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Insee Analyses Ile-de-France · Avril 2022 · n° 152
Insee Analyses Ile-de-FranceLes métiers en forte tension en Île-de-France : 1,7 million d’emplois avec des distances domicile-travail souvent importantes

Marie-Christine Abboudi, Cécile Le Fillâtre (Insee), Anne-Lise Aucouturier, Jérôme Lefranc (Direction régionale interdépartementale de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités Île-de-France), Sophie Gonnard, Béatrice Pardini (Défi métiers)

En Île-de-France, 1,7 million d’actifs exercent des métiers présentant des difficultés de recrutement, dits métiers en forte tension, ce qui représente près d’un tiers de l’emploi régional en 2019. Les métiers concernés, sensiblement les mêmes qu’au niveau national, relèvent globalement de quatre grands profils : les services répondant à des besoins de proximité, les métiers d’ouvriers du bâtiment et de l’industrie, les métiers plus qualifiés dans les mêmes domaines, et enfin les métiers d’ingénieurs de services et de cadres à dominante technique.

Les salariés exerçant des métiers en forte tension travaillent surtout dans un croissant à l’ouest de la capitale, notamment dans les zones d’emploi de Paris, Versailles-Saint-Quentin, Saclay et de la Seine-Yvelinoise. Pour autant, en lien avec des distances domicile-travail élevées, les problématiques de recrutement s’appréhendent sur un marché du travail à l’échelle régionale, si bien que l’ensemble des territoires sont potentiellement concernés.

Insee Analyses Ile-de-France
No 152
Paru le :Paru le28/04/2022

1,7 million d’emplois dans les métiers à un fort niveau de tension

Les métiers en tension, c’est-à-dire ceux pour lesquels les employeurs ont des difficultés à recruter, font l’objet de préoccupations importantes de la part des acteurs publics. Les identifier représente un enjeu double : favoriser la réponse de court terme aux besoins de recrutement des entreprises, mais aussi éclairer les politiques de formation, afin de faciliter le retour à l’emploi des demandeurs d’emploi et de développer les formations initiales et continues dans les domaines concernés.

Sur la base d’un indicateur synthétique de tension élaboré par la Dares et Pôle emploi (pour comprendre), 93 métiers subissent la plus forte tension (catégorie 5) en 2019 en Île-de-France. Ils représentent près d’1,7 million d’emplois (soit environ 30 % de l’emploi total régional et 38,5 % de l’emploi régional dont la tension est évaluée) (figure 1).

Figure 1Décomposition des métiers en tension par catégorie, en Île-de-France et en France métropolitaine, en 2019

Décomposition des métiers en tension par catégorie, en Île-de-France et en France métropolitaine, en 2019 - Lecture : les métiers en forte tension (catégorie 5) en 2019 sont au nombre de 93 en Île-de-France, et comptent 1 678 100 emplois au total. Ils représentent 38,5 % des emplois franciliens pour lesquels la tension des métiers a été évaluée.
Île-de-France France métropolitaine
Nombre de métiers Emplois Nombre de métiers Emplois
Nombre Part (en %) Nombre Part (en %)
Catégorie 1 (faible) 17 512 900 11,7 11 675 900 3,4
Catégorie 2 14 280 000 6,4 19 2 147 200 10,7
Catégorie 3 21 836 500 19,2 29 4 050 300 20,2
Catégorie 4 35 1 055 300 24,2 35 4 120 600 20,6
Catégorie 5 (forte) 93 1 678 100 38,5 92 9 023 100 45,1
Ensemble 180 4 362 800 100,0 186 20 017 100 100,0
  • Lecture : les métiers en forte tension (catégorie 5) en 2019 sont au nombre de 93 en Île-de-France, et comptent 1 678 100 emplois au total. Ils représentent 38,5 % des emplois franciliens pour lesquels la tension des métiers a été évaluée.
  • Sources : Pôle emploi ; Dares, métiers en tension 2019 exprimés en FAP 225.

