Insee Analyses Bretagne · Juillet 2023 · n° 118

En dix ans, dans les trois plus grandes aires d’attraction des villes du Morbihan, les flux domicile-travail sortant de l’aire de résidence s’intensifient

Le département du Morbihan comprend 17 aires d’attraction des villes (AAV), sans compter l’AAV de Redon qui comprend dix communes du Morbihan. Par ailleurs, sur les 249 communes du département, 96 se situent en dehors des AAV.

L’étude porte sur un territoire regroupant les trois plus grandes AAV du Morbihan : les AAV de Lorient et de Vannes qui dépassent les 200 000 habitants en 2019 et celle de Pontivy qui compte plus de 40 000 habitants. Ces trois AAV concentrent les deux tiers de la population du département. La construction de ce territoire d’étude est motivée d’une part par la taille de la population des zones concernées et d’autre part par leur proximité avec les grands axes routiers structurant le territoire : la route nationale 165 (reliant Brest à Nantes), la route nationale 24 (reliant Lorient à Rennes) et les routes départementales 767 et 768 (axes transversaux Vannes-Lannion et Quiberon-Loudéac).

Le dynamisme démographique et économique de ce territoire génère un accroissement des déplacements domicile-travail et constitue un enjeu d’aménagement pour le territoire.

En 2019, les AAV de Lorient, Vannes et Pontivy comptent respectivement 227 100, 203 400 et 40 600 habitants. Dans ces trois AAV, les deux tiers de la population se concentrent dans les couronnes, une part plus importante qu’au niveau national, où la moitié des habitants des AAV se situent dans les couronnes.

Avec une croissance de sa population de 0,7 % par an en moyenne entre 2008 et 2019, soit un peu plus de 3 000 habitants supplémentaires par an sur cette période, le territoire étudié confirme son dynamisme démographique observé au cours de la décennie précédente. Cette progression annuelle moyenne est supérieure à celle enregistrée dans le département (+0,6 %) et en France métropolitaine (+0,4 %). Ce rythme de croissance démographique tend toutefois à diminuer depuis 1999. Par ailleurs, il n’est pas homogène sur le territoire (figure 1). En effet, la croissance de l’AAV de Vannes est la plus dynamique (+1,0 % par an), alors que dans les deux autres AAV, elle est plus limitée (+0,4 % par an).

L’augmentation de la population s’observe majoritairement dans les couronnes (+1,0 % par an entre 2008 et 2019, contre +0,1 % pour les pôles). Le pôle de Lorient perd même de la population (-0,1 % par an). L’aire d’attraction de Pontivy fait exception puisque la croissance de la population est nettement plus forte dans le pôle que dans la couronne (respectivement +0,9 % et +0,1 % par an). Dans l’ensemble du territoire d’étude, l’augmentation de la population est encore plus marquée dans les communes des couronnes non attenantes aux pôles, qui affichent une progression de 1,4 %, contre 0,4 % pour les communes limitrophes des pôles.

Le ralentissement de la croissance démographique résulte principalement du solde naturel. Celui-ci est négatif depuis 2015 et se creuse depuis. En effet, entre 2008 et 2019, le nombre annuel de naissances a diminué, tandis que le nombre de décès a augmenté. Cette évolution s’explique notamment par le vieillissement de la population avec l’arrivée des générations nombreuses du baby-boom à des âges de forte mortalité (figure 2).

L’augmentation de la population repose donc sur un solde migratoire positif. En 2019, 19 300 personnes se sont établies dans les trois AAV, tandis qu’elles étaient 15 500 à en partir, soit un excédent migratoire de 3 800 personnes. Ce sont les couronnes qui portent cet excédent migratoire, avec 3 400 habitants supplémentaires en un an. Dans les pôles, les arrivées ne compensent que de peu les départs. Seule l’AAV de Pontivy fait exception, avec un solde migratoire largement positif dans le pôle alors que la couronne a un solde migratoire quasiment nul.

En 2019, les jeunes (18-24 ans) sont les plus nombreux à quitter le territoire tout en étant aussi les plus nombreux à y arriver. Il s’agit de la seule tranche d’âge à avoir un solde migratoire déficitaire (figure 3). A contrario , le territoire est très attractif en particulier pour les personnes âgées de 55 ans ou plus. En effet, les 55-64 ans et les 65 ans ou plus sont deux fois plus nombreux à arriver qu’à partir. La tranche d’âge des 55-64 ans notamment contribue fortement à l’excédent migratoire. En revanche, dans les couronnes, ce sont les 25-39 ans qui sont majoritaires dans les arrivées nettes, tandis que les pôles perdent des habitants de cette tranche d’âge.

