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Insee Analyses Martinique · Septembre 2021 · n° 47
Insee Analyses MartiniqueUn quart des Martiniquais indiquent une dégradation financière liée au premier confinement

Bénédicte Chanteur, Marcelle Jeanne-Rose, Xavier Reif (Insee)

Suite au confinement décrété au 2ᵉ trimestre 2020, pour lutter contre la propagation du coronavirus, un quart des Martiniquais jugent leur situation financière dégradée. Malgré les mesures déployées pour soutenir l’emploi et les revenus des ménages, la situation s’est détériorée, particulièrement pour les plus modestes. Les personnes en activité ne sont pas épargnées, notamment les travailleurs temporaires dont les opportunités d’embauches ont chuté. Entre études à distance, difficulté d’insertion sur le marché du travail et la perte de petits boulots, la jeunesse martiniquaise traverse une année particulièrement difficile. Le nombre de bénéficiaires des prestations d’insertion, déjà élevé, augmente.

Insee Analyses Martinique
No 47
Paru le :Paru le30/09/2021

Afin de freiner la diffusion du virus de la Covid 19, la Martinique comme la France métropolitaine, a connu deux périodes de confinement en 2020. En mai, à la fin du premier confinement, 25 % de la population martiniquaise indique que sa situation financière s’est dégradée (sources). Cette perception est plus marquée qu’en France (hors Guyane et Mayotte, 23 %), mais moins qu’en Guadeloupe (28 %) (figure 1).

Elle révèle une fragilité économique importante aux Antilles, malgré les nombreuses mesures d’accompagnement et un facteur de résistance notable lié à la place du secteur public dans la structure de l’emploi. En effet, les agents de la fonction publique occupent 31 % de l’emploi salarié martiniquais, contre 21 % en France. Or, excepté ceux de la fonction publique hospitalière, ils ont été majoritairement placés en télétravail. Leur rémunération n’a pas subi de baisse liée aux différentes dispositions prises par le gouvernement durant la crise.

La chute brutale de l’activité économique au cours du 2ᵉ trimestre 2020 est à l’origine du sentiment de dégradation de la situation financière des ménages. En effet, les mesures prises ont eu des conséquences économiques lourdes et immédiates. La baisse de l’activité économique en Martinique semble néanmoins modérée (- 20 %) comparativement à celle de la France qui enregistre une chute de 33 %. Le recul de la consommation des ménages martiniquais, engendrée par les restrictions de circulation et la fermeture des commerces non essentiels, contribue largement à ce repli inédit.

Figure 1Perception de l’évolution de la situation financière lors du confinement du 2ème trimestre 2020

Perception de l’évolution de la situation financière lors du confinement du 2ème trimestre 2020
Guadeloupe Martinique Réunion France *
Dégradation 28,2 25,1 21,4 23,0
Amélioration 1,3 2,4 2,2 2,3
Stable 63,3 65,1 66,7 67,2
Ne sait pas 7,3 7,4 9,6 7,5
  • * hors Guyane et Mayotte
  • Lecture : En Martinique, 25 % des personnes ont perçu une dégradation de leur situation financière lors du confinement du 2ème trimestre 2020.
  • Champ : personnes âgées de 15 ans ou plus, résidant hors Ehpad, maisons de retraite et prisons, en France métropolitaine,en Martinique, en Guadeloupe et à la Réunion.
  • Source : Inserm-Drees, enquête EpiCov, vague 1

Figure 1Perception de l’évolution de la situation financière lors du confinement du 2ème trimestre 2020

  • * hors Guyane et Mayotte
  • Lecture : En Martinique, 25 % des personnes ont perçu une dégradation de leur situation financière lors du confinement du 2ème trimestre 2020.
  • Champ : personnes âgées de 15 ans ou plus, résidant hors Ehpad, maisons de retraite et prisons, en France métropolitaine,en Martinique, en Guadeloupe et à la Réunion.
  • Source : Inserm-Drees, enquête EpiCov, vague 1

