Une pauvreté forte pour les familles monoparentales et les ménages jeunes dans les zones urbaines
La région des Hauts-de-France est particulièrement concernée par les phénomènes de pauvreté : avec 18,1 % de sa population vivant sous le seuil de pauvreté, soit un million d’habitants, elle est la deuxième région métropolitaine la plus pauvre après la Corse. Certains territoires de la région concentrent les phénomènes de pauvreté : le nord de l’Aisne, l’Avesnois ou le bassin minier. Les territoires les plus en difficulté se situent dans les zones lesplus peuplées de la région. La pauvreté y concerne plus spécifiquement les familles et les ménages jeunes. Dans les plus grandes agglomérations, la pauvreté est liée à des inégalités plus importantes. Les personnes âgées sont plus exposées dans les territoires peu denses de la région, notamment dans le Pas-de-Calais. Le sud de la région, plus particulièrement le sud de l’Oise, est moins touché du fait de sa proximité avec l’Île-de-France. De même, la pauvreté touche moins les territoires situés à proximité des grandes agglomérations régionales.
- Les familles monoparentales et les ménages jeunes plus touchés par la pauvreté
- Une concentration de la pauvreté dans certains territoires
- Une pauvreté des familles et des ménages jeunes accrue dans les espaces les plus peuplés de la région
- Les ménages âgés plus exposés à la pauvreté dans les territoires peu denses
- Une population plus préservée autour des grandes villes et à proximité de l’Île-de-France
Dans les Hauts-de-France, un peu plus d’un million d' habitants sont pauvres (définitions) : ils vivent avec moins de 987 euros par mois en 2012, soit un montant inférieur au seuil de pauvreté. Ils représentent 18,1 % de la population régionale : cette proportion est la plus importante de France métropolitaine, après la Corse. Le taux de pauvreté en France métropolitaine hors Île-de-France est inférieur de 4 points au taux régional, à 14,1 %.
Les familles monoparentales et les ménages jeunes plus touchés par la pauvreté
Dans les Hauts-de-France, la pauvreté touche plus fortement certains profils de ménages, et ce de façon plus prononcée qu’au niveau national. Au niveau régional, 38 % des familles monoparentales sont pauvres, contre 31 % pour la France métropolitaine hors Île-de-France. De même, le taux de pauvreté des ménages composés de cinq personnes ou plus est plus élevé de 8 points dans la région : il atteint 32 %, contre 24 % en France métropolitaine hors Île-de-France.
L’âge du référent fiscal du ménage a également une influence sur le risque pour les membres d’un ménage d’être pauvres : plus l’âge de la personne de référence est élevé, moins le taux de pauvreté est important. Dans les Hauts-de-France, le taux de pauvreté passe ainsi de 28 % pour les ménages jeunes à 11 % pour les ménages les plus âgés (définitions), contre respectivement 24 % et 10,5 % pour la France métropolitaine hors Île-de-France.
Une concentration de la pauvreté dans certains territoires
Six EPCI (définitions) ont un taux de pauvreté supérieur à 25 % : ils sont situés autour de Fourmies, Hirson, Maubeuge, Creil, Lens et Calais (figure 1). Ces territoires rassemblent 15 % des personnes pauvres de la région, alors qu’ils ne comptent que 10 % de la population régionale. De façon générale, l’ensemble des territoires les plus urbanisés est touchépar une pauvreté importante. Une exception est toutefois notable : les EPCI du sud de la réion bénéficient de la proximité de la région parisienne, et connaissent ainsi des situations de pauvreté moins fréquentes.
graphiqueFigure 1 – Une pauvreté élevée dans l'Avesnois, le nord de l'Aisne et le bassin minier Taux de pauvreté dans les EPCI en 2012
graphiqueFigure 2 – Sept profils de territoires pour décrire la pauvreté dans les Hauts-de-FranceTypologie des EPCI des Hauts-de-France selon les profils de pauvreté en 2012
Dans les territoires pauvres, les profils les plus souvent confrontés à la pauvreté sont surreprésentés. Les familles monoparentales sont par exemple relativement plus nombreuses dans les EPCI les plus pauvres, comme Fourmies, Maubeuge ou Calais : plus de 13 % de la population vit dans un ménage monoparental, contre 11,4 % au niveau régional. Les familles monoparentales y sont plus nombreuses, mais elles sont aussi souvent plus pauvres : plus la part des familles monoparentales dans un territoire est élevée, plus la pauvreté de ces familles est élevée également. La relation positive entre présence d’un public fragile et pauvreté accrue de ces publics dans les territoires les plus pauvres témoigne d’une concentration de la pauvreté.