Les actifs, occupés ou non, représentent la majorité des entrants sur ce territoire en 2019 (56 %), tandis que les retraités en représentent 16 %. Cette part des retraités dans les arrivées est cependant plus importante que dans les départs (9 %), alors que pour les actifs (53 % des départs du territoire), la différence est moins marquée.

Les trois AAV étudiées comptent 209 000 actifs dont 183 300 occupent un emploi. Entre 2008 et 2019, la population active en emploi a crû en moyenne de 0,3 % par an. Cette croissance est portée par les couronnes (+0,7 %), alors que les pôles perdent de la population active en emploi (-0,5 %).

L’AAV de Vannes enregistre la progression de population active en emploi la plus forte, notamment dans sa couronne (+1,0 % par an en moyenne). Dans l’ensemble des trois AAV, ce sont les seniors (55-64 ans) qui ont le plus contribué à cette hausse, particulièrement dans les couronnes. Dans l’AAV de Pontivy, cependant, la population active en emploi chute au contraire de 0,2 % par an, mais principalement dans la couronne (-0,3 %), en cohérence avec une augmentation de la population qui se concentre dans le pôle.

Économiquement dynamiques, les trois AAV comptent 185 200 emplois en 2019. Le nombre d’emplois progresse en moyenne de +0,4 % par an entre 2008 et 2019 ; c’est un peu plus qu’au niveau du département (+0,3 %). L’emploi augmente plus fortement dans les couronnes (+0,8 % par an). Si l’emploi reste – par construction – plus localisé dans les pôles, il y est cependant stable depuis 2008. Du reste, dans l’AAV de Pontivy, le nombre d’emploi diminue fortement dans le pôle (-1,0 % par an), alors qu’il augmente au contraire de façon significative dans la couronne (+1,7 %). Seul le pôle de Vannes connaît une progression de l’emploi (+0,3 %).

En 2019, les trois AAV regroupent 65 % des emplois du département. Les pôles concentrent la moitié des emplois du territoire d’étude (51 %) mais seulement 25 % des actifs en emploi du territoire y résident. Ils offrent 176 emplois pour 100 actifs occupés en 2019. Dans les couronnes, les emplois sont nettement moins nombreux que les actifs occupés (70 emplois pour 100 actifs occupés). Les pôles concentrent donc largement les activités et les emplois ; ainsi, une forte proportion d’actifs y travaillent.

La hausse de l’emploi dans les trois AAV (+4,8 % entre 2008 et 2019) est particulièrement portée par le secteur tertiaire, qui compte un peu plus de 141 000 actifs en 2019, soit 76 % des emplois. Cette proportion ne cesse d’augmenter depuis 2008 et reste au-dessus de la moyenne départementale (73 %). C’est le seul grand secteur à avoir des effectifs en hausse (+7,8 %). À l’intérieur du territoire, la progression se fait aussi bien dans les couronnes que dans les pôles, mais ce secteur est nettement plus présent dans les pôles (84 % des emplois, contre 68 % dans les couronnes).

Plus en détail, le tertiaire marchand et le tertiaire non marchand contribuent chacun à cette progression. Les activités présentielles, c’est-à-dire liées à la satisfaction des besoins de la population locale, sont majoritaires (72 %) mais ne progressent pas depuis 2008.

Si les secteurs de l’industrie et de la construction perdent des emplois, ils résistent mieux qu’au niveau du département. Les couronnes sont plutôt industrialisées. Ainsi, elles concentrent 18 % des emplois industriels, contre à peine 10 % pour les pôles. Les effectifs industriels des couronnes progressent de 6 % en 10 ans, tandis qu’ils baissent de 13 % dans les pôles. A contrario , dans la construction, ce sont les couronnes qui perdent le plus d’emploi (-12 % entre 2008 et 2019, contre -1 % dans les pôles).

Les actifs en emploi résidant dans le périmètre étudié travaillent soit dans le pôle ou la couronne où ils habitent (ils ne sont alors pas considérés ici comme navetteurs), soit au sein de leur AAV de résidence avec un déplacement couronne-pôle ou pôle-couronne (navetteurs intra-AAV), soit en dehors de leur AAV (navetteurs extra-AAV). En 2019, 90 000 personnes, soit près d’un actif en emploi sur deux (49 %), effectuent des navettes domicile-travail quotidiennes, au sens retenu dans cette étude. Ce sont en majorité des navetteurs intra-AAV (57 %), qui dans 8 cas sur 10 font le trajet de la couronne vers le pôle. Cette part est plus importante dans l’AAV de Vannes (86 %) que dans celles de Lorient et de Pontivy (respectivement 72 % et 71 %). Les navetteurs extra-AAV (43 %) sont très majoritairement des habitants des couronnes (77 %).

