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Insee Flash Bretagne · Février 2023 · n° 92
Insee Flash BretagneL’emploi est resté dynamique en Ille-et-Vilaine malgré les heurts liés à la crise sanitaire

Anne Mevel, Agnès Palaric (Insee)

Au premier semestre 2020, le marché du travail bretillien est ébranlé par la crise sanitaire. L’emploi résiste dans le département comparativement à la France, mais le nombre de demandeurs d’emploi augmente davantage que dans les autres départements bretons. À partir de l’été 2020, l’activité repart. L’emploi retrouve son niveau d’avant-crise fin 2020, avant de progresser nettement en 2021, malgré des difficultés qui perdurent dans l’intérim. De janvier à septembre 2022, l’emploi continue de croître, porté par le secteur tertiaire. Cependant, le taux de chômage augmente légèrement dans le département, tout en restant à un niveau bas.

Insee Flash Bretagne
No 92
Paru le :Paru le28/02/2023

Cette publication fait partie d’une série sur le marché du travail depuis la crise sanitaire dans les quatre départements de la région Bretagne.

Au plus fort de la crise, l’emploi bretillien aussi touché que dans le reste de la Bretagne

Durant les deux premiers trimestres de 2020, les restrictions sanitaires ont de fortes répercussions sur l’activité économique bretillienne.

Le nombre d’heures rémunérées recule dès le 1er trimestre 2020, et cette tendance s’accentue au 2e trimestre. En juin 2020, il est inférieur de 19 % à son niveau de décembre 2019, comme dans l’ensemble de la région. Au niveau national, dans le même temps, il chute de 22 %. L’ bretillien baisse de 2,2 % entre la fin du dernier trimestre 2019 et la fin du 2e trimestre 2020 (-2,1 % en Bretagne) (figure 1). En France, le recul est plus fort (-2,7 %).

Figure 1Variation de l’emploi salarié en Ille-et-Vilaine (entre la fin du trimestre et la fin du trimestre précédent)

(en nombre)
Variation de l’emploi salarié en Ille-et-Vilaine (entre la fin du trimestre et la fin du trimestre précédent) ((en nombre))
Trimestre Agriculture Construction Industrie Intérim Tertiaire marchand hors intérim Tertiaire non marchand
T1-2020 -310 -47 -243 -6 600 -2 884 292
T2-2020 305 159 -139 1 338 -1 177 -879
T3-2020 -43 298 -191 2 909 3 028 2 395
T4-2020 -72 273 114 -90 -81 1 120
T1-2021 -113 291 343 640 2 667 260
T2-2021 89 294 362 13 3 647 806
T3-2021 518 338 343 -161 3 410 560
T4-2021 313 327 74 1 323 1 173 208
T1-2022 -34 197 -138 64 1 908 565
T2-2022 -146 -59 -80 -97 1 595 270
T3-2022 24 178 243 456 1 890 -324
  • Notes : données provisoires pour le dernier trimestre et révisées pour les trimestres précédents ; données CVS, en fin de trimestre.
  • Champ : emploi salarié total.
  • Sources : Insee, estimations d'emploi ; estimations trimestrielles Urssaf, Dares, Insee.

Figure 1Variation de l’emploi salarié en Ille-et-Vilaine (entre la fin du trimestre et la fin du trimestre précédent)

  • Notes : données provisoires pour le dernier trimestre et révisées pour les trimestres précédents ; données CVS, en fin de trimestre.
  • Champ : emploi salarié total.
  • Sources : Insee, estimations d'emploi ; estimations trimestrielles Urssaf, Dares, Insee.

La structure sectorielle de l’économie du territoire est déterminante pour comprendre les variations de l’emploi face à la crise [Bedel-Mattmuller et al., 2022 - pour en savoir plus (3)] : en moyenne, elle explique 60 % des différences territoriales concernant l’évolution de la masse salariale privée. Les industries agroalimentaires (IAA) et le secteur de l’information et de la communication sont plus épargnés par la crise. En Ille-et-Vilaine, ces deux secteurs sont très présents dans l’économie. En particulier, les IAA sont bien plus présentes en Ille-et-Vilaine (4,4 % des emplois fin 2019) qu’en France (2,3 %), mais moins qu’ailleurs en Bretagne (6,9 %). Elles sont relativement épargnées avec des pertes d’emplois de 0,6 % entre le dernier trimestre 2019 et le 2e trimestre 2020 dans le département.

Le recours à l’, mise en place massivement à partir de mars 2020, permet d’amortir le choc sur l’emploi salarié, qui baisse de 2,2 % fin mars 2020 par rapport à fin décembre 2019 (-9 800 emplois). Cependant, cela ne s’observe pas sur l’intérim, qui s’ajuste plus rapidement à la conjoncture économique. Les contrats y sont souvent courts, ce qui limite le recours à l’activité partielle. Or l’intérim est très présent en Ille-et-Vilaine : il représente 4 % de l’emploi salarié du département, c’est un point de plus qu’en France. Il perd 6 600 postes au 1er trimestre 2020, soit une chute de 37 % par rapport à décembre 2019 (figure 2).

