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Insee Analyses Bretagne · Décembre 2021 · n° 106
Insee Analyses BretagneLes répercussions de la crise sur le marché du travail varient selon l’orientation économique des territoires

Fatima Le Strat, Valérie Mariette, Agnès Palaric (Insee), Sandra Chirazi, Stéphane Moro (Direction régionale de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités)

Les répercussions économiques des restrictions sanitaires depuis mars 2020 rythment le marché du travail. Malgré le recours à l’activité partielle qui a permis d’amortir l’impact de la crise sur l’emploi salarié privé, le nombre de demandeurs d’emploi a connu des fluctuations inédites. Dans les zones d’emploi bretonnes, les effets se différencient en fonction de leur orientation économique.

Les zones touristiques, très affectées par les restrictions, remontent la pente après le confinement d’avril 2021. Les zones polarisées par les grandes agglomérations diffèrent peu de la moyenne régionale. Dans les zones tournées vers l’industrie, l’importance de l’agroalimentaire limite l’impact du premier confinement et le marché du travail se situe parmi les plus dynamiques mi-2021. En revanche, la zone d’emploi de Morlaix est touchée par les difficultés des transports maritime et aérien. Dans la zone de Carhaix-Plouguer, plutôt préservée au printemps 2020, le marché du travail demeure atone mi-2021. Enfin, la zone de Redon est pénalisée par les contraintes pesant sur la fabrication de matériel automobile.

Insee Analyses Bretagne
No 106
Paru le :Paru le16/12/2021

Depuis mars 2020, les mesures exceptionnelles de lutte contre l’épidémie de Covid-19 ont bouleversé la vie économique et sociale, en France comme à l’étranger. Les répercussions économiques ont pris une ampleur inédite dans l’ensemble du pays, y compris sur le marché du travail [Insee, 2021]. Les conséquences dans chaque zone d’emploi bretonne fluctuent au rythme de la chronologie des confinements et restrictions mises en place, mais à des degrés différents.

Des chocs amortis mais bien présents sur le marché du travail

L’intensité des restrictions sanitaires a fortement rythmé l’activité économique. Mesurée par le nombre mensuel d’heures rémunérées par les employeurs, l’activité chute en avril 2020 – mois complet du premier confinement, le plus strict – d’environ un tiers par rapport à avril 2019, en Bretagne comme en France.

Le recours au dispositif d’ a été massif de mars à mai 2020, culminant en avril à 354 000 salariés concernés par une demande d’indemnisation, soit environ quatre emplois salariés du privé sur dix (figure 1) [Ouvrir dans un nouvel ongletChirazi, 2021]. Il a permis d’amortir l’impact global sur l’ : – 3,1 % fin juin 2020 par rapport à fin décembre 2019, en Bretagne comme au niveau national. Il n’a cependant pas évité un brusque recul de l’intérim dès le début du premier confinement (– 36 % fin mars 2020 par rapport à fin décembre 2019) ni l’effondrement des embauches en contrat court, divisées par deux au 2e trimestre 2020 [Ouvrir dans un nouvel ongletUrssaf Bretagne, 2021].

Figure 1Nombre de salariés concernés par l'activité partielle par secteur d'activité en Bretagne

en nombre
Nombre de salariés concernés par l'activité partielle par secteur d'activité en Bretagne (en nombre)
Autres services hors intérim Commerce Hébergement et restauration Intérim Construction Industrie Agriculture Ensemble
mars-20 98 216 56 129 35 038 11 370 45 085 41 987 2 766 290 591
avr.-20 128 337 69 666 39 083 6 450 51 437 56 089 2 986 354 048
mai-20 112 395 55 353 36 019 3 373 22 645 44 387 2 173 276 345
juin-20 44 007 14 539 20 492 1 907 3 482 21 716 604 106 747
juil.-20 18 811 5 050 10 098 1 077 975 9 161 308 45 480
août-20 10 095 2 073 5 885 492 459 3 788 222 23 014
sept.-20 9 939 2 049 6 795 367 390 5 495 160 25 195
oct.-20 15 505 8 564 18 004 271 381 4 819 189 47 733
nov.-20 40 790 27 700 31 364 555 883 8 505 488 110 285
déc.-20 27 186 9 191 30 042 450 1 082 7 382 383 75 716
janv.-21 22 632 9 503 28 867 306 615 6 347 374 68 644
févr.-21 23 942 12 547 28 481 241 654 6 329 381 72 575
mars-21 24 070 13 632 30 064 306 501 6 480 304 75 357
avr.-21 37 264 24 485 29 012 583 1 905 10 315 454 104 018
mai-21 20 599 17 043 24 222 362 396 5 759 250 68 631
juin-21 10 472 1 781 13 382 271 190 5 702 169 31 967
  • Source : DGEFP/ASP, SI activité partielle, traitement Dares et Dreets Bretagne – Sese. Données provisoires arrêtées au 25/10/2021.

