Insee Conjoncture Nouvelle-AquitaineLe recours à l’activité partielle atténue l’impact de la crise sur l’emploi

Odile Pinol, Stéphane Levasseur (Insee)

De mars à mai 2020, le confinement provoque une chute de l’intérim, une contraction de l’emploi et le gel des embauches. Ces baisses ne se répercutent pas sur le chômage. En effet, dans cette situation inédite, les personnes renoncent à rechercher un emploi. Par ailleurs, le fort recours à l’activité partielle permet de préserver les postes des salariés malgré la baisse de l’activité. Avec le déconfinement et la reprise économique progressive, le nombre de demandeurs d’emploi augmente puis, au troisième trimestre, le taux de chômage bondit. Cependant, l’emploi repart, mais reste fortement détérioré dans les secteurs exposés à la propagation du virus. Le volume de travail rémunéré est en baisse, impacté par les adaptations préconisées pour endiguer l’épidémie.

Insee Conjoncture Nouvelle-Aquitaine
Paru le :Paru le04/02/2021
Odile Pinol, Stéphane Levasseur (Insee)
Insee Conjoncture Nouvelle-Aquitaine- Février 2021

À partir de la fin du premier trimestre 2020, différentes mesures sanitaires ont été successivement mises en place pour freiner la progression de l’épidémie de Covid-19. En premier lieu, le confinement décidé au printemps, et l’épidémie elle-même ont conditionné l’économie et le marché du travail, avec des effets progressifs et parfois contre-intuitifs à court terme. Plusieurs phases chronologiques peuvent ainsi être distinguées, pour rendre compte avec précision des mécanismes d’ajustement du marché du travail durant le début de l’année 2020.

Contraction de l’emploi et chute de l’intérim dès le premier trimestre...

Au premier trimestre, le confinement et les mesures sanitaires mises en place à partir du 17 mars 2020 n'impactent que la dernière quinzaine de la période. Pourtant, leurs répercussions se font déjà sentir sur le marché de l’emploi, du fait de la brutalité du choc et de son ampleur inédite. En Nouvelle-Aquitaine, l’emploi salarié total baisse de 1,8 % au cours de ce trimestre, soit 39 600 destructions nettes (figure 1). Principal contributeur de ce recul, l’emploi intérimaire chute de 42 %, soit 27 900 emplois. Le premier confinement provoque une réduction brutale de l’activité : face à ce choc, les entreprises restreignent fortement leur recours à l’intérim qui permet, habituellement, une adaptation réactive aux aléas économiques.

Figure 1L’emploi salarié se contracte puis repart à la hausse au troisième trimestre, alors que l’emploi intérimaire chute brutalement et rebondit dès le deuxième trimestreImpact de la crise sur l’emploi salarié total et sur l’emploi intérimaire en Nouvelle-Aquitaine

en nombre
L’emploi salarié se contracte puis repart à la hausse au troisième trimestre, alors que l’emploi intérimaire chute brutalement et rebondit dès le deuxième trimestre (en nombre) - Lecture : entre le 1ᵉʳ et le 2ᵉ trimestre 2019, l’emploi total est passé de 2 132 878 salariés à 2 136 990 (axe de gauche). Dans le même temps, l’intérim est passé de 65 940 emplois salariés à 65 619 (axe de droite).
Effectifs totaux Effectifs intérim
T1 2019 2 132 878 65 940
T2 2019 2 136 990 65 619
T3 2019 2 142 436 66 515
T4 2019 2 143 046 65 685
T1 2020 2 103 505 37 833
T2 2020 2 091 571 51 135
T3 2020 2 126 797 61 145
  • Note : données CVS, en fin de trimestre. Les données du dernier trimestre affiché sont provisoires.
  • Lecture : entre le 1ᵉʳ et le 2ᵉ trimestre 2019, l’emploi total est passé de 2 132 878 salariés à 2 136 990 (axe de gauche). Dans le même temps, l’intérim est passé de 65 940 emplois salariés à 65 619 (axe de droite).
  • Champ : emploi salarié total
  • Sources : Insee, estimations d’emploi ; estimations trimestrielles Acoss-Urssaf, Dares, Insee

