Courrier des statistiques N1 - 2018

Le premier numéro est paru. Il comporte un article du directeur général de l’Insee sur l’organisation administrative du système statistique public en France, qui reprend son intervention au World Statistics Congress de l’International Statistical Institute en 2017.
Un dossier de quatre articles éclaire ensuite la problématique de l’utilisation des sources administratives en statistique, avec en particulier une présentation de la DSN par la directrice du GIP - Modernisation des Déclarations Sociales. Puis on change de registre avec la mise en place du dispositif mondial d’identifiant unique des intervenants sur les marchés financiers (Legal Entity Identifier, LEI), et le rôle qu’y joue l’Insee. Enfin, le dernier article présente de façon pédagogique la notion de statistique publique sous ses différentes facettes, tant au niveau français qu’européen.

Courrier des statistiques
Paru le :Paru le06/12/2018
Jean-Luc Tavernier, Directeur général, Insee
Courrier des statistiques- Décembre 2018
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Un système statistique intégré à l’administration centrale

Jean-Luc Tavernier, Directeur général, Insee

Une préoccupation majeure en matière de statistiques publiques est l’indépendance, l’impartialité et l’objectivité de leur élaboration. Dans beaucoup de pays, cette indépendance a été consacrée en droit interne. Mais ce n’est pas le cas partout, notamment en France où l’Insee comme les services statistiques ministériels demeurent des services ministériels. L’indépendance institutionnelle est-elle une condition nécessaire à l’indépendance professionnelle qui finira par s’imposer ? La réponse apportée ici se veut nuancée. L’Insee a toujours relevé du pouvoir exécutif ; cela n’empêche pas le système statistique français d’être fiable et indépendant de toute intervention politique, et d’être perçu comme tel par le public. Il s’agit d’une indépendance de facto et non de jure, même si le cadre juridique protégeant l’indépendance professionnelle de la statistique publique doit continuer de se renforcer.

Depuis sa naissance il y a plus de 70 ans, l’Insee relève du pouvoir exécutif. En effet, l’Insee et les 16 autres principaux pourvoyeurs de statistiques publiques en France sont rattachés à divers ministères français. L’Insee lui-même est une . Ce positionnement au sein des services mêmes de l’exécutif tend à devenir minoritaire, beaucoup de pays ayant conféré à leur institut statistique une indépendance institutionnelle pour mieux garantir son indépendance professionnelle. La majorité deviendra-t-elle la règle ? Ou peut-on imaginer que perdurent des instituts statistiques ayant le statut d’administration d’État. C’est à cette question qu’était consacrée une . Et c’est mon intervention à ce congrès qui est développée dans cet article.

 

Une indépendance de l’Insee faible de jure, forte de facto

La notion d’indépendance est absente de la version initiale des textes fondateurs de l’Institut, que ce soient la loi de finances du 27 avril 1946, ou la . C’est seulement en 2008 que la (ou loi LME) introduit pour la première fois la notion d’indépendance professionnelle dans la loi de 1951 et crée l’autorité de la statistique publique (ASP). Plus précisément, l’article 1er de la loi de 1951 modifiée stipule, à partir de cette date, que « La conception, la production et la diffusion des statistiques publiques sont effectuées en toute indépendance professionnelle ». Cependant, de jure, dans l’ordre juridique national, l’Insee et les services statistiques ministériels (SSM) restent des administrations comme les autres.

Pour autant, l’Insee diffuse de longue date ses statistiques en toute indépendance, en annonçant ses publications à l’avance, en s’appuyant sur des embargos stricts et en présentant ses résultats aux médias de manière autonome. L’Insee adhère à la norme de diffusion des données statistiques (dite SDDS+) du FMI relative à la diffusion des indicateurs conjoncturels, et ce depuis 1993. Cette norme définit notamment les règles d’accès préalables à la diffusion : elle n’interdit pas l’accès sous embargo à certaines informations économiques mais cet accès est limité, contrôlé et rendu public sur le site de l’Institut. Il permet au Gouvernement de prendre connaissance des indicateurs quelques heures avant leur publication ; cette pratique autrefois très majoritaire, est encore partagée par d’autres pays.

L’indépendance professionnelle de la statistique publique a été confortée par l’élargissement du calendrier prévisionnel des indicateurs macroéconomiques à toutes les statistiques publiées par l’Insee, puis, ces dernières années, à son extension à l’immense majorité des statistiques publiées par les SSM.

En aucun cas les ministres ou leurs conseillers politiques ne demandent à l’Insee de modifier le contenu de ses communiqués de presse, qu’il s’agisse de chiffres ou de commentaires, ce qui a son importance, car l’Insee a une longue expérience de la « communication narrative ».

