Insee Focus · Juillet 2023 · n° 305

30 000 magasins alimentaires sous réseaux d'enseigne couvrent tous les bassins de vie

Une partie des magasins du commerce de détail alimentaire est organisée en réseaux d’enseigne telles que les marques E. Leclerc, Intermarché, Carrefour. Cette organisation leur permet de bénéficier d’économies d’échelle multiples telles que l’accès à des centrales d’achat dédiées, la notoriété du réseau d’enseigne, le savoir-faire des autres membres du réseau, etc. 

Avec environ 360 enseignes et 30 000 points de vente en 2020, les réseaux d’enseigne réalisent 80 % du chiffre d’affaires du commerce de détail alimentaire en France métropolitaine (figure 1a). Le taux de pénétration des réseaux varie selon le secteur de l’alimentaire. Les réseaux d’enseigne réalisent 97 % de l’activité des grandes surfaces alimentaires non spécialisées (hypermarchés, supermarchés et magasins multi-commerces). Elles ne réalisent à l’inverse que 52 % du chiffre d’affaires des petites surfaces alimentaires non spécialisées et seulement 18 % de l’activité de l’alimentaire spécialisé et d’artisanat commercial.

En France métropolitaine, 46 % des magasins appartenant à un réseau d’enseigne sont des succursales de la tête de réseau ou de l’une des filiales du groupe. Les adhérents non succursalistes restent indépendants juridiquement et financièrement dans des relations de franchise ou de concession de licence par exemple.

Parmi les réseaux d’enseigne, 24 % ont plus de 100 magasins (grands réseaux ; figure 1b). Les magasins de ces grands réseaux se composent à 43 % de succursales. 46 % des réseaux d’enseigne ont de 7 à 20 magasins adhérents (petits réseaux). Les petits réseaux d’enseigne sont souvent succursalistes (78 %). Ils sont constitués à 75 % de réseaux d’enseigne de magasins spécialisés ou d’artisanat commercial.

Les enseignes de hard discount font exception : leurs réseaux de plus de 100 magasins sont composés à 90 % de succursales. Cela s’explique par leur origine germanique : dans le commerce de détail, le concept de franchise et de groupement est particulièrement développé en France par rapport à l’ Allemagne Ouvrir dans un nouvel onglet[Cliquet, 2021].

Les magasins des petits et moyens réseaux d’enseigne ont une implantation géographique plus locale. Environ 62 % des petits réseaux d’enseigne concentrent plus de la moitié de leurs magasins dans une seule région, contre 13 % seulement des grands réseaux d’enseigne. Ces grands réseaux propres à une seule région, correspondent à des petites surfaces ou à des magasins d’alimentation spécialisée.

Les grandes surfaces alimentaires sont incontournables pour les consommateurs : les achats de produits alimentaires s’effectuent pour près des deux tiers dans ces magasins, au nombre d’environ 12 000 au 1^er janvier 2020 [Ferrer-Pradines et al., 2022]. En moyenne, un bassin de vie contient quatre enseignes distinctes pour huit grandes surfaces alimentaires (figure 2). Le maillage des enseignes de grandes surfaces alimentaires est serré au sein des bassins de vie urbains denses. Ces derniers comportent en moyenne neuf enseignes distinctes de grandes surfaces alimentaires pour 92 magasins. À l’opposé, les bassins de vie ruraux disposent en moyenne de trois enseignes distinctes pour quatre grandes surfaces. Il y a ainsi en moyenne 23 fois plus de grandes surfaces alimentaires dans un bassin de vie urbain dense que dans un bassin de vie rural, pour une population 30 fois supérieure.

En milieu rural, les réseaux d’enseigne semblent éviter d’installer plusieurs grandes surfaces au sein d’une même zone de chalandise pour ne pas provoquer des phénomènes de cannibalisation sur un marché de petite taille. En milieu urbain dense, les réseaux ont en moyenne dix implantations, ce qui réduit fortement la diversité des enseignes, mais l’offre reste néanmoins riche au sein du bassin de vie du fait de sa taille de marché importante.

