Insee Focus · Avril 2023 · n° 296

Les prix de production connaissent une hausse inédite en 2022 mais décélèrent en fin d’année

En moyenne annuelle, les prix à la production augmentent à un rythme sans précédent en 2022, quel que soit le secteur d’activité. Depuis 2020, les prix agricoles à la production ont très fortement accéléré : +0,5 % en 2020 par rapport à l’année précédente, +9,0 % en 2021, puis +20,9 % en 2022 (figure 1). L’ampleur de la hausse en 2022 est inédite : il faut remonter à 2011 (+12,8 %) et 2007 (+13,5 %) pour observer des augmentations de plus de 10 % en moyenne annuelle. En 2021, ce sont les prix des oléagineux qui se sont le plus envolés (+45,4 %) et en 2022 ceux des céréales (+41,5 %). De même, les prix à la production dans l’industrie ont très fortement augmenté depuis 2020 : -1,9 % en 2020, +8,6 % en 2021, +23,2 % en 2022. Il s’agit également de la plus forte hausse enregistrée depuis que ces données sont publiées (2006). Dans la construction, les prix de revient des logements neufs à usage d’habitation – mesurés par l’indice du coût de construction (ICC) – augmentent en moyenne annuelle de 4,7 % en 2021, puis de 7,9 % en 2022. Cette hausse est la plus forte enregistrée depuis 1982. Elle s’explique surtout par la hausse des prix des matériaux et notamment des produits sidérurgiques. Les prix à la production dans l’entretien-amélioration des bâtiments (IPEA) augmentent également à un rythme inédit en 2022 : +9,5 %, soit deux fois plus qu’en 2021. Enfin, dans les services, les prix accélèrent nettement en 2022, affichant une hausse inédite de 4,3 % (après +2,2 % en 2021 et +0,7 % en 2020) ; la hausse la plus élevée enregistrée jusque-là était de +2,6 % en 2007, première année de calcul.

Ce dynamisme n’est pas propre à la France. Sur la base d’une méthodologie harmonisée, les prix agricoles à la production de l’ensemble de l’Union européenne (+9,3 %) ont augmenté à peu près autant que ceux de la France en moyenne en 2021 (+9,1 %), mais nettement plus en 2022 (+25,5 % contre +20,4 % ; figure 2). La hausse a notamment été similaire en Italie (+21,2 %), mais plus forte en Allemagne (+31,1 %) : les prix des animaux, des produits animaux et des pommes de terre ont beaucoup plus augmenté en Allemagne qu'en France en 2022, alors que les hausses des prix des céréales sont proches et que celles des oléagineux sont un peu plus élevées en France. Les prix de production dans l’industrie sont aussi nettement en hausse dans les autres pays européens. Restreints à l’industrie manufacturière pour permettre de comparer les pays indépendamment de la part de la production d’énergie dans leur production industrielle, les prix à la production moyens annuels augmentent de 15,7 % en 2022 pour la France, qui se situe au même niveau que la moyenne de l’Union européenne (+15,8 %). La hausse des prix est un peu plus faible en Allemagne (+13,4 %) et en Italie (+13,8 %) où les hausses de prix des produits de la cokéfaction et du raffinage ont été plus modérées. Dans la construction, la hausse des prix est plus forte dans les autres pays européens : sur l’ensemble de l’année 2022, elle atteint 11,9 % en moyenne dans l’Union européenne et 16,4 % en Allemagne. L’écart avec la hausse en France (+7,9 %) s’explique notamment par une hausse plus importante des prix de l’énergie et, par conséquent, par la hausse des prix des matériaux énergivores tels que les produits sidérurgiques ou en verre, mais également par une hausse plus importante des salaires dans ce secteur d’activité.

Au cours de l’année 2022, les prix à la production accélèrent pour tous les secteurs d’activité, avant de décélérer en fin d’année (hormis pour les prix de la construction des logements neufs).

