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Insee Analyses Auvergne-Rhône-Alpes · Juillet 2023 · n° 167
Insee Analyses Auvergne-Rhône-AlpesQuatre Isérois sur dix ressentent des soucis financiers plus d’un an après le début de la crise sanitaire Impact de la crise sanitaire en Isère

Johanne Aude, Aude Lécroart (Insee)

En Isère, à l’été 2021, 422 000 personnes perçoivent la situation financière de leur foyer comme juste, difficile ou très difficile. Elles représentent 41 % de la population âgée de 15 ans ou plus. Parmi elles, huit sur dix ressentaient déjà des soucis financiers au printemps 2020, durant les premiers mois de la crise sanitaire. Celles qui vivent en ville, en dehors des grands centres urbains, sont plus concernées que celles qui habitent dans l’espace rural. Les personnes les moins diplômées ainsi que les chômeurs sont plus particulièrement exposés. Les Isérois qui ressentent des soucis financiers déclarent également un moins bon état de santé général, présentant en particulier des syndromes dépressifs.

Insee Analyses Auvergne-Rhône-Alpes
No 167
Paru le :Paru le13/07/2023
Impact de la crise sanitaire en Isère
Publication rédigée par :Johanne Aude, Aude Lécroart (Insee)

Quatre Isérois sur dix ressentent des soucis financiers

Initiée par l’Inserm et la Drees dès le début de la crise sanitaire de 2020, l’enquête Épidémiologie et Conditions de vie liées au Covid-19 (EpiCov) a pour objectif initial de renseigner sur la diffusion du virus dans la population et sur les conséquences de l’épidémie sur le quotidien et la santé des Français (source).

À travers le ressenti des Isérois sur leur situation financière et leur état de santé, cette étude met en lumière une nouvelle population fragile, susceptible de réaliser dans l’avenir des démarches d’aide sociale, qui pourrait s’ajouter au contingent des personnes en fragilité sociale déjà repérées par les dispositifs en place. Cet indicateur subjectif est aussi important pour les décideurs que l’approche objective du taux de pauvreté (encadré 1). Caractériser ces populations fragiles permet dès lors de cibler les actions de prévention et de lutte contre la pauvreté dans le cadre de la crise sanitaire et économique (Le mot du partenaire).

En Isère, à l’été 2021, après le troisième confinement lié à l’épidémie de Covid-19, 422 000 personnes de 15 ans ou plus (que l’on appellera adultes) déclarent être préoccupées par la situation financière de leur foyer. Elles la perçoivent comme étant juste (« c’est juste, il faut faire attention »), difficile (« vous y arrivez difficilement ») ou très difficile (« vous ne pouvez y arriver sans avoir de dettes ou avoir recours au crédit à la consommation »). Ces soucis financiers concernent ainsi 41 % des adultes du département, un niveau identique à celui de la région et inférieur d’un point au niveau national (figure 1). Parmi eux, près de 110 000 adultes perçoivent la situation financière de leur foyer comme difficile ou très difficile. Ces personnes représentent 11 % des Isérois et sont considérées comme étant en grande difficulté financière (comme en France, et un point de plus qu’en Auvergne‑Rhône‑Alpes). A contrario, 606 000 personnes estiment ne pas avoir de soucis financiers : elles considèrent que leur foyer est « à l’aise » financièrement, ou que « ça va ».

En mai 2020, lors du premier confinement, 45 % des Isérois déclaraient des soucis économiques, soit quatre points de plus qu’à l’été 2021. Ce constat est équivalent à celui de la région et du pays. Par ailleurs, 13 % des adultes étaient en grande difficulté financière en Isère, soit deux points de plus qu’à l’été 2021.

Pour mémoire, au printemps 2020, la situation financière se dégrade particulièrement en Isère (comme en Savoie, Haute-Savoie et en Ardèche) car son économie est davantage tournée vers des activités liées au tourisme telles que l’hôtellerie-restauration et les sports d’hiver, secteurs durement touchés par la fermeture anticipée des stations de ski.

