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Insee Analyses Martinique · Mai 2022 · n° 53
Insee Analyses MartiniqueL’activité reprend son souffle en 2014 suite au choc économique et social de 2009 L’économie martiniquaise de 2000 à 2020

Clémentine Garandeau (Insee)

Avant que la crise sanitaire liée à la pandémie de Covid-19 ne porte un coup de frein à l’économie martiniquaise en 2020, la crise économique mondiale initiée en 2007 et la crise sociale locale de 2009 sont incontestablement les évènements les plus marquants de la période 2000-2019, entraînant une chute brutale de la croissance martiniquaise à - 6% en 2009. Les agents économiques font alors preuve de prudence. Les ménages contiennent leurs dépenses d’investissement et de consommation, même si leur pouvoir d’achat continue de s’améliorer. L’activité des entreprises est affectée, avec un ralentissement de la valeur ajoutée et un véritable coup de frein porté à l’investissement. Il faut attendre 2014 pour observer les prémices d’un redémarrage économique en termes de créations d’entreprises et d’investissement et la fin 2017 en termes d’emplois, jusqu’à 2020 où la croissance recule de - 3,9 %. Toutefois, de nouveaux enjeux émergent, entre changements démographiques et défis environnementaux.

Insee Analyses Martinique
No 53
Paru le :Paru le05/05/2022

La Martinique n’est pas épargnée par la crise économique mondiale de la fin des années 2000. La crise financière déclenchée en 2007 aux États-Unis impacte rapidement l’économie réelle mondiale. En 2009, la Martinique entre en récession avec une chute de la croissance de 6,0 % (- 2,9 % pour la France entière) (figure 1).

Figure 1Taux de croissance du PIB en volume de la Martinique et de la France entière

en %
Taux de croissance du PIB en volume de la Martinique et de la France entière (en %)
Taux de croissance Martinique France
2000 0,5 3,9
2001 4,7 2,0
2002 1,5 1,1
2003 3,5 0,8
2004 3,2 2,8
2005 2,8 1,7
2006 2,9 2,4
2007 1,2 2,4
2008 3,5 0,3
2009 -6,0 -2,9
2010 2,7 1,9
2011 2,2 2,2
2012 0,6 0,3
2013 -1,0 0,6
2014 2,1 1,0
2015 0,8 1,1
2016 -1,5 1,1
2017 0,1 2,3
2018 0,9 1,7
2019 1,4 1,5
  • Sources : Insee, comptes économiques définitifs et comptes nationaux; Cerom, comptes économiques rapides.

Figure 1Taux de croissance du PIB en volume de la Martinique et de la France entière

  • Sources : Insee, comptes économiques définitifs et comptes nationaux; Cerom, comptes économiques rapides.

Une activité ralentie suite à la crise de 2009

L’économie subit un net ralentissement suite à la crise de 2009 : la croissance s’établit à + 0,6 % en moyenne par an sur la période 2010-2019 au lieu de + 2,9 % au cours des années 2000-2008. Tous les agents économiques en subissent les conséquences : les entreprises réduisent leurs investissements et l’emploi privé se contracte. La consommation des ménages ralentit, comme leurs investissements. Les administrations centrales resserrent leur budget avec un ralentissement significatif des salaires versés (du, notamment à la stagnation du point d’indice et au non remplacement d’un fonctionnaire sur deux) et dans une moindre mesure de l’investissement. Si le recul de la demande est essentiellement lié au facteur exogène que constitue la crise économique, il est amplifié par deux facteurs endogènes : le premier, d’ordre conjoncturel, concerne la crise sociale de 2009 et le second, d’ordre structurel, est lié au recul démographique. En effet, à partir de 2007, la population diminue sensiblement, au point qu’en 2013 elle repasse sous le niveau atteint en 2000. Conséquence d’une demande en retrait, les importations se contractent (figure 2). Le PIB en volume par habitant ralentit également : + 1,5 % en moyenne par an après la crise de 2009 au lieu de + 2,5 % avant . La Martinique reste le premier, parmi les départements et régions d’outre-mer (DROM) en termes de PIB par habitant. Ce dernier s’élève à 25 100 euros en 2019, soit 70 % du niveau national (36 100 euros).