Les plus modestes sont les plus impactés

L’évolution de la situation financière dépend du . Comme en France, plus il est faible, plus le sentiment de dégradation est partagé. En Martinique, 31 % des personnes appartenant à la classe des 30 % des plus modestes ont perçu une dégradation de leur situation financière, contre 17 % pour les 30 % des plus aisés. Sans surprise, elle s’accorde également au niveau de vie subjectif, c’est-à-dire ressenti « en temps normal ». Six Martiniquais sur dix indiquant ne pas s’en sortir sans faire de dettes avant la crise, estiment que leur situation financière s’est dégradée en mai 2020. Ils ne sont qu’un dixième parmi les personnes qui s’estiment aisées en temps normal. (figure 2).

Comme en France, l’impact de la crise pour les ménages est donc lié à la condition initiale de chacun. Cependant, en France métropolitaine, les ménages déclarent moins souvent avoir du mal à s’en sortir en temps normal qu’en Martinique où le taux de pauvreté atteignait 29 % en 2017 et le taux de privations matérielles et sociales 38 % en 2018. Ces taux sont nettement plus élevés qu’en France métropolitaine, avec 14 % pour le taux de pauvreté et 13 % pour le taux de privations. Si l’épargne des ménages a globalement augmenté sur la période (Pour en savoir plus), elle concerne vraisemblablement davantage les plus aisés, alors que les plus modestes continuent de s’endetter. Or, même limitée, une perte de revenus pour les personnes au niveau de vie le plus faible n’a pas la même incidence sur le quotidien, en termes de restrictions, voire de privations, que pour les personnes plus aisées. Le niveau de vie ressenti dépend en effet autant des revenus perçus que du niveau des dépenses, dont certaines restent incompressibles (loyers, pensions alimentaires, dépenses de santé, frais scolaires et universitaires, remboursements de prêts, etc.).

Figure 2Perception d’une situation financière dégradée par rapport au niveau de vie subjectif

Perception d’une situation financière dégradée par rapport au niveau de vie subjectif
Martinique France *
Impossible sans faire de dettes 60,2 70,8
Difficile 49,7 55,7
Juste 20,2 29,1
Ca va 12,1 11,5
Aisée 9,9 6,8
  • * hors Guyane et Mayotte
  • Lecture : En Martinique en 2020, 60% des personnes qui estiment que leur niveau de vie les contraint à faire des dettes, ont perçu une dégradation de leur situation financière à l’issuedu premier confinement lié à la Covid-19
  • Champ : personnes âgées de 15 ans ou plus, résidant hors Ehpad, maisons de retraite et prisons, en France métropolitaine,en Martinique, en Guadeloupe et à la Réunion.
  • Source : Inserm-Drees, enquête EpiCov, vague 1

Figure 2Perception d’une situation financière dégradée par rapport au niveau de vie subjectif

  • * hors Guyane et Mayotte
  • Lecture : En Martinique en 2020, 60% des personnes qui estiment que leur niveau de vie les contraint à faire des dettes, ont perçu une dégradation de leur situation financière à l’issuedu premier confinement lié à la Covid-19
  • Champ : personnes âgées de 15 ans ou plus, résidant hors Ehpad, maisons de retraite et prisons, en France métropolitaine,en Martinique, en Guadeloupe et à la Réunion.
  • Source : Inserm-Drees, enquête EpiCov, vague 1

Les personnes en activité ne sont pas épargnées

Les personnes tirant la majorité de leurs revenus d’une activité, formelle ou informelle, sont les plus exposées au risque de dégradation de leur situation financière. Celles dont les capacités financières reposent essentiellement sur les prestations sociales, allocations chômage, retraites ou revenus du patrimoine sont en théorie et à court terme préservées, les différentes aides et prestations ayant été maintenues.