Figure 1Part des Isérois qui ressentent des soucis financiers à l’été 2021

(en %)
Part des Isérois qui ressentent des soucis financiers à l’été 2021 ((en %))
Parts définies à l’aide de la question : « Financièrement dans votre foyer diriez-vous plutôt qu’aujourd’hui… ? » :
Réponse Parts d’Isérois
Vous êtes à l’aise 16
Ça va 43
C’est juste, il faut faire attention 30
Vous y arrivez difficilement 10
Vous ne pouvez pas y arriver sans faire de dettes (ou avoir recours au crédit à la consommation) 1
  • Source : Inserm-Drees, enquête EpiCov, vague 3.

Figure 1Part des Isérois qui ressentent des soucis financiers à l’été 2021

  • Source : Inserm-Drees, enquête EpiCov, vague 3.

Les personnes qui occupaient des emplois non salariés lors du premier confinement n’ont, pour la plupart, pas pu exercer leur activité et n’ont bénéficié d’aucune aide de l’État durant cette période (figure 2). À l’été 2021, elles ont globalement retrouvé leur situation d’avant-crise, et lorsque ce n’est pas le cas, certaines bénéficient cette fois des aides de l’État, expliquant en partie la légère baisse de la part de personnes qui ressentent des soucis financiers entre la première et la troisième vague d’enquête. L’activité rebondit par ailleurs fortement en 2020 en Isère au terme des deux premiers confinements : les niveaux d’activité retrouvent un niveau proche de la normale (hors secteurs de l’hôtellerie-restauration et des matériels de transport). Une nette reprise s’ensuit en 2021. L’emploi enregistre un fort dynamisme dans tous les secteurs, notamment dans la construction et l’industrie, le taux de chômage poursuit sa baisse et le nombre d’allocataires du revenu de solidarité active (RSA) est particulièrement bas.

Figure 2Chronologie des trois premiers confinements liés au Covid-19 et des trois premières vagues d’enquête Epicov

Chronologie des trois premiers confinements liés au Covid-19 et des trois premières vagues d’enquête Epicov
Période Événement
Du 17 mars au 10 mai 2020 Premier confinement
Du 2 mai au 1er juin 2020 Première vague d’enquête
Du 26 octobre au 16 décembre 2020 Deuxième vague d’enquête
Du 30 octobre au 14 décembre 2021 Deuxième confinement
Du 3 avril au 2 mai 2021 Troisième confinement
Du 24 juin au 7 août 2021 Troisième vague d’enquête

Figure 2Chronologie des trois premiers confinements liés au Covid-19 et des trois premières vagues d’enquête Epicov

Parmi les Isérois qui ressentent des soucis financiers à l’été 2021, 78 % en déclaraient déjà un peu plus d’un an auparavant, durant les premiers mois de la crise sanitaire. Parallèlement, 79 % des personnes sans difficultés économiques à l’été 2021 n’en avaient pas non plus en mai 2020. Ainsi, la majorité des personnes se trouve dans des situations stables au cours du temps. Parmi l’ensemble de la population iséroise, près d’un tiers ressent des soucis financiers à l’été 2021 comme en mai 2020, 13 % étaient concernés en 2020 mais ne l’étaient plus un an après, et 9 % n’en déclaraient pas lors du premier confinement mais en ressentent à l’été 2021. Près de la moitié des Isérois n’éprouve pas de soucis financiers au moment des deux vagues de l’enquête.