Figure 1L’emploi salarié se contracte puis repart à la hausse au troisième trimestre, alors que l’emploi intérimaire chute brutalement et rebondit dès le deuxième trimestreImpact de la crise sur l’emploi salarié total et sur l’emploi intérimaire en Nouvelle-Aquitaine

  • Note : données CVS, en fin de trimestre. Les données du dernier trimestre affiché sont provisoires.
  • Lecture : entre le 1ᵉʳ et le 2ᵉ trimestre 2019, l’emploi total est passé de 2 132 878 salariés à 2 136 990 (axe de gauche). Dans le même temps, l’intérim est passé de 65 940 emplois salariés à 65 619 (axe de droite).
  • Champ : emploi salarié total
  • Sources : Insee, estimations d’emploi ; estimations trimestrielles Acoss-Urssaf, Dares, Insee

Cependant, l’emploi commence également à baisser, dès le premier trimestre, dans différents secteurs hors intérim, notamment le tertiaire marchand qui perd 9 600 emplois, soit – 1,1 %.

La fermeture immédiate des commerces non essentiels et la mise en place de restrictions de déplacement ont aussi une incidence sur les contrats autres que temporaires : les pertes d’emplois résultent en grande partie des embauches que les employeurs préfèrent suspendre ou ne pas renouveler face à l’incertitude de la situation sanitaire et économique. Ainsi, dans la région, l’emploi, hors intérim, se contracte au premier trimestre notamment avec une baisse du nombre de déclarations préalables à l’embauche, particulièrement celles de courte durée : – 9,5 % pour les CDD de moins d’un mois et – 5,4 % pour les CDI et CDD de plus d’un mois. De plus, le recul des embauches se conjugue avec une baisse manifeste des offres d’emploi. En mars, Pôle emploi en collecte 13 700 en Nouvelle-Aquitaine, soit un volume diminué de moitié par rapport au mois précédent, qui équivalait à son niveau de mars 2019.

…tandis que le confinement donne l’illusion d’une inertie du chômage

La période est donc peu propice aux recrutements, mais les conditions strictes de confinement interfèrent sur la recherche d’emploi et donc sur les situations de chômage. Au premier trimestre, le nombre total de demandeurs d’emploi (catégories ABC) est encore peu affecté par le choc intervenu tardivement sur la période : + 0,1 % en Nouvelle-Aquitaine. Néanmoins, dès le mois de mars, la catégorie A augmente brutalement de près de 23 000 demandeurs d’emploi (figure 2). Cette hausse mensuelle historique a deux causes. D’une part, le nombre de demandeurs d’emploi sortant des listes chute (– 30 % par rapport au mois de février), en lien avec la baisse constatée des offres de recrutement et la suspension probable des embauches au cours de ce mois : ne pouvant trouver un emploi, les chômeurs restent inscrits sur les listes. D’autre part, les entrées de nouveaux demandeurs d’emploi (catégories ABC) augmentent car certains contrats ne sont pas renouvelés. Par ailleurs, un effet de bascule commence à s’instaurer en mars : des demandeurs d’emploi, ayant auparavant exercé une activité réduite, et comptabilisés en catégorie B ou C ne sont plus en capacité de travailler du fait du confinement et sont alors transférés en catégorie A, en tant que demandeurs d’emploi sans aucune activité.

