Insee Flash Grand Est ·
Mars 2024 · n° 90
Dans l’agglomération de Nancy, la ségrégation résidentielle s’accroît hors des quartiers
prioritaires
Les disparités spatiales dans l’agglomération de Nancy se sont accentuées depuis 2008 : la distribution des groupes sociaux diffère de plus en plus selon le territoire. La répartition sur le territoire est la plus inégale pour les groupes sociaux extrêmes, c’est-à-dire les populations les plus aisées et les plus modestes. Les territoires en dehors des quartiers prioritaires contribuent le plus au phénomène de ségrégation : Nancy se ségrègue parce que les populations en dehors de ces quartiers sont de moins en moins homogènes au sein de leur territoire.
Cette étude fait partie d'une série de publications sur la ségrégation résidentielle dans le Grand Est.
La ségrégation augmente dans l’agglomération de Nancy depuis 2008
Les différents groupes sociaux d’un territoire ne sont pas présents partout dans les mêmes proportions. Cette répartition spatiale inégale est appelée ségrégation résidentielle, notion qui s’oppose à celle de mixité sociale. Dans une agglomération, certains quartiers présentent une surreprésentation ou une sous-représentation d’un groupe social.
Le pôle de l’aire d’attraction de Nancy regroupe treize communes et 224 000 habitants en 2019. La ségrégation, mesurée à partir du revenu , y augmente depuis 2004 : la répartition des populations entre groupes sociaux est de plus en plus inégale dans les différents sous-territoires. D’abord, la ségrégation diminue entre 2004 et 2008 puis elle s’accroît entre 2008 et 2019.
Nancy est la 24e agglomération la plus ségréguée de France (sur 53), au même niveau que Reims et Metz. En 2004, le pôle de Nancy était globalement aussi ségrégué que celui de Strasbourg, mais la ségrégation augmente à Nancy alors qu’elle baisse dans la capitale régionale.
L’inégale répartition des populations les plus modestes et les plus aisées explique en grande partie la ségrégation dans l’agglomération de Nancy
L’indice de ségrégation de l’agglomération est décomposable en indices de ségrégation pour chaque groupe social. Cette décomposition permet de quantifier la contribution d’un groupe donné à la ségrégation totale.
Les groupes sociaux « modestes » et « aisés » ont les composantes de ségrégation les plus élevées (figure 1). Il existe donc des sous-territoires où ces groupes sociaux sont fortement sur- ou sous-représentés. Ainsi, quelle que soit l’année, les individus aux revenus extrêmes (les 20 % les plus riches et les 20 % les plus pauvres) portent la ségrégation de l’agglomération de Nancy.
Ici, les « modestes » ont un indice de ségrégation nettement plus élevé que les « aisés » (la situation est similaire dans l’agglomération de Troyes) : ils contribuent fortement à la ségrégation de l’agglomération. Les personnes des autres groupes sont mieux réparties sur le territoire, favorisant ainsi la mixité et par conséquent, contribuant moins à la ségrégation dans l’agglomération. Cependant, en quinze ans, les « moyens-modestes » et les « moyens-aisés » se sont tout de même légèrement ségrégués.
tableauFigure 1 – Évolution de l’indice de ségrégation de chaque groupe social de 2004 à 2019 dans l’agglomération de Nancy
Année | Modestes | Moyens-modestes | Moyens | Moyens-aisés | Aisés |
---|---|---|---|---|---|
2004 | 0,198 | 0,043 | 0,034 | 0,061 | 0,150 |
2005 | 0,191 | 0,043 | 0,034 | 0,059 | 0,152 |
2006 | 0,194 | 0,042 | 0,035 | 0,059 | 0,153 |
2007 | 0,187 | 0,043 | 0,033 | 0,058 | 0,147 |
2008 | 0,184 | 0,041 | 0,034 | 0,058 | 0,146 |
2009 | 0,183 | 0,041 | 0,035 | 0,059 | 0,147 |
2010 | 0,189 | 0,044 | 0,035 | 0,060 | 0,148 |
2011 | 0,186 | 0,046 | 0,032 | 0,062 | 0,146 |
2012 | 0,187 | 0,045 | 0,033 | 0,061 | 0,146 |
2013 | 0,193 | 0,046 | 0,037 | 0,061 | 0,150 |
2014 | 0,193 | 0,048 | 0,035 | 0,065 | 0,151 |
2015 | 0,198 | 0,048 | 0,035 | 0,065 | 0,152 |
2016 | 0,200 | 0,048 | 0,035 | 0,066 | 0,152 |
2017 | 0,198 | 0,047 | 0,036 | 0,068 | 0,153 |
2018 | 0,198 | 0,051 | 0,037 | 0,070 | 0,155 |
2019 | 0,192 | 0,050 | 0,036 | 0,070 | 0,155 |
- Note : L’indice de ségrégation du territoire peut se décomposer en indices de ségrégation pour chaque groupe social. Ces composantes binaires permettent de quantifier l’apport de chaque groupe à la ségrégation totale mais ne sont pas sommables.
