Un peu d'histoire

L'Institut national de la statistique et des études économiques - l'Insee - a été créé par la loi de finances du 27 avril 1946 (art. 32 et 33). La nouvelle institution reprenait alors une activité de statistique publique qui s'était exercée sans discontinuité depuis 1833.

L'Insee et la statistique publique
Dernière mise à jour le : 25/10/2021

En 2021, l'Insee a 75 ans

Il y a tout juste 75 ans, le 27 avril 1946, l’Insee était créé. Au sortir de la 2e guerre mondiale, il fallait doter la France d’un appareil d’informations démographiques et sociales conforme à ses besoins, domaines dans lesquels tout était à faire selon les mots de Francis-Louis Closon, son premier Directeur général.  

L’Institut a naturellement beaucoup évolué au cours de ces 75 années, mais il a conservé plusieurs caractéristiques qui avaient été définies dès sa création, et auxquelles les statisticiens publics sont encore aujourd’hui très attachés : 
- la réalisation d’études conjointement à la production des statistiques, qui se retrouve jusque dans le nom qui a été donné à l'Institut et qui constitue une exception, la marque « Insee », relativement aux autres instituts nationaux de statistiques, ce que je considère être notre force ;
- une forte implantation sur l’ensemble du territoire avec notre réseau de directions régionales et d’enquêteurs, au plus près des ménages et des entreprises auprès de qui nous collectons nos données et auprès des acteurs publics qui les utilisent pour prendre leurs décisions ;
- la responsabilité de grands répertoires régaliens qui structurent la vie sociale, économique et démocratique de la France ;
- une concertation étroite avec l’ensemble des utilisateurs de la statistique publique, formalisée quelques années après la création de l’Insee avec le Conseil national de l’information statistique, le Cnis.

Nous sommes les héritiers de cette histoire, qui fait la spécificité de la statistique publique française. Elle s’est enrichie au cours des 75 dernières années dans sa dimension internationale, avec la construction européenne. Celle-ci joue désormais un rôle important dans l’organisation de nos travaux et a contribué à consolider un pilier essentiel de la statistique publique, son indépendance.

Mais un anniversaire comme celui-ci n’est pas seulement l’occasion de revenir sur le passé. L’Insee doit conserver l’énergie et l’agilité de la jeunesse. La société française est en effet traversée par de profondes mutations qui concernent à la fois ses attentes vis-à-vis de la statistique publique et la façon dont nous travaillons. Elles sont autant de défis à relever pour notre Institut : l’explosion des données, alimentées par les traces numériques des activités humaines ; la transformation des médias et du marché de l’information ; un intérêt accru pour les questions relatives à la transition énergétique, aux inégalités ou encore aux statistiques locales. De nombreux projets concernant l’exploitation de nouvelles sources de données, la diffusion et la communication de l’Institut ou encore les modes de collecte de nos enquêtes y répondent pour préparer l’avenir. 

L’Insee a su traverser les années, évoluer et renforcer sa position afin de toujours mieux répondre aux attentes de la société : éclairer de façon fiable et impartiale les faits économiques et sociaux.

C’est l’aspiration collective de l’Institut qui contribue à sa force et à sa notoriété, aujourd’hui comme pour les prochaines années.  

Jean-Luc Tavernier, Directeur général de l’Insee


Les Directeurs généraux de l'Insee


Les grandes périodes de l'Institut

Depuis 2003 : innovation technologique et gouvernance statistique

En ligne avec les progrès du traitement de l'information, la statistique publique française fait de plus en plus appel aux fichiers de données administratives qui sont, autant que possible, substitués aux collectes de nature statistique en vue de réduire le poids de cette collecte sur les répondants, ainsi que les coûts directs qu'elle induit.

C'est ainsi que le premier cycle de production du nouveau recensement s'étend sur la période 2004-2008, tant pour la métropole et les départements d'outre-mer (où la collecte devient une opération en continu et permet la publication de résultats annuels), que pour les autres collectivités territoriales d'outre-mer.

Simultanément les données géographiques et le géocodage deviennent plus fins et les collectivités locales disposent d'une information plus fraîche et plus fréquente.

En matière de diffusion des données, l'Insee s'inscrit résolument dans l'Internet et instaure à partir de 2003, sous l'impulsion de Jean-Michel Charpin, la gratuité de l'accès à l'information disponible, dont le volume est multiplié.