De fortes tensions au recrutement dans le bâtiment et l’industrie

Les métiers pour lesquels les employeurs rencontrent de grandes difficultés à recruter sont sensiblement identiques en Île-de-France et en France. Les trois métiers pour lesquels les tensions sont les plus fortes sont les mêmes : « dessinateurs en électricité et en électronique », « techniciens en mécanique et travail des métaux » et « ingénieurs du bâtiment et des travaux publics, chefs de chantier et conducteurs de travaux ». D’une manière générale, le bâtiment et l’industrie sont les deux grands domaines d’activité où les tensions sont particulièrement fortes. Ils représentent à eux deux un peu plus de la moitié des métiers en forte tension en Île-de-France en 2019. Ces deux domaines de métiers sont toutefois moins représentés en Île-de-France que dans les autres régions, ce qui peut expliquer notamment la part moindre de salariés franciliens exerçant un métier fortement en tension (38,5 % contre 45,1 % au niveau national). Les origines des tensions diffèrent selon le domaine d’activité [Ouvrir dans un nouvel ongletNiang, Vroylandt, 2020]. Dans le bâtiment, elles tiennent plutôt à la dynamique de l’activité et à l’importance des projets d’embauches, accentuées par le contexte des Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris et du Grand Paris Express. Dans l’industrie, elles proviennent d’un nombre de candidats restreint.

En Île-de-France, le métier en forte tension le plus souvent exercé est « ingénieur et cadre d’étude, recherche et développement en informatique, chef de projets informatiques ». Avec près de 170 000 emplois salariés, la région concentre ainsi la moitié des emplois français pour ce métier. La tension y est liée à une intensité d’embauches très forte et à un manque de main-d’œuvre disposant des compétences recherchées.

Au niveau national, le métier « aide à domicile et aide ménagère » arrive en tête des métiers en forte tension avec les plus grands effectifs (570 000 emplois). Il figure également parmi les premiers métiers en forte tension en Île-de-France. La tension tient notamment à un manque de main-d’œuvre disponible, qui s’explique en partie par les conditions de travail relativement contraignantes (travail physique et temps partiel) et le faible niveau de rémunération.

Parmi les métiers les plus en tension au niveau francilien et qui ne le sont pas au niveau national en 2019, le métier d’« infirmier » est celui qui compte le plus gros volume d’emplois (86 300 emplois en Île-de-France). Ce métier fait partie des travailleurs dits « clés » du fait du caractère primordial de leur activité. Cette tension s’explique notamment par l’insuffisance de main-d’œuvre disponible titulaire du diplôme d’infirmier.

Des distances domicile-travail plus importantes pour les métiers en forte tension…

Globalement, les trajets des Franciliens pour se rendre sur leur lieu de travail sont plus longs que pour les actifs provinciaux : leur durée moyenne est de 39 minutes en Île-de-France contre 21 en province. Ceci s’explique en partie par une très grande concentration de l’emploi au cœur de la région.

Par ailleurs, ces distances domicile-travail sont plus élevées lorsque les actifs occupent des emplois en forte tension (figure 2). En effet, plus la tension sur le marché du travail augmente, plus les distances entre le domicile et le travail sont élevées. Ainsi, entre les actifs qui occupent des emplois faiblement en tension (catégorie 1) et ceux qui occupent des emplois très en tension (catégorie 5), le trajet médian passe de 6 à 13 km, le temps de trajet de 21 à 39 minutes et la part de ceux qui travaillent en dehors de la zone d’emploi dans laquelle ils vivent passe de 25 % à 38 %.

Ce lien entre tension sur le marché du travail et distance entre le lieu de résidence et le lieu d’emploi semble particulièrement marqué pour six des quinze zones d’emploi franciliennes : Paris, Versailles-Saint-Quentin, Évry, Saclay, Seine-Yvelinoise et Étampes. À l’exception de cette dernière, elles correspondent aux cinq zones d’emploi avec la plus forte concentration de fonctions métropolitaines (conception-recherche, commerce interentreprises, culture-loisirs, gestion, prestations intellectuelles). Ces zones emploient davantage de cadres qui parcourent en moyenne des distances plus longues entre domicile et travail que les actifs non cadres.

Figure 2Distance médiane entre le lieu de résidence et le lieu de travail des actifs franciliens par catégorie de tension en 2019

en km
Distance médiane entre le lieu de résidence et le lieu de travail des actifs franciliens par catégorie de tension en 2019 (en km) - Lecture : en Île-de-France, pour les métiers dont la catégorie de tension est 1, c’est-à-dire la plus faible, un actif sur deux parcourt plus de 6,4 km pour se rendre à son travail.
Catégorie de tension Distance domicile-travail médiane
1 6,4
2 7,8
3 10,9
4 11,7
5 12,8
  • Lecture : en Île-de-France, pour les métiers dont la catégorie de tension est 1, c’est-à-dire la plus faible, un actif sur deux parcourt plus de 6,4 km pour se rendre à son travail.
  • Sources : Insee, recensement de la population 2017, exploitation complémentaire ; Distancier Métric ; Dares, métiers en tension 2019.