Figure 2Poids dans le PIB des grands agrégats macro-économiques

en %
Poids dans le PIB des grands agrégats macro-économiques (en %)
Consommation des ménages Consommation des administrations FBCF Variations de stocks Exportations Importations
Martinique 2000 66,5 38,9 22,1 0,7 12,0 -40,3
Martinique 2019 55,6 43,9 21,6 -0,1 12,5 -33,4
France 2019 68,8 8,1 23,6 0,5 31,8 -32,7
  • Sources : Insee, comptes économiques définitifs et comptes nationaux; Cerom, comptes économiques rapides.

Figure 2Poids dans le PIB des grands agrégats macro-économiques

  • Note de lecture : la consommation des ménages représente 67 % du PIB martiniquais en 2000 et 56 % en 2019 (69 % sur la France entière en 2019). Les importations, comptabilisées négativement dans le , représentent 33 % du PIB en 2019 en Martinique.
  • Sources : Insee, comptes économiques définitifs et comptes nationaux; Cerom, comptes économiques rapides.

Le pouvoir d’achat se rapproche du niveau national

En 2019, le revenu disponible brut (RdB) par habitant s’établit à 19 300 euros , il est de 21 900 euros pour la France entière. L’écart avec la valeur nationale s’établit ainsi à 12 %. Cet écart s’est réduit de plus de moitié depuis 2000 où il s’élevait à 26 %. Ce rattrapage s’explique notamment par l’alignement du montant du revenu minimum d’insertion (RMI) et du Salaire minimum interprofessionnel de croissance (Smic) sur ceux de la France métropolitaine, qui s’achève en janvier 2002, et par la . La Martinique reste le premier des DROM en termes de Rdb par habitant. La valeur martiniquaise est supérieure à celle de la Guadeloupe (18 400 euros par habitant), de La Réunion (18 300 euros par habitant) et bien supérieure à celle de la Guyane (11 600 euros par habitant). Le territoire se place en seconde position après la Guadeloupe en termes de vitesse de rattrapage avec le niveau national entre 2000 et 2019 (+ 14 points au lieu de + 22 points).

En lien avec le rattrapage du revenu disponible brut par habitant, l’évolution du pouvoir d’achat par habitant se maintient sur 2010-2019, à + 1,0 % en moyenne par an, un rythme supérieur à celui observé sur la France entière (+ 0,5 %), signe d’un rattrapage qui se poursuit avec le niveau national. Auparavant, il progressait de 1,7 % par an sur 2000-2008 (+ 1,2 % sur la France entière).

La consommation et l’investissement des ménages se contractent

Entre 2010 et 2019, la consommation des ménages stagne (+ 0,1 %) après une progression de + 4,0 % sur 2000-2008 en moyenne par an. Après neutralisation de l’évolution des prix (+ 0,9 % en moyenne par an sur 2010-2019) et en tenant compte de la baisse démographique (- 0,9 %), le constat reste le même : elle ne dépasse pas + 0,1 % en moyenne par an en volume par habitant sur la période 2010-2019, après une hausse de + 1,2 % sur la période 2000-2008 et une forte chute en 2009 (- 5,7 %). En 2010, cependant, elle retrouve le niveau de 2008 grâce à un rebond de 8,7 %. Dans la France entière, le niveau de consommation en volume par habitant de 2008 est atteint de nouveau en 2016.