Le ralentissement des prix agricoles à la production, amorcé début 2022, n’a duré que deux mois ; l’agression débutée le 24 février 2022 de l’Ukraine par la Russie, deux des principaux pays producteurs et exportateurs notamment de céréales et d’oléagineux, entraîne une nouvelle hausse des prix dès mars (+27,3 % en glissement annuel ; figure 3). Après une hausse maximale inédite en avril 2022 en glissement annuel (+31,0 %), la hausse des prix en rythme annuel s’atténue tout au long du reste de l’année 2022 pour atteindre 10,9 % en décembre. Le ralentissement des prix agricoles est toutefois limité par l’augmentation très vive des prix des moyens de production agricole (engrais, aliments pour animaux, matières premières dont énergie, etc.). Les prix des oléagineux et des céréales s’accroissent de manière très marquée dès le début de la guerre en Ukraine avec des maxima atteints en avril 2022 (+96,4 % en glissement annuel pour les oléagineux et +75,5 % pour les céréales), puis refluent notamment à la faveur de l’accord entre les deux belligérants pour les exportations de produits agricoles signé en juillet 2022 et prolongé de quatre mois en novembre 2022. En fin d’année, les prix des oléagineux sont même en recul sur un an (-2,9 % en octobre 2022 en glissement annuel, -8,1 % en novembre et -14,9 % en décembre). Les prix des autres grands types de produits agricoles augmentent également à partir de mars 2022, mais de manière moins vive et avec des maxima de hausse annuelle plus tardifs (+32,1 % en octobre 2022 pour les animaux et +24,6 % en novembre 2022 pour le lait).

Au cours de l’année 2022, les prix de production dans l’industrie affichent des hausses inédites depuis plus de 25 ans. Les prix des produits destinés au marché français ont augmenté de 22,8 % sur un an en janvier 2022 (figure 4). Ils accélèrent ensuite jusqu’en août pour atteindre un maximum en glissement annuel (+29,7 %), en raison notamment de la forte augmentation des prix des produits des industries extractives, énergie, eau (+63,9 % sur un an en août). Les prix des produits manufacturés accélèrent eux jusqu’en juin 2022 (+21,1 %, après +12,7 % en janvier), en particulier ceux des produits de la cokéfaction et du raffinage (+133,6 % sur un an en juin 2022), des produits alimentaires et boissons (+16,5 %), et des « autres produits industriels » (+17,9 %). Les prix de production de l’industrie française pour le marché français décélèrent ensuite pour terminer en décembre 2022 sur une hausse de 20,4 % en glissement annuel (+34,6 % pour les produits des industries extractives, énergie, eau et +14,3 % pour les produits manufacturés).

Depuis la crise sanitaire liée à la pandémie de Covid-19 en 2020 et depuis le début de l’année 2021, l’indice du coût de la construction (ICC), qui mesure l’évolution des prix de revient des logements neufs à usage d’habitation et non leur coût de construction, accélère continûment, passant d’un rythme d’évolution annuel de +0,4 % au 2^e trimestre 2020 à +8,8 % au 4^e trimestre 2022 (figure 5). De même, les prix à la production dans l’entretien-amélioration des bâtiments accélèrent nettement au cours de l’année 2021 et jusqu’au 3^e trimestre 2022 avec un glissement annuel maximum de +10,1 %, les prix décélérant ensuite légèrement. Cette hausse est principalement portée par la hausse inédite des prix dans les secteurs plomberie-chauffage (+12,5 % en glissement annuel) et menuiserie (+15,2 %). Elle concerne davantage les bâtiments à usage résidentiel que les bâtiments non résidentiels : en rythme annuel, l’écart de hausse est de deux points de pourcentage sur les deux derniers trimestres de 2022.

Après un ralentissement en 2020 lié à la crise sanitaire, les prix à la production dans les services accélèrent nettement en 2021 et lors de la première moitié de l’année 2022. Au 2^e trimestre 2022, ils augmentent ainsi de 5,1 % sur un an (figure 6). Il s'agit de la plus forte hausse annuelle enregistrée depuis que les données existent, c’est‑à‑dire depuis le 1^er trimestre 2006. La hausse des prix est toutefois plus modérée que pour l’industrie et l’agriculture ; la production des services est moins intensive en énergie et en matières premières que la production industrielle, mais recourt davantage à la main-d’œuvre, dont le coût pour les entreprises a nettement moins augmenté que celui de l’énergie et des matières premières. Les prix ralentissent ensuite au cours du 2^d semestre 2022 : +4,9 % sur un an au 3^e trimestre 2022, puis +3,5 % au 4^e trimestre. En particulier, la hausse des prix des services de transport-entreposage très vive enregistrée en début d’année (+13,7 % sur un an au 2^e trimestre 2022) s’est nettement atténuée en fin d’année (+3,8 % au 4^e trimestre). Les tensions dans le transport maritime et côtier de fret, liées à la très forte reprise de la demande mondiale en 2021, se relâchent en effet progressivement au cours de l’année 2022.