Insee Analyses GuadeloupeFemmes et hommes en Guadeloupe : regard sur la parité aux différents âges de la vie

Lise Demougeot

En Guadeloupe, les inégalités entre les femmes et les hommes s’observent aux différents âges de la vie. En matière d’éducation, d’insertion professionnelle, d’emploi ou de conditions de vie, les différences entre les deux sexes sont d’amplitude variable, mais presque toujours le plus souvent défavorables aux Guadeloupéennes. Moins présentes dans les filières les plus sélectives, davantage au chômage ou en emploi sous-qualifié, moins bien payées, elles sont toutefois plus souvent scolarisées, réussissent mieux leur scolarité et vivent plus longtemps que les Guadeloupéens.

Lise Demougeot
Insee Analyses Guadeloupe No 19- Mars 2017

La première inégalité concerne le nombre de femmes et d’hommes en Guadeloupe. En 2013, elles sont plus nombreuses sur le territoire : 216 100 femmes contre 186 000 hommes. En Guadeloupe comme au niveau national, les inégalités entre les femmes et les hommes s’observent par ailleurs dans de nombreux domaines (éducation, emploi, conditions de vie) et aux différents âges de la vie () : l’âge des études et de la jeunesse, l’âge adulte avec l’entrée dans la vie active, l’âge actif, et l’âge de la retraite.

En matière d’éducation, la parité n’est pas atteinte

Si les inégalités de réussite, de niveau scolaire et d’orientation entre les sexes se sont réduites au cours des dernières décennies, de forts écarts persistent à l’âge des études. En Guadeloupe comme dans les autres régions françaises, les filles réussissent mieux leur scolarité que les garçons jusqu’à la fin du cursus du secondaire, elles poursuivent aussi leurs études plus longtemps mais s’orientent moins fréquemment vers les filières les plus sélectives.

Les filles sont davantage scolarisées en Guadeloupe comme dans les autres régions françaises, à l’exception de la Guyane. En 2013, leur taux de scolarisation est nettement plus important que celui des garçons et c’est en Guadeloupe que l’écart entre les deux sexes est le plus élevé (5,8 points en faveur des filles contre seulement 2,2 en France hexagonale). Les taux de scolarisation à 17 ans des filles comme des garçons sont inférieurs à la moyenne hexagonale de 0,8 et 4,4 points. De nombreux jeunes quittent la Guadeloupe pour trouver un emploi en France hexagonale et, dans une moindre mesure, pour poursuivre leurs études. Il s’agit majoritairement de jeunes hommes si bien que leurs taux de scolarisation chutent en Guadeloupe contrairement à ceux des femmes. Ces dernières sembleraient en effet cumuler les situations défavorables à un désir de départ, étant plus souvent inactives et plus fréquemment mères jeunes.

Lorsqu’elles sont encore scolarisées, les filles réussissent mieux leur baccalauréat que les garçons en Guadeloupe comme dans toutes les régions françaises. Le taux de réussite au baccalauréat des filles est beaucoup plus élevé que celui des garçons et l’écart entre les deux sexes se trouve dans la moyenne hexagonale. En Guadeloupe, le taux de réussite au baccalauréat 2014 des filles (88,3 %) est supérieur de 5,1 points à celui des garçons (83,2 %). En revanche, les taux de réussite au baccalauréat des filles et des garçons sont en Guadeloupe inférieurs à la moyenne hexagonale de 2,8 et 3,3 points, et parmi les plus bas de toutes les régions. L’organisation de coopération et de développement économique (OCDE) pointe globalement une « insuffisance de la performance des garçons » et tente d’expliquer l’écart entre les filles et les garçons par des différences de comportements, d’engagement vis-à-vis de l’école, d’activités privilégiées par les uns et les autres en dehors du temps scolaire.

Les garçons, quant à eux, sont plus nombreux à étudier en classe préparatoire aux grandes écoles (CPGE). En 2013, la part d’étudiants en CPGE est en effet plus forte en Guadeloupe que la part d’étudiantes comme dans toutes les régions françaises. En Guadeloupe, l’écart entre les deux sexes s’élève à 1,9 point (comme en moyenne hexagonale) et la part d’étudiants comme d’étudiantes en CPGE est la plus importante de France, en Martinique également. La surreprésentation des garçons dans ces filières sélectives est élevée en Guadeloupe : 6 % des étudiants sont inscrits en CPGE contre seulement 4,1 % des étudiantes. La parité n’est pas atteinte dans les filières du supérieur et les parcours demeurent différenciés selon le sexe.