Davantage d’urbains vivant en dehors des grands centres urbains déclarent des soucis financiers à l’été 2021

À l’été 2021, les Isérois sont d’autant plus nombreux à déclarer des soucis financiers qu’ils vivent dans des territoires densément peuplés. Ainsi, 44 % des urbains en ressentent, contre 34 % des ruraux (figure 3). En Auvergne‑Rhône‑Alpes, 41 % des adultes ressentent des soucis financiers, qu’ils vivent en ville ou à la campagne. Si cet écart entre le ressenti des habitants de l’urbain et du rural n’est pas observé dans l’ensemble de la région, il l’est tout de même dans le Rhône (42 % dans l’urbain, contre 36 % dans le rural). Ceci pourrait s’expliquer par la structure particulière de la population rurale iséroise : entre la Métropole de Lyon et celle de Grenoble, elle est multiple et spécifique. En particulier, près d’un Isérois sur deux est préoccupé par la situation financière de son foyer dans les centres urbains intermédiaires et les petites villes (six points de plus que dans la région), ainsi que dans les ceintures urbaines (neuf points de plus). Au sein de l’espace rural isérois, les habitants déclarent plus souvent avoir des difficultés économiques dans les bourgs que dans le rural à habitat dispersé (encadré 2).

Figure 3Carte de densité en Isère et part des personnes ayant des soucis financiers selon le type de territoirePart des personnes ayant des soucis financiers selon le type de territoire

(en %)
Carte de densité en Isère et part des personnes ayant des soucis financiers selon le type de territoire ((en %)) - Lecture : à l’été 2021, 44 % des Isérois habitant dans l’urbain ressentent des soucis financiers, contre 34 % des ruraux. Dans les grands centres urbains, ce taux s’établit à 39 %.
Type de territoire Part de personnes ayant des soucis financiers
Isère Auvergne-Rhône-Alpes
Été 2021 Printemps 2020 Été 2021 Printemps 2020
Ensemble urbain 44 45 41 44
dont grands centres urbains 39 41 42 44
dont centres urbains intermédiaires et petites villes 49 51 43 48
dont ceintures urbaines 45 44 36 40
Ensemble rural 34 45 41 45
dont bourgs ruraux 37 45 41 43
dont rural à habitat dispersé et très dispersé 32 45 41 46
Ensemble 41 45 41 44
  • Lecture : à l’été 2021, 44 % des Isérois habitant dans l’urbain ressentent des soucis financiers, contre 34 % des ruraux. Dans les grands centres urbains, ce taux s’établit à 39 %.
  • Source : Inserm-Drees, enquête EpiCov, vagues 1 et 3.

Au printemps 2020, les habitants des espaces ruraux étaient en revanche aussi nombreux à exprimer avoir des soucis financiers que ceux des espaces urbains (45 %), comme dans la région. Ainsi, la part de personnes ressentant des difficultés économiques a eu tendance à diminuer globalement quel que soit le type de territoire, en Isère comme dans la région. La baisse a toutefois été plus concentrée dans l’espace rural de l’Isère, tandis qu’elle a été plus uniforme en Auvergne‑Rhône-Alpes. Les Isérois déclaraient aussi plus souvent des problèmes financiers dans les centres urbains intermédiaires et les petites villes, constat qui se retrouve également au niveau régional.

Les non-diplômés déclarent plus de soucis financiers

Plus le niveau de diplôme est faible, plus les soucis financiers sont fréquents. Ainsi, 55 % des personnes sans diplôme ou avec un diplôme inférieur au baccalauréat en déclarent, contre 41 % des diplômées du baccalauréat et 24 % de celles ayant un diplôme de l’enseignement supérieur (figure 4). Ces proportions sont proches de celles d’Auvergne‑Rhône‑Alpes. Ainsi, l’écart est d’autant plus important que les personnes sont diplômées. Ces écarts sont néanmoins un peu plus marqués dans le département : pour les moins diplômés, la part des personnes déclarant avoir des soucis financiers est de cinq points supérieure en Isère par rapport à la région ; pour les plus diplômés, elle est de trois points inférieure. Après le troisième confinement, les habitants du département et de la région ressentent en moyenne moins de difficultés économiques que lors du premier confinement quel que soit leur niveau de diplôme.

