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Mars 2024 · n° 89La ségrégation résidentielle de l’agglomération de Mulhouse est l’une des plus fortes
de France
Mulhouse est une des agglomérations les plus ségréguées de France. La distribution des groupes sociaux diffère fortement selon le territoire. Cette situation est davantage prononcée pour les populations les plus modestes et les plus aisées. Les territoires hors quartiers prioritaires contribuent le plus à la hausse de la ségrégation. L’agglomération se ségrègue entre 2004 et 2019 parce que les répartitions des populations en dehors des quartiers prioritaires sont de moins en moins homogènes au sein de leur territoire.
Cette étude fait partie d'une série de publications sur la ségrégation résidentielle dans le Grand Est.
La ségrégation est importante dans l’agglomération de Mulhouse
Les différents groupes sociaux d’un territoire ne sont pas présents partout dans les mêmes proportions. Cette répartition spatiale inégale est appelée ségrégation résidentielle, notion qui s’oppose à celle de mixité sociale. Dans une agglomération, certains quartiers présentent une surreprésentation ou une sous-représentation d’un groupe social.
Dix communes constituent le pôle de l’aire d’attraction de Mulhouse et regroupent 206 000 habitants en 2019. Entre 2004 et 2019, la ségrégation augmente dans l’agglomération. Après une stabilité relative en début de période, elle progresse fortement entre 2008 et 2016 puis diminue légèrement.
Mulhouse est en 2019 l’agglomération la plus ségréguée de la région et l’une des plus ségréguées de France (elle se classe sixième sur 53)
Une même influence des « aisés » et des « modestes » sur la ségrégation
L’indice de ségrégation de l’agglomération est décomposable en indices de ségrégation pour chaque groupe social. Cette décomposition permet de quantifier la contribution d’un groupe donné à la ségrégation totale.
Les groupes sociaux « modestes » et « aisés » ont les composantes de ségrégation les plus élevées (figure 1). Il existe donc des sous-territoires où ces groupes sociaux sont fortement sur- ou sous-représentés. Ainsi, quelle que soit l’année, les individus aux revenus extrêmes (les 20 % les plus riches et les 20 % les plus pauvres) portent la ségrégation de l’agglomération de Mulhouse.
La contribution de ces deux groupes est voisine et reste quasiment constante entre 2004 et 2019. Les « moyens-modestes » et les « moyens-aisés » se sont davantage ségrégués en quinze ans. Les « moyens », quant à eux, sont répartis de façon plus homogène sur le territoire.
tableauFigure 1 – Évolution de l’indice de ségrégation de chaque groupe social de 2004 à 2019 dans l’agglomération de Mulhouse
Année | Modestes | Moyens-modestes | Moyens | Moyens-aisés | Aisés |
---|---|---|---|---|---|
2004 | 0,192 | 0,057 | 0,033 | 0,057 | 0,179 |
2005 | 0,189 | 0,058 | 0,032 | 0,059 | 0,179 |
2006 | 0,191 | 0,058 | 0,035 | 0,060 | 0,181 |
2007 | 0,185 | 0,059 | 0,036 | 0,061 | 0,179 |
2008 | 0,186 | 0,061 | 0,034 | 0,059 | 0,178 |
2009 | 0,191 | 0,058 | 0,035 | 0,060 | 0,179 |
2010 | 0,190 | 0,061 | 0,035 | 0,061 | 0,181 |
2011 | 0,189 | 0,064 | 0,034 | 0,062 | 0,186 |
2012 | 0,191 | 0,068 | 0,035 | 0,065 | 0,189 |
2013 | 0,193 | 0,070 | 0,035 | 0,064 | 0,189 |
2014 | 0,193 | 0,068 | 0,036 | 0,063 | 0,193 |
2015 | 0,195 | 0,067 | 0,035 | 0,066 | 0,192 |
2016 | 0,196 | 0,070 | 0,036 | 0,067 | 0,197 |
2017 | 0,192 | 0,071 | 0,036 | 0,066 | 0,195 |
2018 | 0,191 | 0,073 | 0,037 | 0,067 | 0,193 |
2019 | 0,188 | 0,072 | 0,035 | 0,068 | 0,195 |
- Note : L’indice de ségrégation du territoire peut se décomposer en indices de ségrégation pour chaque groupe social. Ces composantes binaires permettent de quantifier l’apport de chaque groupe à la ségrégation totale mais ne sont pas sommables.
- Source : Insee, RFL 2004-2011 et Filosofi 2012-2019.
graphiqueFigure 1 – Évolution de l’indice de ségrégation de chaque groupe social de 2004 à 2019 dans l’agglomération de Mulhouse
Les territoires en dehors des quartiers prioritaires sont plus ségrégués
Au sein de l’agglomération (figure 2), les quartiers Rebberg, Péricentre et Coteaux à Mulhouse, ou les communes de Riedisheim et de Rixheim contribuent fortement à la ségrégation.
graphiqueFigure 2 – Contribution à la ségrégation totale de chaque carreau de 200 m dans l’agglomération de Mulhouse
Les territoires hors quartiers de la politique de la ville (QPV) se ségrèguent de plus en plus entre 2004 et 2019, tandis que dans les quartiers prioritaires au contraire, la ségrégation recule. La différence entre les deux types de territoires se creuse légèrement en quinze ans.
En 2019, 25 % de la population étudiée vit dans les quartiers prioritaires, en baisse de 2 points depuis 2004. Sur la période, la répartition des habitants dans les QPV évolue : les groupes sociaux des « aisés » et des « moyens-aisés » sont moins représentés avec une baisse totale de 3 points au profit des groupes sociaux plus modestes (figure 3).