L’insertion professionnelle des femmes, encore moins évidente que celle des hommes

Dans toutes les régions, à l’entrée dans l’âge adulte, les jeunes hommes sont plus souvent actifs que les jeunes femmes, mais ils restent vivre plus longtemps chez leurs parents. Les jeunes, surtout lorsqu’ils sont peu ou pas diplômés, connaissent des difficultés croissantes pour accéder au marché du travail. L’accès à l’emploi, une fois la formation initiale achevée, n’est pas toujours garanti pour les jeunes guadeloupéens.

La différence entre les jeunes hommes et les jeunes femmes vivant encore chez leurs parents est particulièrement marquée dans les DOM et c’est en Guadeloupe qu’elle est la plus accentuée. En 2013, 53,5 % des hommes âgés de 25 à 29 ans vivent encore chez leurs parents, contre seulement 25,9 % des femmes. En France hexagonale, l’écart n’est que de 10,4 points entre les deux sexes et la part de jeunes du même âge vivant chez leurs parents est beaucoup plus faible (20,9 % des hommes, 10,5 % des femmes). Les filles quittent généralement plus tôt le domicile parental que les garçons. Ainsi, entre 25 et 29 ans, près de trois jeunes guadeloupéennes sur quatre ne vivent déjà plus chez leurs parents contre seulement un peu moins d’un jeune guadeloupéen sur deux. Les jeunes femmes partent les premières car, en moyenne, elles vivent en couple et ont des enfants plus tôt.

En matière d’insertion professionnelle, la Guadeloupe se distingue de la France hexagonale par des taux d’activité plus faibles entre 25 et 29 ans, inférieurs de 2,8 points chez les femmes et jusqu’à 7,2 points chez les hommes en 2013. En revanche, la Guadeloupe fait partie des régions qui présentent les taux d’activité les plus homogènes selon le sexe (2,7 points contre 7,1 en moyenne hexagonale) et dans les plus faibles de France pour les deux sexes. Aux Antilles et notamment en Guadeloupe, les différences d’accès au marché du travail entre les femmes et les hommes sont bien plus réduites car les taux d’activité masculins sont particulièrement faibles.

Si l’écart entre les deux sexes est faible en termes de taux d’activité, il est renforcé par des situations bien plus fréquentes chez les jeunes femmes de sous-qualification de l’emploi au regard de leur niveau de diplôme. Le taux de déclassement (définition) touche en effet davantage les jeunes femmes de 25 à 29 ans que les jeunes hommes du même âge en Guadeloupe comme dans l’ensemble des régions françaises. Quant aux différences entre les sexes en matière de déclassement, elles sont en Guadeloupe inférieures à la moyenne hexagonale (3,4 points contre 6,1 en 2012), mais cette situation est plus fréquente, en particulier pour les jeunes hommes. Le déclassement est particulièrement fort en début de parcours professionnel, si bien que les jeunes sont parmi les plus touchés.

En 2013, les jeunes guadeloupéens âgés de moins de 30 ans sont particulièrement concernés par le chômage. Le taux de chômage au sens du Recensement de la population est très élevé chez les hommes et encore davantage chez les femmes : 38,4 % d’entre eux contre 43,4 % d’entre elles. L’entrée dans la vie active des jeunes guadeloupéennes est souvent plus difficile que pour les jeunes guadeloupéens car beaucoup d’entre elles sont déjà mères. En France hexagonale, la proportion de jeunes au chômage est beaucoup plus faible tout comme l’écart entre les deux sexes (1,5 point contre 5 en Guadeloupe). Cet écart, parmi les plus prononcés de France, souligne les difficultés rencontrées par les jeunes en Guadeloupe dans la recherche d’un emploi.

Les inégalités face à l’emploi sont toujours défavorables aux femmes

En matière d’emploi et de conditions d’emploi, la parité entre les actives et les actifs n’est pas respectée, en Guadeloupe comme dans les autres régions françaises. À l’âge actif, les écarts sont toujours défavorables aux femmes.

