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Insee Analyses Grand Est · Mai 2021 · n° 132
Insee Analyses Grand EstVulnérabilité économique suite à la crise de la Covid-19 : malgré des disparités, tous les territoires sont touchés

Thomas Ducharne, Sophie Villaume (Insee)

Chômeurs, jeunes, salariés en emploi précaire ou travaillant dans un secteur d’activité en grande difficulté, ouvriers, indépendants… à court ou moyen terme, certaines catégories de la population seront davantage touchées que d’autres par les conséquences économiques de la crise liée à l’épidémie de Covid-19.

Les pôles regroupent davantage de personnes pauvres ou à faible revenu, souvent au chômage ou en emploi précaire, qui verraient leurs difficultés s’accentuer. Des activités telles que la restauration, l’hébergement, le commerce ou encore la culture ont été durement affectées, et leurs salariés, très présents dans les zones urbaines et touristiques, pourraient voir leur revenu baisser ou leur emploi supprimé.

Les salariés de l’industrie automobile, de la métallurgie ou des transports pourraient également connaître de semblables difficultés. Les ouvriers, nombreux dans la région, ont été particulièrement concernés par le chômage partiel et les baisses de rémunération, de même que les salariés des micro-entreprises. Les non-salariés pourraient également être plus vulnérables du fait des protections plus limitées qu’offre ce statut. Ces différents profils sont surreprésentés dans les espaces peu denses de la région.

Insee Analyses Grand Est
No 132
Paru le :Paru le04/05/2021

La crise sanitaire liée à l’épidémie de Covid-19 a engendré d’importantes baisses d’activité, en particulier lors des confinements de la population, et ses conséquences, bien qu’encore difficiles à appréhender en raison de l’indisponibilité actuelle de toutes les données pour les mesurer, sont nombreuses. D’un point de vue strictement économique, certaines catégories de la population, non nécessairement exclusives les unes des autres, sont plus vulnérables que d’autres. Malgré des disparités, aucun territoire du Grand Est n’est a priori à l’abri de ces difficultés. L’objet de cette étude est de permettre, à l’aide des informations disponibles à ce jour, de mieux identifier les territoires et les populations qui seraient à plus ou moins long terme les plus touchés par la crise sanitaire.

Dans les pôles et les zones en difficulté économique, la crise pourrait accentuer la vulnérabilité des personnes à faible revenu…

D’après la première vague de l’enquête Épidémiologie et conditions de vie (Epicov) menée par la Drees, l’Inserm, Santé Publique France et l’Insee au cours du mois de mai 2020, un quart des ménages fait état d’une dégradation de sa situation financière à la sortie du premier confinement. Les ménages les plus modestes font partie des plus concernés, en particulier ceux appartenant aux trois premiers déciles de .

La pauvreté est très présente dans les grandes villes. Dans le Grand Est, 15 % des habitants vivent sous le en 2018, mais cette part atteint 22 % dans les des , contre 10 % dans leurs couronnes et 13 % dans les communes situées hors de l’influence des villes. La part des personnes au niveau de vie faible (inférieur au troisième ), mais supérieur au seuil de pauvreté, est également un peu plus élevée dans les pôles qu’ailleurs (18 %, contre 13 % dans les couronnes, et 16 % hors aires), mais ces personnes à faible revenu sont moins concentrées dans les pôles que les personnes pauvres, et réparties de manière plus homogène sur le territoire régional. Dans la région, certaines zones rurales ou en difficulté économique sont ainsi particulièrement concernées, notamment dans les Ardennes, la Haute-Marne et les Vosges (figure 1). Au total, les pôles rassemblent 59 % des personnes pauvres et 47 % des personnes à faible revenu, pour 42 % de la population régionale.

La situation est toutefois très variable selon les pôles : ceux de Sedan, Forbach, Romilly-sur-Seine, Vitry-le-François, Charleville-Mézières, Saint-Dié-des-Vosges et Saint-Dizier comptent plus de 25 % de personnes vivant sous le seuil de pauvreté parmi leurs habitants, tandis que quelques petits pôles situés en Alsace, dans le vignoble champenois ou à proximité du Luxembourg (Niederbronn-les-Bains, Soultz-sous-Forêts, Rouffach, Villers-la-Montagne, Blanc-Coteaux, Fessenheim) en comptent moins de 10 %. Pauvreté et faibles revenus sont aussi très présents dans les plus grands pôles de la région (Strasbourg, Nancy, Metz, Reims, Mulhouse, Troyes, Épinal, Colmar), avec un taux de pauvreté compris entre 20 et 25 % en 2018.