Figure 4Part des Isérois et des habitants d’Auvergne-Rhône-Alpes déclarant des soucis financiers à l’été 2021 et au printemps 2020 selon leur diplôme

(en %)
Part des Isérois et des habitants d’Auvergne-Rhône-Alpes déclarant des soucis financiers à l’été 2021 et au printemps 2020 selon leur diplôme ((en %)) - Lecture : à l’été 2021, 55 % des personnes sans diplôme ou avec un diplôme inférieur au baccalauréat ont des soucis financiers en Isère. Elles étaient 57 % à en ressentir au printemps 2020.
Niveau Territoire Avec soucis financiers – été 2021 Sans soucis financiers – été 2021 Avec soucis financiers – printemps 2020
Sans diplôme ou inférieur au baccalauréat Isère 55 45 57
Région 50 50 54
Niveau bac Isère 41 59 50
Région 42 58 47
Supérieur au bac Isère 24 76 29
Région 27 73 30
  • Lecture : à l’été 2021, 55 % des personnes sans diplôme ou avec un diplôme inférieur au baccalauréat ont des soucis financiers en Isère. Elles étaient 57 % à en ressentir au printemps 2020.
  • Source : Inserm-Drees, enquête EpiCov, vagues 1 et 3.

Figure 4Part des Isérois et des habitants d’Auvergne-Rhône-Alpes déclarant des soucis financiers à l’été 2021 et au printemps 2020 selon leur diplôme

  • Lecture : à l’été 2021, 55 % des personnes sans diplôme ou avec un diplôme inférieur au baccalauréat ont des soucis financiers en Isère. Elles étaient 57 % à en ressentir au printemps 2020.
  • Source : Inserm-Drees, enquête EpiCov, vagues 1 et 3.

Le niveau de diplôme est un déterminant important, de la situation professionnelle d’une part, et du niveau de salaire d’autre part. Les études montrent que plus le niveau de diplôme est élevé, plus le taux de chômage est faible et plus le niveau de rémunération augmente.

De fait, les chômeurs déclarent beaucoup plus souvent être préoccupés par leur situation financière (environ les trois quarts d’entre eux) que les actifs en emploi.

Un quadragénaire isérois sur deux ressent des soucis financiers

Le fait de ressentir des soucis financiers croît avec l’âge jusqu’à la quarantaine, puis diminue progressivement (figure 5). En effet, cinq quadragénaires sur dix sont concernés tandis que quatre personnes âgées de 20 à 29 ans sur dix déclarent des difficultés économiques, situation identique à celle des Isérois âgés de plus de 50 ans. Plus précisément, 49 % des quadragénaires isérois ont des soucis financiers à l’été 2021 (soit trois points de plus qu’en Auvergne‑Rhône-Alpes, mais quatre points de moins qu’en mai 2020). Ce pic autour de la quarantaine s’explique par les contraintes financières qui pèsent fréquemment sur cette classe d’âge, telles que les enfants à charge, éventuellement cumulées à des remboursements de prêts immobiliers ou un loyer élevé.

Figure 5Part des Isérois déclarant des soucis financiers en fonction de l’âge à l’été 2021

(en %)
Part des Isérois déclarant des soucis financiers en fonction de l’âge à l’été 2021 ((en %)) - Lecture : 49 % des Isérois âgés entre 40 et 49 ans ressentent des soucis financiers à l’été 2021. Ils étaient 53 % dans cette situation au printemps 2020.
Âge Avec soucis financiers Sans soucis financiers Avec soucis financiers au 1er confinement
15-19 ans 32,5 67,5 36,3
20-29 ans 41,8 58,2 46,4
30-39 ans 44,9 55,1 48
40-49 ans 49,3 50,7 53,3
50-59 ans 41,3 58,7 45,9
60-69 ans 36,3 63,7 43,8
70 ans et plus 36,4 63,6 39,2
  • Lecture : 49 % des Isérois âgés entre 40 et 49 ans ressentent des soucis financiers à l’été 2021. Ils étaient 53 % dans cette situation au printemps 2020.
  • Source : Inserm-Drees, enquête EpiCov, vagues 1 et 3.