Figure 2Distance médiane entre le lieu de résidence et le lieu de travail des actifs franciliens par catégorie de tension en 2019

  • Lecture : en Île-de-France, pour les métiers dont la catégorie de tension est 1, c’est-à-dire la plus faible, un actif sur deux parcourt plus de 6,4 km pour se rendre à son travail.
  • Sources : Insee, recensement de la population 2017, exploitation complémentaire ; Distancier Métric ; Dares, métiers en tension 2019.

… pouvant être reliées au profil des actifs exerçant ces métiers

La relation entre tension et distance parcourue ne signifie pas que les métiers en forte tension obligent les employeurs à élargir la zone de recrutement. Les caractéristiques des actifs qui occupent ces emplois expliquent pour partie leur éloignement plus important de leur zone d’emploi. Ainsi, toutes choses égales par ailleurs, l’éloignement du lieu de travail varie avec l’âge (avec un maximum entre 35 et 50 ans) et le statut familial : en effet, un jeune actif sans enfant sera généralement plus proche de son lieu de travail, avant de s’éloigner lorsque son ménage s’agrandit. Les hommes parcourent une distance plus longue que les femmes (médiane observée de 12,4 km pour les hommes contre 8,5 km pour les femmes). D’autres caractéristiques sont également discriminantes, en particulier le statut d’occupation du logement : les propriétaires ont davantage de trajet que les locataires (14,4 km contre 7,7 km). La catégorie sociale, le niveau de diplôme et le domaine d’activité sont aussi corrélés à la distance parcourue entre le domicile et le travail : elle est supérieure pour les cadres et les ouvriers comparativement aux employés (distances médianes respectivement de 11,5 km et 12,2 km contre 8,3 km), ou pour les actifs de l’industrie et de la construction par rapport à ceux de l’administration (respectivement 15,0 km et 13,3 km contre 7,2 km).

Or, les métiers en forte tension surreprésentent certains de ces profils, notamment les hommes et les emplois dans l’industrie et la construction. Ces particularités socio-démographiques varient en fonction du type de métier considéré.

Appréhender les métiers en forte tension en les répartissant en quatre groupes

Comprendre de manière approfondie les mécanismes à l’œuvre dans la constitution des tensions en Île-de-France nécessite de s’intéresser aux métiers dont le niveau de tension est le plus élevé (c’est-à-dire de catégorie 5) à la fois en 2018 et 2019. Parmi les 66 métiers alors concernés, quatre groupes peuvent être mis en évidence, correspondant chacun à des profils différents des actifs exerçant ces métiers et à des problématiques de recrutement distinctes.

Des métiers qui répondent aux besoins de biens et services de proximité

Le premier groupe comprend les « métiers en lien avec les besoins de biens et de services de proximité » et représente 24 % des effectifs dans les métiers en forte tension en Île-de-France. Dans les familles professionnelles de ce groupe, la distance médiane domicile-travail (6,7 km) est beaucoup plus courte que pour l’ensemble des actifs franciliens (10,4 km), car l’emploi de ce groupe est localisé dans les zones résidentielles et disséminé sur le territoire (figure 3). Le turnover de la main-d’œuvre est important et donc l’intensité des embauches y est élevée. En outre, les conditions de travail sont en général contraignantes. Parmi ces métiers, se trouvent les plombiers-chauffagistes, les bouchers, les coiffeurs, les professionnels paramédicaux, les aides à domicile et aides ménagères, etc. Avec un fort ancrage territorial, les agents immobiliers font également partie de ce groupe.

Les métiers de ce groupe sont majoritairement exercés par des femmes (56 %, soit 8 points de plus qu’à l’échelle régionale), avec une surreprésentation des actifs de moins de 25 ans et des plus de 55 ans, mais aussi des personnes immigrées. Plus généralement, s’y retrouvent plusieurs facettes de la précarité, qu’elle soit liée à la structure familiale (avec près de 13 % de familles monoparentales), au faible niveau de formation (52 % des actifs n’ayant pas le bac) ou encore à l’emploi (avec 16 % d’indépendants et 23 % de temps partiels).