Figure 1Part des personnes appartenant aux trois premiers déciles de niveau de vie (en %)

  • Note : le troisième décile de niveau de vie est le seuil sous lequel vit 30 % de la population. Ce seuil est calculé à l’échelle métropolitaine et s’élevait à 17 160 € annuels en 2018.
  • Lecture : en 2018, les habitants du pôle de Nancy étaient entre 30 et 35 % à disposer d’un niveau de vie inférieur au troisième décile de niveau de vie.
  • Champ : Grand Est, ménages ordinaires dont le revenu disponible est positif ou nul.
  • Source : Insee, Filosofi 2018.

… souvent au chômage ou en emploi précaire

Avant même que ne survienne la crise, les territoires les plus touchés par la pauvreté et les faibles revenus étaient déjà souvent parmi les plus touchés par le chômage et les . Or, ces deux situations sont source d’une vulnérabilité accrue au regard de l’aggravation récente de la situation économique.

D’après l’enquête Epicov, les personnes qui avaient perdu leur emploi durant le premier confinement faisaient état d’une plus forte détérioration de leur situation financière, dans la mesure où beaucoup n’avaient pas retrouvé d’emploi en mai. Ainsi, le chemin vers l’emploi pourrait s’avérer particulièrement délicat pour les personnes actuellement au chômage, de même que pour celles qui se trouvent en situation d’inactivité mais souhaitent travailler à court ou moyen terme.

Qu’ils soient étudiants ou à la recherche d’un emploi sur un marché du travail dégradé, les jeunes font partie des premières victimes de la crise. En 2017, les 18-24 ans représentent un dixième des adultes du Grand Est, soit un peu plus de 450 000 individus. Cette classe d’âge est surreprésentée dans les pôles, notamment les grandes villes étudiantes, mais la proportion de jeunes en emploi précaire ou non insérés (ni en emploi ni en études) est plus élevée hors des pôles (Insee Flash Grand Est n° 49).

Malgré les mesures de soutien mises en place par les pouvoirs publics, les fermetures d’établissements, le manque de perspectives de reprise dans certains secteurs ou les contraintes sanitaires risquent d’amener certaines entreprises à se séparer d’une partie de leurs salariés, voire à cesser définitivement leur activité. En raison de la précarité qui entoure leur statut, les salariés en CDD, en intérim, en contrat aidé, en apprentissage ou en stage, qui représentent dans le Grand Est 12 % des actifs occupés, pourraient voir leur emploi particulièrement menacé. Dans la région, le nombre d’intérimaires a ainsi reculé de 12 % entre la fin 2019 et le troisième trimestre 2020, contre 1,4 % s’agissant de l’ensemble des salariés.

Les pôles sont particulièrement concernés : en 2017, 54 % des chômeurs y résidaient, et le (au sens du recensement) des plus de 18 ans y atteignait 18 %, contre 11 % dans les autres catégories de communes. Les départements des Ardennes, de l’Aube et des Vosges présentent également des taux de chômage élevés. De même, les salariés précaires sont surreprésentés dans les pôles (figure 2) : en 2017, ces derniers représentaient 16 % des salariés qui y résidaient contre 10 % dans les autres catégories de communes. Ils sont aussi nombreux dans la Marne et la Haute-Marne.