La statistique « Population-Ménages » profite également de ces progrès pour mettre en place un recours plus systématique aux panels, et pour croiser fichiers individuels de données statistiques et de données administratives sous le contrôle de la Commission nationale de l'Informatique et des Libertés (Cnil). Celle-ci a d'ailleurs autorisé l'extension du champ du Répertoire national d'identification des personnes physiques (RNIPP) à l'ensemble du territoire de la République française ; cette extension est progressivement mise en œuvre à Mayotte (où l'Insee a ouvert une antenne) et dans le Pacifique.

Une extension territoriale similaire a également été réalisée (du moins pour ce qui concerne le secteur public) par Sirene, dont la qualité de répertoire inter-administratif d'identification des entreprises et de leurs établissements a encore été renforcée et dont les modalités de mise à disposition du public des fichiers ont été validées par le Conseil d'État. En liaison avec le nouveau règlement européen sur le développement de répertoires d'entreprises utilisés à des fins statistiques, qui prend notamment en compte les groupes d'entreprises de manière précise, un répertoire statistique est mis en place. Ce répertoire sert à la mise en œuvre de la Refonte des statistiques annuelles d'entreprises (Resane), qui succède aux EAE (enquêtes annuelles d'entreprises) en s'appuyant sur les données fiscales d'entreprises.

À cette occasion, la statistique d'entreprise française rompt avec sa tradition d'identification de l'entreprise avec l'unité légale enregistrée dans Sirene en créant, pour les besoins de la collecte statistique de Resane, des « entreprises issues du profilage ».

Au début des années 2000, la collecte de données en vue de la participation française à l'établissement des statistiques européennes prend une part prépondérante dans le programme annuel national de la statistique publique.

De nouvelles nomenclatures d'activités et de produits françaises, NAF rév. 2 et CPF rév. 2, sont entrées en vigueur le 1er janvier 2008. Cette opération s'inscrit dans un processus de révision d'ensemble des nomenclatures d'activités et de produits aux niveaux mondial et européen.

Par ailleurs, l'élargissement progressif de l'Union européenne nécessite la mise en place d'une nouvelle gouvernance. Celle-ci est amorcée par l'adoption en 2005 d'un code de bonnes pratiques de la statistique européenne. Elle se manifeste ensuite par la création en 2008 d'un Comité consultatif européen de la statistique et d'un Conseil consultatif européen pour la gouvernance statistique, puis par la mise en place en 2009 d'un nouveau règlement relatif aux statistiques européennes. Ce réglement crée un partenariat gouverné par le Comité du système statistique européen (SSE) entre, d'une part, la Commission (représentée par Eurostat) et, d'autre part, les États membres (représentés chacun par son Institut national de statistique), dont la compétence couvre le développement, la production et la diffusion des statistiques européennes.

De son côté, la loi du 7 juin 1951 qui régit le droit français de la statistique publique subit plusieurs modifications, alors que Jean-Philippe Cotis est le Directeur général de l'Insee. La principale est la création en 2008 d'une Autorité de la statistique publique, chargée de veiller au respect du principe d'indépendance professionnelle dans la conception, la production et la diffusion des statistiques publiques. Pour la première fois, le service statistique public reçoit une définition dans la loi : il est formé de l'Insee et des services statistiques ministériels. Le Conseil national de l'information statistique est chargé d'organiser la concertation entre les producteurs et les utilisateurs de la statistique publique ; sa composition est allégée. Les compétences du Comité du secret statistique sont élargies : elles sont désormais étendues aux données statistiques relatives aux personnes physiques, ainsi qu'à l'accès aux données administratives, à des fins de statistique publique ou de recherche scientifique ou historique.

L'innovation constitue une pièce essentielle d'une démarche plus générale : la qualité. Des normes de qualité - y compris dans les règlements européens depuis 1997 - s'imposent, notamment sur les délais de publication et la « méta-information ». En 2006, un plan qualité est mis en place à l'Insee, il étend et prolonge le processus commencé en 1999 avec la démarche « Statistique publique et entreprises ». La transparence de l'activité de l'Institut, indispensable à sa crédibilité, est mise en avant, aussi bien à propos de la gouvernance de la statistique publique que des processus statistiques ou des résultats eux-mêmes. La mise en œuvre de la Loi organique relative aux lois de finances (Lolf) modernise le management et encourage l'efficience du dispositif statistique. Enfin, l'Insee s'oriente vers un suivi plus systématique de la satisfaction des utilisateurs.

Le 1er janvier 2011, le Groupe des écoles nationales d'économie et de statistique, le Genes, devient un établissement public à caractère scientifique, culturel et professionnel.