Plus représentés dans les quartiers prioritaires, les « modestes » voient leurs moyens financiers diminuer en quinze ans d’un sixième (en euros courants). En 2004, le revenu médian des « modestes » était inférieur de 68 % au salaire médian de l’agglomération. En 2019, il lui est inférieur de 78 %.
tableauFigure 3 – Répartition des groupes sociaux en 2004 et 2019 dans les quartiers de la politique de la ville de l’agglomération de Mulhouse
Groupe social | Modestes | Moyens-modestes | Moyens | Moyens-aisés | Aisés |
---|---|---|---|---|---|
2004 | 40,6 | 26,4 | 16,6 | 11,0 | 5,3 |
2019 | 41,3 | 28,2 | 16,8 | 9,5 | 4,3 |
- Lecture : En 2004, 40,6 % des ménages des QPV appartenaient au groupe social des « modestes » alors qu’ils sont 41,3 % en 2019.
- Source : Insee, RFL 2004 et Filosofi 2019.
graphiqueFigure 3 – Répartition des groupes sociaux en 2004 et 2019 dans les quartiers de la politique de la ville de l’agglomération de Mulhouse
Pour comprendre
Les données mobilisées dans cette étude sont issues du dispositif revenus fiscaux localisés des ménages (RFL), et du dispositif sur les revenus localisés sociaux et fiscaux (Filosofi) entre 2004 et 2019.
La ségrégation est mesurée chaque année pour les pôles des 53 plus grandes aires d’attraction des villes de France, parmi lesquels six se trouvent dans le Grand Est : Metz, Mulhouse, Nancy, Reims, Strasbourg et Troyes.
Le territoire d’étude correspond au pôle de l’aire d’attraction de Mulhouse, découpé en carreaux de 200 m de côté. Les carreaux qui comptent moins de 20 ménages sont écartés pour des raisons de diffusibilité.
L’indice de ségrégation de Theil quantifie l’écart entre la mixité d’un carreau et celle observée au sein de la population du territoire dans sa globalité (agglomération ou ensemble des QPV). Ainsi, la valeur de l’indice est d’autant plus forte que la distribution des groupes sociaux de chaque carreau s’écarte de celle de l’ensemble du territoire.
Définitions
Les groupes sociaux sont définis en fonction des quintiles de revenus déclarés par unité de consommation de l’ensemble des habitants du pôle de l’aire d’attraction de Mulhouse. Ainsi, on obtient cinq groupes d’individus de taille semblable (20 % de la population du pôle de l’aire d’attraction).
La ségrégation correspond à l’état de séparation des personnes appartenant à des groupes sociaux différents, mesurés ici par le revenu.
tableauFigure 4 – Illustration de la notion de ségrégation
Sous-territoire | Population | Mixité totale | Ségrégation intermédiaire | Ségrégation totale |
---|---|---|---|---|
Sous-territoire 1 | Population Rond | 2 | 3 | 4 |
Population Carré | 2 | 1 | 0 | |
Sous-territoire 2 | Population Rond | 2 | 1 | 0 |
Population Carré | 2 | 3 | 4 |
- Source : Insee.
graphiqueFigure 4 – Illustration de la notion de ségrégation
Dans cette étude, l’agglomération considérée correspond aux communes du pôle principal de l’aire d’attraction de Mulhouse. L’aire d’attraction d’une ville est l’ensemble de communes, d’un seul tenant et sans enclave, constitué d’un pôle de population et d’emploi, et d’une couronne qui regroupe les communes dont au moins 15 % des actifs travaillent dans le pôle. Dans le cas d’aire multipolaire, seul le pôle principal de l’aire est considéré, c’est-à-dire le pôle regroupant le plus grand nombre d’emplois. Le pôle de l’AAV de Mulhouse est composé des communes de Brunstatt-Didenheim, Illzach, Kingersheim, Lutterbach, Mulhouse, Pfastatt, Richwiller, Riedisheim, Rixheim et Wittenheim.
Les quartiers prioritaires ou quartiers de la politique de la ville (QPV) sont des territoires d’intervention du ministère chargé de la ville, définis par la loi de programmation pour la ville et la cohésion urbaine du 21 février 2014. Ils ont été identifiés selon un critère unique, celui du revenu par habitant. Les périmètres des QPV sont fixés par le décret n° 2014-1750 du 30 décembre 2014.
Le revenu déclaré du ménage (au sens fiscal) est constitué des ressources mentionnées sur la déclaration des revenus n° 2042. Il comprend donc les revenus d’activité salariée ou non salariée, les indemnités de chômage, de maladie, les pensions d’invalidité ou de retraite ainsi qu’une partie des revenus du patrimoine.
Dans cette étude, le revenu est égal au revenu déclaré du ménage divisé par le nombre d’unités de consommation (UC) : 1 UC pour le premier adulte du ménage, 0,5 UC pour les autres personnes de 14 ans ou plus, 0,3 UC pour les enfants de moins de 14 ans). Le revenu est donc le même pour tous les individus d’un même ménage.
Pour en savoir plus
(1) Klein A., Monchâtre V., « Ségrégation mesurée à partir du niveau de vie : rural et urbain se différencient de plus en plus dans le Grand Est », Insee Flash Grand Est no 87, 14 mars 2024.
(2) Gerardin M., Pramil J., « En 15 ans, les disparités entre quartiers, mesurées selon le revenu, se sont accentuées dans la plupart des grandes villes », Insee Analyses no 79, janvier 2023.
(3) Decorme H., Labosse A., « Ségrégation résidentielle dans les pôles d’Annecy, Chambéry et Valence : populations aisées et modestes n’ont pas les mêmes adresses"> », Insee Analyses Auvergne-Rhône- Alpes no 152, décembre 2022.