Figure 2Durant le confinement, des demandeurs d’emploi inscrits sur les listes B et C basculent en catégorie ARépartition entre les catégories A et B-C des demandeurs d’emploi inscrits à Pôle emploi en Nouvelle-Aquitaine

en nombre
Durant le confinement, des demandeurs d’emploi inscrits sur les listes B et C basculent en catégorie A (en nombre)
Catégorie A Catégories B et C
Janvier 271 060 219 030
Février 269 240 219 610
Mars 292 100 211 180
Avril 371 990 151 940
Mai 353 840 176 170
Juin 333 050 197 940
Juillet 319 020 208 710
Août 302 850 221 150
Septembre 296 280 219 610
  • Note : données CVS-CJO
  • Sources : Pôle emploi-Dares, STMT

Figure 2Durant le confinement, des demandeurs d’emploi inscrits sur les listes B et C basculent en catégorie ARépartition entre les catégories A et B-C des demandeurs d’emploi inscrits à Pôle emploi en Nouvelle-Aquitaine

  • Note : données CVS-CJO
  • Sources : Pôle emploi-Dares, STMT

La mise en œuvre du confinement conduit également à une baisse « en trompe-l’œil » du taux de chômage au sens du BIT (– 0,2 % en Nouvelle-Aquitaine au premier trimestre). En effet, l’arrêt de certains secteurs d’activité et les restrictions de déplacements affectent fortement la possibilité de « rechercher activement un emploi ». De même, il devient difficile de se déclarer « disponible pour travailler dans les deux semaines à venir », d’autant plus que la fermeture des établissements scolaires contraint certains parents à s’occuper de leurs enfants à plein temps. Dès lors, les personnes sans emploi qui ont interrompu leurs recherches dès le début du confinement ne sont plus comptabilisées comme chômeurs selon la définition du Bureau international du travail (BIT) qui intègre les critères de disponibilité et de recherche active d’emploi.

Cette baisse paradoxale est néanmoins contrebalancée par une augmentation du halo autour du chômage, constitué des personnes inactives souhaitant travailler mais ne recherchant pas activement un emploi ou n’étant pas disponibles pour en occuper un rapidement. La baisse du taux de chômage au sens du BIT correspond donc à une bascule de nombreux individus hors de cette définition du chômage. Le confinement provoque également une recrudescence du sous-emploi, composé de personnes en situation de chômage technique ou partiel : c’est le cas de la majorité des travailleurs exerçant une activité diminuée ou arrêtée par la crise sanitaire.

Suite à l’annonce des restrictions sanitaires, des mesures sont prises rapidement pour favoriser le recours à l’activité partielle dans les entreprises et préserver l’emploi. En garantissant aux salariés une indemnité de l’État équivalente à 70 % de leur rémunération horaire brute, les employeurs sont incités à retenir leur main-d'œuvre malgré la chute de l’activité. Ce dispositif exceptionnel permet de limiter les licenciements économiques immédiats. Dès le mois de mars, 11,7 % des salariés néo-aquitains sont placés en activité partielle.

Au deuxième trimestre, le recours à l’activité partielle amortit la baisse de l’emploi...

Le deuxième trimestre correspond aux étapes du confinement du printemps. Au mois d’avril, l’activité est quasiment à l’arrêt, provoquant d’importantes perturbations sur le marché du travail. Puis, le mois suivant, le relâchement des restrictions de déplacement et d’activité entraîne de nouveaux mouvements dans la répartition des situations d’emploi et de chômage. En juin, les tendances qui se dessinent à la faveur du rebond économique laissent entrevoir les premiers effets de la crise sanitaire sur le marché du travail.

Le recours à l’activité partielle en Nouvelle-Aquitaine illustre ce scenario en trois étapes (figure 3). En forte hausse au mois d’avril au plus fort du confinement (26 %), la proportion de salariés indemnisés pour n’avoir pas pu exercer normalement leur activité tend ensuite à diminuer ; de 16 % au mois de mai, elle retrouve en juin un niveau inférieur à celui du mois de mars (6 %). Cependant, à la fin du trimestre, certaines activités sont encore fortement affectées par les limitations de circulation ou les conditions d’ouverture des commerces destinées à freiner la propagation du virus : c’est le cas de l’hôtellerie-restauration qui représente un quart des heures indemnisées en juin dans la région.

