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Insee Analyses Auvergne-Rhône-Alpes · Juin 2022 · n° 147
Insee Analyses Auvergne-Rhône-AlpesPrès de 3 millions de personnes ressentent des soucis financiers à l’aube de la crise sanitaire

Johanne Aude, Emma Bianco (Insee)

En Auvergne-Rhône-Alpes, au printemps 2020, 2,8 millions de personnes perçoivent la situation financière de leur foyer comme juste, difficile ou très difficile. Elles représentent 44 % de la population âgée de 15 ans ou plus. Parmi elles, les chômeurs et les personnes sans diplôme sont les plus concernés. Toutefois, travailler ne suffit pas à protéger des soucis financiers, puisque les actifs en emploi y sont exposés à hauteur de la moyenne régionale. Les familles monoparentales sont également fortement touchées, pour près de deux tiers d’entre elles. Par ailleurs, les soucis financiers semblent aller de pair avec un état de santé général dégradé ou des syndromes dépressifs. Enfin, de par leurs conditions de vie et de travail, les personnes déclarant des difficultés financières sont aussi plus exposées à un risque de contamination lors d’une pandémie.

Insee Analyses Auvergne-Rhône-Alpes
No 147
Paru le :Paru le20/06/2022

Dans le contexte de crise sanitaire liée à l’épidémie de la Covid-19, les populations qui étaient les plus fragiles semblent être davantage touchées par les difficultés sociales et économiques de début de crise, comme en témoignent la hausse du chômage et du nombre de bénéficiaires de minima sociaux pendant certaines périodes de la crise.

Caractériser les populations les plus vulnérables, appréhendées ici grâce à leur situation financière perçue (encadré 1), permet de cibler les actions de prévention et de lutte contre la pauvreté dans le cadre de la crise sanitaire et économique (le mot du partenaire).

En 2020, 4 adultes sur 10 sont préoccupés par leur situation financière

En Auvergne-Rhône-Alpes, au début de la crise sanitaire de 2020, 2,8 millions de personnes de 15 ans ou plus (que l’on appellera adultes) déclarent être préoccupées par la situation financière de leur foyer (sources). Elles la perçoivent comme étant juste (« c’est juste, il faut faire attention »), difficile (« vous y arrivez difficilement ») ou très difficile (« vous ne pouvez y arriver sans avoir de dettes ou avoir recours au crédit à la consommation »). Ces soucis financiers concernent 44 % des adultes de la région, soit 3 points de moins qu’en France. Parmi eux, 780 000 personnes perçoivent la situation financière de leur foyer comme difficile ou très difficile. Ainsi, 12 % des adultes de la région sont en grande difficulté financière, soit 1 point de moins qu’en France. A contrario, 3,6 millions de personnes estiment ne pas avoir de soucis financiers. Plus précisément, 14 % d’entre elles considèrent que leur foyer est « à l’aise » financièrement et 42 % estiment que « ça va ».

Le chômage et l’absence de diplôme augmentent le risque de soucis financiers

Les difficultés financières constatées sont le résultat de situations individuelles et expliquent en grande partie les différences entre territoires (encadré 2). À l’aube de la crise sanitaire, les chômeurs et les personnes sans diplôme sont ceux qui déclarent le plus souvent des soucis financiers. C’est le cas de 69 % des chômeurs et de 61 % des personnes sans diplôme. De plus, 35 % des chômeurs disent même être en grande difficulté financière, soit près du triple de la moyenne régionale, et 21 % des personnes sans diplôme. Avoir des soucis financiers est souvent la conséquence de plusieurs effets. L’analyse « toutes choses égales par ailleurs » (sources) permet d’isoler chacun des facteurs. Ainsi, à caractéristiques (de sexe, d’âge, de diplôme, de situation familiale…) identiques, un chômeur a 3,1 fois plus de risque de ressentir des soucis financiers qu’un actif travaillant en tant que profession intermédiaire, et une personne sans diplôme 3,2 fois plus qu’un diplômé du supérieur (figure 1).

