Insee Analyses Auvergne-Rhône-AlpesLes montagnes d’Auvergne - Rhône-Alpes éloignées des services courants

Simon Guevara, Vincent Vallès, Insee

L’égalité d’accès à l’ensemble des services est une composante essentielle de l’égalité des territoires. Très urbanisée, Auvergne - Rhône-Alpes est aussi un ensemble régional où les espaces peu ou très peu denses sont très présents. Or, c’est au sein même de ces territoires de faible densité, notamment ceux de montagne, que les habitants sont les plus éloignés des services. Près de 13 % des habitants d’Auvergne - Rhône-Alpes ont un temps d’accès en voiture à un panier de services de la vie courante supérieur à sept minutes. Au niveau national, ce seuil détermine les territoires les moins bien desservis. Cet isolement des populations est prononcé dans les montagnes auvergnates, ardéchoises et drômoises. Les couronnes des grands pôles urbains ne sont pas non plus épargnées par l’éloignement des équipements mais celui-ci reste moins marqué.

Insee Analyses Auvergne-Rhône-Alpes
No 2
Paru le :Paru le06/01/2016
Simon Guevara, Vincent Vallès, Insee
Insee Analyses Auvergne-Rhône-Alpes No 2- Janvier 2016

La région Auvergne - Rhône-Alpes se distingue de ses homologues par une grande diversité des temps d’accès de la population à un panier de services et équipements de « vie courante » . Dans la région, les 10 % des habitants les plus éloignés des services courants accèdent en 7,7 minutes aux équipements du panier. Ce temps de trajet est 3,5 fois plus élevé que celui des 10 % les plus proches. C’est l’écart le plus important au sein des nouvelles régions après ceux de la Corse et de la Bourgogne - Franche-Comté.

Une forte concentration urbaine mais aussi des territoires à la population très clairsemée

Cette situation est le reflet de la répartition des habitants selon des territoires plus ou moins peuplés, ce que mesure la grille communale de densité . En tenant compte des concentrations de population, elle permet d’appréhender les inégalités territoriales d’accès aux services de la population. Auvergne - Rhône-Alpes est le troisième ensemble régional de province classé selon la part de la population habitant les espaces urbanisés derrière Provence-Alpes-Côte d’Azur et Nord-Pas-de-Calais - Picardie. Les communes très denses concentrent deux millions de personnes de la région (27 % de la population régionale) sur 1 % de la surface régionale. Ils sont 2,7 millions (35 %) dans les communes de densité intermédiaire (villes moyennes et proches banlieues). La densité moyenne de ces deux types d’espace, respectivement 3 160 et 455 hab./km², est supérieure à celle de la France de province. Très urbanisée, Auvergne - Rhône-Alpes est aussi marquée par les espaces où la population est très clairsemée. En Auvergne - Rhône-Alpes, les communes concernées par les plus faibles densités recouvrent 35 % de la superficie régionale (Figure 1). Toutefois, seulement 278 000 personnes y résident, soit 4 % de la population. La densité moyenne de ces espaces très peu denses (11 hab./km²) est inférieure à la moyenne nationale (14 hab./km²). C’est dans la Drôme, le sud de l’Isère et la partie régionale du Massif central que se concentrent ces espaces (Figure 2). La densité y est bien plus faible que celles des communes autour des grands centres urbains et le long des axes de communication. Ces trois dernières décennies, sous l’effet de l’étalement urbain, les communes offrant une bonne accessibilité aux centres urbains se sont densifiées. Cependant, le niveau et la concentration de population de ces communes de plus en plus résidentielles (60 hab./km²) leur confèrent un certain degré de ruralité. Ces espaces peu denses couvrent plus de la moitié de la superficie régionale et abritent 2,6 millions de personnes.

Figure 1Territoires très peu denses : 4 % de la population sur 35 % du territoire - Répartition de la population et de la surface selon le niveau de densité

  • Source : Insee, Recensement de la population 2012.

Figure 2Forte présence des territoires très peu denses dans la partie régionale du Massif central - Degré de densité des communes en 2012

  • Source : Insee, Recensement de la population 2012.

