Insee Flash MartiniqueMartinique - Un recul de l’activité économique de 20 % pendant le confinement

Matthieu Cornut, jean Louis (Insee), Catherine Talbot (AFD), Nicolas Gobalraja (IEDOM)

La période inédite de confinement de la population du 17 mars au 11 mai 2020, est à l’origine d’un recul de l’activité économique estimé à -20 % en Martinique, par rapport à une situation dite « normale », sans confinement. Cet impact est essentiellement dû à la baisse drastique de la consommation des ménages (-27 %). Grâce aux mesures d’aides mises en place par l’État, 2 230 entreprises ont obtenu un prêt garanti par l’État et 7 730 entreprises ont demandé un recours au chômage partiel .

Insee Flash Martinique
No 137
Paru le :Paru le30/06/2020
Matthieu Cornut, jean Louis (Insee), Catherine Talbot (AFD), Nicolas Gobalraja (IEDOM)
Insee Flash Martinique No 137- Juin 2020

Selon nos premières estimations, le confinement entraîne un recul de l'activité économique de 20 % pendant cette période (soit un impact de - 3 % sur le PIB en 2020, figure 1).Cela s’explique d’abord par la baisse de la consommation des ménages, en volume, de -27 %. Par ailleurs, durant cette période caractérisée par une forte incertitude, les investissements reculent de -24 %. Enfin, les importations diminuent de -22 %, en lien avec une moindre production des entreprises et une consommation des ménages en net retrait. La balance commerciale serait donc légèrement moins déficitaire malgré des exportations diminuant de moitié.

Figure 1Le confinement, un impact de -269 millions d’euros sur le PIB en 2020Evolution des différents agrégats du PIB pendant la période de confinement

Le confinement, un impact de -269 millions d’euros sur le PIB en 2020
Impact du confinement (en volume %) Impact en évolution Impact sur PIB Impact PIB sur l'année Impact en millions €
PIB -19,8% -19,8% -3,0% -268,9
Consommation finale -17,7% -17,9% -2,8% -248,2
dont Conso Ménages -27,2% -15,5% -2,4% -215
Investissement -23,6% -4,7% -0,7% -64,7
Variation de Stocks n.c. 2,0% 0,3% 26,8
Solde du commerce extérieur -4,1% 0,8% 0,1% 17,1
Exportations -50,4% -6,4% -1,0% -89,7
Importations -21,8% 7,2% 1,1% 106,8
  • Note de lecture : Pendant le confinement, l’activité économique aurait diminué de 19,8 % par rapport à une situation normale
  • Source : Comptes économique, Cerom, commerce extérieur, ICA

Une consommation des ménages au ralenti

La consommation des ménages, habituel moteur de la croissance, est le principal facteur de contraction de l’économie. Du fait du confinement et de la fermeture des commerces non essentiels, la consommation des ménages se contracte de -27 % en volume, soit -215 millions d’euros. L’impact sur le PIB annuel est estimé à -2,4 %. Cette baisse de la consommation est notamment illustrée par une diminution de 50 % des montants de transactions par carte bancaire du 29 mars au 11 avril par rapport à la même période en 2019 (Pour comprendre).

Une baisse des revenus contenue par le recours au chômage partiel

La baisse des revenus est relativement limitée, en lien avec l’augmentation des prestations sociales et surtout le recours au chômage partiel. Les employeurs ont rapidement mobilisé ce dispositif de chômage partiel afin d’ajuster les effectifs à leurs besoins. Au 26 mai, les demandes sont validées pour 53 370 salariés (source Dieccte), soit potentiellement les deux tiers des salariés du privé. Elles concernent 7 730 entreprises et près de 24 millions d’heures chômées. Cela représente en moyenne 440 heures par salarié (soit environ 13 semaines à 35 heures hebdomadaires). Les entreprises ne demanderont pas toutes l’indemnisation de l’ensemble des heures autorisées du fait de la reprise d’activité totale ou partielle qu’ont pu assurer certaines d’entre elles. À la date du 26 mai, seules 19 % des heures demandées sont mises en paiement.