Figure 5Part des Isérois déclarant des soucis financiers en fonction de l’âge à l’été 2021

  • Lecture : 49 % des Isérois âgés entre 40 et 49 ans ressentent des soucis financiers à l’été 2021. Ils étaient 53 % dans cette situation au printemps 2020.
  • Source : Inserm-Drees, enquête EpiCov, vagues 1 et 3.

Au contraire, les plus jeunes sont moins préoccupés par leur situation économique que les autres (37 % des Isérois de moins de 25 ans à l’été 2021). Ce constat est contre-intuitif s’agissant des jeunes pour qui le niveau de vie est notoirement plus faible. Parmi les plus modestes financièrement, les jeunes sont ceux qui surestiment le plus souvent leur niveau de vie perçu par rapport à la mesure statistique de celui-ci. Ainsi, les jeunes accepteraient davantage l’idée d’avoir un niveau de vie plus faible au début de leur vie active. Par ailleurs, des aides intergénérationnelles peuvent compléter leurs revenus et ainsi jouer sur leur ressenti. D’autre part, si le niveau de vie des jeunes est plus faible, la part des dépenses incompressibles de ces ménages (dépenses non arbitrables, liées à l’alimentaire, la santé, l’éducation, ou le transport par exemple) est aussi plus faible que la moyenne.

Cela signifie que leurs choix de consommation sont moins contraints que ceux de leurs aînés. Les retraités ressentent aussi moins de soucis financiers : 37 % sont concernés à l’été 2021. Malgré un niveau plus faible que les actifs, leur situation financière semble néanmoins peu affectée par la crise.

Les hommes déclarent ressentir autant de soucis financiers que les femmes. C’est le cas de 41 % des premiers et 42 % des secondes, des résultats proches de ceux de la région. En particulier, 10 % des Isérois et 11 % des Iséroises sont en grande difficulté financière.

Les personnes avec soucis financiers déclarent aussi un moins bon état de santé général

Les personnes avec des soucis financiers déclarent trois fois plus souvent être en « mauvais » ou « très mauvais » état de santé général que les autres, à l’été 2021 comme au printemps 2020. Elles révèlent aussi être moins souvent en « très bon » état de santé général (une sur cinq pour les premières, contre une sur trois pour les secondes). Ces constats sont également vérifiés à l’échelle régionale. Ils résultent du fait que, d’une part, les plus modestes ont plus de risque de renoncer à des soins médicaux et, d’autre part, que certaines pathologies telles que le diabète, les maladies chroniques du foie ou les maladies psychiatriques, affectent aussi plus particulièrement les personnes avec de faibles revenus. Ces écarts s’expliquent notamment par des différences de mode de vie et de conditions de travail. Le lien entre état de santé et situation économique peut toutefois jouer dans les deux sens : un état de santé dégradé peut affecter la situation professionnelle, et mécaniquement celle financière, tout comme des difficultés économiques peuvent dégrader les conditions de vie et le recours aux soins, ce qui entraîne des conséquences sur l’état de santé.

Après le troisième confinement, les personnes souffrant d’un déclarent près de deux fois plus souvent ressentir des soucis financiers que les autres. Cet écart était moindre lors du premier confinement. Les jeunes sont particulièrement concernés : 4 450 Isérois âgés de 15 à 24 ans ont eu recours à un psychiatre au moins une fois au cours de l’année 2020. Cela correspond à 1,0 % des jeunes du département, un taux équivalent à celui de la région. Cette proportion a quasiment doublé en 2021 : 1,8 % des jeunes isérois étaient alors concernés. Par ailleurs, l’exploitation de la première vague de l’enquête EpiCov au niveau national montre que 22 % des 15-24 ans présentaient un état dépressif à l’issue du premier confinement, contre 12 % en moyenne chez les classes d’âges supérieures. Selon l’enquête CoviPrev de Santé publique France (2020), destinée à suivre l’évolution des comportements et de la santé mentale pendant l’épidémie de Covid-19, cette fragilité chez les plus jeunes persiste lors du deuxième confinement, avec une remontée significative des taux d’états dépressifs chez les 18-24 ans au début du mois de novembre 2020, alors qu’ils avaient décru significativement entre les deux confinements.