L’accessibilité aux services fortement corrélée au degré de densité

Les habitants des territoires les plus peuplés, les plus urbanisés et les mieux pourvus en infrastructures de transports, n’ont pas de difficulté particulière pour accéder aux équipements si l’on considère les seuls temps par la route (Figure 3). En revanche, il n’en est pas de même pour ceux des territoires moins densément peuplés. En effet, plus la densité de population des territoires est faible, plus les temps d’accès aux services s’allongent et plus les écarts entre Auvergne - Rhône-Alpes et la France métropolitaine s’accentuent (Figure 4). Dans les espaces densément peuplés et de densité intermédiaire, les temps d’accès médians au panier de vie courante sont très proches, autour de trois minutes. Pour ces niveaux de densité urbaine, il n’y a pas d’écart notable entre les temps d’accès en Auvergne - Rhône-Alpes et en France métropolitaine. En revanche, dans la région, la moitié de la population des espaces très peu denses met au moins 11 minutes pour atteindre l’ensemble des équipements de la vie courante. Ce sont deux minutes de plus qu’en France métropolitaine. Pour les 10 % les plus isolés, le temps d’accès atteint 17 minutes, soit 3 minutes de plus.

Figure 3Les populations les plus éloignées dans les territoires de montagne - Temps d’accès aux équipements du panier « vie courante »

Sources : Insee, BPE 2013, Recensement de la population 2012, Distancier Métric.

Figure 4Les territoires très peu denses les plus éloignés des services

Les territoires très peu denses les plus éloignés des services
1er décile* Médiane 9e décile
France métropolitaine 2,3 3,5 7,4
Auvergne – Rhône-Alpes ensemble 2,2 3,4 7,7
Auvergne – Rhône-Alpes dense 1,7 3,1 3,8
Auvergne – Rhône-Alpes intermédiaire 2,2 3,0 4,7
Auvergne – Rhône-Alpes peu dense 3,2 5,6 9,1
Auvergne – Rhône-Alpes très peu dense 8,0 11,3 17,0
  • * voir Méthodologie
  • Note de lecture : dans les territoires très peu denses d’Auvergne - Rhône-Alpes, les 10 % des habitants les plus éloignés du panier « vie courante » y accèdent en plus de 17 minutes.
  • Sources : Insee, BPE 2013, Recensement de la population 2012, Distancier Métric.

Figure 4Les territoires très peu denses les plus éloignés des servicesTemps d’accès aux équipements du panier « vie courante » suivant le degré de densité en Auvergne - Rhône-Alpes

  • * voir Méthodologie
  • Note de lecture : dans les territoires très peu denses d’Auvergne - Rhône-Alpes, les 10 % des habitants les plus éloignés du panier « vie courante » y accèdent en plus de 17 minutes.
  • Sources : Insee, BPE 2013, Recensement de la population 2012, Distancier Métric.

La montagne, facteur principal d’inégalités

Les écarts d’accessibilité avec la France métropolitaine résultent principalement du caractère montagneux d’Auvergne - Rhône-Alpes. S’étendant sur le Massif central, les Alpes et le Jura, l’ensemble régional est l’espace de montagne le plus peuplé (2,2 millions d’habitants). C’est aussi celui où les communes de montagne recouvrent le plus d’espace (67 % de la superficie régionale) après la Corse. Or, conséquence des contraintes liées au relief, les temps d’accès des populations des communes de montagne sont supérieurs à ceux des communes de densité équivalente hors montagne. Dans les espaces très peu denses des montagnes d’Auvergne - Rhône-Alpes, les 10 % des populations les plus éloignées ont un trajet supérieur à 18 minutes pour bénéficier du panier de services de « vie courante », soit 6 de plus que dans les zones hors montagne. Dans les communes peu denses de montagne, 10 % de la population y accèdent en plus de 10 minutes contre 8 minutes hors montagne.

En Haute-Savoie, les habitants sont plus proches des équipements que dans les autres massifs

L’accessibilité aux services diffère selon les massifs. Dans le massif alpin, la population communale se concentre dans les parties urbanisées situées au fond des vallées. Le peuplement y est ainsi plus dense que celui des montagnes de la partie régionale du Massif central et de la Drôme où la population est plus uniformément répartie. Cette différence dans la concentration des habitations se répercute sur l’accessibilité. En Haute-Savoie, les 10 % des habitants des communes de montagne peu ou très peu denses les plus éloignés sont à plus de 10 minutes du panier « vie courante », contre 14 minutes dans les montagnes cantaliennes et 16 minutes dans celles de l’Ardèche et de la Drôme (Figure 5). À l’opposé, les communes les plus peuplées, qui sont les plus proches de la vallée du Rhône, ainsi que Saint-Étienne et Clermont-Ferrand, sont aussi les plus urbanisées et les mieux pourvues en services et équipements. Dans la Drôme, le temps de trajet de la population la mieux lotie est proche de deux minutes et demie. C’est ainsi le délai d’accès le plus faible dans les montagnes peu et très peu denses de l’espace régional avec celles des monts du Lyonnais et du Beaujolais. Les montagnards drômois les plus éloignés ont ainsi un temps de trajet pour accéder aux services « courants » 7 fois plus élevé que celui des plus proches, soit la plus forte inégalité dans les espaces de faible densité des montagnes régionales.