En Martinique, 30 % des personnes en emploi avant le premier confinement estiment que leur situation financière s’est dégradée au cours de celui-ci, malgré la multiplicité des dispositifs d’aides et l’adoption de nouvelles organisations de travail. Les Martiniquais n’ayant pas pu recourir au télétravail sont aussi nombreux à déplorer une dégradation de leur situation financière que ceux ayant pu y recourir totalement (26 %). Ceux ayant pu partiellement l’adopter sont moins nombreux (22 %).

Peu répandu avant le début de la crise, le travail à domicile a connu un véritable essor en 2020, mais reste une alternative limitée à certaines activités et certains métiers. Il s’est ainsi nettement plus généralisé auprès des cadres, professions intellectuelles supérieures (65 % déclarent y avoir recouru exclusivement ou partiellement) et professions intermédiaires (41 %) qu’auprès des employés (22 %), artisans, commerçants (11 %) ou ouvriers (5 %) pour qui le recours au chômage partiel a été plus fréquent. Cette dernière disposition offerte aux entreprises afin de préserver l’emploi a permis aux salariés de minimiser leur perte de revenus. L’indemnisation s’élevait en effet à 84 % du salaire net habituel, excepté pour les personnes rémunérées à hauteur du Smic (qui correspond à une indemnisation plancher). Ce manque à gagner concerne plus majoritairement des métiers aux salaires plus faibles et s’ajoute à d’éventuelles pertes d’heures supplémentaires.

Les non-salariés, dont la part dans l’emploi en Martinique est quasiment équivalent à celui du niveau national (14 % contre 12 %), sont également très exposés au risque de diminution voire de perte de leurs revenus, selon leur secteur d’activité. Des aides forfaitaires ont également été prévues pour amortir la chute brutale de leur activité mais ne compensent pas toujours à la hauteur des revenus habituels. Deux artisans et commerçants sur trois ont vu leur situation financière se dégrader en Martinique, contre un sur trois pour les cadres.

Les travailleurs temporaires très exposés

Face aux inquiétudes pesant sur leurs débouchés, les entreprises ont préféré ne pas pérenniser leur main d’œuvre temporaire ou réduire leurs embauches. Ainsi, certains salariés dont le contrat à durée déterminée (CDD), en intérim ou intermittents, se terminait au moment du confinement, ne bénéficient pas des dispositifs de maintien dans l’emploi. Les travailleurs temporaires, comme les travailleurs informels, sont à ce titre les plus susceptibles de basculer dans la précarité : pertes de contrats et d’opportunités de plus long terme. Selon les Déclarations Préalables à l’Embauche (DPAE) renseignées par les employeurs, chaque travailleur intérimaire aurait perdu en moyenne trois missions dans l’année. Ces opportunités en moins peuvent créer ou aggraver des situations de précarité. Les missions perdues ne sont en effet pas systématiquement compensées par des indemnités de chômage, si les conditions d’attribution ne sont pas remplies.

En outre, les métiers dont l’activité a été à l’arrêt pendant le confinement (parmi eux les métiers de l’hébergement, de la restauration, ceux liés aux activités sportives et culturelles, au transport aérien ou encore aux agences de voyage) sont les métiers pour lesquels la part des contrats temporaires dans l’emploi salarié est la plus importante (30 % contre 27 % dans l’ensemble des secteurs) ainsi que celle des bas salaires (35 % contre 29 % dans l’ensemble des secteurs).

Plus globalement, les DPAE indiquent une baisse historique du nombre de contrats signés au deuxième trimestre 2020. En Martinique, par rapport au trimestre précédent, il chute de 49 % pour les CDD hors intérim, soit trois missions perdues dans l’année pour chaque travailleur temporaire, ce qui représente une destruction temporaire de 8 300 emplois. Les contrats à durée indéterminée (CDI) suivent la même tendance : − 34 % ce qui représente une perte de près de 1 100 emplois durables (figure 3).