Figure 1Nombre de salariés concernés par l'activité partielle par secteur d'activité en Bretagne

  • Source : DGEFP/ASP, SI activité partielle, traitement Dares et Dreets Bretagne – Sese. Données provisoires arrêtées au 25/10/2021.

Dans ce contexte, le nombre de sans activité (catégorie A) bondit de 32,6 % au 2e trimestre 2020 en Bretagne par rapport à fin 2019. La hausse est encore plus prononcée pour les jeunes de moins de 25 ans (+ 47,2 %). Elle est moins marquée pour les demandeurs d’emploi de 50 ans ou plus (+ 20,2 %). Ces hausses inédites résultent en grande partie du basculement en catégorie A d’un grand nombre d’inscrits en activité réduite (– 20,6 % en catégories B et C). À partir de l’été 2020, la demande d’emploi en catégorie B ou C remonte à un niveau proche de fin 2019 et diminue progressivement en catégorie A. Au 2e trimestre 2021, cette dernière demeure néanmoins au-dessus de son niveau d’avant-crise (+ 4,3 %) avant une forte baisse au 3e trimestre 2021 (encadré 1).

L’emploi salarié privé suit, après le premier confinement, une tendance régulière à la hausse. Fin juin 2021, il dépasse de 1,4 % son niveau d’avant-crise en Bretagne, plus qu’au niveau national (+ 0,5 %). Cependant, certains secteurs sont plus affectés par les contrecoups de la crise et l’emploi y demeure moins dynamique qu’avant-crise, comme dans l’hébergement-restauration (– 3,7 %) et l’intérim (– 3,7 %). C’est aussi le cas dans les secteurs industriels dont l’activité est fortement contrainte par les difficultés d’approvisionnement : la fabrication de matériels de transport (– 4,4 %) et la fabrication d’équipements électriques, électroniques, informatiques et de machines (– 2,2 %).

Dans le sillage de la reprise d’activité après le confinement d’avril 2021 [Mariette, Palaric, 2021], le recours à l’activité partielle diminue fortement. En juin 2021, il concerne 32 000 salariés en Bretagne, environ dix fois moins qu’en avril 2020. Malgré les réouvertures des cafés et restaurants, 42 % de ces salariés sont employés dans le secteur de l’hébergement-restauration.

Tous les territoires subissent les chocs liés aux confinements et restrictions. Les variations du recours au dispositif d’activité partielle, des effectifs salariés et de la demande d’emploi suivent ainsi des trajectoires similaires dans les zones d’emploi de Bretagne. Cependant, les impacts se révèlent plus ou moins durables ou importants selon les secteurs d’activité. Ils se différencient donc localement en fonction notamment de l’ [Bovi, Le Strat, 2020].

Les zones à forte orientation touristique : très affectées puis en rattrapage

Les zones d’Auray, Vannes, Saint-Malo, Dinan et Lannion sont fortement orientées vers le tourisme, secteur particulièrement affecté par les restrictions sanitaires. Elles présentent les marchés du travail aux variations parmi les plus heurtées (figure 2). En lien avec les fermetures et restrictions de déplacement, l’activité au ralenti s’accompagne d’un fort recours à l’activité partielle en avril 2020, avec un poids important de l’hébergement-restauration. La zone de Saint-Malo est particulièrement concernée, avec 52,6 % de salariés en activité partielle, dont près de un sur cinq dans l’hébergement-restauration. Dans les cinq territoires tournés vers le tourisme, les chutes de l’emploi salarié privé observées fin juin 2020 sont plus importantes qu’en moyenne régionale, accompagnées de fortes hausses de la demande d’emploi en catégorie A. La zone d’Auray est la plus touchée, avec la plus forte baisse des effectifs salariés (– 4,9 %) et la plus forte hausse de la demande d’emploi (+ 43,9 %).