De 1992 à 2003 : la construction du Système statistique européen

L'hiver 1992-1993 est marqué par une récession sévère, alors que le consensus des conjoncturistes n'a perçu l'ampleur et la durée de la récession qu'avec retard. Des imperfections des analyses de conjoncture et des statistiques de l'emploi et du chômage ont été mises en lumière. Il a fallu adapter les méthodes, tant pour les statistiques que pour les comptes et les études, à une économie plus cyclique et plus ouverte sur l'extérieur.

Le contexte institutionnel européen est devenu plus contraignant avec la première phase de l'Union économique et monétaire. Paul Champsaur, nommé Directeur général, estime qu'il faut assurer une meilleure comparabilité entre les données des différents pays membres, surtout pour les éléments permettant d'apprécier la convergence des économies. Dans un contexte d'élargissement, la coopération statistique confirme sa forte réorientation vers l'Est. Avec l'appui d'Eurostat, l'Insee intervient dans les pays en transition et notamment en Pologne, en Roumanie, en Russie, en Albanie. Les thèmes principaux de cette coopération sont les comptes nationaux, les répertoires d'entreprises, les indices de prix et les enquêtes de conjoncture. Parallèlement, un traité signé le 20 septembre 1993 relance la coopération avec l'Afrique par la création d'Afristat, organisme régional destiné à renforcer les capacités des États d'Afrique subsaharienne en statistiques et études économiques.

L'enseignement et la recherche prennent un nouvel élan avec la création du Groupe des écoles nationales d'économie et de statistique (Genes) par le décret du 2 juin 1994.

De 1987 à 1992 : pour le « renouveau » du service public

Quatre préoccupations essentielles émergent : resserrer les relations du système statistique avec les entreprises, élargir l'action des directions régionales (DR), adapter les méthodes à une économie devenue plus cyclique, renforcer l'insertion internationale.

À l'initiative de Jean-Claude Milleron, son Directeur général, l'Insee se réorganise à nouveau entre 1988 et 1994. Ces changements touchent les métiers de l'informatique et des ressources humaines. En 1989, l'organigramme de la Direction générale prend sa forme actuelle avec deux directions statistiques : la direction des statistiques d'entreprises et la direction des statistiques démographiques et sociales.

Principal changement, la création d'une direction des statistiques d'entreprises fait clairement apparaître les soucis de cohérence du système statistique d'entreprises et d'amélioration des rapports avec les entreprises, que celles-ci soient enquêtées ou utilisatrices de données. Les entreprises sont très sensibles à la charge constituée par la réponse aux enquêtes statistiques, même si elle ne représente, contrairement aux idées reçues, qu'une faible part de leurs obligations administratives. Deux mesures sont prises pour limiter et mieux répartir cette charge. La création du Comité du label, au sein du Cnis, assure une meilleure instruction des enquêtes tant pour les entreprises que pour les ménages. La mise en place d'une coordination des échantillons évite d'interroger toujours les mêmes petites et moyennes entreprises.

Sur le plan national, les idées de décentralisation, de déconcentration et de simplification administrative imprègnent fortement les comportements et les politiques. Les unités régionales sont réorganisées pour faire coexister au mieux production nationale et action régionale. Fin 1991, les activités en DR se structurent autour de trois pôles : un service statistique (SES), un service des études et de la diffusion (SED) et un service de l'administration des ressources (SAR). Pour valoriser le potentiel de l'Insee en région et la réorganisation des directions régionales, se développent, entre autres, la coopération interrégionale et les partenariats avec les services déconcentrés des ministères.

De 1974 à 1987 : consolidation de l'Institut et de son indépendance

Edmond Malinvaud, Directeur général de l'Insee durant cette période, renforce l'indépendance de l'Institut, déjà affirmée sous les directeurs précédents. La Direction générale déménage en 1975 du quai Branly pour la Porte de Vanves. La majorité des établissements régionaux sont modernisés pendant cette période.

Les travaux de l'Institut se diversifient et des outils lourds et sophistiqués sont mis en place : Suse (système unifié de statistiques d'entreprises), Sirene (système informatisé du répertoire national des entreprises et des établissements). Les grandes nomenclatures sont réformées : NAP (nomenclature d'activités et de produits), PCS (professions et catégories socioprofessionnelles).

Les comptes intermédiaires, les comptes satellites et de grands modèles macro-économiques (DMS, Métric) apparaissent. Les échanges internationaux se poursuivent à divers niveaux, ainsi que la coopération technique avec l'Afrique et l'Amérique latine.

À partir de 1981, la décentralisation administrative va s'accélérer et avec elle le développement des travaux statistiques régionaux. Une concertation sur les travaux à mener s'amorce avec les nouvelles autorités régionales.