Figure 3Evolution du nombre de déclarations préalables à l’embauche selon le type de contrat

Evolution du nombre de déclarations préalables à l’embauche selon le type de contrat
CDD CDI
T1-2015 17 187 2 495
T2-2015 17 469 2 717
T3-2015 16 894 2 882
T4-2015 17 841 2 928
T1-2016 17 471 2 895
T2-2016 15 901 2 949
T3-2016 17 803 3 145
T4-2016 18 155 2 979
T1-2017 18 146 2 776
T2-2017 18 298 3 407
T3-2017 18 332 3 299
T4-2017 17 601 3 605
T1-2018 18 388 3 547
T2-2018 19 362 3 670
T3-2018 18 615 3 439
T4-2018 19 589 3 524
T1-2019 19 904 3 775
T2-2019 19 478 3 335
T3-2019 20 446 3 461
T4-2019 21 040 3 311
T1-2020 17 074 3 333
T2-2020 8 785 2 185
T3-2020 16 429 3 911
T4-2020 13 881 3 075
  • note : données corrigées des variations saisonnières
  • Champ : Martinique, tous secteurs hors intérim
  • Source : Urssaf

Figure 3Evolution du nombre de déclarations préalables à l’embauche selon le type de contrat

  • note : données corrigées des variations saisonnières
  • Champ : Martinique, tous secteurs hors intérim
  • Source : Urssaf

Le secteur de l’hôtellerie et de la restauration est particulièrement concerné, le nombre de déclarations de CDD s’effondre de 84 %. Suivent les secteurs des autres services marchands (- 54 %) et du commerce (- 33 %). Même si la reprise s’opère vivement dès le troisième trimestre, les déclarations d’embauche des deux derniers trimestres de 2020 restent inférieures à celles de 2019. Tous secteurs confondus et hors intérim en Martinique, le bilan annuel des embauches totalise une baisse de 31 % entre 2019 et 2020 pour les CDD et de 10 % pour les CDI.

Au gré de l’assouplissement des mesures (fin du premier confinement) et du durcissement des restrictions (couvre-feu, fermeture des frontières), l’activité économique des secteurs fluctue tout au long de l’année 2020. Ainsi, à l’instar de la Guadeloupe, la Martinique n’a bénéficié d’une relance de l’activité touristique qu’aux périodes d’assouplissement des contraintes de voyages des autres régions françaises.

La jeunesse en difficulté

Les personnes de moins de 25 ans signent entre 17 % et 30 % de contrats courts (moins d’un mois), selon les trimestres d’observation,. Ils se concentrent en particulier dans les secteurs d’activité qui ont été à l’arrêt complet ou régulièrement au cours de l’année 2020 (hôtellerie, restauration, services). Les difficultés des jeunes se sont accrues et additionnées. En effet, sauf à être parent, ils ne répondent pas aux critères d’âge pour prétendre au RSA, le revenu de solidarité active (allocation pour les moins de 25 ans portant les ressources initiales du foyer jusqu’au niveau d'un revenu garanti) et n’ont souvent pas eu une activité suffisante pour bénéficier d’une indemnisation au titre du chômage. Ils peuvent donc basculer très vite dans la précarité.

Le dispositif « Garantie jeunes » (dispositif d’accompagnement d’un an pour les jeunes de 16 à 25 ans ni en emploi, ni en études, ni en formation et qui se trouvent en situation de précarité) propose une double aide à destination des moins de 25 ans. Il prévoit une allocation et un accompagnement dans une activité professionnelle. Mais l’entrée de nouveaux bénéficiaires dans le dispositif au cours de l’année a été largement perturbée par la fermeture des centres d’accueil. De 1 740 jeunes Martiniquais aidés en décembre 2019 ils sont passés à seulement 1 280 en septembre. Même si l’effectif remonte à nouveau, il n’atteint pas en fin d’année le niveau d’avant la crise.