S’il y a parfois eu des tentatives d’ingérence politique dans les travaux de l’Insee, elles n’ont jamais abouti. La dernière tentative remonte à 1990 et concerne l’indice des prix à la consommation. Le gouvernement fait alors adopter par l’Assemblée nationale française une loi contre la consommation de tabac et d’alcool, qui entraîne une forte hausse du prix du tabac (hausse qui se poursuit sans discontinuer depuis). Plusieurs types de revenus étant indexés sur l’indice des prix à la consommation, notamment le salaire minimum, le gouvernement ne souhaite pas que cette hausse du prix du tabac ait un impact inflationniste du fait de l’indexation des salaires. C’est ainsi que la loi finit par interdire à l’Insee de faire figurer le tabac dans la liste des produits inclus dans l’indice des prix à la consommation.

L’Insee proteste. Le ministre des Finances, auquel l’Insee rend compte, se joint à la protestation et la loi est rapidement modifiée début 1991. Plutôt que de retirer le tabac de l’indice des prix à la consommation, le Parlement décide de manière plus rationnelle d’indexer le salaire minimum – et certains autres types de revenus et prestations – sur la base d’un indice des prix à la consommation hors tabac. Ce dernier fait l’objet d’un calcul par l’Insee depuis 1992, parallèlement à l’indice courant des prix à la consommation. Depuis, c’est-à-dire au cours des 26 dernières années, il n’y a eu aucune intervention gouvernementale notable dans le travail de l’Insee.

 

Des statistiques de l’Insee largement reconnues

Selon la dernière enquête représentative réalisée en 2016 par un institut privé indépendant (IPSOS) pour l’Insee auprès de deux échantillons de 1 000 personnes en deux vagues (mai et septembre) :

  • 80 % des Français ont une opinion favorable de l’Insee ;
  • 65 % des personnes interrogées estiment que l’information est indépendante du pouvoir politique, contre 60 % en 2015 ; bien que les Français ne connaissent pas précisément la configuration institutionnelle de l’Insee, ils ont bien conscience de la grande indépendance de fait dont il jouit ;
  • environ deux tiers des Français ont confiance dans les chiffres publiés par l’Insee sur la situation économique et sociale de la France (un dernier pourcentage d’autant plus frappant que, si l’on pose la même question sur ces indicateurs économiques et sociaux sans préciser qu’ils proviennent de l’Insee, ce pourcentage chute à 42 % seulement).

Certes, ce niveau de confiance varie en fonction des indicateurs ; par exemple, seul un tiers des personnes interrogées estiment que les statistiques sur le taux de chômage produites par l’Insee reflètent fidèlement la situation du chômage en France. Mais globalement, cela confirme que la « marque » Insee est crédible aux yeux de la société française, et que les données et les études de l’Insee sont perçues comme étant réalisées de façon indépendante et sans intervention du pouvoir politique.

 

L’autorité de la statistique publique, gardienne de l’indépendance

L’Insee travaille donc de facto en toute indépendance, bien qu’il ne soit pas indépendant de jure. Cependant, le cadre juridique s’est renforcé, sous l’impulsion notamment des textes européens (encadré). La création d’une autorité indépendante en 2009, en application de la loi LME, a constitué une première évolution. L’article 1 de la loi de 1951 modifiée indique en effet que « (...) l’Autorité de la statistique publique [qui] veille au respect du principe d’indépendance professionnelle dans la conception, la production et la diffusion de statistiques publiques ainsi que des principes d’objectivité, d’impartialité, de pertinence et de qualité des données produites ». Elle est composée de 9 membres nommés pour 6 ans. Elle veille à la parfaite indépendance professionnelle de la préparation des statistiques publiques, conformément aux principes fondateurs du « Code de bonnes pratiques de la statistique européenne ». Elle peut, par exemple, intervenir publiquement en cas de violation des embargos par le gouvernement. Elle rédige un rapport annuel sur l’activité statistique publique, qui est soumis à l’Assemblée nationale française et rendu public. L’ASP a été créée avant la révision en 2015 du règlement n° 223/2009 relatif aux statistiques européennes. Il convient donc d’adapter et de renforcer sa mission afin de tenir compte de cette révision.

 

Une communauté professionnelle soudée par une culture et des valeurs communes

Les garanties apportées par l’ASP sont-elles suffisantes ? La situation de l’Insee ne demeure-t-elle pas ambiguë au regard du droit national ? Certes, le statut d’administration centrale peut encore parfois être perçu – plutôt que vécu – comme limitant l’indépendance. Mais à tout prendre, entre une indépendance de facto dans un environnement juridique à parfaire, et une indépendance de jure de façade qui serait vulnérable aux changements politiques comme cela s’observe encore dans certains pays, la première option est de loin préférable.

L’indépendance repose-t-elle trop sur la personnalité du directeur général ? Bien entendu, celui-ci a un rôle emblématique à jouer en la matière. Toutefois, je souhaite insister sur le fait que l’indépendance de l’Insee est d’abord solidement ancrée dans les pratiques et dépend assez peu des individualités.