Figure 1Effets des caractéristiques individuelles sur le ressenti des soucis financiers « toutes choses égales par ailleurs »

Effets des caractéristiques individuelles sur le ressenti des soucis financiers « toutes choses égales par ailleurs » - Lecture : au printemps 2020, en Auvergne-Rhône-Alpes, les chômeurs ont 3 fois plus de risque de déclarer des soucis financiers que les professions intermédiaires (catégorie socioprofessionnelle prise comme référence). Ceci est mesuré « toutes choses égales par ailleurs », c’est-à-dire en excluant les effets des autres caractéristiques (de sexe, d’âge, de diplôme, de situation familiale,…) au printemps 2020, en Auvergne-Rhône-Alpes, les chômeurs ont 3,1 fois plus de risque de déclarer des soucis financiers que les professions intermédiaires (catégorie socioprofessionnelle prise comme référence). Ceci est mesuré « toutes choses égales par ailleurs », c’est-à-dire en excluant les effets des autres caractéristiques (de sexe, d’âge, de diplôme, de situation familiale…).
Variables Odds ratios
Homme Référence
Femme 1,1
Inférieur ou égal à 24 ans Référence
De 25 à 29 ans 1,5
De 30 à 39 ans 1,8
De 40 à 49 ans 1,8
De 50 à 59 ans ns
60 ans et plus ns
Sans diplôme 3,2
Diplôme inférieur au baccalauréat 2,6
Baccalauréat 1,9
Diplôme supérieur au baccalauréat Référence
Actif profession intermédiaire Référence
Actif ouvrier 1,5
Actif agriculteur, artisan, commerçant ou chef d’entreprise 1,8
Actif employé 1,4
Actif cadre ou profession intellectuelle supérieure 0,6
Chômeur 3,1
Inactif ns
Couple sans enfants Référence
Personne seule 1,7
Couple avec enfants 1,3
Famille monoparentale 2,6
Pas de maladie ou problème de santé chronique Référence
Maladie ou problème de santé chronique, durable ou limitant depuis au moins 6 mois 1,3
Logement non surpeuplé Référence
Logement surpeuplé 1,4
  • ns : non significatif.
  • Note : un odd-ratio supérieur à 1 (respectivement inférieur à 1) indique que, « toutes choses égales par ailleurs », la probabilité de déclarer des soucis financiers est plus élevée (respectivement moins élevée) que pour la population de référence.
  • Lecture : au printemps 2020, en Auvergne-Rhône-Alpes, les chômeurs ont 3 fois plus de risque de déclarer des soucis financiers que les professions intermédiaires (catégorie socioprofessionnelle prise comme référence). Ceci est mesuré « toutes choses égales par ailleurs », c’est-à-dire en excluant les effets des autres caractéristiques (de sexe, d’âge, de diplôme, de situation familiale,…) au printemps 2020, en Auvergne-Rhône-Alpes, les chômeurs ont 3,1 fois plus de risque de déclarer des soucis financiers que les professions intermédiaires (catégorie socioprofessionnelle prise comme référence). Ceci est mesuré « toutes choses égales par ailleurs », c’est-à-dire en excluant les effets des autres caractéristiques (de sexe, d’âge, de diplôme, de situation familiale…).
  • Source : Inserm-Drees, enquête EpiCov, vague 1.

Avoir un emploi n’empêche pas de ressentir des soucis financiers

Avoir un emploi ne suffit pas à protéger des soucis financiers, puisque 44 % des actifs en emploi sont touchés et 11 % ressentent même de grandes difficultés financières (niveaux proches de la moyenne régionale) (figure 2). À caractéristiques égales, les agriculteurs, artisans, commerçants et chefs d’entreprise sont les actifs en emploi les plus touchés : ils ont 1,8 fois plus de risque d’avoir des soucis financiers que les professions intermédiaires. Les ouvriers (risque multiplié par 1,5) et employés (1,4) sont également fortement concernés. Par ailleurs, le type d’emploi joue significativement sur la situation financière au début de la crise. Les salariés à durée d’emploi limitée déclarent plus souvent connaître des soucis financiers (52 % contre 44 % en moyenne dans la région) et être en grande difficulté financière (18 %, soit deux fois plus que les salariés ayant d’autres types de contrat). En revanche, les personnes inactives (étudiants et retraités par exemple) ressentent, en moyenne, moins de soucis financiers que les autres.