Ainsi, la baisse limitée des revenus conjuguée à la forte diminution de la consommation entraîne une hausse de l’épargne estimée à + 66 % pendant le confinement.

Un recul de l’activité économique de 20 % pendant le confinement

L’indicateur du climat des affaires (ICA), qui reflète le climat conjoncturel à partir d’une enquête auprès d’un échantillon d’entreprises, a chuté au premier trimestre de 2020 (figure 2). Il s’inscrit à un niveau proche de son point bas de 2009 durant la crise sociale.

Le recul de l’activité se traduit par un choc d’ampleur variable selon les secteurs (Pour comprendre). La valeur ajoutée du secteur industriel chute de 80 %. De plus, la valeur ajoutée des secteurs du commerce, du transport/entreposage et de la réparation automobile est en baisse respectivement de 34 %, 49 % et 56 %. Le secteur de la construction a mieux résisté en Martinique qu’en France métropolitaine avec un recul de l’activité de 32 %. Toutefois, la mise en place de mesures barrières nécessaires à la reprise des chantiers génère des surcoûts. Enfin, 4 980 salariés et 590 non-salariés travaillent dans le secteur de l’hébergement/restauration, particulièrement impacté par la crise.

Figure 2L’opinion des chefs d’entreprise sur les perspectives d’activité atteint un point bas en 2020Indicateur du climat des affaires en Martinique

L’opinion des chefs d’entreprise sur les perspectives d’activité atteint un point bas en 2020
Date ica_final
2000:1 104,98
2000:2 106,82
2000:3 106,40
2000:4 103,68
2001:1 100,56
2001:2 103,36
2001:3 99,34
2001:4 96,71
2002:1 99,75
2002:2 98,07
2002:3 90,23
2002:4 101,67
2003:1 101,06
2003:2 108,27
2003:3 106,87
2003:4 102,41
2004:1 104,84
2004:2 104,62
2004:3 111,19
2004:4 111,04
2005:1 117,32
2005:2 116,69
2005:3 112,11
2005:4 116,31
2006:1 112,38
2006:2 112,89
2006:3 120,24
2006:4 116,70
2007:1 117,75
2007:2 109,74
2007:3 111,22
2007:4 110,56
2008:1 107,37
2008:2 108,72
2008:3 94,03
2008:4 82,96
2009:1 62,69
2009:2 77,34
2009:3 79,61
2009:4 82,13
2010:1 96,56
2010:2 86,57
2010:3 91,20
2010:4 95,66
2011:1 94,90
2011:2 97,68
2011:3 97,88
2011:4 95,35
2012:1 93,70
2012:2 85,72
2012:3 83,75
2012:4 85,45
2013:1 84,91
2013:2 86,22
2013:3 89,33
2013:4 96,65
2014:1 94,57
2014:2 95,39
2014:3 95,56
2014:4 93,05
2015:1 102,58
2015:2 108,76
2015:3 109,29
2015:4 104,22
2016:1 102,80
2016:2 101,85
2016:3 102,98
2016:4 102,32
2017:1 101,69
2017:2 98,15
2017:3 100,16
2017:4 100,91
2018:1 98,94
2018:2 100,10
2018:3 97,47
2018:4 98,54
2019:1 105,70
2019:2 105,03
2019:3 101,29
2019:4 101,21
2020:1 70,56
  • Source : IEDOM

Figure 2L’opinion des chefs d’entreprise sur les perspectives d’activité atteint un point bas en 2020Indicateur du climat des affaires en Martinique

  • Source : IEDOM

Les petites entreprises, principales bénéficiaires du soutien de l’Etat

Les entreprises martiniquaises ont obtenu un important soutien financier depuis le début du confinement. Ce soutien a principalement pris la forme d’octrois de prêts garantis par l’État (PGE) et de moratoires sur les remboursements de leurs emprunts auprès des banques. Au 5 juin, des PGE sont accordés à 2 228 entreprises pour un montant de 484 millions d’euros. En particulier, 86 % des entreprises bénéficiaires sont de petite taille (moins de 10 salariés). Les entreprises du secteur du commerce et de la réparation automobiles étaient les principales bénéficiaires des PGE, en nombre (28 %) comme en montant (30 %). De plus, 10 700 moratoires sur les emprunts sont accordés et le montant des reports d’échéances s’élève à 160 millions d’euros.