La part des navetteurs dans les actifs occupés a progressé entre 2008 et 2019 (+1,5 point) et le nombre d’actifs occupés a augmenté dans le territoire d’étude sur cette période ; cela porte à 5 500 le nombre de navetteurs supplémentaires en 11 ans. Cette progression repose exclusivement sur les navetteurs extra-AAV (figure 4). Ces nouveaux navetteurs résident principalement dans l’AAV de Vannes. Le nombre de navetteurs intra-AAV est ainsi stable sur la période : la légère augmentation du nombre d’actifs allant de la couronne vers le pôle dans chacune des AAV du territoire est compensée par la diminution du nombre d’actifs allant du pôle vers la couronne. Pour les AAV de Lorient et de Pontivy, le nombre de navetteurs intra-AAV diminue même entre 2008 et 2019, que ce soit dans le sens couronne-pôle ou pôle-couronne.

La part de navetteurs dans la population active peut s’expliquer par différents facteurs. En premier lieu, le ratio entre emplois et actifs occupés dans les pôles en constitue un facteur naturel. D’autre part, le nombre de couples bi-actifs (couples dont les deux membres ont un emploi) a une traduction directe sur le nombre de navetteurs puisque chacun des membres peut travailler dans un lieu différent. Or dans les trois AAV du territoire d’étude, 51 200 couples sont des couples bi-actifs, et dans 8 cas sur 10, ces couples résidents dans les couronnes. L’évolution du nombre de navetteurs peut quant à elle s’expliquer en partie par les évolutions différenciées de la population active en emploi et des emplois dans les différentes zones.

Les flux domicile-travail dessinent des réseaux d’échanges privilégiés entre AAV (figure 5). Les flux s’orientent principalement vers les AAV voisines et s’organisent autour des grands axes routiers, avec notamment la N165 qui relie Vannes à Lorient.

Les navettes domicile-travail extra-AAV des actifs habitant dans les trois AAV du territoire d’étude sont le plus souvent à destination des AAV limitrophes. Ainsi, pour les AAV de Lorient et de Vannes, une grande partie des échanges s’effectuent entre elles et avec les AAV de Quimperlé et d’Auray. Celle de Pontivy est plutôt en relation avec celle de Loudéac.

Si les échanges d’actifs entre les AAV de Vannes et de Lorient s’équilibrent en 2019, les actifs quittant l’AAV de Vannes pour aller travailler dans les AAV d’Auray, de Rennes, de Nantes, de Pontivy, de Locminé et de Ploërmel sont plus nombreux que ceux effectuant le trajet inverse. De même, ceux qui résident dans l’AAV de Lorient et travaillent dans les AAV d’Auray, de Rennes et de Pontivy sont plus nombreux que les actifs réalisant le trajet dans l’autre sens. En revanche, les échanges Lorient-Quimper s’équilibrent et le flux de navetteurs de l’AAV de Lorient à celle de Quimperlé, bien qu’important, est nettement inférieur au flux opposé. Enfin, les actifs de l’AAV de Pontivy travaillant dans l’AAV de Loudéac sont plus nombreux que ceux de Loudéac venant travailler à Pontivy.

Les déplacements domicile-travail des actifs travaillant en dehors de l’AAV où ils résident (navettes extra-AAV) augmentent globalement entre 2008 et 2019. Seuls les flux des AAV de Pontivy et de Vannes vers l’AAV de Locminé s’amenuisent légèrement, et le nombre d’actifs de l’AAV de Vannes qui vont travailler dans l’AAV d’Auray se stabilise.

Dans l’AAV de Vannes, si les flux de navetteurs depuis les communes limitrophes du pôle vers le pôle sont encore les plus importants, ceux-ci tendent à diminuer. Au contraire, les communes plus éloignées du pôle connaissent une augmentation de leur nombre de navetteurs. Ainsi, les communes de Locmaria, Grand-Champ, La Trinité-sur-Mer, Surzur et Sainte-Anne-d’Auray ont une très forte croissance des actifs qui vont travailler dans le pôle de Vannes. Dans l’AAV de Lorient, si globalement le flux d’actifs de la couronne vers le pôle diminue, Lanester attire de plus en plus les actifs des communes de Kervignac, Hennebont et Quéven. L’AAV de Pontivy fait exception puisque le pôle envoie plus de navetteurs vers la couronne proche, notamment Noyal-Pontivy, qu’elle n’en reçoit du pôle. Dans l’ensemble, les communes de la couronne de Pontivy ont des flux vers le pôle qui diminuent entre 2008 et 2019.