Figure 2Situation de l’intérim, de l’activité partielle, des offres d’emplois et du taux de chômage par trimestre en Ille-et-Vilaine et en Bretagne depuis fin 2019

Situation de l’intérim, de l’activité partielle, des offres d’emplois et du taux de chômage par trimestre en Ille-et-Vilaine et en Bretagne depuis fin 2019
Trimestre Évolution de l’emploi intérimaire (indice base 100 au 4e trimestre 2019) Activité partielle (nombre de demandes d’indemnisations déposées par rapport au nombre d’emplois salariés) (en %) Évolution des offres d’emplois (indice base 100 au 4e trimestre 2019) Taux de chômage (en %)
Ille-et-Vilaine Bretagne Ille-et-Vilaine Bretagne Ille-et-Vilaine Bretagne Ille-et-Vilaine Bretagne
T4-2019 100,0 100,0 0,1 0,3 100,0 100,0 6,3 6,8
T1-2020 63,0 66,1 26,0 24,1 81,8 81,4 6,2 6,6
T2-2020 70,5 79,6 67,5 60,7 41,8 44,8 6,0 6,3
T3-2020 86,8 95,0 9,3 7,5 70,9 77,2 7,3 7,6
T4-2020 86,3 94,3 20,4 18,9 74,5 82,1 6,4 6,6
T1-2021 89,9 97,3 19,6 17,3 85,5 88,3 6,3 6,7
T2-2021 90,0 98,8 19,0 16,5 96,4 107,6 5,9 6,5
T3-2021 89,1 100,0 3,6 2,2 107,3 119,3 5,8 6,5
T4-2021 96,5 105,7 3,4 2,2 123,6 126,2 5,3 5,9
T1-2022 96,8 103,6 3,7 2,3 140,0 138,6 5,3 5,8
T2-2022 96,3 102,2 2,5 1,4 132,7 134,5 5,4 5,9
T3-2022 98,8 104,5 1,0 0,7 132,7 127,6 5,6 6,0
  • Sources : [Emploi intérimaire] Insee, estimations d'emploi ; estimations trimestrielles Urssaf, Dares, Insee ; [Activité partielle] Dares ; [Offres d’emplois] Pôle emploi, séries trimestrielles sur les offres collectées et satisfaites ; [Chômage] Insee, enquête Emploi et taux de chômage localisés.

Le nombre de sans activité (catégorie A) augmente de 36 % (+15 800) entre le 4e trimestre 2019 et le 2e trimestre 2020. Cette hausse est plus marquée qu’au niveau régional (+32 %) et davantage encore qu’au niveau national (+23 %). Le nombre de demandeurs d’emplois ayant exercé une activité réduite (catégories B et C) chute quant à lui de 22 % (-8 600). La période de confinement affecte les comportements de recherche active d’emploi et la disponibilité des personnes, d’où la baisse en « trompe-l’œil » du chômage au sens du BIT au premier semestre 2020.

Le taux de chômage retrouve son niveau d’avant-crise fin 2020

Après une reprise exceptionnelle de l’activité à l’été (+8 400 emplois salariés), le deuxième confinement – du 30 octobre au 15 décembre 2020 – conduit à une baisse des heures rémunérées au 4e trimestre 2020, moins importante en Ille-et-Vilaine qu’en Bretagne (-1 % contre -4 %). Le recours à l’activité partielle augmente et reste supérieur à la moyenne régionale. La croissance du nombre d’emplois ralentit au 4e trimestre 2020 (+0,3 %). Elle est nettement freinée par la baisse de l’intérim (-0,6 %), surtout dans la fabrication de matériels de transport avec 400 emplois intérimaires de moins en trois mois. À la crise sanitaire s’ajoute en effet une crise d’approvisionnement en semi-conducteurs, qui touche particulièrement l’industrie automobile, fortement implantée au sud de Rennes.

Le taux de chômage, qui a bondi au 3e trimestre en Ille-et-Vilaine pour se situer à 7,3 % de la population active, baisse au 4e trimestre et s’établit à 6,4 %. Il retrouve ainsi quasiment son niveau de fin 2019.