Figure 3Nombre d’emplois, distance médiane entre lieux de résidence et de travail et concentration géographique de l’emploi par métier en forte tension et répartition par groupe de métiers

Nombre d’emplois, distance médiane entre lieux de résidence et de travail et concentration géographique de l’emploi par métier en forte tension et répartition par groupe de métiers - Lecture : les plombiers, chauffagistes, qui font partie des métiers en lien avec des besoins de biens et services de proximité, ont une distance domicile-travail médiane de 9 km. L’indice de Gini de concentration géographique de l’emploi pour ce métier est de 81,5, ce qui en fait l’un des métiers en tension franciliens les moins concentrés géographiquement.
Métier et groupe de métier Nombre d’emplois Distance domicile-travail médiane (en km) Indice de Gini de concentration géographique de l’emploi (en %)
Métiers en lien avec les besoins de biens et services de proximité
Aides à domicile et aides ménagères 62 705 3,8 83,0
Coiffeurs, esthéticiens 37 275 6,9 84,0
Autres professionnels para-médicaux 30 457 5,8 84,0
Employés de maison et personnels de ménage 28 883 4,3 87,2
Représentants auprès des particuliers 23 061 10,6 86,4
Agents immobiliers, syndics 22 099 5,3 90,0
Plombiers, chauffagistes 18 843 9,0 81,5
Mécaniciens et électroniciens de véhicules 16 357 11,7 80,3
Boulangers, pâtissiers 16 168 6,9 84,0
Menuisiers et ouvriers de l'agencement et de l'isolation 10 846 9,5 81,6
Chefs cuisiniers 9 510 11,3 90,6
Ouvriers qualifiés de l'impression et du façonnage des industries graphiques 8 216 8,2 91,2
Bouchers 6 950 7,9 85,3
Télévendeurs 5 748 13,0 92,7
Techniciens et agents d'encadrement d'exploitations agricoles 4 677 13,6 87,1
Couvreurs 4 410 10,4 83,2
Ouvriers qualifiés du travail industriel du textile et du cuir 1 564 11,2 96,3
Charcutiers, traiteurs 1 266 5,2 91,4
Métiers d’ouvriers relevant majoritairement du bâtiment et de l’industrie
Conducteurs routiers 43 897 14,2 82,8
Ouvriers non qualifiés métallerie, serrurerie, montage 21 267 13,2 82,6
Chaudronniers, tôliers, traceurs, serruriers, métalliers, forgerons 7 295 11,7 83,0
Monteurs, ajusteurs et autres ouvriers qualifiés de la mécanique 6 668 18,2 90,9
Ouvriers qualifiés de l'électricité et de l'électronique 6 089 14,7 87,8
Conducteurs d'engins du bâtiment et des travaux publics 5 078 22,7 83,6
Carrossiers automobiles 4 205 10,8 84,4
Ouvriers qualifiés travaillant par enlèvement de métal 4 183 14,9 88,5
Ouvriers qualifiés du travail du bois et de l'ameublement 3 406 14,3 87,4
Ouvriers non qualifiés travaillant par enlèvement ou formage de métal 2 923 14,1 89,5
Ouvriers non qualifiés en métallurgie, verre, céramique et matériaux de construction 1 714 10,9 92,6
Soudeurs 1 642 18,1 90,8
Ouvriers non qualifiés du travail du bois et de l'ameublement 1 593 12,6 90,8
Agents qualifiés de traitement thermique et de surface 1 294 14,9 92,3
Régleurs 984 17,5 94,1
Pilotes d'installation lourde des industries de transformation 762 19,3 95,6
Tuyauteurs 624 28,6 94,4
Charpentiers (bois) 599 16,5 94,4
Métiers les plus qualifiés du bâtiment et de l’industrie
Techniciens et agents de maîtrise de la maintenance et de l'environnement 43 879 22,1 84,9
Ingénieurs du bâtiment et des travaux publics, chefs de chantier et conducteurs de travaux (cadres) 41 827 18,5 90,7
Techniciens et chargés d'études du bâtiment et des travaux publics 31 724 14,6 82,9
Chefs de chantier, conducteurs de travaux (non cadres) 19 526 23,9 83,9
Cadres techniques de la maintenance et de l'environnement 17 527 21,6 89,7
Techniciens en mécanique et travail des métaux 16 359 19,8 89,4
Techniciens en électricité et en électronique 14 128 19,8 87,4
Ouvriers qualifiés de la maintenance en mécanique 13 468 18,7 86,7
Agents de maîtrise et assimilés en fabrication mécanique 13 338 16,5 85,6
Agents de maîtrise et assimilés des industries de process 5 270 18,3 87,3
Ouvriers qualifiés de la maintenance en électricité et en électronique 5 236 18,1 88,4
Agents de maîtrise en entretien 4 816 15,0 87,1
Dessinateurs en mécanique et travail des métaux 3 939 21,9 90,4
Dessinateurs en bâtiment et en travaux publics 2 970 15,8 89,9
Géomètres 2 131 18,1 92,6
Dessinateurs en électricité et en électronique 1 790 21,0 93,3
Métiers d'ingénieurs de services et de cadres à dominante technique
Ingénieurs et cadres d'étude, recherche et développement en informatique, chefs de projets informatiques 153 356 15,0 94,8
Ingénieurs et cadres d'étude, recherche et développement (industrie) 93 518 14,7 90,7
Techniciens experts 62 129 15,3 88,2
Ingénieurs et cadres de fabrication et de la production 52 850 17,3 91,7
Techniciens des services comptables et financiers 49 130 14,8 90,8
Ingénieurs des méthodes de production, du contrôle qualité 39 082 16,3 91,3
Ingénieurs et cadres technico-commerciaux 34 461 18,0 89,8
Cadres des assurances 34 020 14,3 95,9
Techniciens des assurances 25 541 16,3 93,9
Techniciens de production, d'exploitation, d'installation, et de maintenance, support et services aux utilisateurs en informatique 25 305 19,5 90,8
Techniciens d'étude et de développement en informatique 18 224 14,2 92,5
Ingénieurs et cadres d'administration, maintenance en informatique 14 583 19,2 93,8
Ingénieurs et cadres des télécommunications 12 172 16,3 95,8
Personnels navigants de l'aviation 7 185 46,4 98,6
Médiane pour l’ensemble des métiers en Île-de-France 11,2 90,4
  • Lecture : les plombiers, chauffagistes, qui font partie des métiers en lien avec des besoins de biens et services de proximité, ont une distance domicile-travail médiane de 9 km. L’indice de Gini de concentration géographique de l’emploi pour ce métier est de 81,5, ce qui en fait l’un des métiers en tension franciliens les moins concentrés géographiquement.
  • Champ : 66 métiers en forte tension en Île-de-France en 2018 et 2019, exprimés en FAP 225.
  • Sources : Insee, recensement de la population 2017, exploitation complémentaire ; Distancier Métric ; Pôle emploi ; Dares, métiers en tension 2019.