Figure 2Perception de la situation financière selon la situation professionnelle, le diplôme et la composition familiale

en %
Perception de la situation financière selon la situation professionnelle, le diplôme et la composition familiale (en %) - Lecture : au printemps 2020, en Auvergne-Rhône-Alpes, 21 % des adultes sans diplôme jugent leur situation financière « difficile » ou « très difficile », 40 % la considèrent comme « juste » et 39 % ne déclarent pas de soucis financiers.
Situation financière perçue regroupée Difficile ou très difficile Juste Aisé ou « ça va »
Ensemble 12 32 56
Famille monoparentale 25 38 37
Couple avec enfants 13 33 54
Couple sans enfants 6 29 65
Personne seule 15 35 51
Supérieur au bac 7 23 70
Bac 14 33 53
Inférieur au bac 13 38 49
Sans diplôme 21 40 39
Inactif 10 32 58
Chômeur 35 35 31
Actif en emploi 11 32 57
  • Lecture : au printemps 2020, en Auvergne-Rhône-Alpes, 21 % des adultes sans diplôme jugent leur situation financière « difficile » ou « très difficile », 40 % la considèrent comme « juste » et 39 % ne déclarent pas de soucis financiers.
  • Source : Inserm-Drees, enquête EpiCov, vague 1.

Figure 2Perception de la situation financière selon la situation professionnelle, le diplôme et la composition familiale

  • Lecture : au printemps 2020, en Auvergne-Rhône-Alpes, 21 % des adultes sans diplôme jugent leur situation financière « difficile » ou « très difficile », 40 % la considèrent comme « juste » et 39 % ne déclarent pas de soucis financiers.
  • Source : Inserm-Drees, enquête EpiCov, vague 1.

Les familles monoparentales sont les plus affectées…

Au printemps 2020, les familles monoparentales sont les plus touchées : 63 % déclarent des soucis financiers, soit près de deux fois plus que les couples sans enfants (35 %) (figure 2). En position intermédiaire, se trouvent les personnes seules et les couples avec enfants (50 %). En outre, un quart des familles monoparentales évoquent une grande difficulté financière, soit deux fois plus que les couples avec enfants et les personnes seules, et quatre fois plus que les couples sans enfants. Les parents de familles monoparentales sont moins souvent en emploi et, lorsqu’ils en occupent un, il s’agit plus souvent d’emplois faiblement rémunérateurs et à temps partiel. À caractéristiques égales, les familles monoparentales ont 2,6 fois plus de risque de déclarer des soucis financiers que les personnes qui vivent seules.

… tout comme les femmes

Quelle que soit la composition familiale, les femmes sont plus touchées que les hommes : 45 % connaissent des soucis financiers et 13 % une grande difficulté financière, soit 2 points de plus que les hommes dans les deux cas. Toutefois, l’analyse « toutes choses égales par ailleurs » montre que le sexe joue peu sur la situation financière. Ce n’est donc pas le fait d’être une femme qui augmente le risque de ressentir des soucis financiers, mais davantage les situations individuelles (type de ménage, situation professionnelle, salaire pour un même volume de travail, etc.) (pour en savoir plus).