En 2013, dans l’ensemble des régions, les femmes âgées de 30 à 65 ans ont des revenus salariaux annuels inférieurs à ceux des hommes du même âge et ont accès à une gamme moins large de métiers. Comme dans les autres DOM, la Guadeloupe se distingue par de faibles écarts de revenus entre les sexes (13,9 points en faveur des hommes contre 27 en moyenne hexagonale). Les revenus salariaux des actifs guadeloupéens sont inférieurs à ceux des métropolitains, tandis que ceux des actives guadeloupéennes sont supérieurs. En Guadeloupe, la gamme de métiers est bien plus réduite qu’en France hexagonale pour les hommes et davantage encore pour les femmes. Tandis que 16 familles professionnelles (FAP) concentrent la moitié des hommes actifs occupés contre 19 en moyenne hexagonale, seules 10 FAP concentrent la moitié des femmes actives occupées contre 12 en moyenne hexagonale. La faible rémunération des femmes est surtout liée à leurs conditions d’emploi et au fait, notamment, qu’elles travaillent plus souvent à temps partiel que les hommes.

Sur le plan familial, la monoparentalité touche beaucoup plus souvent les femmes, partout en France, et particulièrement dans les DOM. En 2013, la proportion d’hommes en situation de monoparentalité est très faible en Guadeloupe (3,2 % des 30-65 ans, un peu plus qu’en France hexagonale). A contrario, la monoparentalité touche un quart des femmes du même âge contre seulement 10 % en moyenne hexagonale. L’écart femmes-hommes le plus marqué concerne la Guadeloupe : 21,7 points en faveur des femmes contre seulement 7,6 en moyenne hexagonale. C’est la part de ménages composés d’une famille monoparentale qui distingue le plus les structures familiales des DOM de celles de la France hexagonale. À l’origine de cette situation, moins de mariages qu’en France hexagonale et davantage de naissances issues de couples non constitués, avec une part extrêmement importante d’enfants non reconnus par le père et de maternités précoces avant 20 ans.

Les femmes et les hommes ont des conditions de vie proches

À 65 ans, quand vient l’âge de la retraite, l’espérance de vie, partout plus élevée pour les femmes que pour les hommes comme aux autres âges de la vie, se traduit par une plus forte proportion de femmes âgées vivant seules à leur domicile ou, dans une moindre mesure, en institution.

En 2014, l’espérance de vie à 65 ans des femmes et des hommes de Guadeloupe est inférieure à la moyenne hexagonale de 0,8 an pour elles comme pour eux (22,5 ans pour les Guadeloupéennes, 18,5 ans pour les Guadeloupéens). Par contre, l’écart constaté entre les deux sexes est le même en Guadeloupe et en France hexagonale.

En Guadeloupe, une minorité de seniors vivent seuls. En 2013, ce mode de vie concerne uniquement 40 % des femmes âgées de 65 ans et plus et encore moins d’hommes du même âge (25,6 %). L’écart entre les deux sexes est faible et bien en deçà de la moyenne hexagonale (14,4 points en faveur des femmes en Guadeloupe contre 23,2). Les seniors sont par ailleurs très peu nombreux à vivre en institution et même les moins nombreux de France : à peine plus de femmes que d’hommes (1,6 % contre 1,3 %), comme en France hexagonale (7,2 % contre 4 %). Pour des raisons économiques, sociales et/ou liées à des traditions culturelles, plusieurs générations peuvent cohabiter au sein d’un même ménage. Dans les DOM, c’est souvent le cas des jeunes adultes avec leur(s) parent(s) et ce phénomène se vérifie principalement aux Antilles.

Figure 1En Guadeloupe, la monoparentalité concerne principalement les femmesMesure des inégalités aux différents âges de la vie selon le sexe, en Guadeloupe et en France hexagonale en 2013¹

En Guadeloupe, la monoparentalité concerne principalement les femmes ( ) -
Guadeloupe France hexagonale
Femmes Hommes Femmes Hommes
Àge des études (moins de 25 ans)
Taux de scolarisation à 17 ans (en %) 93,6 87,8 94,4 92,2
Taux de réussite au baccalauréat** (en %) 88,3 83,2 91,1 86,5
Part des étudiants en CPGE (en %) 4,1 6,0 2,6 4,5
Àge adulte (25-29 ans)
Part de personnes vivant chez leurs parents (en %) 25,9 53,5 10,5 20,9
Taux de chômage au sens du RP (en %) 43,4 38,4 18,2 16,7
Taux d'activité (en %) 84,6 87,3 87,4 94,5
Taux de déclassement* (en %) 47,4 44,0 45,7 39,6
Àge actif (30-65 ans)
Taux d'activité (en %) 74,0 78,8 74,1 81,7
Revenu salarial annuel (en €) 23 426 27 193 20 629 28 271
Nombre de FAP qui concentrent 50 % des actifs occupés 10 16 12 19
Part de personnes en situation de monoparentalité (en %) 24,9 3,2 10,0 2,4
Àge de la retraite (plus de 65 ans)
Espérance de vie à 65 ans** (en année) 22,5 18,5 23,3 19,3
Part de personnes vivant seules (en %) 40,0 25,6 42,0 18,8
Part de personnes vivant en institution (en %) 1,6 1,3 7,2 4,0
  • ¹ Sauf mention contraire : * en 2012, ** en 2014
  • Sources : Insee, Recensement de la population, Estimations de population, DADS, État civil - DEPP, SIES