Le développement de l'informatique donne la possibilité d'une meilleure utilisation de l'information détenue par les administrations et les entreprises publiques ou privées. Le cadre juridique de 1951 est complété par la loi du 6 janvier 1978 sur l'informatique, les fichiers et les libertés et la loi du 23 décembre 1986 qui reconnaît à l'Insee un large accès aux données administratives à des fins statistiques. L'Insee utilise alors de plus en plus systématiquement les sources administratives.

De 1967 à 1974 : s'organiser pour être toujours plus utile

Sous la direction de Jean Ripert, l'Insee s'ouvre à ses clients potentiels en accroissant ses moyens de diffusion, notamment en région. En 1969, les publications nationales sont réformées : création d'Économie et statistique, Tendances de la conjoncture, Annales, Informations rapides. En 1973, est publié pour la première fois Données sociales. Dans le même temps, l'Insee améliore la concertation avec les utilisateurs : en 1972, la création du CNS (Conseil national de la statistique devenu depuis Conseil national de l'information statistique - Cnis) institutionnalise le débat avec les utilisateurs de statistiques.

Suite au rapport Mc Kinsey (1971), les structures de l'Insee sont profondément réorganisées. Les pratiques statistiques évoluent : les enquêtes statistiques auprès des ménages ou des entreprises, opérations purement statistiques, deviennent plus nombreuses et collectent des données plus variées. C'est aussi l'année de la première enquête annuelle d'entreprise dans l'industrie et le bâtiment-travaux publics, complétée en 1972 dans les services.

Les services statistiques se développent rapidement dans les autres administrations : ce mouvement n'a pas cessé depuis. L'Institut renforce alors son rôle de coordination, procure à ces services les cadres nécessaires à leur développement et se transforme en centre de ressources pour l'ensemble du système statistique public.

De 1961 à 1967 : l'arrivée des comptables nationaux

Vers 1960, avec la planification, les statistiques se mettent au service du Plan et des politiques économiques. En 1962, l'Insee prend son périmètre actuel, à la suite d'un rattachement partiel des tâches et du personnel du Service des études économiques et financières (SEEF) du ministère de l'Économie et des Finances. L'Insee, dirigé par Claude Gruson, ancien chef du SEEF, prend en charge les travaux fondamentaux de comptabilité nationale et les synthèses prévisionnelles, notamment celles destinées à l'élaboration des plans. Il collabore avec la direction de la Prévision, créée en 1965, pour établir les prévisions annuelles incluses dans les « budgets économiques ».

De 1946 à 1961 : une place à construire dans l'Administration et dans la société

La loi de finances du 27 avril 1946 crée « L'Institut national de la statistique et des études économiques pour la métropole et la France d'outre-mer ». Il résulte de la fusion du Service national des statistiques avec les services d'études économiques et de documentation du ministère de l'Économie nationale. Il est une direction générale du ministère de l'Économie nationale (alors distinct du ministère des Finances). Son premier Directeur général est Francis Louis Closon. Une loi du 28 août 1946 confie à l'Insee la gestion du fichier électoral. La loi du 7 juin 1951 sur l'obligation, la coordination et le secret en matière de statistiques donne aux enquêtes statistiques publiques leur cadre juridique de base. La reconstruction et la réorganisation de la production sont les principales préoccupations de la période : la nouvelle loi permet la mise en place d'enquêtes de branche gérées par les ministères techniques ou des organisations professionnelles agréées.

Les techniques d'enquêtes par sondage — importées des États-Unis — sont mises au service des études économiques et sociales : c'est la période de la mise en place des premières enquêtes sur les budgets de famille, le logement, la santé et les coûts salariaux.

L'exploitation de sources dont les buts premiers n'étaient pas statistiques, c'est-à-dire celle des documents administratifs ou des fichiers de gestion, commence dès cette période : par exemple les formulaires fiscaux pour les salaires (1950) et pour les résultats des entreprises, ou les formulaires relatifs à l'emploi des handicapés, pour la structure des emplois (1968).

Avant l'Insee

En 1800, Lucien Bonaparte crée un Bureau de statistique qui organise le premier recensement général de la population en 1801, ainsi qu'une série d'enquêtes locales sur les départements récemment créés. Cependant, ces enquêtes sont hétérogènes, avec des résultats qu'on ne peut pas agréger au niveau national, et le Bureau de statistique est supprimé en 1812.

En 1833, Adolphe Thiers propose la création, au ministère du Commerce, d'un Bureau de statistique générale, qui prend en 1840 le nom qu'il gardera pendant un siècle : Statistique générale de la France (SGF).

