Depuis 2022, dans un contexte de fortes tensions géopolitiques et de déséquilibre entre l’offre et la demande de pétrole, les prix des carburants à la pompe atteignent des niveaux bien plus élevés qu’avant la crise sanitaire. Le prix d’un litre de carburant à la pompe atteint 1,82 € en novembre 2023 contre 1,47 € en moyenne entre 2018 et 2019. Cet éclairage décompose le prix d’un litre d’essence à la pompe, en faisant la part entre les fluctuations du cours du pétrole brut, les coûts de raffinage des carburants (définis comme l’écart entre les prix des produits raffinés et le cours du brut), les coûts de transport-distribution (définis comme l’écart entre les prix à la pompe hors taxes et ceux des produits raffinés) et les taxes.

Les prix élevés à la pompe observés depuis 2022 résultent tout à la fois de la hausse du cours du pétrole brut (+17 centimes par litre sur la période janvier 2022-novembre 2023 par rapport à la moyenne 2018-2019) et de l’augmentation de l’écart de prix entre pétrole brut et produits raffinés (+12 centimes). Les coûts de transport-distribution augmentent plus modérément depuis 2022 (+9 centimes par litre). Concernant les taxes sur les carburants, l’accise (ex-TICPE) est gelée à son niveau de 2018. Seules les recettes de TVA, qui varient en fonction du prix du produit hors taxe, ont augmenté (+5 centimes par litre) mais bien moins que le cours du pétrole brut.

Si la hausse des cours du pétrole brut se répercute sur les prix après raffinage et sur les prix de distribution, une modélisation économétrique montre qu’une partie de la hausse des prix à la pompe reste inexpliquée par les seules fluctuations de ces cours. Depuis 2022, les prix des produits pétroliers raffinés se situent en moyenne 18 % au-dessus du prix modélisé étant donné les cours du pétrole brut. Cet écart peut refléter d’autres coûts énergétiques liés à des objectifs environnementaux ou bien encore une hausse des marges nettes de raffinage en Europe, expliquée entre autres par des tensions sur les capacités de raffinage. L’écart entre les prix à la pompe et ceux simulés étant donnés les cours des produits raffinés est moins marqué depuis 2022 (+6 %). Cet écart peut traduire un alourdissement des coûts de transport-distribution (comme l’énergie, le respect de contraintes réglementaires ou la masse salariale), ainsi qu’éventuellement une hausse de la marge nette. L’analyse reste entourée de l’incertitude inhérente à la modélisation des prix des carburants. Par ailleurs, depuis la fin septembre 2023, la baisse des cours pétroliers ainsi que les stratégies de vente des distributeurs à prix coûtant ont entrainé un recul plus prononcé des prix à la pompe dans la grande distribution que dans les enseignes major...