Les pratiques réglant la nomination du directeur général en sont un bon exemple. Certes, celle-ci est à la discrétion du gouvernement. Le directeur général de l’Insee est nommé en Conseil des ministres, comme tous les directeurs généraux des services ministériels français. Il peut être remplacé du jour au lendemain (ou d’un mercredi à l’autre, à l’occasion du Conseil des ministres hebdomadaire). Il ne rend compte qu’au ministre de l’Économie et des Finances. Mais il est, depuis toujours, un statisticien, ou un économiste avec une expérience de statisticien. Des dispositions réglementaires nouvelles confortent depuis peu cette pratique ancienne. Le décret n° 2018-800 du 20 septembre 2018 modifie le décret n° 2009-250 du 3 mars 2009 relatif à l’ASP pour tenir compte en particulier de la révision en 2015 du règlement n° 223/2009 relatif aux statistiques européennes. Il introduit dans l’article 1er un alinéa 3bis qui dispose que l’ASP « émet un avis, à l’occasion de la nomination du directeur général de l’Institut national de la statistique et des études économiques et de celle des responsables de services statistiques ministériels qui sont directeurs d’administration centrale, à l’attention du (...). Cet avis porte sur les compétences des personnes dont la nomination est envisagée au regard du (...). Le sens de l’avis est publié au Journal officiel en même temps que l’acte de nomination ».

Mais la meilleure protection de l’institut est sans aucun doute la force de la cohésion et de l’homogénéité de son personnel : l’ensemble des responsables et des agents sont des fonctionnaires qui partagent la même formation, la même culture et la même éthique. En un mot, c’est la communauté des statisticiens-économistes qui est la mieux placée pour garantir la pérennité de ces valeurs. Cette culture s’enracine dans une histoire toujours très présente et se forge notamment dans le creuset des écoles de la statistique publique. Elle se transmet par l’exemple et la pratique dès les premiers postes et tout au long de la carrière. Elle fait l’objet d’un contrôle interne vigilant par la communauté de travail et les représentants du personnel.

La force de notre culture professionnelle ne doit pas être sous-estimée. Depuis toujours, la coutume est l’une des premières sources du droit, qu’elle précède souvent. Seltzer (1994) souligne d’ailleurs qu’une longue tradition d’intégrité statistique est l’une des clés d’une statistique indépendante, tout autant sinon plus que la loi. D’une certaine façon, les évolutions législatives et réglementaires de la dernière décennie entérinent et confortent des pratiques anciennes.

Voici un bon exemple de la force de notre culture professionnelle et de la réputation qui est la sienne bien au-delà des frontières du SSP : le Premier ministre et le ministre de l’Intérieur se sont publiquement et à plusieurs reprises félicités que le nouveau service statistique du ministère de l’Intérieur soit placé sous la responsabilité d’un directeur issu de l’Insee. Cela signifie, implicitement, que s’attacher les services d’un tel directeur garantit en soi l’indépendance du service statistique concerné. Les médias ont, par ailleurs, également relayé cette idée auprès du grand public.

 

La confiance de nos concitoyens, notre meilleure garantie

En guise de conclusion, faut-il modifier l’organisation du système statistique français et le statut de l’Insee pour accroître notre indépendance ? Cette question mérite que l’on y réfléchisse à deux fois.

Il est bien évident qu’en dépit de cette indépendance de facto dont nous bénéficions, il serait préférable de consolider le cadre juridique existant. Cette garantie reste toutefois très théorique et nombre de commentateurs ne se privent pas de souligner que l’on ne peut en toute rigueur démontrer que l’indépendance institutionnelle est une garantie nécessaire et suffisante de l’indépendance professionnelle.

Cela aurait en contrepartie de graves inconvénients. Le premier, en éloignant les statisticiens publics du premier utilisateur (mais non le seul) de leurs travaux qu’est l’exécutif, est le risque d’affaiblir leur pertinence, notamment pour ce qui concerne les études économiques. Le second serait de compliquer le rôle de coordinateur du système statistique public qui est dévolu à l’Insee et qui a été inscrit dans le décret fondateur du 14 juin 1946 en application du règlement européen n° 223/2009.

En définitive, ce qui peut apparaître préjudiciable dans le statut d’administration centrale, ce n’est pas une limite à l’indépendance fonctionnelle, c’est surtout les contraintes et les lourdeurs liées à l’allocation et au suivi des moyens budgétaires. Dans un cadre d’administration centrale, l’annualité budgétaire est la règle ; le processus de discussion budgétaire se répète chaque année, jusqu’à l’épuisement. Les aléas de l’exécution budgétaire se manifestent, de plus en plus dans le contexte de plus en plus contraint pour les finances publiques ces dernières années. Or, pour un organisme tel qu’un institut statistique dont l’activité est stable, indépendante des conditions politiques, et doit nécessairement être programmée dans la durée, il est hautement souhaitable de disposer de plus de visibilité et de prévisibilité quant aux moyens disponibles. À cet égard, l’Insee est un candidat évident à l’expérimentation de la programmation pluriannuelle que propose le Gouvernement pour certaines administrations.