Figure 3Un quart des salariés néo-aquitains sont en activité partielle en avril, avant une diminution progressiveÉvolution du recours au dispositif d’activité partielle durant la crise sanitaire en Nouvelle-Aquitaine

en %
Un quart des salariés néo-aquitains sont en activité partielle en avril, avant une diminution progressive (en %)
Part des salariés en activité partielle
Mars 11,7
Avril 25,9
Mai 15,9
Juin 5,9
Juillet 2,6
Août 1,5
Septembre 1,5
  • Sources : Insee, Déclaration Sociale Nominative

Figure 3Un quart des salariés néo-aquitains sont en activité partielle en avril, avant une diminution progressiveÉvolution du recours au dispositif d’activité partielle durant la crise sanitaire en Nouvelle-Aquitaine

  • Sources : Insee, Déclaration Sociale Nominative

La part des salariés néo-aquitains placés en arrêt de travail (maladie ou garde d’enfants) est le reflet de cette situation exceptionnelle : avec la fermeture des établissements scolaires pendant la période de confinement, de nombreux parents ont dû renoncer à leur activité professionnelle. Elle atteint un pic de 7 % au mois d’avril avant de rebaisser à moins de 3 % en mai et en juin. Finalement, durant le mois d’avril, un tiers des salariés néo-aquitains sont en activité partielle ou en arrêt maladie-garde d’enfants.

Le recours au dispositif inédit d’activité partielle est donc d’une ampleur inégalée au deuxième trimestre : il joue pleinement son rôle d’amortisseur et permet de contenir la baisse de l’emploi en maintenant certains salariés en poste. Malgré tout, les entreprises sont confrontées à une crise sanitaire qui se prolonge, entraînant des perturbations économiques sans précédent qui impactent l’emploi. En Nouvelle-Aquitaine, l’emploi salarié diminue de 0,6 % au second trimestre. La baisse est globalement moins marquée qu’au trimestre précédent, mais elle est relativement plus importante dans les secteurs de l’agriculture (– 3,5 %) et du tertiaire marchand (– 1,9 % hors intérim). Les déclarations d’embauche chutent de 44 % au deuxième trimestre dans la région : comme la baisse des emplois intérimaires, la contraction des recrutements sert de mécanisme d’ajustement sur le marché du travail. Le confinement s’étend sur la moitié du trimestre, ce qui conduit à une forte accumulation des non-renouvellements ou des reports de contrats. De plus, la main-d'œuvre saisonnière étrangère fait défaut, notamment pour les travaux agricoles, les déplacements de populations entre pays étant limités ou interdits pour freiner la dispersion de l’épidémie.

L’emploi intérimaire rebondit de 35 % au deuxième trimestre. Plus réactif, il tire bénéfice du déconfinement de la mi-mai qui libère les travailleurs et permet à l’activité de redémarrer. Face au gel des embauches, le recours à la main-d'œuvre temporaire répond provisoirement à la hausse de l’activité. Cependant, le niveau atteint au deuxième trimestre reste bien inférieur à celui d’avant-crise. De même, très peu d’offres d’emploi sont collectées par Pôle emploi dans la région en avril (7 000), mais leur nombre double au mois de mai et augmente encore de moitié le mois suivant, confirmant la reprise de l’activité post-confinement. Le volume enregistré en juin ne représente cependant que les trois quarts de celui des offres collectées en janvier.

...mais le nombre de demandeurs d’emploi bondit

Suite au déconfinement, les propositions d’emploi augmentent progressivement au cours du deuxième trimestre alors même que le nombre de demandeurs d’emploi dans la région (catégories ABC) ne cesse lui aussi de croître sur la même période (+ 6,9 %). En avril, la bascule de demandeurs d’emploi des catégories B et C vers la catégorie A s’accentue : pendant ce mois de confinement, le nombre de chômeurs ayant exercé une activité réduite diminue inévitablement. Ces demandeurs d’emploi viennent alors grossir les effectifs de la catégorie A, comptabilisant les chômeurs sans aucune activité. En raison de la baisse des embauches et des offres d’emploi observée en avril, de nombreuses personnes demeurent inscrites à Pôle emploi faute de pouvoir trouver un travail. Les restrictions de déplacements compliquent également les démarches de recherche d’emploi, si bien que les sorties de listes continuent de se contracter (figure 4). Par ailleurs, le niveau des inscriptions baisse à son tour, les entreprises étant soutenues par l’indemnisation de l’activité partielle.

En mai, le repli du nombre d’entrées sur les listes se poursuit, mais les autres tendances s’inversent. La bascule entre catégories s’effectue désormais de A vers B et C, des demandeurs d’emploi retrouvant une activité à temps partiel. Les sorties repartent à la hausse : certains retrouvent un emploi grâce à la reprise des recrutements lors du déconfinement. Cependant, les désinscriptions peuvent aussi révéler un abandon de certains à se signaler comme demandeurs d’emploi.

En juin, les sorties de listes augmentent plus fortement, mais leur nombre reste inférieur à celui des nouvelles entrées : ce déséquilibre témoigne de l’instabilité du marché de l’emploi.

Les jeunes sont particulièrement impactés au deuxième trimestre : les difficultés de ces nouveaux arrivants sur le marché du travail sont accrues par le gel des embauches inhérent à la crise sanitaire. Le nombre de demandeurs d’emploi néo-aquitains de moins de 25 ans bondit ainsi de 15 % au deuxième trimestre ; cette augmentation atteint 39 % en catégorie A.

Figure 4Moins de sorties que d’entrées sur les listes de Pôle emploi durant le confinement, puis inversion de la tendance au troisième trimestreComparaison des entrées et sorties de listes (A, B, C) de Pôle emploi en Nouvelle-Aquitaine

en nombre
Moins de sorties que d’entrées sur les listes de Pôle emploi durant le confinement, puis inversion de la tendance au troisième trimestre (en nombre)
Entrées ABC Sorties ABC
Janvier 46 970 48 350
Février 48 000 48 930
Mars 50 330 34 610
Avril 41 140 23 170
Mai 35 510 29 940
Juin 45 590 43 630
Juillet 44 680 48 450
Août 46 810 50 160
Septembre 41 320 47 090
  • Note : données CVS-CJO
  • Sources : Pôle emploi-Dares, STMT

Figure 4Moins de sorties que d’entrées sur les listes de Pôle emploi durant le confinement, puis inversion de la tendance au troisième trimestreComparaison des entrées et sorties de listes (A, B, C) de Pôle emploi en Nouvelle-Aquitaine

  • Note : données CVS-CJO
  • Sources : Pôle emploi-Dares, STMT

Au troisième trimestre, la croissance globale de l’emploi masque des disparités...

L’accalmie estivale de la propagation de l’épidémie permet à l’activité économique de poursuivre son rattrapage entamé lors du déconfinement. Cette reprise entraîne deux répercussions contradictoires sur le marché du travail : l’emploi reprend de la vigueur, et le taux de chômage bondit. Globalement, les effectifs progressent dans les grands secteurs au troisième trimestre. En Nouvelle-Aquitaine, l’emploi salarié augmente de 1,7 % (+ 1,6 % en France) et retrouve son niveau de fin 2018. L’emploi intérimaire poursuit le rattrapage entamé au trimestre précédent : + 19,6 % dans la région après + 35 %, avec notamment un fort recours dans la construction. L’emploi public repart également (+ 1,7 %), grâce à la reprise des embauches de contractuels et vacataires. Le secteur tertiaire marchand focalise l’attention car, depuis le début de la crise, l’activité de certains services est particulièrement pénalisée par les mesures sanitaires visant à limiter le brassage de la population : c’est le cas du transport de voyageurs, de l’hébergement-restauration, des activités culturelles et des services aux ménages. Par répercussion, l’emploi est également affecté dans ces branches.

Ainsi, l’embellie régionale dans le tertiaire marchand (y compris intérim) ce trimestre (+ 2,4 %) est nuancée par l’impact cumulé depuis le début de la crise : la hausse observée l’été ne compense qu’à moitié les pertes d’emploi subies au premier semestre (figure 5). Tous secteurs confondus, les baisses les plus importantes sont d’ailleurs enregistrées dans les services marchands de l’hébergement-restauration (– 6 700 emplois), du transport-entreposage et des autres activités de services (– 2 900 emplois chacun). Néanmoins, l’emploi s’avère relativement dynamique dans d’autres secteurs moins exposés aux mesures d’endiguement de l’épidémie.

Figure 5La baisse des effectifs depuis le premier trimestre, notamment dans l’hébergement-restauration, relativise la hausse de l’emploi global au troisième trimestreÉvolution de l’emploi salarié par grands secteurs d’activité

La baisse des effectifs depuis le premier trimestre, notamment dans l’hébergement-restauration, relativise la hausse de l’emploi global au troisième trimestre
Évolutions trimestrielles en % Variation des effectifs cumulée sur les trois trimestres
T1 T2 T3
Agriculture -1,7 -3,5 2,8 -1 600
Construction 0,0 0,2 1,1 1 600
Industrie -0,1 -0,9 0,0 -2 700
Tertiaire non marchand -0,1 -0,6 1,4 5 000
Tertiaire marchand hors interim -1,1 -1,9 1,4 -14 100
dont hébergement-restauration -5,0 -8,8 7,0 -6 700
  • Note : données CVS, en fin de trimestre. Les données du dernier trimestre affiché sont provisoires.
  • Champ : emploi salarié total
  • Sources : Insee, estimations d’emploi ; estimations trimestrielles Acoss-Urssaf, Dares, Insee

Au troisième trimestre, le nombre de déclarations préalables à l’embauche augmente de 75 % en Nouvelle-Aquitaine. Cette vigueur s’observe aussi bien sur les contrats longs (CDI et CDD de plus d’un mois) que courts (CDD de moins d’un mois), confirmant la robustesse de la reprise des recrutements en lien avec le rebond de l’activité économique. Ce volume reste cependant inférieur de 10 % à celui des embauches d’avant-crise. De même, 24 100 offres d’emploi sont collectées au mois de septembre dans la région : en progression depuis le déconfinement, ce niveau est encore en recul de 15 % par rapport à septembre 2019.

...l’activité partielle perdure, le volume de travail rémunéré est en baisse...

L’hétérogénéité de l’évolution de l’emploi salarié par secteur est en lien avec la dégradation prolongée de certaines activités confrontées à des difficultés de reprise. Dès lors, le dispositif exceptionnel d’activité partielle est maintenu. Dans la région, en moyenne, 1,9 % des salariés bénéficient de cette mesure au troisième trimestre, une proportion bien moindre qu’au deuxième trimestre (15,9 %). Dans l'hébergement-restauration, 7,2 % des effectifs sont en activité réduite. Dans la restauration, les chiffres d’affaires réalisés en juillet et août 2020 restent proches des niveaux de 2019, mais la situation apparaît moins favorable dans l’hôtellerie.

Depuis le début de la crise, en indemnisant des salariés dont le nombre d’heures rémunérées a baissé mais qui n’ont pas perdu leur emploi, le recours à l’activité partielle joue à plein son rôle d’amortisseur. Ainsi, au troisième trimestre, le volume d’heures rémunérées est en baisse de 4 % en Nouvelle-Aquitaine par rapport à son niveau de la même période en 2019. Ce recul, bien moins important que celui observé au plus fort du confinement (– 33 % en avril), reflète également les disparités sectorielles constatées sur l’emploi et l’activité. Dans l’hébergement-restauration, secteur le plus impacté, le volume d’heures rémunérées est inférieur de 14 % à celui du troisième trimestre 2019, alors même que l’emploi est en baisse de 6,7 % : le recours à l’activité partielle explique donc en partie la chute du volume d’heures rémunérées, plus forte que celle de l’emploi du secteur.