Figure 3Nombre d’emplois, distance médiane entre lieux de résidence et de travail et concentration géographique de l’emploi par métier en forte tension et répartition par groupe de métiers

  • Lecture : les plombiers, chauffagistes, qui font partie des métiers en lien avec des besoins de biens et services de proximité, ont une distance domicile-travail médiane de 9 km. L’indice de Gini de concentration géographique de l’emploi pour ce métier est de 81,5, ce qui en fait l’un des métiers en tension franciliens les moins concentrés géographiquement.
  • Champ : 66 métiers en forte tension en Île-de-France en 2018 et 2019, exprimés en FAP 225.
  • Sources : Insee, recensement de la population 2017, exploitation complémentaire ; Distancier Métric ; Pôle emploi ; Dares, métiers en tension 2019.

Des métiers d’ouvriers relevant majoritairement du bâtiment et de l’industrie

Un deuxième ensemble regroupe des métiers d’ouvriers relevant majoritairement du bâtiment et de l’industrie, notamment dans les domaines de la mécanique et du travail des métaux et des industries de process. Le métier de « conducteurs routiers » dans le transport en fait également partie. Ce groupe rassemble un peu moins de 9 % des effectifs des métiers en forte tension. Il s’agit pour beaucoup de métiers exercés au sein de sites de production, localisés dans les zones industrielles en périphérie des centres urbains, d’où des distances domicile-travail supérieures à la moyenne puisque 44 % des actifs travaillent hors de la zone d’emploi de leur résidence. Ils se caractérisent également par des conditions de travail contraignantes (horaires décalés par exemple). C’est le cas, par exemple, des conducteurs d’engins des travaux publics, des tourneurs fraiseurs, des soudeurs, des carrossiers automobiles, des conducteurs routiers, etc.