Figure 2Situation de l’activité partielle, l’emploi salarié privé et la demande d’emploi au premier confinement de 2020 et mi-2021 par zone d’emploi en Bretagne

en %
Situation de l’activité partielle, l’emploi salarié privé et la demande d’emploi au premier confinement de 2020 et mi-2021 par zone d’emploi en Bretagne (en %)
Profil dominant de la zone Zone d’emploi Activité partielle (taux de recours au dispositif en % du nombre de salariés privés) Évolution de l’emploi salarié privé par rapport à fin décembre 2019 (données CVS) Évolution du nombre de demandeurs d’emploi inscrits en catégorie A par rapport au 4e trimestre 2019 (données CVS-CJO)
Avril 2020 Juin 2021 Fin juin 2020 Fin juin 2021 2e trimestre 2020 2e trimestre 2021
À forte orientation touristique Auray 46,8 4,3 -4,9 3,0 43,9 12,9
Dinan 44,1 3,2 -4,0 0,4 35,6 8,5
Lannion 44,6 4,1 -4,8 1,7 30,5 4,6
Saint-Malo 52,6 5,2 -4,7 1,5 40,6 6,7
Vannes 48,5 3,4 -3,6 1,9 34,1 2,7
Grandes agglomérations Rennes 44,6 4,2 -2,9 0,9 35,1 3,7
Brest 44,0 4,2 -3,1 1,4 28,4 1,7
Lorient 47,3 3,6 -2,6 2,7 30,9 1,9
Quimper 41,8 3,5 -2,9 2,2 33,2 6,1
Saint-Brieuc 45,3 3,0 -2,2 1,7 25,9 4,1
Tournées vers l'industrie Fougères 47,3 2,7 -2,5 1,5 34,0 -1,4
Lamballe-Armor 37,2 2,7 -0,8 3,5 32,6 7,6
Ploërmel 39,3 2,8 -3,3 2,3 30,1 3,8
Pontivy-Loudéac 31,0 2,1 -2,4 0,6 31,2 4,7
Vitré 33,7 3,3 -2,4 1,5 42,2 0,7
Quimperlé 26,8 2,2 -1,6 2,3 34,5 7,2
Guingamp 41,3 2,4 -2,1 1,5 26,2 4,8
Économie diversifiée mais affectée dans les transports Morlaix 44,2 6,2 -4,3 -0,7 27,4 5,1
Spécialisée dans l'agriculture et l’agroalimentaire Carhaix-Plouguer 29,9 2,6 -2,4 0,3 21,2 11,5
Résidentielle à dominante industrielle Redon* 47,4 4,2 -4,0 0,4 35,4 0,0
Bretagne 43,6 3,8 -3,1 1,4 32,6 4,3
France hors Mayotte 46,3 5,4 -3,1 0,5 24,0 5,7
  • * Les données présentées dans ce tableau portent sur le périmètre complet de la zone de Redon, y compris les communes situées en Pays de la Loire.
  • Sources : Activité partielle : DGEFP/ASP, SI activité partielle, traitement Dares et Dreets Bretagne – Sese. Données provisoires arrêtées au 25/10/2021. Emploi salarié privé : Urssaf, Dares (intérim). Demandeurs d’emploi : Pôle emploi-Dares, STMT ; calculs Dreets Bretagne – Sese.

Après le troisième confinement d’avril 2021, les réouvertures progressives des commerces « non-essentiels », cafés et restaurants se lisent sur les indicateurs du marché du travail de ces cinq zones, mais avec des effets décalés pour certaines d’entre elles. Le recours à l’activité partielle diminue fortement en juin 2021 mais reste supérieur à la moyenne régionale dans les zones d’emploi de Saint-Malo, Auray et Lannion. Les effectifs salariés y sont, fin juin 2021, équivalents voire supérieurs à leur niveau de fin 2019. Les progressions s’échelonnent de + 0,4 % dans la zone Dinan à + 3,0 % dans la zone d’Auray, malgré une contribution négative de l’hébergement-restauration (figure 3). L’emploi dans ce secteur se redresse moins vite dans les zones de Dinan et Lannion (près de 12 % de salariés de moins que fin 2019), mais aussi Saint-Malo (– 7 %). Dans la zone de Dinan, l’emploi salarié est également freiné par sa composante industrielle, en retrait de près de 4 % par rapport à l’avant-crise. La demande d’emploi de catégorie A demeure particulièrement élevée dans la zone d’Auray au 2e trimestre 2021 (+ 12,9 % par rapport au 4e trimestre 2019) dans toutes les tranches d’âge. C’est également le cas de la demande d’emploi de longue durée (+ 12,1 % d’inscrits depuis un an ou plus). Cependant, ce territoire bénéficie particulièrement du recul de la demande d’emploi au 3e trimestre, contrairement à celui de Dinan.