...et le taux de chômage repart à la hausse

Depuis la réouverture des lieux de travail, les chômeurs sont à nouveau en mesure de rechercher un emploi et leur disponibilité à l’embauche n’est plus entravée par le confinement. Dans ces conditions, de nombreuses personnes comptabilisées dans le halo du chômage aux trimestres précédents redeviennent des chômeurs au sens du BIT. En Nouvelle-Aquitaine, le taux de chômage du troisième trimestre, en hausse de 1,5 point, s’établit à 8,3 % (figure 6). Grâce à la reprise soutenue de l’activité et des embauches, le nombre de demandeurs d’emploi qui sortent des listes ABC de Pôle emploi devient supérieur à celui des nouvelles inscriptions dans la région : au total la baisse du nombre d’inscrits est de 1,1 % ce trimestre. Les jeunes sont toujours les plus impactés par rapport à la situation d’avant-crise et notamment les hommes de moins de 25 ans inscrits en catégorie A (+ 9,4 % relativement à la même période de 2019). Par ailleurs, un autre phénomène apparaît : les demandeurs d’emploi néo-aquitains s’inscrivant sur les listes ABC suite à une rupture conventionnelle de contrat sont en hausse de 46 % par rapport au trimestre précédent (soit + 16,6 % en évolution annuelle). L’évolution du taux de chômage, l’augmentation du nombre de jeunes inscrits à Pôle emploi et l’arrivée de nouveaux demandeurs d’emploi dont le contrat de travail a été rompu commencent à refléter une dégradation plus structurelle de l’emploi.

Figure 6Après deux trimestres de baisse en « trompe-l’œil », le taux de chômage rebonditÉvolution du taux de chômage et du nombre de demandeurs d’emploi (A, B, C) inscrits à Pôle emploi en Nouvelle-Aquitaine

Après deux trimestres de baisse en « trompe-l’œil », le taux de chômage rebondit
Taux de chômage (BIT) (en %) Demandeurs d’emploi inscrits à Pôle emploi (en nombre)
T1 2019 8,10 510 200
T2 2019 7,80 507 600
T3 2019 7,70 500 720
T4 2019 7,40 493 420
T1 2020 7,20 494 070
T2 2020 6,80 528 310
T3 2020 8,30 522 540
  • Avertissement : le nombre de demandeurs d’emploi du trimestre est une moyenne des données mensuelles afin de mieux dégager les évolutions tendancielles.
  • Note : taux de chômage ; données trimestrielles CVS. Les données du dernier trimestre affiché sont provisoires. - DEFM : données CVS-CJO.
  • Sources : Insee, taux de chômage au sens du BIT et taux de chômage localisé – Pôle emploi-Dares, STMT

Figure 6Après deux trimestres de baisse en « trompe-l’œil », le taux de chômage rebonditÉvolution du taux de chômage et du nombre de demandeurs d’emploi (A, B, C) inscrits à Pôle emploi en Nouvelle-Aquitaine

  • Avertissement : le nombre de demandeurs d’emploi du trimestre est une moyenne des données mensuelles afin de mieux dégager les évolutions tendancielles.
  • Note : taux de chômage ; données trimestrielles CVS. Les données du dernier trimestre affiché sont provisoires. - DEFM : données CVS-CJO.
  • Sources : Insee, taux de chômage au sens du BIT et taux de chômage localisé – Pôle emploi-Dares, STMT

Pour en savoir plus

Ouvrir dans un nouvel ongletDemandeurs d’emploi inscrits à pôle emploi en Nouvelle-Aquitaine au troisième trimestre 2020, Direccte Nouvelle-Aquitaine

Decret V., Wotan O., « En Nouvelle-Aquitaine, 294 000 personnes aux frontières du chômage », Insee Analyses Nouvelle-Aquitaine n° 61, septembre 2018

Rouaud P., Sanzeri O., « Les employeurs face à la crise sanitaire : arrêt des embauches et recours à l’activité partielle », Insee Analyses Provence-Alpes-Côte d’Azur n° 85, juillet 2020