Figure 5Les montagnes cantaliennes, drômoises et ardéchoises les plus éloignées des services - Temps d'accès des populations des communes de montagne au panier « vie courante » selon les départements

  • Sources : Insee, BPE 2013, Recensement de la population 2012, Distancier Metric.

30 % du territoire marqué par un fort isolement

À l’échelle de la France métropolitaine, un temps de trajet de sept minutes ou plus peut être considéré comme le délai définissant les espaces les plus éloignés du panier « vie courante ». En Auvergne - Rhône-Alpes, 13 % de la population est au-delà de ce seuil. Ce niveau est proche du niveau métropolitain (10 %) mais il est relativement important comparé aux espaces régionaux de province pour lesquels la part de la population vivant dans les espaces urbanisés est élevée, Provence-Alpes-Côte d’Azur (5 % au-delà du seuil) et Nord-Pas-de-Calais - Picardie (9 %).

Les territoires les plus frappés par les faibles densités de population et l’éloignement marqué aux commerces et services se concentrent dans les espaces les plus ruraux. Les communes hors influence des pôles d’emploi et à plus de sept minutes des services recouvrent 30 % du territoire et abritent 238 900 habitants, soit 3 % de la population régionale. Ces personnes sont frappées d’un double isolement puisqu’elles sont éloignées à la fois des services courants et des centres économiques où se concentrent les emplois et les équipements les plus rares. La moitié de la population de ces espaces les plus isolés est à plus de 11 minutes de l’ensemble des services de la vie courante, et les 10 % les plus éloignés le sont à plus de 17 minutes. Les Monts ardéchois (Vivarais), drômois (Baronnies et Diois) ainsi que le massif de l’Oisans font partie de ces territoires. Au niveau métropolitain, ils figurent parmi ceux où la population est la plus éloignée des services courants. Leurs habitants les plus à l’écart sont à plus de 20 minutes du panier. Le Bugey, les Monts du Cantal, les massifs puydômois (Combrailles, Cezallier, Livradois), du Forez et du Vercors sont eux aussi marqués par l’isolement de leur population.

Les périphéries urbaines touchées, elles aussi, par l’éloignement aux services

L’éloignement aux services n’épargne pas les territoires sous l’influence des villes, c’est-à-dire ceux où chaque matin une part importante (plus de 40 %) des actifs partent travailler sur un pôle d’emploi urbain. Ainsi, ce sont près de 760 500 habitants des couronnes périurbaines d’Auvergne - Rhône-Alpes qui connaissent un trajet supérieur à sept minutes. L’accessibilité au panier « de vie courante » y est globalement meilleure que dans les espaces plus isolés. Cependant, des disparités apparaissent selon les grandes aires urbaines. C’est dans les grandes aires de Lyon, Annemasse, Valence et Montélimar que les populations des couronnes sont les plus proches des services « courants ». La moitié des habitants des communes de faible densité y accède en moins de 5,5 minutes et 90 % en moins de huit minutes. À l’inverse, dans celles d’Aurillac, Montbrison, Moulins, Issoire, Annonay et Montluçon, la moitié de la population accède en plus de sept minutes aux équipements du panier « de vie courante ».

Dans les aires urbaines d’Oyonnax, Aurillac, Tournon-sur-Rhône, Montbrison et Aubenas, 10 % de la population des communes peu ou très peu denses de la couronne périurbaine est à plus de 12 minutes des services courants, soit un temps d’accès équivalent à celui des espaces ruraux isolés.