Le nombre d’enseignes distinctes de grandes surfaces accessibles par le consommateur au sein de son bassin de vie reflète à la fois la diversité des magasins de produits alimentaires et l’intensité de la concurrence locale. Plus le nombre d’enseignes distinctes est faible au sein d’un bassin de vie, plus le pouvoir de marché de ces enseignes est élevé, ainsi que le risque d’entente. Une réduction de la concurrence locale pourrait conduire à une augmentation de la marge de ces magasins et à des hausses de prix pour le consommateur. Cette problématique est reconnue par l’Autorité de la concurrence : elle examine les rachats d’hypermarchés par d’autres réseaux d’enseigne et peut les interdire quand elle considère que l’opération est trop risquée Ouvrir dans un nouvel onglet[Autorité de la concurrence, 2020].

Les succursales appartiennent à la tête de réseau ou à l’une de ses filiales ; les pertes financières éventuelles des succursales ont des répercussions directes sur les têtes de réseau, alors que ce n’est pas le cas des adhérents non succursalistes, qui sont des indépendants. De ce fait, les succursales peuvent nécessiter un contrôle plus étroit de la part de la tête de réseau. Ce coût de contrôle peut augmenter avec la distance du magasin et pénaliser un développement succursaliste à grande distance des têtes de réseau, au moins dans la phase d’extension géographique initiale du réseau Ouvrir dans un nouvel onglet[Kalnins, Lafontaine, 2013]. Ainsi, les magasins d’adhérents non succursalistes sont éloignés de leur tête de réseau d’une distance 15 % plus grande en moyenne que les succursales (figure 3).

Dans les petits réseaux d’enseigne, les succursales sont implantées nettement plus près de leur tête de réseau que ne le sont les adhérents non succursalistes (en moyenne à respectivement 136 km et 230 km à vol d’oiseau, soit un écart de 69 %), de même que dans les réseaux d’enseigne de l’alimentaire spécialisé (respectivement 194 km et 335 km, soit +73 %). Dans les grands réseaux d’enseigne et les réseaux de magasins de grandes surfaces, la différence entre succursales et adhérents non succursalistes est peu marquée. Certains d’entre eux pratiquent couramment le rachat de magasins rentables à d’anciens adhérents non succursalistes, ce qui conduit à étendre progressivement les succursales sur tout le territoire.

Il existe également un lien fort entre le succursalisme des magasins d’alimentation et le caractère rural ou urbain des bassins de vie, complémentaire à la distance avec la tête de réseau. L’une des explications possibles est que l’isolement du magasin en milieu rural génère une augmentation des coûts de contrôle, ce qui pourrait favoriser des modalités de développement non succursaliste.

Les magasins des adhérents non succursalistes représentent 68 % des magasins de l’alimentaire des bassins de vie ruraux non périurbains et 66 % des bassins de vie ruraux périurbains (figure 4). Au contraire, ils ne représentent que 45 % des magasins dans les bassins de vie urbains denses et 54 % dans les bassins de vie urbains de densité intermédiaire. Ces constats sont valables indépendamment de la taille des réseaux d’enseigne et du sous-secteur du commerce de détail alimentaire considéré.

Sur l’ensemble du territoire, 30 % des supermarchés sont adhérents d’un réseau de hard discount alimentaire. Ils constituent plus de la moitié des supermarchés dans certains départements du nord-est de la France métropolitaine (Meuse, Moselle, Meurthe-et-Moselle, Vosges, Territoire de Belfort ; figure 5). Cela s’explique par la proximité de la frontière avec l’Allemagne, où résident les têtes de réseaux des plus importantes enseignes de hard discount. À l’opposé, le hard discount est absent de certains départements (Haute-Corse, Corse-du-Sud).

Environ 90 % des magasins de hard discount sont des supermarchés. Les 10 % restants sont très majoritairement des petites surfaces (supérettes, magasins d’alimentation générale ou magasins de surgelés).