Il s’agit de professions avec une part d’actifs d’origine étrangère importante (35 % contre 25 % pour l’ensemble des emplois) et composées essentiellement d’hommes (neuf fois plus d’hommes que de femmes). La part des actifs de 45 ans ou plus y est aussi la plus élevée (46 %), plus particulièrement dans la mécanique et le travail des métaux. Dans ce groupe, la question de l’enjeu démographique et du renouvellement des générations est donc prégnante, avec des métiers masculins et vieillissants, autant de facteurs qui contribuent au niveau de tension actuel et constituent des enjeux pour l’avenir.

Les métiers les plus qualifiés du bâtiment et de l’industrie

Le troisième groupe représente près de 19 % des effectifs des métiers en forte tension. Il s’agit de métiers qualifiés du bâtiment et de l’industrie comme, entre autres, les géomètres, les chefs de chantier et conducteurs de travaux et les dessinateurs en électricité et en électronique. Dans ce groupe de métiers, un actif sur deux réside à plus de 19 km de son lieu de travail. Ces distances plus longues sont liées au caractère essentiellement industriel de l’emploi mais aussi au profil des actifs concernés : 87 % d’hommes, dont la moitié sont âgés de 35 à 55 ans, 59 % de propriétaires, une surreprésentation des couples bi-actifs. Neuf emplois sur dix sont sans limite de durée (12 points de plus que la moyenne régionale) et 95 % à temps plein. Le principal motif de tension qui caractérise ces métiers est le manque de main-d’œuvre disponible. Ces métiers requérant une formation précise et longue, le nombre de personnes formées semble insuffisant.

Au cœur de l’Île-de-France, des métiers d’ingénieurs de services et de cadres à dominante technique

Le quatrième groupe rassemble des « métiers d’ingénieurs de services et de cadres à dominante technique » et représente près de la moitié des effectifs dans les métiers en forte tension. Le manque de main-d’œuvre disponible explique la tension au recrutement dans ces métiers, malgré les effectifs élevés. Les emplois sont fortement concentrés dans les zones d’emploi métropolitaines (Paris, Versailles-Saint-Quentin et Saclay). Les longues distances domicile-travail que parcourent ces actifs sont la conséquence des arbitrages résidentiels des cadres, avec une médiane de 15,9 km, soit 55 minutes de trajet en transports en commun (qui est le mode de transport principal dans ce groupe). Ce groupe comprend par exemple les ingénieurs et cadres de fabrication et de la production, les ingénieurs et cadres d’étude et chefs de projets informatiques, les cadres des assurances, etc. Le profil de ces cadres est globalement plus jeune (les deux tiers ont moins de 45 ans) et davantage féminisé que celui des autres métiers en forte tension. L’insuffisance de la formation au regard des besoins est ici encore un facteur explicatif.

Les distances domicile-travail varient selon les zones d’emploi et les métiers en forte tension qui s’y exercent

En Île-de-France, les emplois correspondant aux métiers en forte tension sont plus implantés dans un croissant à l’ouest de la capitale, en particulier dans les zones d’emploi à profil métropolitain (figure 4). Près d’un emploi sur trois relève d’un métier en forte tension dans la zone d’emploi de Versailles-Saint-Quentin, un sur quatre dans celles de Saclay et de la Seine-Yvelinoise, contre seulement 22 % en moyenne en Île-de-France. Par ailleurs, la zone d’emploi de Paris concentre près des deux tiers des effectifs régionaux dans les métiers en forte tension. Les métiers qualifiés métropolitains, notamment les ingénieurs et cadres d’étude et de recherche de l’informatique et de l’industrie, sont fortement représentés dans ce périmètre, plus particulièrement dans les zones d’emploi de Paris, Versailles-Saint-Quentin et Saclay. Ces zones exercent donc un fort pouvoir d’attraction dans toute la région et même au-delà ; les distances domicile-travail des personnes qui y travaillent y sont supérieures à la moyenne. Pour ces métiers, le développement du télétravail pourra avoir un effet d’agrandissement des aires de recrutement et de modification des choix d’implantation résidentiels.