Encadré 1 – Mesures objective et subjective du niveau de vie

Au cours de l’été 2021, les Isérois qui étaient en 2018 déclarent être plus souvent préoccupés par leur situation financière que ceux vivant au-dessus du seuil de pauvreté à cette date. En effet, un peu plus de six personnes pauvres sur dix indiquent avoir des soucis financiers, contre quatre personnes sur dix parmi celles au-dessus du seuil de pauvreté. Ces proportions sont proches de celles de la région. Bien que la majorité des personnes pauvres (67 000) témoigne de leur préoccupation sur le plan économique, plus d’un tiers d’entre elles (38 000) ne s’en soucie pas.

Ainsi, la mesure objective de la pauvreté, à l’aide du , diffère du ressenti de la situation financière. Ces deux approches sont complémentaires et donnent un éclairage utile pour la mise en place de politiques publiques.

De plus, certaines personnes ne sont pas considérées comme pauvres mais leur niveau de vie médian se situe juste au-dessus du seuil de pauvreté (entre 1 100 euros et 1 280 euros mensuels, soit entre 60 % et 70 % du niveau de vie médian national). Ces personnes au niveau de vie modeste appartiennent au « halo » de la pauvreté. En 2019, 141 000 personnes sont pauvres en Isère, soit 11,5 % de la population du département, auxquelles on peut ajouter 83 000 personnes dans le halo de la pauvreté, soit 6,8 % d’Isérois supplémentaires.

Figure 6Part des personnes pauvres en 2018 et des ressentis financiers en Isère et en Auvergne-Rhône-Alpes

(en %)
Part des personnes pauvres en 2018 et des ressentis financiers en Isère et en Auvergne-Rhône-Alpes ((en %)) - Lecture : 64 % des Isérois pauvres en 2018 ressentent des soucis financiers à l’été 2021 et 36 % n’en ressentent pas. 39 % des Isérois vivant au-dessus du seuil de pauvreté en 2018 déclarent des soucis financiers, alors que 61 % n’en déclarent pas.
Situation Isère Auvergne-Rhône-Alpes
Été 2021 Printemps 2020 Été 2021
Personnes pauvres en 2018 Personnes non pauvres en 2018 Personnes pauvres en 2018 Personnes non pauvres en 2018 Personnes pauvres en 2018 Personnes non pauvres en 2018
Avec soucis financiers 64 39 70 43 65 38
Sans soucis financiers 36 61 30 57 35 62
Ensemble 100 100 100 100 100 100
  • Lecture : 64 % des Isérois pauvres en 2018 ressentent des soucis financiers à l’été 2021 et 36 % n’en ressentent pas. 39 % des Isérois vivant au-dessus du seuil de pauvreté en 2018 déclarent des soucis financiers, alors que 61 % n’en déclarent pas.
  • Source : Inserm-Drees, enquête EpiCov, vagues 1 et 3.

Encadré 2 – Allocataires du RSA en Isère : des profils hétérogènes et des durées variables

Les bénéficiaires du RSA et leur durée de perception de cette allocation sont hétérogènes, ce qui aboutit à des catégories relativement marquées.

Ainsi, un peu plus d’un tiers des connaît une sortie rapide et durable du dispositif (sortie du RSA dans la première année de perception, sans retour dans le dispositif sur les deux années suivantes). Précisément, après six mois de perception, c’est déjà plus d’un quart de ces nouveaux allocataires qui est sorti du dispositif et qui n’y revient pas au cours des deux années et demie qui suivent. À ces allocataires s’ajoutent ceux qui sortent du RSA plus tardivement (environ 30 % d’entre eux) et ceux qui connaissent des mouvements fréquents d’allers-retours dans et hors du dispositif (environ 7 %).