En 2017, les ménages martiniquais consomment en moyenne 1 280 € par mois par unité de consommation, soit un écart de - 14,5 % par rapport à la France métropolitaine où la moyenne est de 1 510 €. Le principal poste de consommation reste le transport : il pèse 20 % dans le budget des ménages en 2017, soit 4 points de plus qu’en France métropolitaine. L’alimentation est le deuxième poste de consommation des ménages Martiniquais (16 % du budget), comme en France métropolitaine. En troisième poste, les dépenses dédiées au logement représentent 14,5 % du budget des ménages, une part plus faible qu’en France métropolitaine (16,3 %), notamment en raison du statut d’occupation (majoritairement propriétaires non-accédants ou logés à titre gratuit).

Sur la période 2010-2019, dans un contexte où les revenus continuent leur progression, même ralentie, la part de la consommation dans le revenu disponible brut diminue pour s’établir à 76,6 % en moyenne (85,2 % pour la France entière), soit - 5,6 points par rapport à 2000-2008 (- 0,3 point pour la France entière). À l’inverse, la part de l’épargne financière dans le revenu disponible brut progresse entre les périodes 2000-2008 et 2010-2019 : elle passe de 14,2 % à 18,8 %, traduisant un renforcement de l’épargne de précaution. Les ménages contiennent leurs dépenses d’investissement et la part de ce dernier dans le revenu disponible brut perd un point suite à la crise de 2009, avec un poids moyen de 6,2 % , malgré les faibles taux d’emprunt sur la dernière décennie.

La structure des revenus des ménages est quasi-constante entre 2000 et 2008, mais se modifie après 2009. Avant la crise économique, la part des salaires représentait 60 % des revenus. Cette proportion n’a pas changé entre 2010 et 2019). En revanche, sur la même période, la part des revenus des micro-entrepreneurs se contracte de 3,7 points en moyenne en raison d’une conjoncture économique incertaine et atteint 13 % en 2019. Cette régression est compensée par la hausse de la part des prestations sociales de 1,6 point, avec notamment une progression du nombre de bénéficiaires du RSA de 6,1 % par an entre 2011 et 2019. Les prestations sociales jouent ainsi le rôle de stabilisateur économique et atteignent 20 % des revenus, soit une structure qui se rapproche de la structure nationale.

Des signes encore faibles de redémarrage économique à partir de 2014

L’activité des entreprises est incontestablement impactée par la crise de 2009. La valeur ajoutée dégagée par les sociétés non financières subit un véritable coup de frein : cette dernière croît de 2,3 % en moyenne par an sur 2010-2016 (- 3,3 points comparé à la période 2000-2008). Les entreprises réduisent leurs dépenses en conséquence : les consommations intermédiaires sont quasiment à l’arrêt, à + 0,4 % en moyenne par an entre 2010-2016 (- 7 points) et la croissance des salaires ralentit à + 1,4 % en moyenne par an entre 2010-2016 (- 2,8 points). Cette régulation des dépenses permet aux entreprises d’améliorer leur suite à la crise de 2009. Ce dernier ne retrouvele niveau de 2008, à 31 % (32 % pour la France entière), qu’en 2016. La prudence des entreprises se répercute sur l’investissement : + 1,5 % par an entre 2010 et 2016 (- 7 points par rapport à 2000-2008). Le poids de l’investissement réalisé par les entreprises reste néanmoins important : il représente plus de la moitié des montants investis sur le territoire (54 % en 2016) (figure 3) même s’il s’est sensiblement contracté suite à la crise de 2009 (- 5 points par rapport à 2000). Cette baisse a été compensée par la progression de l’investissement réalisé par les ménages, dont la part est de 23 % en 2016, soit + 3 point, et par les administrations publiques (21 % en 2016, soit + 3 points).