En 2021, une nette reprise de l’activité même si des difficultés perdurent dans l’intérim

Malgré la poursuite de l’épidémie de Covid-19 et des mesures de restriction ainsi que la montée en puissance des difficultés d’approvisionnement et de recrutement, l’emploi salarié en Ille-et-Vilaine progresse chaque trimestre en 2021, entre 0,7 % et 1,1 % par rapport au trimestre précédent. Fin 2021, le nombre d’emplois s’élève à 473 000, soit 4,4 % de plus que fin 2019. Cependant, l’emploi intérimaire en Ille-et-Vilaine ne retrouve pas son niveau d’avant-crise, avec 600 emplois de moins en deux ans (-3,5 %). Dans le secteur de la fabrication de matériels de transport, le nombre d’intérimaires est passé de 1 400 fin 2019 à 100 fin 2021.

Le dispositif d’activité partielle, dont les conditions évoluent progressivement au cours de l’année 2021, ne concernent au dernier trimestre 2021 qu’environ 16 000 salariés (contre 90 000 au 1er trimestre). Le taux de recours à ce dispositif reste plus marqué en Ille-et-Vilaine (3,4 % au 4e trimestre 2021, contre moins de 2,0 % dans les autres départements bretons).

Le nombre de demandeurs d’emploi de catégorie A, de même que le taux de chômage, baisse continûment au cours de l’année 2021. S’établissant à 5,3 % fin 2021, le taux de chômage se maintient en dessous du niveau régional et national. En revanche, le nombre de demandeurs d’emploi de catégories B et C augmente fortement en Ille-et-Vilaine (+12,5 % en un an) ; il dépasse le nombre de demandeurs de catégorie A à partir du 3e trimestre 2021.

En 2022, malgré les difficultés de recrutement, l’emploi progresse

Les trois premiers trimestres 2022 sont marqués par l’arrivée de la vague épidémique Omicron, la remontée de l’inflation et les répercussions de la guerre en Ukraine. En Ille-et-Vilaine, l’emploi salarié augmente plus fortement qu’au niveau régional de janvier à septembre 2022 (+1,4 % contre +1,0 %). Cette hausse est portée par le secteur tertiaire (+1,7 %), particulièrement par les services aux entreprises et l’information-communication. En revanche, l’intérim ne retrouve pas son niveau d’avant-crise en Ille-et-Vilaine (-200 intérimaires), malgré une reprise en 2022.

Les difficultés de recrutement se font sentir sur la période : au 1er trimestre 2022, les offres d’emploi déposées à Pôle emploi sont supérieures de 40 % à leur niveau d’avant-crise. C’est autant qu’en Bretagne, mais cette augmentation est plus prononcée qu’au niveau national.

Malgré ces tensions sur le versant offre du marché du travail, le nombre de demandeurs d’emploi sans activité augmente en 2022 (+3,8 % durant le 3e trimestre, alors qu’il stagne au niveau national).

Le taux de chômage remonte aussi pour atteindre 5,6 % en fin de période. Il reste cependant à un des niveaux les plus bas de France (11e sur les 100 départements), comme depuis le début de la crise.

Publication rédigée par :Anne Mevel, Agnès Palaric (Insee)

Définitions

L’emploi salarié mobilisé dans cette étude s’appuie sur les Estimations trimestrielles d’emploi, établies en coproduction avec l’Acoss (champ hors intérim) et la Dares (sur l’intérim). Les données sont issues de la Déclaration sociale nominative (DSN), qui a progressivement remplacé le bordereau récapitulatif de cotisations (BRC). Au troisième trimestre 2022, une bascule vers la source DSN a été opérée pour la fonction publique de l’État.

Le dispositif d’activité partielle permet aux établissements confrontés à des difficultés temporaires de diminuer ou suspendre leur activité en assurant aux salariés une indemnisation de leur perte de salaire partiellement prise en charge par l’État. Dans cette étude, la demande d’indemnisation trimestrielle est calculée à partir des moyennes trimestrielles du nombre mensuel de salariés placés en activité partielle au moins une heure dans le mois.

Les demandeurs d’emploi sont les personnes inscrites sur les listes de Pôle emploi. Cette étude porte sur les demandeurs d’emploi tenus de faire des recherches actives d’emploi, sans emploi au cours du mois (catégorie A) ou ayant exercé une activité réduite (catégories B et C).

Pour en savoir plus

(1) Lardoux J.-M., Palaric A. (Insee), « 3ᵉ trimestre 2022 : malgré la progression de l’emploi en Bretagne, le nombre de demandeurs d’emploi repart à la hausse », Insee Conjoncture Bretagne no 42, janvier 2023.

(2) Le Strat F., Mariette V., Palaric A. (Insee), Chirazi S., Moro S. (Dreets), « Les répercussions de la crise sur le marché du travail varient selon l’orientation économique des territoires », Insee Analyses Bretagne no 106, décembre 2021.

(3) Bedel-Mattmuller M., El Kadiri F., Felder Zentz L., « Une analyse territoriale de l'impact de la crise sanitaire de 2020 sur la masse salariale du secteur privé : effets structurels et effets locaux », Économie et Statistique no 536-37, décembre 2022.