Sept profils de territoires ont été définis selon les caractéristiques des ménages touchés par la pauvreté dans les EPCI (figure 2). Ils mettent en évidence des disparités importantes entre les EPCI de la région. La pauvreté est élevée et touche plus particulièrement les familles et les ménages jeunes dans les zones urbaines. La pauvreté des ménages âgés est plus diffuse, mais concerne plusieurs zones peu densesde la région. Le sud de la région et les EPCI limitrophes des grandes agglomérations sont moins concernés par la pauvreté.
Une pauvreté des familles et des ménages jeunes accrue dans les espaces les plus peuplés de la région
Dans le bassin minier, les territoires urbains du littoral ou les grandes agglomérations (Métropole européenne de Lille, Amiens Métropole, Communauté urbaine d’Arras), les difficultés sociales et économiques sont importantes et fragilisent les familles avec enfants et les ménages jeunes (profils 1 et 2). Ces territoires sont les plus denses de la région : en 2012, 4 millions de personnes y résident, soit les deux tiers de la population régionale. La pauvreté y est très concentrée : les trois quarts des personnes pauvres y résident.
Les familles monoparentales sont fortement touchées : 42 % d’entre elles vivent sous le seuil de pauvreté, contre 38 % en moyenne régionale. Leur taux de pauvreté est même supérieur à 50 % dans les EPCI de Maubeuge, Fourmies, Hirson et Calais. Les enfants génèrent en effet des dépenses supplémentaires sans contribuer directement aux ressources et la présence d’un seul revenu rend la pauvreté plus probable.
La situation des ménages jeunes apparaît aussi très fragile. Ils se caractérisent par un déficit de formation assez important dans ces territoires. Ainsi, le retard à l’entrée en 6e y est plus fréquent : en 2012, il touche 13 % des élèves contre 10 % en France métropolitaine. Il est encore plus élevé dans l’EPCI de Calais où il concerne près de 15 % des jeunes. Dans ces EPCI, le taux de réussite au baccalauréat est parmi les plus faibles de France métropolitaine : la part des jeunes de 20 à 29 ans titulaires du baccalauréat est inférieure de cinq points à la moyenne métropolitaine (63 % contre 68 %). Dans les EPCI de Péronne ou d’Abbeville, moins d’un jeune sur deux est titulaire du baccalauréat. Ce déficit de formation rend plus difficile l’insertion des jeunes sur le marché du travail. La proportion de jeunes de 18 à 25 ans non insérés atteint presque 30 % contre 22 % en France métropolitaine. Le taux de chômage (définitions) est également très élevé : près de 40 % des jeunes de 15 à 24 ans sont au chômage dans ces espaces alors qu’ils sont moins de 30 % en France métropolitaine. En corollaire, 26 à 48 % des ménages jeunes sont considérés comme pauvres dans ces territoires, contre 29 % dans la région et 22 % au niveau national. Ce taux est supérieur à 40 % dans certains EPCI de l’Avesnois et de la Thiérache, ainsi qu’à Calais.
Les territoires les plus en difficulté se situent dans le bassin minier, la Sambre-Avesnois, la Thiérache et le Saint-Quentinois ainsi que dans les territoires urbains du littoral au sein des communautés d’agglomération du Calaisis, du Boulonnais ou de l’Abbevillois (profil 1). Ausud de l’Oise, l’EPCI de Creil constitue une poche de pauvreté importante, limitrophe à des EPCI aux niveaux de vie très élevés comme ceux de Chantilly oude Senlis. Le passé industriel et le tissu productif qui peine à se reconvertir dans certains de ces territoires engendrent des situations de chômage et de pauvreté bien plus importantes qu’au niveau régional : le taux de chômage moyen est de 20 %, soit 4 points de plus que la moyenne régionale. Dans la communauté de communes du Sud-Avesnois, autour de Fourmies, 30 % de la population vit sous le seuil de pauvreté.