Inversement, la part des métiers en forte tension dans l’ensemble des emplois est relativement faible dans la frange est de la région et la zone d’emploi de Rambouillet, plus résidentielles ou agricoles et où la sphère économique présentielle et l’administration dominent. Les distances domicile-travail des actifs qui y travaillent y sont également les plus faibles de la région. Les métiers en lien avec des besoins de biens et services de proximité y sont surreprésentés parmi les métiers en forte tension (environ quatre emplois sur dix emplois en forte tension de la zone), notamment ceux d’aides à domicile et d’aides ménagères. Dans les zones d’emploi de Meaux, Coulommiers et Provins, les métiers en forte tension d’ouvriers majoritairement dans l’industrie et le bâtiment représentent environ le quart des effectifs.

Cette géographie des métiers en forte tension observée en 2019 traduit globalement la présence d’un marché du travail avec une aire d’envergure régionale et assez peu de marchés du travail locaux, à l’exception de quelques zones aux franges de la région. Les besoins en recrutement selon les métiers résultent de multiples paramètres comme la dynamique économique (créations d’emploi) et démographique (départs à la retraite, migrations…). Ils évoluent rapidement ces dernières années sous l’effet du contexte extérieur (crise sanitaire, tensions internationales…). Les tensions observées selon les métiers ou les zones d’emploi pourraient donc être différentes dans les prochaines années [Ouvrir dans un nouvel ongletCousin et al., 2022], d’autant plus que le développement du télétravail impacte aussi la géographie du marché du travail.

Figure 4Effectifs des métiers en forte tension et leur part dans l’emploi total, par zone d’emploi francilienne et par groupe de métiers

Effectifs des métiers en forte tension et leur part dans l’emploi total, par zone d’emploi francilienne et par groupe de métiers - Lecture : dans la zone d’emploi de Paris, les effectifs des métiers en forte tension représentent 21,4 % de l’emploi total des métiers pour lesquels la tension a été évaluée. Parmi eux, les métiers d’ingénieurs de services et de cadres à dominante technique pèsent pour 54,6 % des effectifs.
Code Zone d’emploi du lieu de travail Nombre d’emplois Part des emplois des métiers en forte tension dans l’emploi total (en %) Métiers en lien avec les besoins de biens et services de proximité (en %) Métiers d’ouvriers relevant majoritairement du bâtiment et de l’industrie (en %) Métiers les plus qualifiés du bâtiment et de l’industrie (en %) Métiers d'ingénieurs de services et de cadres à dominante technique (en %)
1101 Cergy-Vexin 42 245 22,4 29,8 15,7 22,6 31,9
1102 Coulommiers 3 869 22,2 44,1 25,6 17,8 12,5
1103 Étampes 7 889 25,6 29,6 17,5 19,0 33,9
1104 Évry 44 781 23,2 25,6 14,6 23,8 36,0
1105 Fontainebleau-Nemours 13 336 22,8 38,9 20,6 20,7 19,8
1106 Marne-la-Vallée 37 466 21,1 28,0 17,0 25,0 30,0
1107 Meaux 10 737 21,0 37,8 25,2 22,2 14,8
1108 Melun 14 764 22,6 31,4 17,9 24,0 26,7
1109 Paris 820 892 21,4 23,5 6,0 15,9 54,6
1110 Provins 2 853 18,7 42,6 26,3 16,9 14,2
1111 Rambouillet 5 509 22,4 39,3 12,2 21,1 27,4
1112 Roissy 67 917 20,2 24,6 17,0 23,6 34,8
1113 Saclay 58 698 26,6 20,2 11,1 22,7 46,0
1114 Seine-Yvelinoise 60 662 26,2 29,0 16,7 21,1 33,2
1115 Versailles-Saint-Quentin 91 125 31,4 16,1 5,7 25,3 52,9
  • Lecture : dans la zone d’emploi de Paris, les effectifs des métiers en forte tension représentent 21,4 % de l’emploi total des métiers pour lesquels la tension a été évaluée. Parmi eux, les métiers d’ingénieurs de services et de cadres à dominante technique pèsent pour 54,6 % des effectifs.
  • Sources : Insee, recensement de la population 2017, exploitation complémentaire ; Pôle emploi ; Dares, métiers en tension 2019.