- Source : Insee, RFL 2004-2011 et Filosofi 2012-2019.
graphiqueFigure 1 – Évolution de l’indice de ségrégation de chaque groupe social de 2004 à 2019 dans l’agglomération de Nancy

- Note : L’indice de ségrégation du territoire peut se décomposer en indices de ségrégation pour chaque groupe social. Ces composantes binaires permettent de quantifier l’apport de chaque groupe à la ségrégation totale mais ne sont pas sommables.
- Source : Insee, RFL 2004-2011 et Filosofi 2012-2019.
Une ségrégation plus importante en dehors des quartiers prioritaires
Dans l’agglomération (figure 2), certains quartiers contribuent davantage à la ségrégation comme Beauregard-Boufflers-Buthégnemont, Léopold – Ville Vieille et Plateau de Haye à Nancy, Nations à Vandœuvre-lès-Nancy ou Provinces à Laxou.
graphiqueFigure 2 – Contribution à la ségrégation totale de chaque carreau de 200 m dans l’agglomération de Nancy

- Note : Les données de cette carte ne sont pas diffusables.
- Source : Insee, Filosofi 2019.
L’agglomération de Nancy se ségrègue, car la population vivant hors des quartiers de la politique de la ville (QPV) est répartie de façon moins homogène qu’avant. À l’inverse, la ségrégation diminue au sein des QPV. Malgré quelques fluctuations en quinze ans, la ségrégation due à la différence de profils entre les quartiers prioritaires et le reste du pôle ne s’est pas accentuée.
La part des habitants vivant dans les QPV recule de 14 % entre 2004 et 2019, ce qui réduit le poids de ces quartiers dans la ségrégation du pôle ; ce phénomène s’accentue entre 2018 et 2019. En 2019, les groupes sociaux « moyens », « moyens-aisés » et « aisés » regroupent 24 % de la population des QPV, soit 4 points de moins qu’en début de période (figure 3).
Plus représentés dans les QPV qu’il y a quinze ans, les « modestes » ont vu leurs moyens financiers diminuer : au cours de cette période, leur revenu médian a baissé de plus d’un sixième (en euros courants). L’écart s’est également creusé avec la médiane : en 2004, leur revenu médian était inférieur de 72 % à celui de l’agglomération, il lui est inférieur de 82 % en 2019.
tableauFigure 3 – Répartition des groupes sociaux en 2004 et 2019 dans les quartiers de la politique de la ville de l’agglomération de Nancy
Groupe social | Modestes | Moyens-modestes | Moyens | Moyens-aisés | Aisés |
---|---|---|---|---|---|
2004 | 46,4 | 26,3 | 15,3 | 8,5 | 3,6 |
2019 | 48,8 | 27,7 | 14,2 | 6,7 | 2,7 |
- Lecture : En 2004, 46,4 % des ménages des QPV appartenaient au groupe social des « modestes » alors qu’ils sont 48,8 % en 2019.
- Source : Insee, RFL 2004 et Filosofi 2019.
graphiqueFigure 3 – Répartition des groupes sociaux en 2004 et 2019 dans les quartiers de la politique de la ville de l’agglomération de Nancy

- Lecture : En 2004, 46,4 % des ménages des QPV appartenaient au groupe social des « modestes » alors qu’ils sont 48,8 % en 2019.
- Source : Insee, RFL 2004 et Filosofi 2019.
Pour comprendre
Les données mobilisées dans cette étude sont issues du dispositif revenus fiscaux localisés des ménages (RFL), et du dispositif sur les revenus localisés sociaux et fiscaux (Filosofi) entre 2004 et 2019.