Par ailleurs, un peu moins de 30 % des nouveaux allocataires perçoivent durablement le RSA (avec potentiellement des interruptions courtes et peu nombreuses), dont 15 % seulement qui perçoivent l’allocation sans aucune sortie tout au long des trois années.

Les nouveaux allocataires du RSA qui résident dans les territoires ruraux ou périurbains de l’Isère sont plus souvent des bénéficiaires temporaires du RSA, tandis que ceux qui habitent dans les grands centres urbains sont relativement plus nombreux à percevoir le RSA de manière durable et continue.

Encadré 3 – Le mot du partenaire

Le travail social s’inscrit dans un contexte de transformations structurelles profondes de la société et de crises conjoncturelles influant sur les formes et trajectoires des précarités vécues. Le Département de l’Isère, chef de file de l’action sociale, s’attache à mieux connaître et comprendre ces trajectoires via un diagnostic auquel contribue l’Insee avec cette publication.

Ces connaissances permettent d’adapter la mise en œuvre des politiques sociales pour accroître leur efficacité (premier accueil social inconditionnel de proximité, programme départemental d’insertion et d’emploi (PDIE), plan départemental d’actions pour le logement et l’hébergement des personnes défavorisées en Isère (PALHDI)…) et nourrissent les réflexions du Département et de ses partenaires sur les leviers permettant de développer une logique préventive d’anticipation des risques et des besoins.

Département de l’Isère

Publication rédigée par :Johanne Aude, Aude Lécroart (Insee)
Publication rédigée par :Johanne Aude, Aude Lécroart (Insee)

Sources

L’enquête Épidémiologie et Conditions de vie (EpiCov) a été mise en place par l’Inserm, la Drees, Santé Publique France et l’Insee dans le contexte de la pandémie du Covid-19. Son objectif est d’estimer la dynamique de l’épidémie à un niveau national et départemental et d’étudier l’effet du confinement et de l’épidémie sur les conditions de vie. La première vague de l’enquête s’est déroulée entre le 2 mai et le 2 juin 2020, à cheval entre le confinement de la population et le début du déconfinement. La deuxième vague a eu lieu entre le 26 octobre et le 16 décembre 2020 et la troisième entre le 24 juin et le 16 août 2021.

Définitions

Une personne présente un syndrome dépressif si elle déclare au moins l’un de ces symptômes : « le peu d’intérêt ou de plaisir à faire les choses » ou « la tristesse, la déprime ou le désespoir » ainsi qu’avoir été, la moitié du temps ou plus, gênée par au moins deux de ces huit problèmes : le peu d’intérêt ou de plaisir à faire les choses ; la tristesse, la déprime ou le désespoir ; les problèmes de sommeil ; la fatigue ou le manque d’énergie ; une perte d’appétit ou le fait de manger trop ; la faible estime de soi ; les difficultés de concentration ; le ralentissement psychomoteur ou, à l’inverse, l’agitation.

Le niveau de vie est égal au revenu disponible du ménage (c’est-à-dire le revenu à la disposition du ménage pour consommer et épargner) divisé par le nombre d’unités de consommation (UC). Il est donc le même pour tous les individus d’un même ménage. Le premier adulte du ménage correspond à 1 UC, les autres personnes de 14 ans ou plus à 0,5 UC et les enfants de moins de 14 ans à 0,3 UC. Le niveau de vie médian national correspond au niveau de vie au-dessous duquel se situe la moitié des individus.

Un individu (ou un ménage) est considéré comme pauvre lorsque son niveau de vie est inférieur au seuil de pauvreté, soit 60 % du niveau de vie médian.

Le Département de l’Isère a étudié les trajectoires de 7 914 ménages entrés dans le dispositif du RSA au cours de l’année 2019 (sans perception du RSA en 2017 ni en 2018), sur une période de trois ans de 2019 à 2022.