Des soucis financiers plus prégnants autour de la quarantaine

La proportion de personnes évoquant des soucis financiers augmente progressivement jusqu’à 40-49 ans, puis diminue. Ainsi, jusqu’à 29 ans, environ 4 personnes sur 10 déclarent avoir des soucis financiers ; de 30 à 60 ans, cette proportion est de 5 personnes sur 10, pour revenir à environ 4 sur 10 après 60 ans. La proportion de personnes en grande difficulté financière suit une évolution proche. Ces résultats peuvent être contre-intuitifs s’agissant des jeunes, pour lesquels le niveau de vie est notoirement plus faible. On peut penser que, parmi les plus modestes financièrement, les jeunes sont ceux qui surestiment le plus souvent leur niveau de vie perçu par rapport à la mesure statistique de celui-ci. Ainsi, les jeunes peuvent vivre plus facilement des soucis financiers, davantage acceptés en début de vie active. Par ailleurs des aides intergénérationnelles peuvent s’associer à leurs revenus et ainsi jouer sur le ressenti. D’autre part, si le niveau de vie des jeunes est plus faible, la part des dépenses incompressibles de ces ménages (dépenses non arbitrables, liées à l’alimentaire, la santé, l’éducation, ou le transport par exemple) est en revanche plus faible que la moyenne. Cela signifie que leurs choix de consommation sont moins contraints que ceux de leurs aînés. Enfin, certains jeunes adultes vivent encore dans le foyer parental. À caractéristiques identiques, les trentenaires et quarantenaires ont 1,8 fois plus de risque de percevoir des soucis financiers que les moins de 25 ans. Ces classes d’âge sont celles qui sont les plus susceptibles d’avoir des prêts à rembourser, notamment immobiliers.

Ayant souvent moins de contraintes financières liées aux enfants et aux emprunts, et des revenus plus élevés du fait de leur avancée dans la vie active, les actifs les plus âgés sont, d’une part, parmi ceux qui épargnent le plus, et d’autre part, ceux dont le niveau de vie est le plus élevé. Enfin, si les retraités, ont un niveau plus faible que ces actifs, à l’aube de la crise sanitaire, leur situation financière semble néanmoins peu affectée.

Les soucis financiers vont de pair avec un moins bon état de santé

Les personnes faisant part de soucis financiers se déclarent plus souvent en « mauvais » ou « très mauvais » état de santé général que les autres (6 % contre 4 % en moyenne dans la région) (figure 3). Elles sont également moins souvent en « très bon » état de santé général. Les personnes en grande difficulté financière se perçoivent encore plus souvent en « mauvais » ou « très mauvais » état de santé (8 %) que les autres. En outre, plus la situation financière est déclarée fragile, plus la part de est importante. C’est le cas de 44 % des adultes en grande difficulté financière, de 41 % de celles évoquant des soucis financiers et 35 % de celles n’en déclarant pas. Cela résulte en partie du fait que les plus modestes ont plus de risque de renoncer à des soins médicaux. Certaines pathologies, telles que l’asthme, les troubles digestifs ou les problèmes articulaires, affectent aussi plus particulièrement les personnes avec des soucis financiers. Ces écarts s’expliquent notamment par des différences de mode de vie et de conditions de travail (pour en savoir plus). Le lien entre état de santé et situation financière peut jouer dans les deux sens : un état de santé dégradé peut affecter la situation professionnelle et donc financière, et des soucis financiers peuvent dégrader les conditions de vie et le recours aux soins, ce qui influe sur la santé.

Figure 3Ressenti de l’état de santé général selon la situation financière déclarée

en %
Ressenti de l’état de santé général selon la situation financière déclarée (en %) - Lecture : au printemps 2020, en Auvergne-Rhône-Alpes, 28 % des adultes qui déclarent une situation financière difficile ou très difficile se sentent en très bon état de santé général, 38 % en bon état, 26 % en assez bon état et 8 % en mauvais ou très mauvais état de santé général.
Situation financière perçue regroupée Très bon Bon Assez bon Mauvais et très mauvais
Sans soucis financiers 39 43 16 2
Avec des soucis financiers 29 42 23 6
Dont situation financière difficile ou très difficile 28 38 26 8
  • Lecture : au printemps 2020, en Auvergne-Rhône-Alpes, 28 % des adultes qui déclarent une situation financière difficile ou très difficile se sentent en très bon état de santé général, 38 % en bon état, 26 % en assez bon état et 8 % en mauvais ou très mauvais état de santé général.
  • Source : Inserm-Drees, enquête EpiCov, vague 1.