Figure 3Évolution de l’emploi salarié privé fin juin 2021 par rapport à fin décembre 2019 et contributions par secteur d’activité dans les zones d’emploi de Bretagne

en points
Évolution de l’emploi salarié privé fin juin 2021 par rapport à fin décembre 2019 et contributions par secteur d’activité dans les zones d’emploi de Bretagne (en points) - Lecture : dans la zone d’emploi d’Auray, l’emploi salarié privé fin juin 2021 augmente de 3,0 % par rapport à fin décembre 2019. L’industrie contribue à hauteur de 0,9 point à cette évolution.
Code zone d’emploi Libellé zone d’emploi Industrie Construction Intérim Hébergement et restauration Autres services (y compris commerce) Évolution de l’emploi salarié (en %)
5301 Auray 0,9 0,7 0,2 -0,3 1,5 3,0
5302 Brest 0,4 0,5 -0,1 -0,3 0,9 1,4
5303 Carhaix-Plouguer -0,4 0,4 0,1 -0,1 0,4 0,3
5304 Dinan -0,6 0,3 0,4 -0,6 0,9 0,4
5305 Fougères 0,6 0,6 0,0 0,1 0,2 1,5
5306 Guingamp 0,3 0,5 -0,4 -0,1 1,2 1,5
5307 Lamballe-Armor 1,1 1,0 0,3 0,0 1,0 3,5
5308 Lannion 0,0 0,3 -0,1 -1,0 2,6 1,7
5309 Lorient 0,2 0,6 0,3 0,3 1,2 2,7
5310 Morlaix 0,3 0,3 0,3 -0,3 -1,3 -0,7
5311 Ploërmel 0,2 0,1 1,5 -0,1 0,7 2,3
5312 Pontivy-Loudéac -0,5 0,3 -0,4 -0,3 1,4 0,6
5313 Quimper -0,2 0,5 0,6 -0,3 1,6 2,2
5314 Quimperlé 1,0 0,1 -0,6 0,3 1,4 2,3
5315 Rennes -0,1 0,3 -0,7 -0,2 1,6 0,9
5316 Saint-Brieuc 0,2 0,7 -0,4 -0,2 1,5 1,7
5317 Saint-Malo 0,3 0,5 0,2 -0,8 1,3 1,5
5318 Vannes -0,2 0,7 0,0 -0,1 1,5 1,9
5319 Vitré -0,3 0,0 -0,3 -0,1 2,2 1,5
5362 Redon – Bretagne -0,8 0,2 -1,0 0,1 1,3 -0,2
Bretagne 0,1 0,4 -0,2 -0,2 1,3 1,4
France hors Mayotte -0,3 0,4 -0,1 -0,1 0,6 0,5
  • Note : pour la zone interrégionale de Redon, les données sur l’emploi salarié privé par secteur sont disponibles uniquement sur le périmètre de la Bretagne. Les contributions étant arrondies au plus près de leurs valeurs réelles, leur somme peut être légèrement différente de la variation totale.
  • Lecture : dans la zone d’emploi d’Auray, l’emploi salarié privé fin juin 2021 augmente de 3,0 % par rapport à fin décembre 2019. L’industrie contribue à hauteur de 0,9 point à cette évolution.
  • Source : Urssaf, Dares (intérim) ; données CVS.

Figure 3Évolution de l’emploi salarié privé fin juin 2021 par rapport à fin décembre 2019 et contributions par secteur d’activité dans les zones d’emploi de Bretagne

  • Note : pour la zone interrégionale de Redon, les données sur l’emploi salarié privé par secteur sont disponibles uniquement sur le périmètre de la Bretagne. Les contributions étant arrondies au plus près de leurs valeurs réelles, leur somme peut être légèrement différente de la variation totale.
  • Lecture : dans la zone d’emploi d’Auray, l’emploi salarié privé fin juin 2021 augmente de 3,0 % par rapport à fin décembre 2019. L’industrie contribue à hauteur de 0,9 point à cette évolution.
  • Source : Urssaf, Dares (intérim) ; données CVS.