Figure 3Évolution de l’investissement par agent économique en moyenne annuelle avant, pendant et après la crise de 2009 et poids dans l’investissement de chaque secteur institutionnel en 2016

en %
Évolution de l’investissement par agent économique en moyenne annuelle avant, pendant et après la crise de 2009 et poids dans l’investissement de chaque secteur institutionnel en 2016 (en %)
2000-2008 2008-2009 (crise sociale) 2010-2016 Poids 2016
Total Investissement 7,6 -28,6 1,9 100
Sociétés non financières 8,4 -37,2 1,5 53,8
Ménages 8,3 -14,2 -0,8 22,5
Admin publiques locales 5,9 -10,5 4,3 16,7
Admin publiques centrales -2,6 -0,1 7,9 3,7
ISBLSM (*) 10,4 -13,9 16,5 2,1
Sociétés financières -0,7 -78,3 31,3 1,2
  • * Institutions sans but lucratif au service des ménages.
  • Source  : Insee, comptes économiques définitifs.

Les prémices du redémarrage se font sentir en 2014. D’une part les créations d’entreprises (hors micro-entrepreneurs) en baisse de 3,4 % en moyenne par an sur 2010-2013, sont en hausse à partir de 2014, à + 1,9 % en moyenne par an jusqu’à 2019. D’autre part, l’encours des crédits à l’investissement des entreprises témoigne d’un regain à partir de 2014. Ce dernier entame une progression dynamique, à + 9,2 % en moyenne par an sur 2014-2019, après avoir stagné sur la période 2009-2014 (+ 0,3 % par an). Ce rythme n’atteint cependant pas celui observé avant la crise de 2009 (+ 15,5 % par an sur 2000-2008).

La construction et le commerce perdent des emplois

L’emploi est directement impacté par le ralentissement économique à la suite de la crise de 2009. Après une évolution de + 1,9 % par an entre 2000 et 2008, les effectifs salariés du secteur marchand s’effondrent en 2009, à - 4,3 %. Entre 2010 et 2017, le contexte économique est encore marqué par la crise de 2009 et ils évoluent de - 0,9 % en moyenne par an. Le rebond apparaît en 2018 et 2019 avec une hausse de 3,1 % qui permet d’atteindre à nouveau le niveau de 2010, sans toutefois retrouver celui de 2008 (écart de - 3,7 % entre 2008 et 2019). L’emploi salarié marchand mis à mal depuis 2009 repart à la hausse fin 2017, signe visible du redémarrage progressif de l’économie initié en 2014.

Au sein du secteur marchand, les évolutions infra-sectorielles sont hétérogènes (figure 4). Entre 2010 et 2019, la construction perd des emplois salariés, ainsi que le commerce, l’information et la communication et l’agriculture. En revanche, l’ dans les secteurs du transport et de l’entreposage, le secteur des activités scientifiques et techniques, de services administratifs et de soutien hors intérim, l’hébergement et la restauration, le secteur de la cokéfaction, raffinage, énergie et eau et les industries agro-alimentaires.

La baisse d’emplois s’accompagne d’une baisse du nombre d’heures travaillées (- 1,9 % en moyenne par an sur 2010-2019 après + 2,2 % sur 2000-2008). Dans un contexte de stabilité de la valeur ajoutée entre 2010 et 2019, cela traduit une accélération des gains de productivité horaire apparente du travail qui s’établissent à + 2,0 % en moyenne par an (+ 0,7 % pour la France entière), après + 0,7 % sur 2000-2008 (+ 1,1 % pour la France entière). Cette évolution pourrait découler d’une optimisation des moyens de production (automatisation des tâches, mécanisation) en Martinique alors que la France hexagonale atteint un plateau.

Parallèlement, l’emploi intérimaire connaît une ascension fulgurante depuis 2014 et double en cinq ans pour atteindre 2 000 emplois en 2019, soit 1,6 % de l’emploi salarié. La création d’un CDI intérimaire en 2018 devrait orienter ce type de contrat à la hausse sur le moyen terme.