Figure 3Ressenti de l’état de santé général selon la situation financière déclarée

  • Lecture : au printemps 2020, en Auvergne-Rhône-Alpes, 28 % des adultes qui déclarent une situation financière difficile ou très difficile se sentent en très bon état de santé général, 38 % en bon état, 26 % en assez bon état et 8 % en mauvais ou très mauvais état de santé général.
  • Source : Inserm-Drees, enquête EpiCov, vague 1.

Une fois sur cinq, les soucis financiers s’accompagnent d’un syndrome dépressif

Au début de la crise sanitaire, 18 % des personnes qui connaissent des soucis financiers présentent un syndrome dépressif en Auvergne-Rhône-Alpes (contre 13 % en moyenne dans la région). C’est le double des personnes sans soucis financiers.

C’est même le cas de 27 % de celles qui se déclarent en grande difficulté financière. La crise sanitaire semble avoir eu de fortes répercussions sur la santé mentale. En effet, la diminution des interactions sociales, provoquée par les confinements, les couvre-feux, la fermeture des lieux de vie sociale ou la mise en place massive du télétravail ont fait croître le nombre de personnes souffrant d’anxiété ou de dépression. En mai 2020, 21 % des personnes de moins de 30 ans ont des syndromes dépressifs : c’est le double de leurs aînés. En outre, la santé physique peut influer sur la santé mentale, et inversement. Les syndromes dépressifs sont, en effet, plus fréquents chez les personnes ayant une maladie chronique ou limitante (18 % d’entre elles). Enfin, les femmes ont aussi plus souvent des syndromes dépressifs (16 %, soit 6 points de plus que les hommes). Ces écarts peuvent s’expliquer notamment par des normes sociales ainsi que par des conditions de travail différenciées entre femmes et hommes. Ils peuvent aussi en partie provenir de l’inégale répartition des tâches ménagères et parentales et de la charge mentale. À l’issue de ce confinement, les syndromes dépressifs ont d’ailleurs augmenté particulièrement chez les femmes et les jeunes de 15 à 25 ans.

Les personnes avec des soucis financiers sont plus exposées dans un contexte de pandémie

Les personnes qui ont des soucis financiers sont plus exposées à l’épidémie de Covid-19. En premier lieu, elles ont moins recours au télétravail et travaillent donc plus souvent en contact avec d’autres personnes. Les personnes déclarant des soucis financiers avaient, avant le confinement du printemps 2020, deux fois moins recours au télétravail (10 %) que celles sans soucis financiers. Au cours de ce confinement, 43 % des actifs en emploi ont télétravaillé (dont 26 % à temps complet). C’est le cas de seulement 28 % des personnes avec des soucis financiers (dont 16 % en télétravail complet). Les personnes ressentant des soucis financiers sont aussi plus exposées lors d’une pandémie puisqu’elles vivent plus fréquemment dans un logement surpeuplé. Cela concerne 23 % des personnes en grande difficulté financière et 12 % de celles sans difficulté financière.

Par ailleurs, la circulation de la Covid-19 a en particulier été plus importante dans les zones denses, où les habitants en grande difficulté financière sont plus présents (14 %). En revanche, ceux des communes rurales le sont moins fréquemment (11 %).

Enfin, certains métiers dits essentiels, c’est-à-dire appartenant aux services considérés comme indispensables (alimentation, santé, transports, sécurité), sont très fortement touchés par les difficultés financières, tout en étant fortement exposés au risque sanitaire. Ainsi, 68 % des agents de sécurité et des aides à domicile, aides à la personne et aides ménagères déclarent des soucis financiers. C’est aussi le cas de 63 % des agents de propreté et de 62 % des artisans et salariés du bâtiment.