Autour des grandes agglomérations, des chocs assez proches de la moyenne régionale

Dans la zone d’emploi de Rennes, les chocs du printemps 2020 sur le marché du travail sont proches de la moyenne régionale. Mi-2021, la progression de l’emploi salarié par rapport à fin 2019 (+ 0,9 %) est cependant inférieure à celle de la Bretagne (+ 1,4 %). Elle est pénalisée par un niveau bas de l’emploi intérimaire (– 16 %), en lien avec la baisse d’activité dans l’industrie automobile. En juin 2021, le recours à l’activité partielle est légèrement plus élevé qu’au niveau régional. La fabrication de matériels de transports concentre 21 % des salariés concernés (7 % en Bretagne).

Les quatre zones polarisées autour des agglomérations de Brest, Lorient, Quimper et Saint-Brieuc sont situées sur le littoral breton mais moins orientées vers le tourisme que Vannes et Saint-Malo. Elles sont également dotées de gros employeurs privés ou publics (notamment les hôpitaux). L’impact du confinement du printemps 2020 y est similaire, voire inférieur à la moyenne régionale. Fin juin 2021, les effectifs salariés y dépassent leur niveau d’avant-crise, de 1,4 % (Brest) à 2,7 % (Lorient). Au 2e trimestre 2021, la hausse de la demande d’emploi par rapport à fin 2019 dans ces zones de grandes agglomérations est en deçà ou proche de la moyenne régionale, excepté pour Quimper où le nombre d’inscrits âgés de 50 ou plus (+ 9,3 %) augmente plus que dans la région (+ 5,2 %).

Dans sept zones tournées vers l’industrie : des répercussions plus ou moins amorties selon le poids de l’agroalimentaire

L’industrie, en particulier l’agroalimentaire, est davantage présente en Bretagne que dans l’ensemble du pays. Dans les zones de Lamballe-Armor, Ploërmel, Pontivy-Loudéac, Vitré, Fougères, Quimperlé et Guingamp, elle constitue un marqueur économique important. L’emploi industriel y est surreprésenté, notamment parmi les principaux employeurs de ces zones.

En avril 2020, le recours à l’activité partielle y a été nettement moins massif qu’en moyenne dans la région, sous l’effet notamment de la forte présence de l’industrie agroalimentaire, dans laquelle l’activité ne s’est pas interrompue. La zone de Fougères fait exception, l’agroalimentaire y étant moins présent que dans les autres. Les pertes d’emplois salariés au premier confinement y ont été généralement moins marquées, en particulier à Lamballe-Armor qui enregistre le plus faible recul fin juin 2020 (– 0,8 %). La demande d’emploi a malgré tout connu une hausse marquée, avec un contraste entre Guingamp (+ 26 %) et Vitré (+ 42 %).

Mi-2021, ces zones au profil industriel ont un positionnement parmi les plus favorables. Le recours à l’activité partielle y est moins fréquent et le dépassement du niveau d’emploi salarié d’avant-crise plus important que dans l’ensemble de la région, en particulier pour Lamballe-Armor (+ 3,5 %). Seule la zone de Pontivy-Loudéac se situe en deçà de la progression régionale de l’emploi fin juin (+ 0,6 % comparé à + 1,4 %). La situation de la demande d’emploi au 2e trimestre 2021 se révèle plus contrastée. Dans les zones de Vitré et Fougères, le nombre d’inscrits à Pôle emploi en catégorie A est comparable voire inférieur à celui de fin 2019 alors qu’il le dépasse de plus de 7 % à Quimperlé et Lamballe-Armor.

La zone de Morlaix subit les difficultés des transports maritime et aérien

La zone d’emploi de Morlaix, dont le profil économique est diversifié, présente une situation particulière dans le contexte de la crise. L’écosystème lié au transport maritime se trouve fragilisé par les difficultés de la compagnie Brittany Ferries basée à Roscoff, confrontée à une chute de fréquentation due à la fois à la crise sanitaire et au Brexit . Le transport aérien, avec la fermeture programmée du site Hop ! de Morlaix est également affecté.