Figure 4Effectifs des métiers en forte tension et leur part dans l’emploi total, par zone d’emploi francilienne et par groupe de métiers

  • Lecture : dans la zone d’emploi de Paris, les effectifs des métiers en forte tension représentent 21,4 % de l’emploi total des métiers pour lesquels la tension a été évaluée. Parmi eux, les métiers d’ingénieurs de services et de cadres à dominante technique pèsent pour 54,6 % des effectifs.
  • Sources : Insee, recensement de la population 2017, exploitation complémentaire ; Pôle emploi ; Dares, métiers en tension 2019.
Publication rédigée par :Marie-Christine Abboudi, Cécile Le Fillâtre (Insee), Anne-Lise Aucouturier, Jérôme Lefranc (Direction régionale interdépartementale de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités Île-de-France), Sophie Gonnard, Béatrice Pardini (Défi métiers)

Pour comprendre

L’étude est construite à partir de la nomenclature des familles professionnelles en 225 postes, que l’on dénommera « métiers ».

Pour caractériser le déséquilibre entre les offres et les demandes d’emploi, la Dares et Pôle emploi ont élaboré un indicateur synthétique de mesure des tensions sur le marché du travail. Il prend en compte, pour chacun des 225 « métiers » et pour la région, le niveau des difficultés de recrutement anticipées par les employeurs, les offres d’emploi rapportées au nombre de demandeurs d’emploi, et la facilité qu’ont les demandeurs d’emploi à sortir des listes de Pôle emploi. Il fournit une échelle de gradation des tensions allant de 1 (niveau de tension faible) à 5 (fort niveau de tension). En Île-de-France, 45 « métiers » ne peuvent pas être évalués avec cette méthode (par exemple les médecins, dont une importante partie exerce une activité libérale) et ne sont pas inclus dans l’analyse.

Six indicateurs complémentaires permettent d’apporter un éclairage aux tensions mesurées sur un métier : besoins de recrutement élevés, conditions de travail ou d’emploi peu attractives, non-durabilité des emplois proposés, manque de main-d’œuvre disponible, décalage entre les compétences requises et celles dont disposent les personnes en recherche d’emploi, ou désajustement géographique entre la demande et l’offre de travail.

La typologie réalisée sur les 66 métiers en catégorie de tension de niveau 5 à la fois en 2018 et 2019 définit quatre groupes de métiers ayant des caractéristiques communes. Les variables mobilisées à cette fin sont les indicateurs de tension de la Dares ci-dessus, mais également le salaire net horaire médian, la distance domicile-travail médiane en kilomètres et en temps de trajet, la part de l’emploi dans les quatre zones d’emploi les plus pourvoyeuses, le taux d’écoulement des offres en 2021, l’indice de concentration d’emploi en Île-de-France et enfin l’indice de Gini de concentration géographique de l’emploi. Ce dernier mesure la concentration de l’emploi au niveau communal : une valeur élevée indique que l’emploi est regroupé dans un petit nombre de communes, et à l’inverse une valeur faible traduit une dispersion de l’emploi sur le territoire.

Le recensement de la population, exploitation complémentaire, permet de mesurer les distances entre le domicile et le lieu de travail déclaré, avec l’aide du distancier Metric développé par l’Insee.

Pour en savoir plus

Abboudi M.-C., Gonnard S., Le Fillâtre C., Pardini S., « Les métiers les plus en tension en Île-de-France en 2019 », Insee Dossier Île-de-France n° 8, à paraître.

Cousin C., Desjonquères A., Eidelman A., Flamand J., Jolly C., Le Hir B., Rey M., « Ouvrir dans un nouvel ongletLes Métiers en 2030 », Rapport du groupe Prospective des métiers et qualifications, France Stratégie et Dares, mars 2022.

Deheeger S., Jacquesson F., Lefranc J., Martin J.-Ph., Saugnac C., « Paris et Seine-et-Marne, les départements les plus touchés par les conséquences de la crise sanitaire », Insee Analyses Île-de-France n° 150, mars 2022.

Niang M., Vroylandt T., « Ouvrir dans un nouvel ongletLes tensions sur le marché du travail en 2019 », Dares Résultats n° 032, octobre 2020.

Fauret C., Lebeaupin F., « Les nouvelles zones d’emploi franciliennes : principalement métropolitaines ou résidentielles », Insee Analyses Île-de-France n° 120, septembre 2020.

Gonnard S., Pardini B., « Ouvrir dans un nouvel ongletAnalyse transversale des bassins d’Île-de-France - Quels métiers pour quels bassins ? », Note de synthèse, Défi métiers, novembre 2019.