Les soucis financiers s’accroissent chez les plus vulnérables à l’aube de la crise sanitaire

Pendant le confinement du printemps 2020, les difficultés financières perçues s’accroissent chez les plus vulnérables. 39 % des personnes ayant des soucis financiers considèrent que leur situation financière s’est dégradée au cours des deux premiers mois du confinement, soit près de quatre fois plus que celles sans soucis financiers (11 %). Celles en grande difficulté financière le déclarent même près de six fois plus (60 %). Les habitants des départements les plus touristiques de la région sont ceux qui déclarent le plus souvent que leur situation financière s’est dégradée depuis le début du confinement. Ainsi, en Savoie et en Haute-Savoie, 25 % des personnes sont dans ce cas ; cette part s’établit à 24 % en Isère, en Ardèche et dans le Rhône et 23 % dans l’Ain. En revanche, bien que le Cantal et l’Allier soient les départements les plus affectés par les difficultés financières, seuls 19 % des individus ont considéré que leur situation financière s’était dégradée.

Encadré 1 – Taux de pauvreté et niveau de vie ressenti

Cette étude s’intéresse à la situation financière ressentie qui se recoupe en partie avec le niveau de vie mesuré. En 2019, 12,8 % des habitants d’Auvergne-Rhône-Alpes vivent sous le seuil de pauvreté. C’est l’un des taux les plus faibles de France métropolitaine, derrière celui des Pays de la Loire et de la Bretagne. Au-delà de la mesure objectivée du niveau de vie, le ressenti des personnes peut être différent en fonction de leurs conditions de vie par exemple. Celles qui se déclarent en grande difficulté financière vivent, en effet, nettement plus souvent sous le seuil de pauvreté que les autres. Toutefois, les personnes connaissant des soucis d’ordre financier correspondent à un spectre plus large que celles vivant sous le seuil de pauvreté, et plus d’un tiers d’entre elles ont d’ailleurs un niveau de vie supérieur au niveau de vie médian.

Encadré 2 – L’Allier, le Cantal et l’Ardèche : les plus touchés par les soucis financiers

L’Allier et le Cantal sont les départements où la proportion de personnes qui perçoivent des soucis financiers est la plus importante de la région (53 %, soit 9 points de plus que la moyenne régionale) (figure). L’Ardèche est aussi fortement touchée (51 %), puis la Drôme (47 %). À l’opposé, le Rhône et la Haute-Savoie sont les moins affectés (41 %).

Les soucis financiers sont plus présents dans les départements les plus ruraux. Cela s’explique en partie par un taux de chômage plus élevé. De plus, les actifs présents dans ces territoires sont moins diplômés. Ainsi, en 2018, les personnes qui n’ont aucun diplôme ou un diplôme inférieur au baccalauréat représentent 25 % de la population non scolarisée de 15 ans et plus dans l’Allier et le Cantal, 24 % dans la Loire et 22 % en Ardèche et dans la Drôme, alors que la moyenne régionale s’établit à 20 %. Dans ces territoires, les personnes âgées sont plus présentes, mais celles-ci ne déclarent pas plus de soucis financiers que la moyenne. Si les départements ruraux sont ceux qui comptent les plus fortes proportions de personnes avec des soucis financiers, c’est dans les grandes métropoles que les effectifs y sont les plus élevés.

Part et nombre de personnes de 15 ans ou plus qui déclarent avoir des soucis financiers, par département

Part et nombre de personnes de 15 ans ou plus qui déclarent avoir des soucis financiers, par département
Département Libellé département Nombre de personnes de 15 ans ou plus qui déclarent avoir des soucis financiers Part des foyers où la situation financière est juste, difficile ou très difficile (en %)
69 Rhône 609 997 41,0
74 Haute-Savoie 268 011 41,3
63 Puy-de-Dôme 231 248 43,2
42 Loire 267 654 43,3
43 Haute-Loire 79 439 43,3
01 Ain 224 444 43,9
73 Savoie 157 402 44,4
38 Isère 461 266 45,4
26 Drôme 195 136 46,9
07 Ardèche 137 172 51,0
03 Allier 147 931 52,9
15 Cantal 64 410 53,4
  • Source : Inserm-Drees, enquête EpiCov, vague 1.

Part et nombre de personnes de 15 ans ou plus qui déclarent avoir des soucis financiers, par département

  • Source : Inserm-Drees, enquête EpiCov, vague 1.