Dans ce contexte, la zone de Morlaix présente le taux de recours à l’activité partielle le plus élevé en juin 2021. Plus de la moitié (53 %) des salariés concernés relèvent du secteur du transport, comparé à 6 % en moyenne régionale. Fin juin 2021, Morlaix est la seule zone d’emploi bretonne où l’emploi salarié privé se situe en deçà de son niveau d’avant-crise (– 0,7 %). C’est également la seule zone pénalisée par une baisse de l’emploi dans les services (hors intérim et hébergement-restauration). En revanche, la demande d’emploi en catégorie A a connu une hausse moins élevée que dans la région au printemps 2020 et présente un bilan proche de la moyenne régionale au 2e trimestre 2021.

Carhaix-Plouguer : zone moins affectée au printemps 2020 mais un marché du travail qui reste perturbé

La zone de Carhaix-Plouguer se distingue par une forte présence de l’agriculture et de l’industrie agroalimentaire. Dans ces secteurs « essentiels », l’activité s’est maintenue durant la crise. Le recours à l’activité partielle dans cette zone figure ainsi parmi les moins importants, à l’instar des zones à dominante industrielle. Malgré une baisse moins prononcée lors du premier confinement, les effectifs salariés hors agriculture observés fin juin 2021 dépassent néanmoins à peine leur niveau de fin 2019 (+ 0,3 %), sous l’effet d’une baisse de 1,7 % de l’emploi salarié industriel. En ce qui concerne l’agriculture, les effectifs salariés observés fin juin 2021 dépassent de 2,3 % leur niveau de fin 2019 dans les Côtes-d’Armor.

Dans le territoire de Carhaix-Plouguer, la demande d’emploi de catégorie A présente une trajectoire distincte des autres zones d’emploi de la région. Elle a beaucoup moins augmenté au printemps 2020, mais elle reste nettement supérieure à son niveau d’avant-crise au 2e trimestre 2021 (+ 11,5 %) et au 3e trimestre (+ 6,2 %).

Redon : une dominante industrielle freinée par la fabrication de matériels de transport

La zone d’emploi de Redon, interrégionale avec une partie de la zone dans les Pays de la Loire, présente un profil résidentiel à dominante industrielle. En avril 2020 et en juin 2021, le recours à l’activité partielle y est plus élevé qu’en moyenne dans la région. L’industrie concentre la moitié des salariés indemnisés dans cette zone en juin 2021 (18 % dans la région), essentiellement dans la fabrication de matériels de transport (40 % des salariés). Dans l’ensemble de la zone, l’emploi salarié privé dépasse de 0,4 % son niveau de fin 2019. En revanche, dans la partie bretonne de la zone, il demeure légèrement en deçà (– 0,2 %). Il est nettement pénalisé par ses composantes intérimaire et industrielle, en lien notamment avec la baisse d’activité dans la fabrication de matériels de transport. Le bilan de la demande d’emploi est néanmoins plus favorable qu’ailleurs, avec un retour au niveau de fin 2019 dès le 2e trimestre 2021.

Encadré 1 – Très rythmée par les restrictions sanitaires, la demande d’emploi bénéficie d’un contexte dynamique au 3e trimestre 2021

Les données les plus récentes relatives au 3e trimestre 2021 font état d’une forte baisse du nombre de demandeurs d’emploi inscrits en catégorie A, davantage marquée en Bretagne (– 7,6 %) qu’en France (– 5,5 %) [Ouvrir dans un nouvel ongletDreets Bretagne, 2021]. Sous l’effet de cette baisse durant l’été 2021, le nombre de demandeurs d’emploi en Bretagne devient inférieur de 3,6 % à celui du 4e trimestre 2019. Il passe sous son niveau d’avant-crise dans la plupart des zones d’emploi, excepté celles de Carhaix-Plouguer (+ 6,2 %) et de Dinan (+ 1,9 %) (figure). La zone d’Auray enregistre la plus forte baisse au 3e trimestre (– 14,2 %). Par rapport au niveau d’avant-crise, elle passe ainsi de la situation la plus défavorable au 2e trimestre à un positionnement proche de la moyenne bretonne. Parmi les vingt zones d’emploi bretonnes, les reculs les plus prononcés par rapport au 4e trimestre 2019 se situent dans cinq territoires de l’est de la région.