Les EPCI qui englobent les grandes agglomérations telles que Lille, Amiens, Dunkerque, Beauvais, Arras ou encore Soissons (profil 2) présentent des taux de pauvreté plus proches de la moyenne régionale. Les inégalités sont toutefois plus importantes au sein de ces espaces : des populations en difficulté côtoient des populations moins fragiles socialement et économiquement. Le niveau de vie des 10 % des ménages les plus aisés est 3,6 fois supérieur à celui des 10 % des ménages les plus démunis contre 3,3 fois plus en moyenne régionale (figure 3). Ce ratio va jusqu’à 3,8 dans la communauté de communes d’Amiens métropole ; il est de 3,7 dans la Métropole européenne de Lille.
graphiqueFigure 3 – Des inégalités de niveau de vie importantes dans les espaces urbains (profil 2)Dispersion du niveau de vie (en euros) selon les profils et dans l'ensemble des Hauts-de-France en 2012
Les ménages âgés plus exposés à la pauvreté dans les territoires peu denses
Le taux de pauvreté des ménages âgés (75 ans ou plus) est important dans les territoires peu denses de l’arrière-pays du Boulonnais et du Calaisis, de la Thiérache ou de l’Avesnois (profils 3 et 4). Il varie de 14 à 21 % et est ainsi parfois deux fois supérieur à la moyenne régionale (10,9 %). Ces ménages plus âgés sont surreprésentés dans ces territoires (16 % des ménages contre 14 % au niveau régional). La proportion d’agriculteurs ou d’anciens agriculteurs y est importante. Or le montant de leur retraite est plus faible que dans le régime général et les aidants agricoles, souvent les conjointes, ne bénéficient pas d’une retraite en leur nom. Le risque pour ces ménages âgés d’être pauvre est donc plus fort. La pauvreté des plus âgés est toutefois à relativiser puisqu’elle concerne un nombre relativement faible de personnes, comparativement aux autres ménages concernés par la pauvreté. Ces EPCI figurent d’ailleurs parmi les moins peuplés de la région (7 % de la population régionale et 6 % des personnes pauvres).
Certains EPCI (profil 3) cumulent des difficultés sur tous les types de ménages : la pauvreté est non seulement très forte pour les personnes âgées mais aussi pour les familles et les ménages jeunes avec des taux parfois très supérieurs à la moyenne régionale. Par exemple, dans la communauté de communes des portes de la Thiérache, entre Vervins et Laon, le taux de pauvreté des ménages jeunes atteint 42,1 % contre 28,8 % en moyenne régionale. La pauvreté des personnes âgées présente toutefois une répartition atypique : elle est plus présente dans les territoires ruraux qui ne sont pas toujours les plus concernés par la pauvreté et est parfois déconnectée des autres visages de la pauvreté. Ainsi, la pauvreté des autres catégories de ménages est beaucoup plus contenue dans certains EPCIU (profil 4) : elle est le plus souvent inférieure à la moyenne régionale voire nationale.
Une population plus préservée autour des grandes villes et à proximité de l’Île-de-France
Autour des grandes agglomérations, plus particulièrement de Lille (régions de Pévèle-Carembault, des Flandres) ou d’Amiens (Val de Somme, Val de Noye), les ménages sont plus épargnés par la pauvreté (profils 5 et 6). Ils concentrent moins de personnes pauvres que les autres EPCI de la région : 18 % de la population y réside contre seulement 13 % des personnes pauvres. À l’exception de la pauvreté des personnes âgées, qui dépasse parfois de peu le niveau régional, les taux de pauvreté restent bien inférieurs à la moyenne régionale voire nationale pour les familles et les ménages jeunes. Sous l’influence de la métropole lilloise, la communauté de communes de Pévèle-Carembault ne compte que 8 % de personnes pauvres. Les taux de pauvreté des familles monoparentales, nombreuses et des ménages jeunes, sont inférieurs de 7 à 12 points à la moyenne nationale.