En tout état de cause, il ne faut pas perdre de vue que, quelle que soit la configuration institutionnelle retenue, nous sommes financés sur fonds publics. Notre indépendance professionnelle et notre capacité à produire une statistique publique de qualité dépendent donc in fine du consentement de nos concitoyens à la financer. Elle dépend donc de la confiance qu’ils nous font et de la qualité perçue du service que nous rendons. C’est à cela que nous devons nous attacher avec obstination.

La notion d’indépendance des statistiques dans les textes européens

L’idée d’indépendance des statistiques européennes apparaît pour la première fois dans le traité d’Amsterdam* signé en 1997. Celui-ci stipule dans le second alinéa de son article 285 que « L’établissement des statistiques se fait dans le respect de l’impartialité, de la fiabilité, de l’objectivité, de l’indépendance scientifique, de l’efficacité au regard du coût et de la confidentialité des informations statistiques ; il ne doit pas entraîner de charges excessives pour les opérateurs économiques. » Ces dispositions sont reprises dans les différents traités qui suivent : Nice, Lisbonne et les traités actuels. Elles figurent actuellement dans l’article n° 338 du traité de fonctionnement de l’Union européenne. Bien que cela ne soit pas explicite dans ces textes, cette disposition ne s’applique qu’aux statistiques entrant dans le champ de l’Union européenne.

En parallèle à cette disposition du traité d’Amsterdam, mais avant sa mise en œuvre effective qui se situe en 1999, le règlement n° 322/97 qui parle de statistiques européennes mentionne (article 10) des principes que la production de statistiques européennes doit suivre (impartialité, fiabilité, pertinence, coût-efficacité, secret statistique et transparence). Le terme « indépendance » n’est employé que dans le cadre du principe d’impartialité (impartialité est une manière objective et indépendante de produire des statistiques communautaires...). Là encore, on ne parle que de statistiques communautaires, c’est-à-dire de production de données dans le cadre du programme statistique communautaire (article 2). Ces deux textes aboutissent au Code de Bonnes Pratiques en 2005 qui est une recommandation de la Commission, mais que les règlements ultérieurs rendent plus ou moins obligatoires.

Dernière étape européenne : le règlement n° 223/2009 donne une existence légale au Code de Bonnes Pratiques et l’indépendance professionnelle est introduite comme principe autonome par un règlement de 2015 (n° 2015/759). Il y est explicitement indiqué que la production de statistiques européennes doit suivre les principes du code.

Rien n’est dit dans le règlement de 1997 concernant la nomination des dirigeants des INS, qui est une question sensible pour ce qui regarde l’indépendance des INS. Dans le code de bonnes pratiques de 2005, il est simplement dit que « Le chef de l’autorité statistique a un rang hiérarchique suffisamment élevé pour lui permettre d’avoir des contacts à haut niveau au sein des administrations et organismes publics. Son profil professionnel doit être du plus haut niveau ». Le règlement de 2009 ne dit rien sur la nomination, mais lorsque le règlement de 2015 le modifie, il est créé un article 5bis qui précise les conditions de nomination et d’exercice.

* Le traité de Maastricht ne parle ainsi de statistiques qu’en lien avec l’Institut
   Monétaire Européen (ancêtre de la BCE), pour affirmer son indépendance.

Cf. l’article 32 de la loi de finances du 27 avril 1946 qui stipule qu’« il est créé au ministère de l’économie nationale un institut national de la statistique et des études économiques pour la métropole et la France d’outre-mer ».

La session était intitulée : « Does the production of official statistics need to be a separate branch of governement ? ».

Décret n° 46-1432 du 14 juin 1946 portant règlement d’administration publique pour l’application des articles 32 et 33 de la loi de finances du 27 avril 1946 relatifs à l’institut national de la statistique et des études économiques pour la métropole et la France d’outre-mer.

Loi n° 51-711 du 7 juin 1951 sur l’obligation, la coordination et le secret en matière de statistiques.

Loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie.

Ce comité est établi en application du décret n° 2016-663 du 24 mai 2016 portant création d’un comité d’audition pour la nomination des directeurs d’administration centrale.

Ce principe est prévu à l’article 2 du règlement européen (CE) n° 223/2009 du 11 mars 2009.

Pour en savoir plus

Seltzer, W., « Politics and Statistics: Independence, Dependence or Interaction ? », United Nations, Departement of Economics and Social Information and Policy Analysis, Working Paper série n° 6, New York, 1994.