Figure 2Indice de spécificité par rapport au niveau métropolitain

Indice de spécificité par rapport au niveau métropolitain - Lecture : en 2018, les habitants des pôles du Grand Est vivaient environ 1,5 fois plus souvent sous le seuil de pauvreté qu’en moyenne métropolitaine.
Grand Est dont pôles dont couronnes dont communes hors aire d’attraction des villes
Taux de pauvreté 1,02 1,50 0,67 0,86
Part des personnes à faible revenu non pauvres 0,99 1,15 0,86 1,06
Part de salariés en contrat précaire 0,98 1,28 0,80 0,88
Part des salariés des secteurs très affectés par la crise (tertiaire) 0,88 1,05 0,78 0,70
Part des salariés des secteurs très affectés par la crise (industrie, transports) 1,17 1,02 1,23 1,33
Part des ouvriers 1,24 1,13 1,25 1,66
Parts des non salariés 0,84 0,73 0,87 1,12
Part des salariés des micro-entreprises 0,97 0,81 1,16 1,52
Part des moins de 25 ans 1,00 1,34 0,77 0,69
Part des jeunes ni en études ni en emploi 1,05 0,97 1,13 1,26
  • Note : l’indice de spécificité rapporte la valeur observée pour le territoire considéré à la valeur observée en France métropolitaine. Les « secteurs très affectés par la crise » correspondent aux secteurs identifiés comme tels par la note de conjoncture d’octobre 2020 (pour en savoir plus), ainsi qu’aux secteurs de l’industrie automobile, de la métallurgie, des transports et des commerces fermés lors du deuxième confinement.
  • Lecture : en 2018, les habitants des pôles du Grand Est vivaient environ 1,5 fois plus souvent sous le seuil de pauvreté qu’en moyenne métropolitaine.
  • Champ : le taux de pauvreté et la part de personnes à faible revenu se rapportent à l’ensemble de la population vivant au sein d’un ménage fiscal, la part des moins de 25 ans à l’ensemble de la population de plus de 18 ans, celle des jeunes ni en emploi ni en formation, au nombre total de jeunes habitant le territoire. Les données ayant trait aux contrats « précaires », aux secteurs en difficulté, aux ouvriers et aux non-salariés se rapportent à l’ensemble des actifs occupés de 18 ans ou plus résidant sur le territoire considéré. Enfin, la « part des salariés des micro-entreprises » se rapporte à l’ensemble des salariés travaillant sur le territoire.
  • Source : Insee, recensement de la population 2017, Filosofi 2018, Florès 2018.

Figure 2Indice de spécificité par rapport au niveau métropolitain

  • Note : l’indice de spécificité rapporte la valeur observée pour le territoire considéré à la valeur observée en France métropolitaine. Les « secteurs très affectés par la crise » correspondent aux secteurs identifiés comme tels par la note de conjoncture d’octobre 2020 (pour en savoir plus), ainsi qu’aux secteurs de l’industrie automobile, de la métallurgie, des transports et des commerces fermés lors du deuxième confinement.
  • Lecture : en 2018, les habitants des pôles du Grand Est vivaient environ 1,5 fois plus souvent sous le seuil de pauvreté qu’en moyenne métropolitaine.
  • Champ : le taux de pauvreté et la part de personnes à faible revenu se rapportent à l’ensemble de la population vivant au sein d’un ménage fiscal, la part des moins de 25 ans à l’ensemble de la population de plus de 18 ans, celle des jeunes ni en emploi ni en formation, au nombre total de jeunes habitant le territoire. Les données ayant trait aux contrats « précaires », aux secteurs en difficulté, aux ouvriers et aux non-salariés se rapportent à l’ensemble des actifs occupés de 18 ans ou plus résidant sur le territoire considéré. Enfin, la « part des salariés des micro-entreprises » se rapporte à l’ensemble des salariés travaillant sur le territoire.
  • Source : Insee, recensement de la population 2017, Filosofi 2018, Florès 2018.

Les pôles se caractérisent toutefois également par une présence accrue des fonctionnaires et des agents publics en CDI. Dans la région, ces travailleurs dont l’emploi n’est a priori pas menacé par la crise représentaient en 2017, 15 % des actifs occupés résidant dans les pôles, contre 14 % de ceux habitant les couronnes et 12 % de ceux vivant hors des aires d’attraction des villes. Les fonctionnaires et les agents publics en CDI sont notamment très présents dans le pôle de Nancy, ainsi qu’au sein de préfectures de plus petite taille telles que Chaumont, Bar-le-Duc, Châlons-en-Champagne ou encore Charleville-Mézières.