Ce service ou bureau est rattaché en 1906 au ministère du Travail qui vient d'être constitué. La SGF s'engage dans des directions nouvelles liées à la gestion et à la rémunération de la main-d'œuvre et lance de nouvelles enquêtes (1ère enquête de consommation en 1907, lancement en 1911 d'une enquête périodique sur les prix de détail, etc.). De 1930 à 1936, sauf une courte période en 1934, la Statistique générale de la France est devenue une sous-direction rattachée à la présidence du Conseil. Fin 1936, elle devient un service du ministère de l'Économie nationale. Parallèlement à cet organe statistique central, des services statistiques étaient progressivement apparus dans les autres administrations. À la veille de la deuxième guerre mondiale, les attributions de la Statistique générale de la France sont ainsi définies :

  • organiser et dépouiller les grandes enquêtes qui ne sont pas du ressort d'un département ministériel (en particulier le recensement de la population) ;
  • publier les statistiques de l'état civil ;
  • observer les prix et calculer les indices des prix et de la production industrielle ;
  • coordonner l'action statistique de l'ensemble de l'administration ;
  • analyser les résultats des travaux effectués ;
  • diffuser les statistiques de toutes origines et les résultats de ses travaux par la publication de l'Annuaire statistique (créé en 1878), du Bulletin de la statistique générale de la France (créé en 1911) et d'ouvrages spécifiques.

La Statistique générale de la France disposait de moyens trop modestes (moins de 150 personnes) pour exercer intégralement ces missions. En 1941, au sein du ministère des Finances, est créé le Service national des statistiques (SNS) par la fusion de la Statistique générale de la France, du Service d'observation économique (créé en 1937), de l'Institut de conjoncture (créé en 1938) et du Service de la démographie ; ce dernier service, créé en 1940 à partir des anciens bureaux de recrutement de l'armée, disposait de personnels nombreux, de matériel mécanographique, tous moyens répartis en directions régionales.

Adepte de la mécanographie, René Carmille, créateur du SNS, fonde tout un pan de l'activité statistique orienté vers l'exploitation des fichiers administratifs. Organisateur, il implante des établissements régionaux et ouvre une école d'application du SNS ; il crée les corps d'administrateurs, d'attachés et de commis qui formeront l'ossature du système d'information statistique de l'administration. Arrêté à Lyon en 1944 pour faits de résistance, René Carmille meurt à Dachau le 26 janvier 1945.

En 1992, dans un contexte de polémique sur les fichiers de personnes créés pendant cette période, le directeur général de l’Insee, Jean-Claude Milleron, a confié à Jean-Pierre Azéma, historien, et à Raymond Lévy-Bruhl, ancien secrétaire général de l’Insee, une mission d’analyse historique sur le système statistique français de 1940 à 1945. Ils se sont adjoint l’aide de Béatrice Touchelay, historienne. Il s’agissait, après avoir recherché et rassemblé les documents existants, de faire le point sur l’action du Service national des Statistiques, et de s’assurer notamment que, dans les fichiers de l’Insee, il ne subsistait aucune trace d’informations recueillies à cette époque qui pût porter atteinte aux droits fondamentaux des personnes.

Remis en 1998, le rapport Azéma-Lévy-Bruhl-Touchelay a été rendu public par Paul Champsaur, nouveau directeur général. Il est consultable à la bibliothèque de l’Insee Alain Desrosières. Ce rapport apporte les réponses suivantes aux questions posées :

  • le Service National des Statistiques a bien constitué, traité et conservé des fichiers de personnes contenant des informations sensibles permettant notamment, dans le cadre de la législation de l’époque, d’identifier les « juifs » ;
  • néanmoins, les auteurs considèrent que ces fichiers n’ont pas été utilisés à des fins répressives par les autorités françaises ou étrangères ;
  • dans leur lettre d’accompagnement à l’attention du directeur général de l’Insee, les auteurs précisent qu’en ce qui concerne les instruments statistiques disponibles au moment de la réalisation du rapport, ils croient pouvoir affirmer qu’il n’existe plus aucune trace dans les fichiers de l’Insee de données enregistrées pendant l’Occupation et portant atteinte aux droits fondamentaux des personnes.

La connaissance de cette période de l’histoire de la statistique en France rappelle que l’activité statistique conduit à disposer d’outils et d’informations dont la mobilisation à d’autres fins que ses missions initiales peut gravement porter atteinte aux droits des personnes. C’est pour se prémunir contre ces risques qu’ont été votées, et scrupuleusement appliquées depuis, les lois de 1951 sur l’obligation, la coordination et le secret en matière de statistiques et de 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, et qu’a été créée la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil).