Insee FocusEstimation avancée du taux de pauvreté et des indicateurs d’inégalités En 2017, le taux de pauvreté et les inégalités seraient stables

Kevin Schmitt et Michaël Sicsic, division Études sociales, Insee

Selon la méthode d’estimation avancée basée sur la microsimulation, le taux de pauvreté serait stable en 2017, à 14,0 % de la population. En 2017, 8,8 millions de personnes seraient en situation de pauvreté monétaire. Les inégalités de niveau de vie mesurées par le rapport interdécile et le ratio (100-S80)/S20 seraient stables ; celles mesurées par l’indice de Gini augmenteraient très légèrement (+ 0,002), mais en dessous du seuil de significativité. L’amélioration de la situation sur le marché du travail en 2017 par rapport à 2016 serait compensée par un moindre effet redistributif des transferts sociaux et fiscaux, ce qui expliquerait la stabilité du taux de pauvreté et des inégalités.

Insee Focus
No 127
Paru le :Paru le09/10/2018
Kevin Schmitt et Michaël Sicsic, division Études sociales, Insee
Insee Focus No 127- Octobre 2018

En 2017, le taux de pauvreté et les inégalités seraient stables

Pour l’année 2017, selon la méthode d’estimation avancée basée sur la microsimulation (encadré), le taux de pauvreté monétaire serait stable, à 14,0 % de la population (figure 1). En 2017, 8,8 millions de personnes seraient ainsi en situation de pauvreté monétaire. Ce maintien ferait suite à un recul de 0,2 point du taux de pauvreté en 2016, après deux années de hausse (+ 0,2 point en 2015 comme en 2014).

Selon cette même méthode de microsimulation, le rapport entre la masse des niveaux de vie détenue par les 20 % de personnes les plus aisées et celle détenue par les 20 % les plus modestes () et le rapport interdécile D9/D1, qui fournissent des mesures des inégalités de niveau de vie, resteraient stables. Ainsi, en 2017, le rapport interdécile se maintiendrait à 3,4 et le ratio (100-S80)/S20 à 4,3. Pour sa part, l’indice de Gini augmenterait très légèrement en 2017 (+ 0,002), mais en dessous du seuil de significativité. Il avait baissé en 2016 (– 0,004) après deux années de hausse (+ 0,003 en 2015 et + 0,001 en 2014).

Les indicateurs de pauvreté et d’inégalités définitifs pour 2017 seront publiés en septembre 2019.

Figure 1 - Évolutions et niveaux du taux de pauvreté et des principaux indicateurs d’inégalités en 2016 et en 2017

Figure 1 - Évolutions et niveaux du taux de pauvreté et des principaux indicateurs d’inégalités en 2016 et en 2017 - Lecture : en 2017, selon la simulation, le taux de pauvreté serait stable (+ 0,0 point de pourcentage), à 14,0 %.
2016 2017
Observé Simulé
Taux de pauvreté à 60 %
Évolution par rapport à l'année précédente (en points de %) – 0,2 0,0
Niveau (en %) 14,0 14,0
Indice de Gini
Évolution par rapport à l'année précédente – 0,004 0,002
Niveau 0,288 0,289
Ratio (100-S80)/S20
Évolution par rapport à l'année précédente – 0,1 0,0
Niveau 4,3 4,3
Rapport interdécile D9/D1
Évolution par rapport à l'année précédente – 0,1 0,0
Niveau 3,4 3,4
  • Note : l'indice de Gini passe de 0,288 à 0,289 du fait d'un effet d'arrondi (la hausse étant de 0,0017).
  • Lecture : en 2017, selon la simulation, le taux de pauvreté serait stable (+ 0,0 point de pourcentage), à 14,0 %.
  • Champ : France métropolitaine, personnes vivant dans un ménage dont le revenu déclaré est positif ou nul et dont la personne de référence n’est pas étudiante.
  • Source : Insee, enquête Revenus fiscaux et sociaux 2016 (actualisée 2017) ; modèle Ines 2017.

Amélioration sur le marché du travail compensée par des transferts sociaux moins redistributifs

La stabilité du taux de pauvreté résulterait de deux phénomènes jouant en sens inverse : la légère diminution de ce taux liée à la situation plus favorable sur le marché de travail en 2017 par rapport à 2016 serait in fine compensée par un plus faible effet des transferts sociaux et fiscaux sur la réduction de la pauvreté. En effet, le taux de pauvreté calculé à partir des baisserait de 0,2 point entre 2016 et 2017 (contre une stagnation après redistribution), en lien avec la baisse du taux de chômage observée en 2017 (– 0,7 point), qui a été la plus forte pour les ouvriers. De plus, le chômage de longue durée a reculé pour la première fois depuis 2009, ce qui a soutenu le revenu avant redistribution des moins diplômés et qualifiés. Cette baisse du taux de pauvreté avant redistribution serait compensée par un effet redistributif des transferts sociaux et fiscaux un peu amoindri en 2017, du fait notamment de certaines mesures sociales et fiscales intervenues en 2017. D’une part, la baisse des aides au logement et du seuil de versement de 5 euros par mois pénalise les ménages les plus modestes. D’autre part, la réduction exceptionnelle de l’impôt sur le revenu de 20 %, qui bénéficie surtout à des ménages de niveau de vie intermédiaire, accroît le niveau de vie médian, donc le seuil de pauvreté qui est fixé en proportion de celui-ci. Le taux de pauvreté s’en trouve mécaniquement accru.

La stabilité des inégalités de niveau de vie en 2017 mesurées par le rapport interdécile et le ratio (100-S80)/S20 s’expliquerait par les mêmes raisons que la stabilité du taux de pauvreté. La moindre efficacité de la redistribution en 2017 conduirait cependant à une légère hausse de l’indice de Gini. En effet, celui-ci serait stable avant redistribution, le dynamisme des actifs financiers dans le haut de la distribution compensant celui du marché du travail dans le bas de la distribution.

Retour sur 2016 : des prévisions proches des résultats définitifs

Pour la quatrième année, l’Insee publie cet exercice d’estimation avancée par microsimulation du taux de pauvreté et des principaux indicateurs d’inégalités [Schmitt et Sicsic, 2017 ; Schmitt et Sicsic, 2016 ; Fontaine et Sicsic, 2015]. Comme pour les années 2014 et 2015, les prévisions pour 2016 sont très proches des résultats définitifs publiés un an après.

Ainsi, d’après les résultats définitifs, le taux de pauvreté a baissé de 0,2 point en 2016 contre 0,3 point pour l’indicateur avancé ; la baisse de l’indice de Gini observée a été plus forte que celle simulée (– 0,004 observée contre – 0,002 simulée) ; les évolutions observées du ratio (100-S80)/S20 et du rapport interdécile sont identiques à celles qui avaient été prévues (– 0,1 dans les deux cas ; figure 2).

Les écarts entre les évolutions prévues et celles effectivement observées ne sont pas significatifs. En effet, le taux de pauvreté est connu à plus ou moins 0,3 point de pourcentage près et l’indice de Gini à plus ou moins 0,003 (alors que l’écart est de – 0,1 point pour le taux de pauvreté et de 0,002 pour l’indice de Gini).

Figure 2 - Évolutions simulée et observée du taux de pauvreté et des principaux indicateurs d’inégalités en 2016

Figure 2 - Évolutions simulée et observée du taux de pauvreté et des principaux indicateurs d’inégalités en 2016 - Lecture : à l'automne 2017, la méthode de microsimulation a prévu une baisse de 0,3 point du taux de pauvreté en 2016, contre une baisse observée de 0,2 point (publiée en septembre 2018) : l'écart est de – 0,1 point.
Simulée Observée Écart
Taux de pauvreté à 60 %
Évolution (en points de %) – 0,3 – 0,2 – 0,1
Indice de Gini
Évolution – 0,002 – 0,004 0,002
Ratio (100-S80)/S20
Évolution – 0,1 – 0,1 0,0
Rapport interdécile D9/D1
Évolution – 0,1 – 0,1 0,0
  • Lecture : à l'automne 2017, la méthode de microsimulation a prévu une baisse de 0,3 point du taux de pauvreté en 2016, contre une baisse observée de 0,2 point (publiée en septembre 2018) : l'écart est de – 0,1 point.
  • Champ : France métropolitaine, personnes vivant dans un ménage dont le revenu déclaré est positif ou nul et dont la personne de référence n’est pas étudiante.
  • Source : Insee, enquêtes Revenus fiscaux et sociaux 2015 et 2016 ; modèle Ines 2016.

Encadré - Une méthode d’estimation avancée fondée sur la microsimulation

En septembre N+2, l’Insee publie le taux de pauvreté et les principaux indicateurs d’inégalités de niveau de vie relatifs à l’année N. Cependant, pour évaluer plus rapidement la situation et l’efficacité des politiques publiques de lutte contre la pauvreté et les inégalités, il est souhaitable de disposer d’indicateurs plus précoces.

En l’absence de possibilité de réduction sensible du délai de 21 mois de mise à disposition des informations de base, l’Insee poursuit son expérimentation, lancée en 2015, d’une méthode fondée sur la microsimulation afin de produire à l’automne N+1 des indicateurs avancés sur l’année N. La situation de l’année N est simulée à partir d’un échantillon représentatif de ménages de l’année N-1, des dernières données démographiques et économiques agrégées, ainsi que des barèmes de la législation sociale et fiscale [Fontaine et Sicsic, 2015, pour plus de détails sur la méthode et les exercices rétrospectifs].

Sources

Les résultats présentés dans cette étude sont obtenus à partir du modèle de microsimulation Ines, développé par l’Insee, la Drees et la Cnaf, dont le code et la documentation sont accessibles librement. Le modèle Ines est adossé à l’enquête Revenus fiscaux et sociaux (ERFS) qui réunit les informations socio-démographiques de l’enquête Emploi, les informations administratives des Caisses nationales d’allocations familiales (Cnaf) et d’assurance vieillesse (Cnav), de la Caisse centrale de la mutualité sociale agricole (CCMSA) et le détail des revenus déclarés à l’administration fiscale pour le calcul de l’impôt sur le revenu fourni par la Direction générale des finances publiques (DGFiP).

Définitions

Taux de pauvreté monétaire :

Le taux de pauvreté monétaire correspond à la proportion d'individus (ou de ménages) étant en situation de pauvreté monétaire.

Le ratio (100-S80)/S20 est le rapport entre la masse des niveaux de vie détenue par les 20 % de personnes les plus aisées et celle détenue par les 20 % les plus modestes.

Rapports interdéciles / Rapport D5/D1 / Rapport D9/D1 / Rapport D9/D5 :

Les rapports interdéciles permettent de mesurer les inégalités d’une distribution :

  • le rapport des déciles D9/D1 met en évidence l'écart entre le haut (9e décile) et le bas de la distribution (1er décile) ;
  • le rapport D9/D5 compare le haut de la distribution à la valeur médiane ;
  • le rapport D5/D1 compare la médiane au bas de la distribution.
Niveau de vie :

Le niveau de vie est égal au revenu disponible du ménage divisé par le nombre d'unités de consommation (UC). Le niveau de vie est donc le même pour tous les individus d'un même ménage.

Le niveau de vie correspond à ce qu’Eurostat nomme « revenu disponible équivalent ».

Les unités de consommation sont généralement calculées selon l'échelle d'équivalence dite de l'OCDE modifiée qui attribue 1 UC au premier adulte du ménage, 0,5 UC aux autres personnes de 14 ans ou plus et 0,3 UC aux enfants de moins de 14 ans.

Indice de Gini / Coefficient de Gini :

L'indice (ou coefficient) de Gini est un indicateur synthétique permettant de rendre compte du niveau d'inégalité pour une variable et sur une population donnée. Il varie entre 0 (égalité parfaite) et 1 (inégalité extrême). Entre 0 et 1, l'inégalité est d'autant plus forte que l'indice de Gini est élevé.

Il est égal à 0 dans une situation d'égalité parfaite où la variable prend une valeur identique sur l’ensemble de la population. À l'autre extrême, il est égal à 1 dans la situation la plus inégalitaire possible, où la variable vaut 0 sur toute la population à l’exception d’un seul individu.

Les inégalités ainsi mesurées peuvent porter sur des variables de revenus, de salaires, de niveau de vie, etc.

Le niveau de vie avant redistribution est le niveau de vie avant prise en compte des prestations sociales et des prélèvements directs (non contributifs).

Pour en savoir plus

Argouarc’h J., Picard S. « Les niveaux de vie en 2016 - La prime d'activité soutient l'évolution du niveau de vie des plus modestes », Insee Première n° 1710, septembre 2018.

Beck S., Vidalenc J., « Une photographie du marché du travail en 2017 - La baisse du chômage se confirme : - 0,7 point par rapport à 2016 », Insee Première n° 1694, avril 2018.

Schmitt K., Sicsic M., « Estimation avancée du taux de pauvreté et des indicateurs d’inégalités - Résultats expérimentaux pour 2016 », Insee Focus n° 96, octobre 2017.

Schmitt K., Sicsic M., « Estimation avancée du taux de pauvreté et des indicateurs d’inégalités - Résultats expérimentaux pour 2015 », Insee Focus n° 70, décembre 2016.

Fontaine M., Sicsic M., « Des indicateurs précoces de pauvreté et d’inégalité - Résultats expérimentaux pour 2014 », Insee Analyses n° 23, décembre 2015.