Figure 4Évolution des effectifs salariés trimestriels CVS

indice en base 100 au 4ème trimestre 2010
Évolution des effectifs salariés trimestriels CVS (indice en base 100 au 4ème trimestre 2010)
Construction Industrie Tertiaire marchand hors interim Tertiaire non marchand Total salariés
2010 T4 100 100 100 100 100
2011 T1 101 101 99 99 99
2011 T2 98 100 99 100 100
2011 T3 100 100 100 99 99
2011 T4 95 97 99 99 98
2012 T1 95 97 98 96 97
2012 T2 95 97 99 96 97
2012 T3 95 96 98 96 97
2012 T4 95 96 98 95 97
2013 T1 96 98 99 95 97
2013 T2 93 97 98 94 96
2013 T3 89 96 97 95 95
2013 T4 88 95 97 95 95
2014 T1 89 97 96 96 95
2014 T2 89 96 96 95 95
2014 T3 88 95 97 96 96
2014 T4 86 94 97 96 96
2015 T1 88 95 96 96 96
2015 T2 89 95 97 96 96
2015 T3 88 95 97 96 96
2015 T4 87 96 97 97 97
2016 T1 87 97 98 96 97
2016 T2 87 96 98 96 96
2016 T3 84 94 95 96 95
2016 T4 83 94 97 95 96
2017 T1 83 93 95 95 94
2017 T2 82 93 95 96 95
2017 T3 82 93 95 95 94
2017 T4 83 94 95 96 95
2018 T1 83 94 96 96 96
2018 T2 83 95 95 95 95
2018 T3 83 95 96 95 95
2018 T4 85 97 97 96 96
2019 T1 87 98 99 97 98
2019 T2 88 98 101 97 99
2019 T3 89 98 101 97 99
2019 T4 89 99 102 97 100
2020 T1 86 99 101 97 98
2020 T2 88 98 97 96 97
  • Sources : Insee, estimations d'emploi ; estimations trimestrielles Acoss-Urssaf, Dares, Insee.

Figure 4Évolution des effectifs salariés trimestriels CVS

  • Sources : Insee, estimations d'emploi ; estimations trimestrielles Acoss-Urssaf, Dares, Insee.

Fort ralentissement des dépenses publiques

La consommation finale des administrations publiques ralentit fortement après la crise de 2009 : sa progression passe de + 6,2 % en moyenne par an entre 2000 et 2008 à + 1,6 % entre 2010 et 2016. Par la suite, elle décélère encore, à + 0,8 % en moyenne par an entre 2016 et 2019.

En premier lieu, cette évolution s’explique par le ralentissement marqué des salaires versés dans les  : ils stagnent quasiment entre 2010 et 2016 (+ 0,2 % en moyenne par an), après + 3,7 % sur la période 2000-2008. En effet, d’une part, le point d’indice de la fonction publique est gelé entre 2010 et 2016 à l’exception d’une seule revalorisation (+ 0,6 % en juillet 2016) et d’autre part, les effectifs de la fonction publique d’État progressent peu, + 0,3 % entre 2010 et 2016 après + 1,5 % entre 2000 et 2010, en lien avec le non remplacement d’un fonctionnaire sur deux, décidé par le gouvernement en 2007. Cette tendance se prolonge par la suite avec un point d’indice revalorisé une seule fois de + 0,6 % entre 2017 et 2019 et une baisse significative du nombre de fonctionnaires de l’État entre 2016 et 2019, - 3,1 % en moyenne par an.

En second lieu, les freinent nettement leurs dépenses, tant au niveau des salaires versés, dont la progression ralentit à + 2,2 % en moyenne par an sur 2010-2016 (+ 6,1 % sur 2000-2008), qu’au niveau des consommations intermédiaires (achats et charges externes) dont l’évolution se réduit, + 0,9 % en moyenne par an sur la période 2010-2016 (+ 7,4 % sur 2000-2008).

