Insee Conjoncture NormandieBilan économique 2019 - Normandie

Le rebond de 2019 balayé par la crise du début 2020

Avec 6 400 créations nettes, l’emploi salarié normand a augmenté de 0,5 % en 2019. Cette hausse, si elle témoigne d’un rebond sensible par rapport à la quasi-stagnation de l’année précédente, reste cependant moins prononcée qu’au niveau national. L’emploi augmente dans la quasi-totalité des secteurs d’activité, seuls l’intérim et le tertiaire non marchand étant orientés à la baisse. L’industrie, en particulier, progresse deux fois plus vite en Normandie qu’en France. Tous les départements bénéficient d’une accélération ou d’une reprise de l’emploi salarié ; c’est la Manche qui affiche le meilleur résultat, grâce notamment au dynamisme de son industrie. Concomitamment à la hausse de l’emploi, le marché du travail connaît une amélioration : le taux de chômage normand est, à la fin du 4ᵉ trimestre 2019, à son plus bas niveau depuis 2008.

Les bons résultats observés dans plusieurs domaines confirment le rebond de l’économie normande au cours de l’année passée. 2019 a ainsi été une année record pour la création d’entreprises (micro-entreprises, mais aussi sociétés et entreprises individuelles classiques) et la fréquentation touristique (dopée par les nombreux évènements du mois de juin). L’agriculture a bénéficié notamment des excellents rendements du blé et du dynamisme de la demande mondiale de lait, tandis que la construction profitait de la hausse du nombre de logements mis en chantier.

La conjoncture plutôt favorable de l’année 2019 s’est trouvée radicalement modifiée début 2020, avec l’émergence de l’épidémie de Covid-19 et la mise en place d’un confinement de la population. Cela a entraîné une lourde chute de l’activité, qui se serait située, au début du mois de mai, environ un tiers en deçà de son niveau en situation « normale ». Si la crise touche fortement l’ensemble des régions, des disparités apparaissent en fonction de la représentation des secteurs les plus ou les moins impactés. La Normandie, quant à elle, subirait une baisse d’activité de 32 %, proche de celle observée au niveau national (- 33 %).

L’économie de la Normandie étant particulièrement tournée vers l’industrie, ce secteur explique 8 points de la baisse d’activité régionale, nettement plus qu’au plan national (5 points). À l’inverse, les services marchands sont globalement moins développés en Normandie qu’en moyenne française. Aussi, si leur baisse explique la moitié de la diminution de l’activité totale dans la région, 16 points sur les 32, c’est moins qu’en France métropolitaine (20 points sur 33). La construction, qui a pâti de l’arrêt partiel, voire complet, des chantiers, participe fortement à la chute (près de 5 points). L’agriculture et les services non marchands sont nettement moins touchés et ne participent que plus modérément à la baisse globale.

Insee Conjoncture Normandie
No 22
Paru le :Paru le18/06/2020
Élisabeth Borgne (Direction Régionale de l'Alimentation, de l'Agriculture et de la Forêt)
Insee Conjoncture Normandie No 22- Juin 2020

Ce bilan économique fait partie des 17 bilans économiques régionaux 2019 publiés par l'Insee.
Retrouvez les bilans des autres régions ici.

Cette année, la situation exceptionnelle de la pandémie dans les premiers mois de 2020 introduit une rupture avec la dynamique de 2019 et remet en question les éventuelles prévisions réalisées précédemment. Ainsi, ces bilans rendent également compte de la crise, uniquement sur la période de confinement.

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Agriculture - De l’influence de la Chine dans les résultats de l’agriculture normande Bilan économique 2019

Élisabeth Borgne (Direction Régionale de l'Alimentation, de l'Agriculture et de la Forêt)

Avec des rendements corrects, voire excellents comme pour le blé (figure 2), les principales cultures régionales résistent aux conditions climatiques défavorables. Les producteurs laitiers profitent d’une demande mondiale dynamique. Les éleveurs de porcs bénéficient de l’envolée des cours, conséquence du développement de la peste porcine africaine en Chine. Mais dès la fin du premier trimestre 2020, la crise sanitaire du Covid-19 perturbe la campagne de commercialisation des productions végétales . Les résultats de la branche agricole normande s’en trouvent pénalisés et pourraient reculer par rapport à 2018.

Insee Conjoncture Normandie

No 22

Paru le :18/06/2020

Une fin de campagne de commercialisation des productions végétales incertaine

À un hiver et un printemps secs et doux, succèdent deux vagues de chaleur caniculaire en juin et juillet. La pluviométrie, déficitaire jusqu’en septembre, devient largement excédentaire au dernier trimestre. Ces aléas climatiques épargnent blé et lin mais affectent le colza et les autres cultures de printemps. Le rendement en blé tendre est excellent (+ 14 % par rapport à la moyenne 2014-2018 ; figure 1). À l’inverse, les rendements en colza, pommes de terre et betteraves industrielles sont en retrait par rapport à la moyenne quinquennale. La production de lin s’envole grâce à des rendements corrects et une forte augmentation des surfaces. Les cultures fourragères sont pénalisées par le manque d’eau estival, les légumes de plein champ (carottes et choux) par l’excès d’eau automnal.