Enfin, à l’âge où les projets d’avenir se construisent, les étudiants ont vécu une année particulièrement compliquée. Les cours à distance, ont pu accentuer les difficultés scolaires et l’isolement. Les motifs d’inquiétudes sont variés : perspectives d’insertion sur le marché du travail ou préoccupations financières, liées à la perte d’un job. À partir de septembre 2020, des repas à 1 € ont été proposés aux étudiants boursiers. Aux Antilles-Guyane 42 000 repas à 1 € ont été servis à 2 750 étudiants boursiers sur les quatre derniers mois de l’année.

Les femmes ont perdu plus d’opportunités d’emplois

Si la signature d’un CDI pour un salarié peut être perçue comme une amélioration de ses conditions de vie (moins d’inquiétudes liées à la recherche récurrente de travail), de nombreuses trajectoires professionnelles ont été perturbées par la crise. Les Martiniquaises sont les premières concernées. Les déclarations d’embauche féminines en CDI ont en effet reculé davantage (- 14 %) que celles des hommes (- 5 %). Or avant la crise, en Martinique, les femmes occupaient déjà plus souvent des emplois précaires que les hommes : plus d’emplois temporaires, plus souvent à temps partiel (en 2017, 18 % des emplois salariés féminins sont à temps partiels, contre 8 % des emplois salariés masculins), et en moyenne plus faiblement rémunérés (- 10 %). Ainsi la crise sanitaire a accentué les inégalités entre les femmes et les hommes. Les Martiniquaises sont également plus souvent à la tête de familles monoparentales (9 sur 10 ont une femme à leur tête). Lorsque leurs revenus d’activité sont la ressource principale du ménage, la précarité de l’emploi est un facteur de surexposition aux difficultés en général et à la pauvreté en particulier.

Hausse des bénéficiaires du RSA

Les mesures exceptionnelles proposées pour soutenir les ménages n’ont pas empêché la hausse du nombre de bénéficiaires des prestations dites d’insertion, signe d’une aggravation de la fragilité financière des ménages. Elles ont connu une évolution marquée, dont le sens et la temporalité varient en fonction de leurs mécanismes d’attribution et des mesures de protection mises en place.

En particulier, le nombre d’allocataires du Revenu de Solidarité Active (complément de revenu pour toute personne âgée d’au moins 25 ans ou assumant la charge d’au moins un enfant né ou à naître pour atteindre le seuil d’un revenu garanti), qui amorçait une baisse depuis décembre 2019 repart à la hausse à partir de mars 2020. En octobre 2020, il atteint son plus haut niveau depuis 2017, avec 36 700 bénéficiaires. À partir d’octobre, l’effectif diminue, les variations annuelles se réduisent passant de 2,5 % entre août 2019 et août 2020, à 0,8 % entre décembre 2019 et décembre 2020 (figure 4). Plusieurs facteurs expliquent cette évolution. Les offres d’emploi sont plus rares. En outre, des mesures prises dans un premier temps pour protéger les allocataires, telles que le maintien des droits, ont contribué à une hausse de l’effectif. En effet, le confinement a compliqué l’accès aux services aux publics pour les plus précaires notamment (manque d’accès au numérique). Les sorties du dispositif ont donc été limitées alors que le nombre des entrées progressait.

Le nombre de bénéficiaires de la prime d’activité (complément de revenus d’activité pour les salariés ou non salariés aux revenus modestes, distribué par les caisses d’allocations familiales) augmente en 2020 avant de diminuer. En décembre 2019, l’effectif s’établit à 30 800 en Martinique. Le recours des entreprises au chômage partiel a impacté à la baisse les revenus des ménages, contribuant ainsi à la hausse de l’effectif en début de crise. Ainsi, il progresse en moyenne de 0,5 % par mois jusqu’en mai. Puis il entame un recul et diminue de 0,8 % en moyenne par mois entre juin et octobre. En effet, le dynamisme économique a nettement perdu de sa vitalité, limitant ainsi le nombre d’entrées dans le dispositif. De plus, certains foyers allocataires qui ne remplissent plus les conditions d’activité en sortent. Néanmoins, l’effectif progresse à nouveau au 4ᵉ trimestre 2020, pour afficher 30 600 allocataires en décembre 2020, signe d’un léger frémissement de l’activité.