En 2020, la crise sanitaire bouleverse l’économie

La crise sanitaire liée au Covid 19 entraîne une récession économique en 2020. La croissance est négative, à - 3,9 %, (- 7,9 % au niveau national) (figure 5). Le PIB par habitant recule, à - 2,7 % (- 8,1 % pour la France entière). Suite aux mesures mises en place pour limiter la propagation du virus, la consommation des ménages plonge (- 7,5 % en volume). Les exportations s’effondrent (- 29,5 % en volume), portées habituellement par les dépenses touristiques qui diminuent de moitié en 2020 alors qu’elles représentaient en 2019 un tiers du total des exportations. Conséquence d’une demande en retrait, les importations fléchissent (- 14,5 % en volume). Toutefois, la baisse contenue de l’investissement (- 2,5 % en volume) conjuguée à des dépenses publiques en légère hausse (+ 1,4 % en volume), amortissent l’impact de la crise. Les dispositifs d’aide comme le chômage partiel pour les salariés, les prêts garantis par l’État (PGE) ou le fonds de solidarité pour les entreprises permettent par ailleurs de maintenir un certain niveau d’emploi et de revenus au sein des secteurs d’activité les plus impactés. Faute de pouvoir consommer les produits qualifiés de non essentiels, les ménages épargnent davantage.

Figure 5Évolution en volume des grands agrégats économiques en 2020

en %
Évolution en volume des grands agrégats économiques en 2020 (en %)
Martinique France entière
PIB -3,9 -7,9
Consommation finale -3,9 -4,5
dont : consommation finale des ménages -7,5 -6,6
dont : consommation finale des administrations 1,4 -0,1
Investissement -2,5 -8,6
Exportations -29,5 -15,8
Importations -14,5 -11,9
  • Source : Cerom, comptes rapides.

Des défis structurels à relever

Dans les années qui viennent, le territoire aura des défis d’importance à relever, dans des domaines aussi variés que l’énergie, la démographie, les finances publiques ou l’environnement international.

Le vieillissement de la population, conséquence du déclin démographique, constitue pour la Martinique un enjeu majeur de politique sociale. À l’horizon 2030, le département serait le département le plus âgé de France. La dépendance liée au vieillissement sera un déterminant des besoins des seniors. Entre 2020 et 2030, les besoins en emplois pour prendre en charge les personnes âgées dépendantes augmenteraient d’environ 25 %, soit 1 420 en équivalent temps plein.

La maîtrise de l’énergie représente également un défi plus que jamais d’actualité. Les sources d’énergie renouvelable exploitables sont multiples : énergie hydraulique, énergie éolienne, énergie solaire thermique, énergie solaire photovoltaïque, biomasse, énergie géothermique. Pourtant moins de 15 % de l’énergie primaire consommée est renouvelable en 2019. La Programmation Pluriannuelle de l’Énergie (PPE) de la Martinique prévoit d’atteindre le 100 % énergies renouvelables d’ici à 2030. Le secteur de l’énergie offre des opportunités professionnelles en Martinique et dans la Caraïbe grâce à l’exportation de savoir-faire.

De plus, la part de l’emploi des activités maritimes dans l’ et l’importante façade maritime que possède la Martinique constitue un levier de développement économique et d’emplois durables, notamment dans le cadre de la stratégie européenne de croissance bleue.

L’intégration régionale reste embryonnaire et constitue un enjeu d’avenir au travers des échanges commerciaux, dans un contexte où les émissions de gaz à effet de serre seront de plus en plus contrôlées. L’adhésion de la Martinique depuis 2012 à plusieurs groupements d’États de la Caraïbe ouvre la voie juridique vers un renforcement de la coopération.

Publication rédigée par :Clémentine Garandeau (Insee)

Sources

Les données sont issues des comptes économiques définitifs pour la période 2000-2016 et des comptes économiques rapides pour la période 2016-2020. Des changements de base réguliers sont opérés pour tenir compte de l’évolution du fonctionnement de l’économie et de l’évolution des sources statistiques (enquêtes ou données administratives notamment) qui permettent de le décrire. L’existence de statistiques spécifiques, notamment sur le commerce extérieur, permet l’élaboration de comptes régionaux en Guadeloupe, Guyane et Martinique selon les méthodes et concepts du système de comptabilité nationale. En 2019, les comptes régionaux Antilles-Guyane sont passés en base 2014. Ce changement comprend toutes les recommandations du SEC 2010 sauf celles qui relèvent de la prérogative nationale, tels les systèmes d’armes, ou qui n’ont pas un impact significatif sur l’économie de la région Antilles-Guyane tel que le travail à façon. La production des comptes régionaux n’est pas une régionalisation des comptes nationaux comme dans les régions métropolitaines.