Au total, ces facilités de trésorerie s’élèvent à 644 millions d’euros soit l’équivalent d’un tiers environ du chiffre d’affaires des entreprises martiniquaises pendant deux mois. D’autres mesures d’accompagnement sont mises en place pour soutenir les entreprises comme les reports de cotisations sociales.

Une balance commerciale légèrement moins dégradée

Les échanges extérieurs sont en net reculs. Le ralentissement de la demande intérieure et donc des besoins en consommation intermédiaire des entreprises entraînent une baisse des importations de 22 % en volume. Les importations de carburant chutent de 72 %. Néanmoins, les importations de denrées alimentaires sont en hausse (+ 35 %) afin de répondre à la demande.

Dans le même temps, les exportations diminuent de moitié pendant le confinement (soit -90 millions d’euros). Ainsi la balance commerciale est légèrement moins dégradée de 17 millions d’euros par rapport à la une situation sans le confinement ; ce qui atténue l’impact économique de la crise.

Encadré - Impact de la crise sanitaire sur les finances des communes martiniquaises en 2020 

La crise sanitaire intervient dans un contexte de fragilité de la santé financière des communes. De fait, l’inflexion sensible des recettes, vient ébranler plus encore des comptes déjà vulnérables : ces recettes, liées à l’activité économique - essentiellement l’octroi de mer et la taxe sur les carburants – auront, en effet,légèrement diminué. La baisse est estimée à 9 %, tandis que les dépenses, plus rigides, resteraient stables. L’épargne brute des communes diminuerait mécaniquement, ce qui impacterait négativement les recettes de fonctionnement en 2020. Cette situation aurait deux conséquences majeures : la diminution des dépenses d’investissement et la dégradation de la capacité de désendettement. Fin mai, le Gouvernement a annoncé des mesures d’urgence en faveur des collectivités territoriales qui devraient limiter l’impact de la crise sur les finances des communes.

Pour comprendre

Les données sur les transactions bancaires proviennent de Cartes Bancaires CB et couvrent l’essentiel des transactions par cartes bancaires. Elles sont tirées d’une extraction de transactions anonymisées et agrégées à l’échelle départementale afin de respecter les exigences de confidentialité.

Ces informations sont sujettes à certaines limites. Les données utilisées concernent tout détenteur de carte bancaire CB sur le territoire français, ce qui, outre les ménages, peut recouvrir aussi des entreprises. Ces données ne recouvrent pas les transactions réalisées par d’autres moyens de paiement (espèces, chèque, ticket restaurant, etc.). De plus, à l’inverse des données utilisées à l’échelle nationale, notamment dans l’estimation de la perte de consommation des ménages, les données départementales intègrent certaines transactions non assimilables à de la consommation (dons à des associations, achat de timbres fiscaux, etc.). Enfin, les transactions à distance (notamment celles sur internet) ne sont pas prises en compte.

Les estimations des agrégats économiques sont réalisées à l'aide du modèle « quasi-comptable » de type keynésien utilisé habituellement pour calculer la croissance et adapté pour l’occasion. Les hypothèses résultent notamment de l’exploitation des indices du climat des affaires réalisé par l’Iedom, du commerce extérieur des Douanes, ainsi que des statistiques sur le chômage partiel transmises par la Dieccte. L’impact de la crise sanitaire se mesure par la différence entre une situation « normale », sans confinement, comparée à la même situation affectée d’hypothèses de baisses d’activité concomitantes à la crise sanitaire, toutes choses égales par ailleurs. Les résultats de l’étude ne mesurent pas les effets du rattrapage économique à la sortie du confinement.

Pour en savoir plus

Bilan économique 2019, Martinique, Insee conjoncture Martinique

Un recul de l’activité économique de 20 % pendant le confinement, Insee Flash Guadeloupe

Ouvrir dans un nouvel ongletIEDOM Martinique (2020), Premières tendances: crise covid-19, mai 2020