La ségrégation est mesurée chaque année pour les pôles des 53 plus grandes aires d’attraction des villes de France, parmi lesquels six se trouvent dans le Grand Est : Metz, Mulhouse, Nancy, Reims, Strasbourg et Troyes.
Le territoire d’étude correspond au pôle de l’aire d’attraction de Nancy, découpé en carreaux de 200 m de côté. Les carreaux qui comptent moins de vingt ménages sont écartés pour des raisons de diffusibilité.
L’indice de ségrégation de Theil quantifie l’écart entre la mixité d’un carreau et celle observée au sein de la population du territoire dans sa globalité (agglomération ou ensemble des QPV). Ainsi, la valeur de l’indice est d’autant plus forte que la distribution des groupes sociaux de chaque carreau s’écarte de celle de l’ensemble du territoire.
Définitions
Les groupes sociaux sont définis chaque année en fonction des quintiles de revenu de l’ensemble des habitants de l’agglomération. Ainsi, on obtient cinq groupes d’individus de taille semblable (20 % de la population).
La ségrégation correspond à l’état de séparation des personnes appartenant à des groupes sociaux différents, mesurés ici par le revenu.
tableauFigure 4 – Illustration de la notion de ségrégation
Sous-territoire | Population | Mixité totale | Ségrégation intermédiaire | Ségrégation totale |
---|---|---|---|---|
Sous-territoire 1 | Population Rond | 2 | 3 | 4 |
Population Carré | 2 | 1 | 0 | |
Sous-territoire 2 | Population Rond | 2 | 1 | 0 |
Population Carré | 2 | 3 | 4 |
- Source : Insee.
graphiqueFigure 4 – Illustration de la notion de ségrégation

- Source : Insee.
Dans cette étude, l’agglomération considérée correspond aux communes du pôle principal de l’aire d’attraction de Nancy. L’aire d’attraction d’une ville est l’ensemble de communes, d’un seul tenant et sans enclave, constitué d’un pôle de population et d’emploi, et d’une couronne qui regroupe les communes dont au moins 15 % des actifs travaillent dans le pôle.
L’agglomération de Nancy est donc composée des communes de Essey-lès-Nancy, Heillecourt, Jarville-la-Malgrange, Laxou, Malzéville, Maxéville, Nancy, Pulnoy, Saint-Max, Saulxures-lès-Nancy, Seichamps, Tomblaine et Vandœuvre-lès-Nancy
Dans cette étude, le revenu est égal au revenu déclaré du ménage divisé par le nombre d’unités de consommation (UC) : 1 UC pour le premier adulte du ménage, 0,5 UC pour les autres personnes de 14 ans ou plus, 0,3 UC pour les enfants de moins de 14 ans. Le revenu est donc le même pour tous les individus d’un même ménage.
Les quartiers prioritaires ou quartiers de la politique de la ville (QPV) sont des territoires d’intervention du ministère chargé de la ville, définis par la loi de programmation pour la ville et la cohésion urbaine du 21 février 2014. Ils ont été identifiés selon un critère unique, celui du revenu par habitant. Les périmètres des QPV sont fixés par le décret n° 2014-1750 du 30 décembre 2014.
Le revenu déclaré du ménage (au sens fiscal) est constitué des ressources mentionnées sur la déclaration des revenus n° 2042. Il comprend donc les revenus d’activité salariée ou non salariée, les indemnités de chômage, de maladie, les pensions d’invalidité ou de retraite ainsi qu’une partie des revenus du patrimoine.
Pour en savoir plus
(1) Klein A., Monchâtre V., « Ségrégation mesurée à partir du niveau de vie : rural et urbain se différencient de plus en plus dans le Grand Est », Insee Flash Grand Est no 87, 14 mars 2024.
(2) Gerardin M., Pramil J., « En 15 ans, les disparités entre quartiers, mesurées selon le revenu, se sont accentuées dans la plupart des grandes villes », Insee Analyses no 79, janvier 2023.
(3) Decorme H., Labosse A., « Ségrégation résidentielle dans les pôles d’Annecy, Chambéry et Valence : populations aisées et modestes n’ont pas les mêmes adresses"> », Insee Analyses Auvergne-Rhône- Alpes no 152, décembre 2022.