Les comptes régionaux annuels ou comptes définitifs donnent une fois par an une description globale et détaillée de l’économie régionale sur l’année N-3.

Les comptes économiques rapides ou comptes provisoires permettent, quant à eux, une estimation de la croissance sur l’année N-1. Produits par l’Insee, en partenariat avec l’AFD et l’Iedom dans le cadre du partenariat Cerom. Ils reposent sur une modélisation macro-économique alimentée par les premières données disponibles de l’année écoulée et sont par conséquent provisoires : les estimations font l’objet d’une révision à chaque campagne jusqu’à ce que la totalité des données soient connues et que soient réalisés les comptes définitifs.

Définitions

Les principaux concepts utilisés dans cette étude sont définis ci-dessous. Pour les autres concepts et définitions, consulter le site Insee.fr, rubrique « Définitions ».

Produit intérieur brut (PIB) régional

Agrégat représentant le résultat final de l’activité de production des unités productrices résidentes. Il peut se définir de trois manières :

  • somme des valeurs ajoutées brutes des différents secteurs institutionnels ou des différentes branches d’activité, augmentée des impôts moins les subventions sur les produits (lesquels ne sont pas affectés aux secteurs et aux branches d’activité) ;
  • somme des emplois finals intérieurs de biens et de services (consommation finale effective des ménages et des administrations publiques, formation brute de capital fixe, variations de stocks), plus les exportations, moins les importations (solde du commerce extérieur) ;
  • somme des emplois des comptes d’exploitation des secteurs institutionnels : rémunération des salariés, impôts sur la production et les importations moins les subventions, excédent brut d’exploitation et revenu mixte.

Volume et valeur : par défaut et en l’absence de précision, les évolutions sont données en valeur à défaut d’indices de prix. Lorsqu’elles sont données en volume cela est indiqué. Les évolutions en volume concernent dans ce document d’une part la croissance qui est l’évolution du PIB en volume (l’indice de prix utilisé étant l’indice de prix du PIB des derniers comptes rapides) et d’autre part la consommation des ménages, déflatée par l’indice des prix à la consommation (IPC).

Le PIB se calcule de la façon suivante (approche demande) : PIB = Consommation des ménages + Consommation des administrations publiques + Investissement + Variations de Stocks + Exportations – Importations.

En décembre 2001, la création du Revenu de solidarité Outremer (RSO) spécifique aux DOM et à Saint-Pierre-et-Miquelon, est destiné aux personnes âgées d’au moins 50 ans, bénéficiaires du RMI depuis au moins deux ans dans un DOM, qui s’engagent sur l’honneur à quitter définitivement le marché du travail.

Données disponibles uniquement dans les comptes définitifs, jusqu’en 2016 au moment de la rédaction.

Ratio qui rapporte l’excédent brut d’exploitation ou le revenu mixte à la valeur ajoutée. C’est un indicateur sur la rentabilité d’une entreprise.

Sources : Insee, estimations d’emploi ; estimations trimestrielles Acoss-Urssaf, Dares, Insee, comparaisons entre derniers trimestres 2010 et 2019.

Dans les comptes des départements des Antilles-Guyane, les administrations publiques centrales regroupent les organismes relevant de la fonction publique d’État et de la Sécurité sociale.

Dans les comptes des départements des Antilles-Guyane, les administrations publiques locales comprennent les collectivités territoriales et les hôpitaux.

« L’économie bleue en Martinique », janvier 2016, rapport commandé par la préfecture de Martinique.

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