Encadré 3 – Le mot du partenaire

En choisissant d’être partenaire de l’Insee pour la réalisation de cette étude, la DREETS s’inscrit dans son coeur de métier visant à protéger les personnes fragiles et vulnérables et à lutter contre les exclusions. Mieux connaître qui sont, en début de pandémie, les personnes en difficultés financières dans la région, quel est leur profil socio-démographique, leur état de santé, sont autant d’éléments d’information précieux permettant d’adapter au mieux la mise en œuvre des politiques publiques qui leur sont dédiées pour accroître leur efficacité. À l’heure où la question du pouvoir d’achat s’impose dans le débat public et dans un contexte de retour de l’inflation, la production de cette étude est particulièrement éclairante. Elle permet de guider au mieux l’action de la DREETS et du réseau des Directions départementales de l’emploi, du travail et des solidarités (et de la protection des populations), les DDETS (PP), fortement mobilisées, en lien étroit avec Madame la commissaire à la lutte contre la pauvreté, l’agence régionale de santé et sous l’autorité préfectorale, dans la déclinaison régionale et départementale de la stratégie nationale de lutte contre la pauvreté.

Publication rédigée par :Johanne Aude, Emma Bianco (Insee)

Sources

L’enquête Épidémiologie et conditions de vie (Epicov.fr) a été mise en place par l’Inserm, la Drees, Santé Publique France et l’Insee dans le contexte de la pandémie de Covid-19. Son objectif est d’estimer la dynamique de l’épidémie à un niveau national et départemental et d’étudier l’effet du confinement et de l’épidémie sur les conditions de vie. La première vague de l’enquête s’est déroulée entre le 2 mai et le 2 juin 2020, à cheval entre le confinement de la population et le début du déconfinement.

Afin de comprendre l’influence des caractéristiques des individus sur leur probabilité d’avoir des soucis financiers, une régression logistique a été mise en œuvre. Elle permet d’isoler l’effet propre de chacune des variables explicatives indépendamment des autres. Cela signifie que pour chaque variable, la probabilité est déterminée « toutes choses égales par ailleurs » par rapport à une population de référence. Les facteurs pris en compte sont le sexe, l’âge, le niveau de diplôme, la situation professionnelle, la composition du ménage, le fait d’être d’être malade et celui de vivre dans un logement surpeuplé.

Définitions

Dans cette étude, les personnes malades souffrent d’une maladie ou d’un problème de santé chronique ou de caractère durable ou sont limités, depuis au moins 6 mois, à cause d’un problème de santé, dans les activités que les gens font habituellement. Une personne présente un syndrome dépressif si elle déclare au moins l’un de ces symptômes : « le peu d’intérêt ou de plaisir à faire les choses » ou « la tristesse, la déprime ou le désespoir » ainsi qu’avoir été, la moitié du temps ou plus, gênée par au moins deux de ces huit problèmes : le peu d’intérêt ou de plaisir à faire les choses ; la tristesse, la déprime ou le désespoir ; les problèmes de sommeil ; la fatigue ou le manque d’énergie ; une perte d’appétit ou le fait de manger trop ; la faible estime de soi ; les difficultés de concentration ; le ralentissement psychomoteur ou, à l’inverse, l’agitation.

Le niveau de vie est égal au revenu disponible du ménage (c’est-à-dire le revenu à la disposition du ménage pour consommer et épargner) divisé par le nombre d’unités de consommation (UC). Il est donc le même pour tous les individus d’un même ménage. Le premier adulte du ménage correspond à 1 UC, les autres personnes de 14 ansou plus à 0,5 UC et les enfants de moins de 14 ans à 0,3 UC. Le niveau de vie médian national correspond au niveau de vie au-dessous duquel se situe la moitié des individus.

Un individu (ou un ménage) est considéré comme pauvre lorsque son niveau de vie est inférieur au seuil de pauvreté, soit 60 % du niveau de vie médian.

Un logement est surpeuplé quand il lui manque au moins une pièce par rapport à la norme « d’occupation normale », fonction de la structure du ménage, de l’âge et du sexe des enfants. Les studios occupés par une personne sont exclus du champ.