Figure 2En Guadeloupe, les femmes sont 1,6 fois plus plus nombreuses que les hommes à vivre seulesSituation des femmes par rapport à celle des hommes selon divers indicateurs, en Guadeloupe et en France hexagonale en 2013¹

  • ¹ Sauf mention contraire : * en 2012, ** en 2014.
  • Note : L’échelle est différente pour l’indicateur ‘Part de personnes en situation de monoparentalité’ car les différences femmes- hommes sont plus importantes que celles observées pour les autres indicateurs.
  • Lecture : Une valeur inférieure à 1 signifie que la situation est moins fréquente chez les femmes que chez les hommes, et inversement pour une valeur supérieure à 1. Ainsi, en Guadeloupe, les femmes de plus de 65 ans sont 1,6 fois plus nombreuses que les hommes à vivre seules.
  • Sources : Insee, Recensement de la population, Estimations de population, DADS, État civil - DEPP, SIES

Figure 3En Guadeloupe, l’écart femmes-hommes relatif au taux de chômage est beaucoup plus marqué qu’en France hexagonaleSituation des jeunes : position relative de la Guadeloupe par rapport à la France hexagonale, selon l’écart femmes-hommes en 2013¹

  • ¹ Sauf mention contraire : ** en 2014.
  • Note : Les jeunes considérés ici sont âgés de moins de 30 ans.
  • Lecture : Une valeur inférieure à 1 signifie que l’écart entre les deux sexes est moins marqué en Guadeloupe qu’en France hexagonale, et inversement pour une valeur supérieure à 1. Ainsi, en Guadeloupe, l’écart entre les femmes et les hommes relatif au taux de chômage est 3,3 fois plus marqué qu’en France hexagonale.
  • Sources : Insee, Recensement de la population, Estimations de population, DADS

Parité entre hommes et femmes

La notion de parité constitue le fondement des politiques de lutte contre les inégalités entre les hommes et les femmes.

Au nom de ce principe, plusieurs lois visant à réduire les disparités dans les domaines de l’éducation, de l’emploi, des salaires, de la représentation des femmes dans les instances de pouvoir politique et économique ont été édictées.

Ces lois permettent ainsi d’avancer vers la parité hommes-femmes :

- les femmes mariées peuvent disposer librement de leur salaire (1907) ;

- les femmes obtiennent le droit de vote et l’éligibilité (1944) ;

- le préambule de la Constitution pose le principe de l’égalité des droits entre les hommes et les femmes (1946) ;

- le principe de l’égalité de rémunération entre les femmes et les hommes pour un travail de valeur égale est reconnu (1972) ;

les lois du 6 juin 2000, du 10 juillet 2000, du 11 avril 2003, du 31 janvier 2007 et du 28 février 2008 favorisent l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives.

Plus récemment, la loi n° 2014-873 du 4 août 2014 « pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes » a pour objectif de consolider les droits des femmes et en garantir l’effectivité lorsqu’elle n’est pas acquise, d’ouvrir de nouvelles perspectives à l’égalité et de créer les conditions d’expérimentation utiles pour faire avancer l’égalité.

Sources

L’espérance de vie est calculée à partir de l’État civil.

Le taux de réussite au baccalauréat et la part des étudiants en CPGE mobilisent les données du ministère de l’Éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche (Sous-direction des systèmes d’information et des études statistiques, SIES).

Le revenu salarial annuel est connu grâce aux déclarations annuelles de données sociales (DADS).

Tous les autres indicateurs sont issus du Recensement de la population.

Définitions

Cette étude distingue quatre grands âges de la vie : l’âge des études (moins de 25 ans), l’âge adulte (25-29 ans), l’âge actif (30-65 ans) et l’âge de la retraite (plus de 65 ans).

Les personnes ayant un niveau de diplôme supérieur au niveau le plus courant de leur catégorie socioprofessionnelle sont considérées comme étant en situation de déclassement.