Peu de territoires épargnés par les difficultés sectorielles

Les salariés travaillant dans un par les conséquences économiques de l’épidémie pourraient aussi payer un lourd tribut à la crise. Ces secteurs emploient environ 16 % des actifs occupés du Grand Est (figure 3), soit une proportion proche de celle du niveau métropolitain.

Très touchés par les obligations de fermeture au public, les réductions d’activité et la chute du nombre de touristes, les secteurs du commerce, de l’hébergement, de la restauration et du divertissement sont surreprésentés dans les pôles. Ces activités, où les contrats courts sont aussi plus fréquents, emploient 11 % des salariés résidant dans les pôles, contre 8 % de ceux résidant dans les couronnes et 7 % de ceux vivant dans les communes situées hors de l’influence des villes. Ils sont très présents également dans les territoires urbains et touristiques d’Alsace, du sillon lorrain et du massif des Vosges. Le nombre de demandeurs d’emploi y a particulièrement augmenté sur la période récente (encadré).

La crise menace également d’autres activités telles que la métallurgie, l’automobile ou encore les transports. Avec la baisse des déplacements liée aux contraintes sanitaires, cette filière a en effet subi une forte baisse de la demande. Ainsi, au niveau national, la métallurgie, l’automobile et les transports ont vu leurs effectifs hors intérim reculer de près de 2 % entre le 4ᵉ trimestre 2019 et le 3ᵉ trimestre 2020. Dans le Grand Est, 7 % des actifs occupés travaillaient dans ces secteurs en 2017, soit un point de plus qu’au niveau de la métropole.

Figure 3Part des actifs occupés exerçant dans des secteurs très affectés par la crise (en %)

  • Note : les « secteurs très affectés par la crise » correspondent aux secteurs identifiés comme tels par la note de conjoncture d’octobre 2020 (pour en savoir plus), ainsi qu’aux secteurs de l’industrie automobile, de la métallurgie, des transports et des commerces fermés lors du deuxième confinement.
  • Lecture : au nord de la Haute-Marne, au moins 20 % des actifs en emploi travaillent dans un secteur très affecté par la crise.
  • Source : Insee, recensement de la population 2017, exploitation complémentaire au lieu de résidence.

Les ouvriers, les indépendants et les salariés de micro-entreprises pourraient aussi voir leur revenu baisser

Les mesures de soutien ont pu permettre de sauver des emplois, mais la mise en place massive du chômage partiel a pu réduire les revenus des salariés, l’indemnité pouvant être inférieure aux salaires dépassant le Smic. Conséquence de la mise à l’arrêt ou la baisse d’activité marquée d’un grand nombre d’usines pendant le premier confinement et de possibilités de télétravail très limitées, les ouvriers étaient ainsi plus de la moitié à se déclarer concernés par ce dispositif et un tiers à faire état d’une perte de revenus lors de la première vague de l’enquête Epicov. En raison du fort ancrage industriel du Grand Est, ces professions représentent un quart des actifs occupés de la région en 2017, contre un cinquième à l’échelle de la métropole. D’après l’enquête emploi en continu (EEC), 36 % d’entre eux n’auraient pas du tout pu travailler pendant le premier confinement, soit 15 points de plus que l’ensemble des actifs en emploi de la région.

De même, de nombreux salariés travaillant dans une pourraient voir leurs revenus diminuer, cette catégorie d’entreprises ayant également largement recouru au chômage partiel. Dans la région comme à l’échelle nationale, en 2018, 13 % des salariés travaillaient dans une micro-entreprise.

Les travailleurs indépendants pourraient aussi subir de graves difficultés du fait de la nette réduction de l’activité économique, des protections limitées qui entourent ce statut et de leur surreprésentation au sein des secteurs les plus en difficulté. Dans le Grand Est, 10 % des actifs occupés exerçaient leur activité sous un statut non-salarié contre 12 % au niveau de la métropole, cet écart s’expliquant principalement par la structure du tissu productif et en particulier la place importante qu’y occupe l’industrie par opposition au tourisme notamment.

Enfin, particulièrement présents à proximité des frontières suisse et luxembourgeoise ainsi qu’au nord est du Bas-Rhin, les frontaliers qui n’ont pas pu se rendre à leur travail en raison d’un durcissement des conditions de déplacements pourraient également subir des pertes de rémunération, d’autant qu’ils exercent plus souvent des professions pour lesquelles les possibilités de télétravail sont limitées ou dont l’activité était à l’arrêt lors du premier confinement (58 % contre 51 % de l’ensemble des actifs occupés de la région).

Des espaces à faible densité inégaux face aux difficultés

De manière générale, ouvriers, indépendants et salariés des micro-entreprises sont surreprésentés au sein des espaces peu denses, en particulier dans les communes hors influence des villes, et dans une moindre mesure dans les couronnes périurbaines.

Ainsi, des territoires tels que le sud de la Marne, le nord de la Meuse et des Ardennes, l’est de la Haute-Marne, l’Alsace bossue ou encore le nord-est du Bas-Rhin se distinguent par le poids particulièrement important que représentent les ouvriers au sein de leur population active. De même, les secteurs de la métallurgie, de l’automobile et des transports emploient une proportion conséquente des actifs résidant entre le sud de la Marne et le nord de la Haute-Marne, ainsi qu’au nord de la Moselle.

Les non-salariés sont quant à eux nettement plus présents à l’ouest de la région qu’à l’est, en lien notamment avec la faible densité d’emplois dans ces territoires et avec le poids relativement important qu’y occupe l’agriculture. Au sud de la Marne et au sud-ouest de l’Aube, une part importante de la population active est ainsi employée dans le secteur du champagne. Avec l’annulation de nombreux événements festifs et la nette baisse des exportations consécutives à la crise sanitaire, ces travailleurs pourraient fortement pâtir de la crise.

À l’inverse, les retraités devraient voir l’essentiel de leurs revenus préservés, leurs pensions n’étant a priori pas menacées par les bouleversements économiques à l’œuvre. En 2017, ces derniers représentaient 29 % des adultes du Grand Est, soit une proportion toutefois moindre que dans d’autres régions. Ces populations sont surreprésentées dans les espaces peu denses, à commencer par ceux situés en Haute-Marne, dans les Vosges, ainsi qu’aux confins des départements des Ardennes, de la Meuse et de la Marne.

Loyers élevés à l’est

Au-delà de ses conséquences sur l’activité, la pandémie de Covid-19 pourrait compromettre la situation financière des ménages confrontés à d’importantes charges incompressibles, dès lors que leurs revenus baissent ou ne sont plus assurés.

Dans de telles circonstances, le coût du logement peut notamment peser bien plus lourd dans le budget des ménages locataires du parc privé. Les ménages en cours d’accession à la propriété pourraient également en pâtir s’ils éprouvent des difficultés à rembourser leur crédit. À l’échelle nationale, 87 % des propriétaires de moins de 50 ans étaient en cours d’accession en 2013 (contre seulement 22 % après 50 ans). Dans le Grand Est comme à l’échelle métropolitaine, ces « jeunes » propriétaires de moins de 50 ans représentent 19 % de l’ensemble des ménages en 2017, et les locataires du parc privé, 25 %.

Être locataire est plus fréquent dans les espaces urbains, en particulier dans les pôles, où un tiers des ménages louent leur logement dans le parc privé. La part de locataires est la plus élevée dans les départements du Bas-Rhin et de la Meurthe-et-Moselle (respectivement 30 % et 27 %), et dans une moindre mesure, de la Marne, de la Moselle et du Haut-Rhin (entre 22 % et 25 %). Dans ces territoires, en particulier dans le Bas-Rhin, les loyers sont élevés au regard des revenus des ménages locataires. C’est dans ces mêmes départements (ainsi que dans l’Aube), mais hors des pôles, que la proportion de ménages propriétaires de moins de 50 ans est la plus forte. Ces derniers sont particulièrement présents au nord de Reims, entre Châlons-en-Champagne et Vitry-le-François, ainsi que le long d’une ligne reliant la frontière luxembourgeoise au nord de l’agglomération de Nancy.

Encadré - Des conséquences de la crise déjà particulièrement sensibles dans le Haut-Rhin

Malgré les nombreux dispositifs de soutien à l’activité mis en place par le gouvernement et malgré les difficultés potentielles à faire des actes positifs de recherche d'emploi, entre le 4ᵉ trimestre 2019 et le 4ᵉ trimestre 2020, le nombre d’inscrits à Pôle Emploi n’ayant pas du tout travaillé ou ayant seulement travaillé à temps incomplet (demandeurs d’emplois de catégorie A, B ou C) a augmenté de 5 % dans le Grand Est comme au niveau métropolitain. Les hausses restent assez contenues en Haute-Marne et dans les Vosges (+ 1 %), alors qu’elles sont au contraire déjà très sensibles en Moselle, dans le Bas-Rhin (+ 6 %) et dans le Haut-Rhin (+ 7 %).

Parallèlement, le Grand Est compterait 155 000 foyers bénéficiaires du revenu de solidarité active (RSA) en décembre 2020, soit 6 % de plus qu’un an auparavant (contre 8 % au niveau national). En la matière, le Haut-Rhin se distingue des autres départements de la région par l’ampleur de la hausse constatée (+ 13 %). Toutefois, la progression est toutefois également très soutenue dans la Marne et le Bas-Rhin (+ 8 %).

À court terme, les conséquences économiques de la crise semblent ainsi plus fortes dans les départements les plus urbains et touristiques.

Chômage et évolutions récentes du nombre de demandeurs d’emplois et d’allocataires du RSA (en %)

Chômage et évolutions récentes du nombre de demandeurs d’emplois et d’allocataires du RSA (en %) - Lecture : dans le Haut-Rhin, le taux de chômage au sens du BIT s’établit à 9,0 % au troisième trimestre 2020 ; entre décembre 2019 et décembre 2020, le nombre de demandeurs d’emplois inscrits à Pôle Emploi en catégorie A, B ou C y a progressé de 6,8 % et celui des allocataires du revenu de solidarité active (RSA) y aurait augmenté de 13,3 %.
Taux de chômage localisés au T3 2020 Évolution du nombre de demandeurs d’emploi de catégorie A, B ou C sur un an, au T4 2020 Évolution du nombre d’allocataires du RSA entre décembre 2019 et décembre 2020*
Ardennes 10,7 +2,9 +2,7
Aube 11,0 +2,9 +5,7
Marne 8,5 +4,2 +8,1
Haute-Marne 7,9 +0,9 +6,5
Meurthe-et-Moselle 8,5 +3,8 +3,7
Meuse 8,3 +4,0 +3,8
Moselle 8,7 +5,7 +3,6
Bas-Rhin 7,8 +6,4 +7,9
Haut-Rhin 9,0 +6,8 +13,3
Vosges 9,5 +1,3 +4,8
Grand Est 8,7 +4,8 +6,1
France métropolitaine 8,8 +4,8 +8,2
  • * données provisoires (traitements Drees)
  • Note : les données relatives aux taux de chômage localisés s’appuient sur la définition du chômage utilisée par le Bureau International du Travail (BIT). Les demandeurs d’emploi en catégorie A, B ou C correspondent quant à eux aux personnes inscrites à Pôle Emploi et n’ayant pas du tout travaillé au cours d’un mois donné ou ayant eu une activité réduite. Une personne peut être au chômage au sens du BIT sans être pour autant inscrite à Pôle Emploi, et réciproquement.
  • Lecture : dans le Haut-Rhin, le taux de chômage au sens du BIT s’établit à 9,0 % au troisième trimestre 2020 ; entre décembre 2019 et décembre 2020, le nombre de demandeurs d’emplois inscrits à Pôle Emploi en catégorie A, B ou C y a progressé de 6,8 % et celui des allocataires du revenu de solidarité active (RSA) y aurait augmenté de 13,3 %.
  • Sources : Insee, taux de chômage localisés ; STMT - DARES, Pôle emploi ; Cnaf, Allstat FR6 et FR2 ; MSA.
Publication rédigée par :Thomas Ducharne, Sophie Villaume (Insee)

Sources

Le recensement de la population fournit des statistiques sur les caractéristiques des habitants, notamment leur âge, leur mode de cohabitation, leur situation sur le marché du travail, leurs conditions de logement.

Le dispositif sur les revenus localisés sociaux et fiscaux (Filosofi) fournit des indicateurs sur les revenus disponibles des ménages. Le champ couvert est celui de l’ensemble des ménages fiscaux ordinaires. Il exclut les personnes sans domicile ou vivant en communauté (prison, foyer, maison de retraite...).

Le Fichier LOcalisé des Rémunérations et de l’Emploi Salarié (Florès) apporte quant à lui des données sur les entreprises et leurs établissements (nombre de salariés, type d’entreprises, secteurs d’activité…). Son exploitation permet notamment de connaître la part, au lieu de travail, de salariés travaillant au sein d’une micro-entreprise.

Définitions

Niveau de vie :

Le niveau de vie est égal au revenu disponible du ménage divisé par le nombre d'unités de consommation (UC). Le niveau de vie est donc le même pour tous les individus d'un même ménage.

Le niveau de vie correspond à ce qu’Eurostat nomme « revenu disponible équivalent ».

Les unités de consommation sont généralement calculées selon l'échelle d'équivalence dite de l'OCDE modifiée qui attribue 1 UC au premier adulte du ménage, 0,5 UC aux autres personnes de 14 ans ou plus et 0,3 UC aux enfants de moins de 14 ans.

Pauvreté monétaire / Seuil de pauvreté :

Un individu (ou un ménage) est considéré comme pauvre lorsqu'il vit dans un ménage dont le niveau de vie est inférieur au seuil de pauvreté. En France et en Europe, le seuil est le plus souvent fixé à 60 % du niveau de vie médian.

L'Insee, comme Eurostat et les autres pays européens, mesure en effet la pauvreté monétaire de manière relative alors que d'autres pays (comme les États-Unis ou le Canada) ont une approche absolue.

Dans l'approche en termes relatifs, le seuil de pauvreté est déterminé par rapport à la distribution des niveaux de vie de l'ensemble de la population. Eurostat et les pays européens utilisent en général un seuil à 60 % de la médiane des niveaux de vie. La France privilégie également ce seuil, mais publie des taux de pauvreté selon d'autres seuils (40 %, 50 % ou 70 %), conformément aux recommandations du rapport du Cnis sur la mesure des inégalités.

Pôle :

les pôles sont déterminés principalement à partir de critères de densité et de population totale, suivant une méthodologie cohérente avec celle de la grille communale de densité. Un seuil d’emplois est ajouté de façon à éviter que des communes essentiellement résidentielles, comportant peu d’emplois, soient considérées comme des pôles.

Aire d'attraction des villes :

Définit l’étendue de son influence sur les communes environnantes. Une aire est un ensemble de communes, d’un seul tenant et sans enclave, constitué d’un pôle de population et d’emploi, et d’une couronne qui regroupe les communes dont au moins 15 % des actifs travaillent dans le pôle. La commune la plus peuplée du pôle est appelée commune-centre.

Les pôles sont déterminés principalement à partir de critères de densité et de population totale, suivant une méthodologie cohérente avec celle de la grille communale de densité. Un seuil d’emplois est ajouté de façon à éviter que des communes essentiellement résidentielles, comportant peu d’emplois, soient considérées comme des pôles. Si un pôle envoie au moins 15 % de ses actifs travailler dans un autre pôle de même niveau, les deux pôles sont associés et forment ensemble le cœur d’une aire d’attraction.

Les communes qui envoient au moins 15 % de leurs actifs travailler dans le pôle constituent la couronne de l’aire d’attraction du pôle. La définition des plus grandes aires d’attraction des villes est cohérente avec celle des « cities » et « aires urbaines fonctionnelles » utilisées par Eurostat et l’OCDE pour analyser le fonctionnement des villes. Le zonage en aires d’attraction des villes facilite ainsi les comparaisons internationales et permet de visualiser l’influence en France des grandes villes étrangères. Ainsi, sept aires ont pour commune-centre une ville localisée à l’étranger (Bâle, Charleroi, Genève, Lausanne, Luxembourg, Monaco et Sarrebruck).

Les aires sont classées suivant le nombre total d’habitants de l’aire. Les principaux seuils retenus sont : Paris, 700 000 habitants, 200 000 habitants et 50 000 habitants. Les aires dont le pôle est situé à l’étranger sont classées dans la catégorie correspondant à leur population totale (française et étrangère).


Remarque :

Le zonage en aires d’attraction des villes (ZAAV) 2020 se substitue au zonage en aires urbaines (ZAU) de 2010.

