’ensemble des QPV. Les arrivants s’installent deux fois plus souvent en maison (87 %) qu’en moyenne, compte-tenu de la présence historiquement prépondérante de ce type d’habitat dans le bassin minier, comme dans les quartiers Cité 5 – Cité 11 à Grenay et Loos-en-Gohelle et Sabatier à Raismes.

Les 38 QPV de la classe 6 (115 800 habitants, soit 18 % de la population des QPV de la région) représentent environ 20 % des QPV de chaque département, sauf dans l’Aisne où un seul quartier (Europe à Saint-Quentin) y est associé. Le QPV d’Amiens Nord est le plus peuplé de la classe (15 000 habitants).

Le parc de logements se compose en très grande majorité de logements sociaux (84 % des logements). Huit entrants sur dix louent ainsi dans ce secteur. Dans les trois quarts des cas, les emménagements s’effectuent en appartement. Contrairement aux autres QPV, les nouveaux habitants sont en moyenne plus âgés : 14 % ont plus de 54 ans (10 % pour l’ensemble des QPV). C’est en particulier le cas dans le Quartier Provinces – Longue Trinques (sur les communes de Cauchy-à-la-Tour et Auchel), à Mont Siméon (à Noyon) ou à L’Épinette (à Maubeuge). À l’inverse, la part de mineurs, en retrait (26 %, 4 points de moins qu’en moyenne), s’explique en partie par l’installation moins fréquente de familles nombreuses (16 %, contre 22 %).