Face à la perspective d’une récolte céréalière mondiale abondante, les cours du blé tendre fléchissent en début de campagne (figure 3). Ils remontent en fin d’année, soutenus par la demande mondiale et se maintiennent autour de 200 €/t FOB Rouen fin avril 2020 (+ 18 % par rapport au début de campagne). Conséquence d’une mauvaise récolte européenne, les cours du colza, restés faibles jusqu’à fin 2018, s’affermissent. Après s’être envolés en 2018, les prix de la pomme de terre s’orientent à la baisse mais sans chuter. Le prix du sucre évolue peu en début de campagne. La crise du Covid-19 s’invite en fin de campagne de commercialisation, perturbant les cours des productions liées au prix de l’énergie (colza, sucre) : les prix du colza se rétractent faute de débouchés pour le biodiesel, les cours du sucre chutent. La production linière, quasiment entièrement transformée en Chine, est touchée de plein fouet par l’arrêt des filatures chinoises. Le prix du lin s’annonce en forte baisse.

Figure 1Production végétale en Normandie

Production végétale en Normandie
Surfaces (ha) Rendement (100kg/ha) * Production (100 kg) *
2019 Évolution 2019 / 2018 (en %) Évolution 2019 / moyenne 2014-2018 (en %) 2019 Évolution 2019 / 2018 (en %) Évolution 2019 / moyenne 2014-2018 (en %) 2019 Évolution 2019 / 2018 (en %) Évolution 2019 / moyenne 2014-2018 (en %)
Blé tendre 467 015 0 -3 90 +16 +14 41 854 805 +17 +11
Orge et escourgeon 123 960 +10 +9 77 +14 +7 9 581 660 +25 +17
Avoine 7 305 -15 -16 59 +2 +2 432 200 -14 -15
Maïs grain 29 280 +16 +22 80 -10 -7 2 344 360 +5 +14
Triticale 6 970 +10 -10 60 +27 +10 418 200 +40 -3
Colza 122 240 -10 -9 35 +6 -5 4 261 940 -4 -14
Féveroles et fèves 3 805 -18 -61 40 +19 +1 150 860 -2 -62
Pois protéagineux 11 620 -25 -27 42 +24 +9 490 040 -7 -19
Betteraves industrielles 37 995 -11 +8 905 +3 -2 34 391 700 -8 +5
Lin textile 73 315 +13 +35 72 +11 +4 5 278 680 +25 +42
Pommes de terre de consommation 12 430 +3 +13 408 +12 -6 5 073 525 +16 +6
Maïs fourrage 230 630 +1 -1 130 -8 -8 30 031 275 -7 -9
  • * en matière sèche pour le maïs fourrage
  • Source : Agreste - SAA - SAA provisoire 2019

Figure 2Évolution du rendement en blé tendre en NormandieRendements moyen en blé tendre

100 kg/ha
Évolution du rendement en blé tendre en Normandie (100 kg/ha)
Normandie Département mini Département maxi
1990 76 64 82
1991 77 70 82
1992 71 58 76
1993 65 58 68
1994 74 65 78
1995 74 69 78
1996 84 75 93
1997 74 68 76
1998 85 74 90
1999 82 72 86
2000 75 64 82
2001 72 63 76
2002 82 72 87
2003 77 66 84
2004 86 75 94
2005 77 66 81
2006 76 70 81
2007 69 53 76
2008 86 71 93
2009 85 71 91
2010 82 71 92
2011 80 72 93
2012 81 66 87
2013 82 71 89
2014 81 71 86
2015 89 77 96
2016 63 53 67
2017 84 75 95
2018 77 66 86
2019 90 83 98
  • mini = mini des rendements des 5 départements normands
  • maxi = maxi des rendements des 5 départements normands
  • Source : Agreste - SAA - SAA provisoire 2019

Figure 2Évolution du rendement en blé tendre en NormandieRendements moyen en blé tendre

  • mini = mini des rendements des 5 départements normands
  • maxi = maxi des rendements des 5 départements normands
  • Source : Agreste - SAA - SAA provisoire 2019

Figure 3Évolution des prix des céréales et oléagineux

indice - base 100 en 2015
Évolution des prix des céréales et oléagineux (indice - base 100 en 2015)
Céréales Oléagineux Engrais et amendements Énergie et lubrifiants
Récolte 2017 janv.-18 90,5 89,3 87,3 111,8
févr.-18 91,7 88,9 87,8 108,5
mars-18 93,5 89,5 88,1 109,0
avr.-18 93,9 88,9 88,2 113,1
mai-18 97,3 90,7 87,7 119,3
juin-18 100,9 89,6 86,9 118,4
Récolte 2018 juil.-18 109,1 91,9 88,3 118,0
août-18 120,6 95,7 90,0 118,7
sept.-18 114,7 93,4 92,3 121,4
oct.-18 114,0 94,9 94,3 125,7
nov.-18 114,1 95,1 96,0 120,2
déc.-18 115,2 95,0 96,8 113,3
janv.-19 114,3 95,1 96,9 110,9
févr.-19 107,6 94,0 96,6 115,3
mars-19 103,1 92,6 96,1 116,6
avr.-19 103,4 93,6 95,6 118,4
mai-19 100,8 93,4 94,7 119,0
juin-19 101,9 94,1 93,5 113,3
Récolte 2019 juil.-19 99,7 95,1 93,0 115,1
août-19 96,7 97,1 93,3 113,4
sept.-19 95,1 99,7 93,0 116,8
oct.-19 99,9 100,0 92,6 116,5
nov.-19 101,0 101,5 92,1 116,6
déc.-19 102,5 104,4 90,8 119,6
janv.-20 106,5 105,8 90,2 119,0
févr.-20 105,3 101,7 90,2 113,2
  • Source : Insee, Ipampa, Ippap

Figure 3Évolution des prix des céréales et oléagineux

  • Source : Insee, Ipampa, Ippap

Lait et porc, les moteurs des productions animales

Avec 3,83 milliards de litres en 2019, la collecte laitière normande progresse de 2 % par rapport à 2018 (figure 4). Elle est stable au niveau national comme européen. Des cinq départements, la Seine-Maritime est le seul à voir la collecte de lait diminuer (- 1%). En 2019, la demande mondiale en produits laitiers reste dynamique, soutenant les cours. Le prix moyen payé aux producteurs normands atteint 370 €/1000 litres (+ 4,6 % par rapport à 2018). Le manque de ressources fourragères se fait moins sentir en Normandie et dans les bassins laitiers du Grand-Ouest que dans le reste du territoire national. Dans un contexte global de baisse des effectifs, la production de viande bovine se contracte (figure 5). Les cours des gros bovins évoluent peu d’une année sur l’autre, exception faite de ceux des vaches laitières qui se replient malgré la baisse des abattages. En 2019, le développement de la peste porcine africaine en Asie, particulièrement en Chine, provoque une pénurie de viande de porc. La demande chinoise s’intensifie et les prix du porc s’envolent dès le mois de mars. Ils sont au plus haut fin 2019 (+ 40 % par rapport à fin 2018).

Figure 4Livraisons de lait de vache à l'industrie

en millions de litres
Livraisons de lait de vache à l'industrie (en millions de litres)
2018 2019 Évolution 2019 / 2018 (en %)
Calvados 612,6 621,8 +1,5
Eure 220,4 223,5 +1,4
Manche 1 625,9 1 682,0 +3,5
Orne 690,8 702,0 +1,6
Seine-Maritime 603,8 598,7 -0,8
Normandie 3 753,5 3 827,9 +2,0
  • Source : Agreste - FranceAgriMer - EMLestim 2018 - 2019

Figure 5 Cheptel bovin en région (têtes) en Normandie

Cheptel bovin en région (têtes) en Normandie
2018 2019 Évolution 2019 / 2018 (en %)
Vaches laitières 574 688 566 196 -1,5
Vaches nourrices 248 961 247 076 -0,8
Total vaches 823 649 813 272 -1,3
Bovins de plus de 2 ans 329 191 317 707 -3,5
Bovins de 1 à 2 ans 444 590 443 465 -0,3
Bovins de moins de 1 an 557 515 540 922 -3,0
Ensemble espèce bovine 2 154 945 2 115 366 -1,8
  • Source : Agreste - SAA - SAA provisoire 2019

D’un résultat stable à une probable dégradation

Au niveau national, selon les estimations de la commission des comptes de l’agriculture et de la nation réunie en janvier 2020, la valeur ajoutée brute de la branche agricole baisserait de 5,6 % par rapport à 2018. La hausse des productions animales, tirée par le lait et la viande porcine, ne suffit pas à compenser la baisse des productions végétales, entraînée par les mauvais résultats de la viticulture. Le fort poids de celle-ci dans les prévisions nationales empêche de les appliquer directement à la région. À fin 2019, compte tenu de l’avancement des campagnes de commercialisation des productions végétales et de l’orientation des prix, on pouvait s’attendre à une stabilisation de la valeur ajoutée brute normande. Les répercussions de la crise du Covid-19 sur la dernière partie de la campagne de commercialisation vont probablement entraîner une baisse en valeur de la production végétale régionale, avec pour conséquence une dégradation des résultats de la branche agricole.

1 Les ventes des récoltes 2019 s’échelonnent jusqu’en fin de premier semestre 2020, elles sont rattachées à l’année de production, soit 2019.

Pour en savoir plus

Borgne É., « Le prix des céréales et la production laitière, marqueurs de l’année agricole 2018 », Le bilan économique 2018 – Insee Conjoncture Normandie n°18, juin 2019

Commission des Comptes de l'Agriculture de la Nation (CCAN), « Ouvrir dans un nouvel ongletRapports présentés à la Commission des comptes de l’agriculture de la Nation : Le compte prévisionnel de l'agriculture française pour 2019 » - Session du 10 janvier 2020

1 Les ventes des récoltes 2019 s’échelonnent jusqu’en fin de premier semestre 2020, elles sont rattachées à l’année de production, soit 2019.