Nombre de demandeurs d’emploi de catégorie A au 3e trimestre 2021 et évolution par rapport au 4e trimestre 2019 dans les zones d’emploi de Bretagne

Nombre de demandeurs d’emploi de catégorie A au 3e trimestre 2021 et évolution par rapport au 4e trimestre 2019 dans les zones d’emploi de Bretagne
Code zone d’emploi Libellé zone d’emploi 2020 Effectifs au 3e trimestre 2021 Évolution en %
5301 Auray 4 050 -3,3
5302 Brest 16 430 -4,2
5303 Carhaix-Plouguer 3 600 6,2
5304 Dinan 4 210 1,9
5305 Fougères 2 690 -4,6
5306 Guingamp 2 690 -1,1
5307 Lamballe-Armor 2 330 -2,1
5308 Lannion 4 600 -3,8
5309 Lorient 9 610 -4,3
5310 Morlaix 5 260 -0,8
5311 Ploërmel 2 730 -5,5
5312 Pontivy-Loudéac 4 630 -1,7
5313 Quimper 12 280 -2,2
5314 Quimperlé 2 310 -2,5
0062 Redon 3 420 -6
5315 Rennes 27 770 -5,6
5316 Saint-Brieuc 8 520 -2,4
5317 Saint-Malo 5 940 -5,3
5318 Vannes 8 760 -4,7
5319 Vitré 2 750 -9,8
Bretagne 133 890 -3,6
  • Source : Pôle emploi-Dares, STMT ; calculs Dreets Bretagne – Sese ; données CVS-CJO.

Nombre de demandeurs d’emploi de catégorie A au 3e trimestre 2021 et évolution par rapport au 4e trimestre 2019 dans les zones d’emploi de Bretagne

  • Source : Pôle emploi-Dares, STMT ; calculs Dreets Bretagne – Sese ; données CVS-CJO.

Encadré 2 – Partenariat

Cette étude a été réalisée en partenariat entre l’Insee Bretagne et la Direction régionale de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités (Dreets) de Bretagne.

Publication rédigée par :Fatima Le Strat, Valérie Mariette, Agnès Palaric (Insee), Sandra Chirazi, Stéphane Moro (Direction régionale de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités)

Définitions

Le dispositif d’activité partielle permet aux établissements confrontés à des difficultés temporaires de diminuer ou suspendre leur activité en assurant aux salariés une indemnisation de leur perte de salaire partiellement prise en charge par l’État. Depuis mars 2020, il a été assoupli et élargi. Après acceptation de sa demande d’autorisation préalable (DAP), l’établissement employeur dépose une demande d’indemnisation (DI) pour le mois considéré et les heures effectivement chômées. Les détails du dispositif sont disponibles sur le Ouvrir dans un nouvel ongletsite du Ministère du travail. Dans cette étude, un salarié est concerné par l'activité partielle dès lors qu'il a chômé et bénéficié d’une indemnisation au moins une heure durant un mois donné.

L’emploi salarié privé (source Urssaf, Dares) mobilisé dans cette étude regroupe les cotisants du champ concurrentiel (« secteur privé ») affiliés au régime général, domiciliés en France hors Mayotte, hors agriculture (relevant en grande partie de la Mutualité Sociale Agricole), activités extraterritoriales et salariés des particuliers employeurs.

Les demandeurs d’emploi sont les personnes inscrites sur les listes de Pôle emploi, regroupées en . Cette étude porte sur les demandeurs d’emploi tenus de faire des actes positifs de recherche d’emploi, sans emploi au cours du mois (catégorie A) ou ayant exercé une activité réduite (catégories B et C).

L’orientation économique des zones d’emploi utilisée dans le cadre de cette étude s’appuie principalement sur la typologie nationale des 306 zones d’emploi publiée lors de la refonte de ce zonage en 2020 [Bovi, Le Strat, 2020]. Les se définissent comme des espaces à l’intérieur desquels travaillent la plupart des actifs qui y résident. La typologie s’appuie sur des indicateurs de spécialisation économique mesurée par le rapport entre la part de l’emploi dans un secteur et cette même part mesurée France entière. Les variables retenues sont l’ , l’industrie, l’administration publique, l’emploi dans les grandes ou petites entreprises et des indicateurs d’activité touristique.

Zone d'emploi :

Une zone d'emploi est un espace géographique à l'intérieur duquel la plupart des actifs résident et travaillent.