Le sud de la région, dans l’Oise et l’Aisne, présente un profil similaire mais de manière encore plus favorisée : les taux de pauvreté sont inférieurs à la moyenne nationale pour tous les types de ménages (profil 7). Près de 500 000 personnes y résident (8,5 % de la population régionale) mais à peine 5 % des personnes pauvres. Situés sous l’influence directe de l’Île-de-France, ces territoires attirent de nombreux actifs de la métropole francilienne. Le taux de chômage y est faible (moins de 12 %), en comparaison des moyennes régionale (16 %) et nationale (13 %). Les EPCI de Chantilly et Senlis se démarquent encore davantage au sein de cet espace aisé : leur population connaît un niveau de vie encore plus élevé. De même, leur taux de pauvreté est deux fois moindre que la moyenne nationale.
Sources
Le fichier localisé social et fiscal (Filosofi) est issu du rapprochement des données fiscales exhaustives en provenance de la direction générale des Finances publiques (déclaration de revenus des personnes physiques, taxe d’habitation et fichier d’imposition des personnes physiques) et des données sur les prestations sociales émanant des principaux organismes gestionnaires de ces prestations (Cnaf, Cnav, CCMSA). Le champ couvert est celui de l’ensemble des ménages fiscaux ordinaires : il exclut les personnes sans domicile ou vivant en institution (prison, foyer, maison de retraite…).
Une personne (ou un ménage) est considérée comme pauvre au sens monétaire lorsque son niveau de vie est inférieur au seuil de pauvreté. Selon des conventions européennes, ce seuil est fixé à 60 % du niveau de vie médian. En France métropolitaine, il est estimé à partir de Filosofi à 11 871 euros annuels en 2012 pour une personne seule, soit près de 990 euros par mois.
Définitions
Le revenu disponible d’un ménage comprend les revenus d’activité (nets des cotisations sociales), les revenus de patrimoine, les transferts en provenance d’autres ménages et les prestations sociales (y compris les pensions de retraite et les indemnités de chômage), nets des impôts directs.
Le niveau de vie correspond au revenu disponible du ménage divisé par le nombre d’unités de consommation (UC). Le niveau de vie est donc le même pour tous les individus d’un même ménage. Le nombre d’unités de consommation est calculé selon l’échelle d’équivalence dite de l’OCDE modifiée : le premier adulte compte pour 1, les autres personnes de 14 ans ou plus pour 0,5 et les enfants de moins de 14 ans pour 0,3.
Le rapport interdécile du niveau de vie rapporte le niveau de vie des 10 % des ménages les plus aisés à celui des 10 % les plus démunis. Plus le rapport est élevé, plus les inégalités sont grandes.
Un ménage fiscal correspond à l’ensemble des foyers fiscaux répertoriés dans un même logement. Les personnes ne disposant pas de leur indépendance fiscale (essentiellement des étudiants) sont comptées dans les ménages où elles déclarent leurs revenus même si elles occupent un logement indépendant. Un ménage jeune est un ménage dont le référent fiscal (personne identifiée en tant que payeur de la taxe d’habitation au sein du ménage fiscal) est âgé de moins de 30 ans. Dans les ménages les plus âgés, le référent fiscal a 75 ans ou plus.
Les EPCI (établissements publics de coopération intercommunale) étudiés ici sont ceux définis au 1er janvier 2017. Deux EPCI sont à cheval sur les Hauts-de-France et la Normandie : la CC Bresle Maritime et l’EPCI issu du regroupement entre la CC de Blangy-Sur-Bresle et la CC du Canton d’Aumale.
Pour ces deux territoires, les données analysées couvrent l’ensemble de l’EPCI.
Le taux de chômage au sens du recensement de la population est la proportion du nombre de chômeurs dans la population active au sens du recensement.
Pour en savoir plus
- Becuwe B., Bréfort M., Vilain E., « Une approche de la qualité de vie par les aménités et la situation sociale des habitants », Insee Analyses Hauts-de-France, n° 7, octobre 2016
- Becuwe B., « Des territoires différemment touchés par la pauvreté dans le Nord et le Pas de-Calais », Insee Analyses Hauts-de-France, n° 25, septembre 2016
- Argouarc'h J., Boiron A., « Les niveaux de vie en 2014 », Insee Première, n° 1614, septembre 2016
- Lecomte M., Werquin B., « Une pauvreté plus marquée au coeur des pôles urbains », Insee Analyses Nord-Pas-de-Calais, n° 16, juin 2015
- Maillard M., « L’espace périurbain picard : un territoire aisé où vit près d’un habitant sur deux », Insee Analyses Picardie, n° 12, mai 2015