S’agissant de l’ASS, l’allocation de solidarité spécifique (aide à destination de personnes au chômage depuis une longue durée), la lente baisse tendancielle du nombre de ses bénéficiaires observée depuis septembre 2017 (- 0,6 % par mois en moyenne) ne s’est pas poursuivie en 2020 (figure 4). Pour éviter une aggravation des situations de précarité, des mesures exceptionnelles comme l’assouplissement des conditions de versement de l’allocation chômage, ont été adoptées. En outre, la prolongation de la durée d’indemnisation des chômeurs en fin de droits a d’abord stoppé le nombre d’entrées dans le dispositif alors que la prolongation du droit à l’ASS jusqu’à fin mai 2020, freinait celui des sorties. Puis avec le ralentissement de l’activité économique, les entrées dans le dispositif ont progressé. Depuis novembre 2020 le nombre d’allocataires de l’ASS se contracte à nouveau mais s’établit en fin d’année à 5 700 bénéficiaires, un niveau légèrement inférieur au niveau de 2019 mais bien au-dessus de ce qu’il aurait été si la baisse s’était poursuivie.

Figure 4Evolution du nombre de bénéficiaires du RSA et de l’ASS, indices base 100 en décembre 2019

Evolution du nombre de bénéficiaires du RSA et de l’ASS, indices base 100 en décembre 2019
RSA France RSA Martinique ASS France ASS Martinique
janv.-2017 98,9 101,1 129,2 117,8
févr.-2017 98,7 100,4 128,7 116,8
mars-2017 98,8 100,2 128,0 115,7
avr.-2017 98,8 99,8 127,1 115,4
mai-2017 98,9 99,7 126,3 115,9
juin-2017 98,5 99,6 125,7 116,1
juil.-2017 98,1 99,6 126,3 117,3
août-2017 97,6 99,6 126,4 117,6
sept.-2017 97,5 99,8 123,9 117,3
oct.-2017 97,9 99,8 123,1 116,6
nov.-2017 98,3 100,4 122,3 116,1
déc.-2017 98,3 100,7 121,5 115,4
janv.-2018 98,7 101,1 120,4 114,7
févr.-2018 98,6 100,8 119,2 113,9
mars-2018 98,7 100,7 118,1 112,0
avr.-2018 98,7 100,6 116,6 110,5
mai-2018 98,8 100,9 115,5 111,0
juin-2018 98,8 100,9 114,5 111,0
juil.-2018 98,5 100,8 114,1 110,8
août-2018 98,2 100,8 113,4 110,5
sept.-2018 98,3 100,7 110,6 109,0
oct.-2018 98,9 101,0 109,3 107,4
nov.-2018 99,4 101,2 108,5 105,8
déc.-2018 99,4 100,9 108,0 104,9
janv.-2019 99,4 100,4 107,5 104,1
févr.-2019 99,3 100,1 107,1 103,6
mars-2019 99,3 99,6 106,9 103,2
avr.-2019 99,3 99,6 106,7 104,2
mai-2019 99,4 99,6 105,7 102,7
juin-2019 99,3 99,6 105,0 102,5
juil.-2019 99,2 99,7 104,7 102,7
août-2019 98,8 99,6 104,6 103,4
sept.-2019 99,1 99,7 102,1 101,5
oct.-2019 99,5 99,9 101,0 101,2
nov.-2019 100,0 100,2 100,4 100,7
déc.-2019 100,0 100,0 100,0 100,0
janv.-2020 100,3 99,8 99,8 99,3
févr.-2020 100,5 99,2 99,8 97,3
mars-2020 101,8 99,7 99,5 98,0
avr.-2020 102,9 99,9 99,7 98,8
mai-2020 103,8 100,2 97,3 96,8
juin-2020 105,4 100,4 104,0 99,5
juil.-2020 106,8 101,4 106,4 100,7
août-2020 107,3 102,1 108,0 101,9
sept.-2020 107,5 102,1 108,1 102,4
oct.-2020 107,9 102,1 107,0 101,2
nov.-2020 108,2 101,8 104,2 98,8
déc.-2020 107,4 100,8 101,4 97,0
  • Note : Données brutes en fin de mois
  • Champ : France
  • Sources : Cnaf, Allstat FR6 et FR2 ; MSA pour le RSA et Pôle emploi, FNA pour l’ASS