Le découpage en zones d'emploi constitue une partition du territoire adaptée aux études locales sur le marché du travail. Il sert de référence pour la diffusion des taux de chômage localisés et des estimations d'emplois. Ce zonage est défini à la fois pour la France métropolitaine et les DOM.

Le découpage actualisé se fonde sur les flux de déplacement domicile-travail des actifs observés lors du recensement de 2016. L'algorithme utilisé est celui préconisé par Eurostat, LabourMarketAreas, disponible en open source. La liste des communes est celle donnée par le Code Officiel Géographique (COG).

Sphère économique :

La partition de l'économie en deux sphères, présentielle et productive, permet de mieux comprendre les logiques de spatialisation des activités et de mettre en évidence le degré d'ouverture des systèmes productifs locaux.

Elle permet aussi de fournir une grille d'analyse des processus d'externalisation et autres mutations économiques à l'œuvre dans les territoires.

Les activités présentielles sont les activités mises en œuvre localement pour la production de biens et de services visant la satisfaction des besoins de personnes présentes dans la zone, qu'elles soient résidentes ou touristes.

Les activités productives sont déterminées par différence. Il s'agit des activités qui produisent des biens majoritairement consommés hors de la zone et des activités de services tournées principalement vers les entreprises de cette sphère.

Remarque :

A compter de juin 2015, la dénomination « sphère productive » se substitue à celle de « sphère non-présentielle ». La répartition des activités n'est pas modifiée.

A compter de janvier 2010 cette nouvelle définition se substitue à l'ancienne en trois sphères « productive », « résidentielle » et « publique ».

Catégories de demandes d'emploi établies par arrêté :

Les demandeurs d’emploi sont les personnes inscrites sur les listes de France Travail. L’inscription sur les listes de France Travail est soumise à certaines conditions, mais les demandeurs d’emploi peuvent être ou non indemnisés, certains peuvent occuper un emploi. Selon leur situation vis‑à‑vis de l’obligation de recherche d’emploi et de l’exercice ou non d’une activité, ils sont regroupés en cinq catégories :

  • catégorie A : demandeurs d'emploi tenus de faire des actes positifs de recherche d'emploi, sans emploi ;
  • catégorie B : demandeurs d'emploi tenus de faire des actes positifs de recherche d'emploi, ayant exercé une activité réduite courte (i.e. de 78 heures ou moins au cours du mois) ;
  • catégorie C : demandeurs d'emploi tenus de faire des actes positifs de recherche d'emploi, ayant exercé une activité réduite longue (i.e. plus de 78 heures au cours du mois) ;
  • catégorie D : demandeurs d'emploi non tenus de faire des actes positifs de recherche d'emploi (en raison d'un stage, d'une formation, d'une maladie, etc.), y compris les demandeurs d'emploi en convention de reclassement personnalisé (CRP), en contrat de transition professionnelle (CTP), sans emploi et en contrat de sécurisation professionnelle (CSP) ;
  • catégorie E : demandeurs d'emploi non tenus de faire de actes positifs de recherche d'emploi, en emploi (par exemple : bénéficiaires de contrats aidés, créateurs d’entreprise).

Pour en savoir plus

V. Mariette, A. Palaric (Insee), « L’activité se redresse à la fin du 2ᵉ trimestre, l’emploi reste dynamique », Insee Conjoncture Bretagne, n° 36 (2021, oct.)

Dreets Bretagne, « Ouvrir dans un nouvel ongletLe marché de l’emploi en Bretagne au 3ᵉ trimestre 2021 » (2021, oct.)

Urssaf Bretagne, « Ouvrir dans un nouvel ongletUne nette hausse des effectifs au deuxième trimestre dans la perspective de la fin des contraintes sanitaires », Stat'UR, n° 46 (2021, oct.)

Insee, « Le marché du travail à l’épreuve de la crise sanitaire en 2020 », in Emploi, chômage, revenus du travail, coll. « Insee Références », édition 2021 (2021, juin)

S. Chirazi (Dreets Bretagne), « Ouvrir dans un nouvel ongletPremiers résultats sur l’activité partielle en Bretagne au printemps 2020 : un niveau de recours inédit », Synthèses et Analyses (2021, fév.)

H. Bovi, F. Le Strat (Insee), « L’économie des zones d’emploi bretonnes tournée vers l’agroalimentaire et le tourisme », Insee Analyses Bretagne, n° 94 (2020, sept.)