Déciles :

Si on ordonne une distribution de salaires, de revenus, de chiffres d'affaires, etc., les déciles sont les valeurs qui partagent cette distribution en dix parties d’effectifs égaux.

Ainsi, pour une distribution de salaires :

  • le premier décile (noté généralement D1) est le salaire au-dessous duquel se situent 10 % des salaires ;
  • le neuvième décile (noté généralement D9) est le salaire au-dessous duquel se situent 90 % des salaires.

Le premier décile est, de manière équivalente, le salaire au-dessus duquel se situent 90 % des salaires ; le neuvième décile est le salaire au-dessus duquel se situent 10 % des salaires.

Formes particulières d'emploi / Emploi précaire :

Sous le terme formes particulières d'emploi, (ou parfois emplois précaires) sont regroupés les statuts d'emploi qui ne sont pas des contrats à durée indéterminée. Ce sont l'intérim, les contrats à durée déterminée, l'apprentissage et les contrats aidés.

Taux de chômage (recensement de la population) :

Le taux de chômage au sens du recensement de la population est la proportion du nombre de chômeurs au sens du recensement dans la population active au sens du recensement.

Secteurs particulièrement affectés par la crise :

dans cette étude, les secteurs les plus affectés par la crise sont ceux identifiés dans la Note de Conjoncture d’octobre 2020 (cf. Pour en savoir plus), qui accusaient en septembre 2020 une perte d’activité supérieure à 15 % par rapport à leur niveau d’avant-crise (4e trimestre 2019). Il s’agit des secteurs suivants : fabrication d'autres matériels de transport, transports terrestres et transport par conduites, transports aériens, entreposage et services auxiliaires des transports, hébergement, restauration, production cinématographique et activités connexes, programmation et diffusion, activités des agences de voyage et activités connexes, activités créatives, artistiques et de spectacle, activités sportives, récréatives et de loisirs. Y sont ajoutés les commerces qui n’étaient pas autorisés à accueillir le public lors du deuxième confinement, en application du décret du 29 octobre 2020, ainsi que les secteurs de l’industrie automobile et de la métallurgie, qui font état de fortes baisses d’emploi au troisième trimestre 2020 par rapport à la situation antérieure à la crise.

Microentreprise / MIC :

Une microentreprise est une entreprise occupant moins de 10 personnes, et qui a un chiffre d'affaires annuel ou un total de bilan n'excédant pas 2 millions d'euros. Les microentreprises font partie des petites et moyennes entreprises (PME).

Cette notion, utilisée à des fins d'analyse statistique et économique, diffère de celle du régime fiscal de la micro-entreprise et ne s'apparente pas non plus au statut de micro-entrepreneur, appelé auto-entrepreneur avant le 19 décembre 2014.

Remarque :

Cette catégorie d'entreprises est définie par le décret d'application (n°2008-1354) de l'article 51 de la loi de modernisation de l'économie, « relatif aux critères permettant de déterminer la catégorie d'appartenance d'une entreprise pour les besoins de l'analyse statistique et économique ».

Pour en savoir plus

Ducharne T., Villaume S., « Les 18-24 ans : 450 000 jeunes dans un contexte économique difficile », Insee Flash Grand Est n° 49, avril 2021.

Firlej A., Pawlowski É., « Des conséquences financières du premier confinement plus ou moins marquées selon les territoires », Insee Première n° 1850, avril 2021.

Givord P., Silhol J., « Confinement : des conséquences inégales pour les ménages », Insee Première n° 1822, octobre 2020.

Cabannes P-Y., Calvo M., Echegu O., « Ouvrir dans un nouvel ongletPlus de 2 millions d’allocataires du RSA fin octobre 2020 », Drees, Etudes et Résultats n° 1175, décembre 2020.

Marquis J., « Les secteurs les plus durablement affectés par la crise sanitaire représenteraient environ 9 % de la valeur ajoutée », Insee, Note de conjoncture du 6 octobre 2020

Gascard N., Gass C., Isel F., « Pauvreté et concentration des ménages fragiles dans les grandes agglomérations et les zones en difficulté économique », Insee Analyses Grand Est n° 75, juillet 2018.