Figure 4Evolution du nombre de bénéficiaires du RSA et de l’ASS, indices base 100 en décembre 2019

  • Note : Données brutes en fin de mois
  • Champ : France
  • Sources : Cnaf, Allstat FR6 et FR2 ; MSA pour le RSA et Pôle emploi, FNA pour l’ASS

Des allocataires déjà nombreux avant la crise

En Martinique, en Guadeloupe et en France, l’évolution du nombre de bénéficiaires des minimas sociaux suit la même tendance. Cependant, la hausse de l’effectif des bénéficiaires du RSA aux Antilles est beaucoup moins marquée qu’en France. Plus modérée en Martinique (2,5 %) qu’en Guadeloupe (3,3 %) elle atteint 8,6 % en France. Si la progression de la précarité au cours de l’année 2020 semble moins intense en Martinique qu’en France métropolitaine, la situation d’avant crise y était toutefois plus préoccupante. En effet, en 2019, 60 % des habitants de l’île étaient couverts par au moins une prestation sociale contre 49 % pour la France. Le soutien des ménages martiniquais par les prestations sociales apparaît ainsi comme essentiel. Parmi elles, le RSA fait figure de pilier puisqu’un tiers des foyers allocataires martiniquais le perçoit, contre 8 % au niveau national. Le degré de fragilité de la population est confirmé par le profil des allocataires. Au sein des foyers allocataires du RSA, 36 % sont des familles monoparentales contre 31 % en France. En outre, la part des bénéficiaires qui vivent des minimas sociaux jusqu’à un âge avancé est plus importante. Pour le RSA par exemple, 40 % des bénéficiaires martiniquais ont plus de 50 ans contre 26 % en France . De même, 32 % des bénéficiaires de la prime d’activité en Martinique ont plus de 50 ans contre 18 % en France.

Publication rédigée par :Bénédicte Chanteur, Marcelle Jeanne-Rose, Xavier Reif (Insee)

Sources

L’enquête Épidémiologie et conditions de vie (EpiCov) a été mise en place par la Drees, l’Inserm, Santé Publique France et l’Insee dans le contexte de la pandémie de Covid-19 pour estimer la dynamique de l’épidémie à un niveau national et départemental et étudier l’effet du confinement et de l’épidémie sur les conditions de vie.

Définitions

Niveau de vie : Le niveau de vie est égal au revenu disponible du ménage divisé par le nombre d'unités de consommation (UC). Le niveau de vie est donc le même pour tous les individus d'un même ménage.

Les unités de consommation sont attribuées de la manière suivante : 1 UC au premier adulte du ménage, 0,5 UC aux autres personnes de 14 ans ou plus et 0,3 UC aux enfants de moins de 14 ans.

Décile : pour le niveau de vie, il désigne une valeur seuil qui, une fois ordonnée la population par niveau de vie croissant, la partitionne en dix sous-parties de taille égale.

Pour en savoir plus

Ouvrir dans un nouvel ongletIedom, Conjoncture économique, n°637, octobre 2020

Firlej A., Pawlowski E. « Des conséquences financières du premier confinement plus ou moins marquées selon les territoires », Insee Première n° 1850, avril 2021.

Albouy V., Legleye S., « Conditions de vie pendant le confinement : des écarts selon le niveau de vie et la catégorie socioprofessionnelle », Insee Focus n° 197, juin 2020.

Cornut M., Louis J., Talbot C., Gobalraja N., « Un recul de l’activité économique de 20 % pendant le confinement », Insee Flash Martinique n° 137, juin 2020.

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