Accès aux services pour les jeunes adultes : des disparités territoriales plus prononcées

Pour les jeunes adultes de 19 à 29 ans, un certain nombre de services liés à l’emploi, à la formation, à la mobilité, au sport et aux loisirs ont été choisis afin de constituer un panier « spécifique » à cette population. En Auvergne - Rhône-Alpes, près de 83 400 jeunes âgés de 19 à 29 ans, soit 8 % de cette population, habitent une commune dans laquelle le temps d’accès à ces services spécifiques est supérieur à 17 minutes. La part des jeunes accédant à ces services en plus de 17 minutes est particulièrement importante dans le Cantal (45 %), l’Ardèche (31 %), la Haute-Loire (31 %) et l'Allier (23 %). Du fait de la forte concentration des services « jeunes » dans les pôles d’emploi, les jeunes adultes sont plus éloignés des équipements spécifiques qui les concernent dans les espaces peu ou très peu denses qu’une personne plus âgée ne le sera du panier de la vie courante.

Définitions

Calcul des temps d’accès

Pour chaque commune, on calcule la moyenne des temps d’accès à chacun des équipements d’un panier. Ces temps d’accès sont calculés à partir du distancier Insee Métric et représentent des temps de parcours aller par la route en heure pleine entre la mairie d’une commune non équipée et la mairie de la commune équipée la plus proche. Cet indicateur statistique ne correspond pas au temps réel de parcours. Il permet d’appréhender les écarts à la moyenne et de mesurer les inégalités territoriales.

Le temps d’accès caractérisant la population la plus proche correspond au 1er décile. Celui-ci représente le temps d’accès distinguant les 10 % de la population ayant les plus courts temps d’accès.

Le temps d’accès caractérisant la population la plus éloignée correspond au 9décile. Celui-ci représente le temps d’accès distinguant les 10 % de la population ayant les plus longs temps d’accès.

Panier « vie courante »

Les 22 équipements et services qui constituent le panier de « vie courante » ont été retenus en fonction de la proximité, de la mobilité qu’ils impliquent, de l’importance qui leur est donnée au quotidien et de leur fréquence d’usage. D’autres paniers, comme celui des jeunes adultes, ont été élaborés pour intégrer des services plus spécialisés, utiles pour des populations particulières. Ces paniers ont été conçus conjointement par l’Insee, l’Institut d’aménagement et d’urbanisme d’Ile-de-France et le Commissariat général à l’égalité des territoires. Le détail de ces paniers est en ligne sur le site de l’Insee.

Grille de densité

La typologie européenne par degré d’urbanisation est une classification en trois degrés conçue par la Commission européenne. À partir de carreaux de 1 km de côté, on forme des mailles urbaines, agrégations de carreaux contigus qui remplissent deux conditions : un minimum de 5 000 habitants et une population au carreau d’au moins 300 habitants. Parmi ces mailles « urbaines » on définit le degré d’urbanisation « dense ». Celle-ci regroupe les carreaux contigus qui remplissent deux conditions : un minimum de 50 000 habitants et une population au carreau d’au moins 1 500 habitants. Les autres carreaux de la maille urbaine définissent le degré « densité intermédiaire » et ceux n’en faisant pas partie le degré « peu dense ».

L’Insee a ajouté un degré de densité afin de distinguer les espaces « très peu denses ». Pour cela, on utilise des carreaux de 200m de côté. Les carreaux contigus sont agrégés et si le territoire issu de cette agrégation contient moins de 300 habitants alors cette nouvelle maille est considérée comme très peu dense.

La typologie de l’Insee complète ainsi la nomenclature européenne pour proposer quatre niveaux de densité au niveau communale :

  • si plus de la moitié de la population d’une commune vit dans un carreau dense, la commune est classée dans la catégorie « dense » ;
  • si le cas précédent n’est pas vérifié et que plus de la moitié de la population d’une commune vit dans un carreau dense ou de densité intermédiaire, la commune est classée dans la catégorie « densité intermédiaire » ;
  • si plus de la moitié de la population d’une commune vit dans un carreau très peu dense, la commune est classée dans la catégorie « très peu dense » ;
  • si la commune ne correspond à aucun des cas précédemment cités, alors elle est classée dans la catégorie « peu dense ».

Commune de montagne

Le classement des communes en zone de montagne repose sur les dispositions du Conseil européen, adoptées en 1999, concernant le soutien au développement rural. Il relève d’une approche sectorielle au titre de la reconnaissance et de la compensation des handicaps naturels. Une commune en zone de montagne est définie comme se caractérisant par des handicaps liés à l’altitude, à la pente, et/ou au climat.

Pour en savoir plus

Barbier M., Levy D. et Toutin G., « L'accès aux services, une question de densité des territoires », Insee, Insee Première N° 1579, Janvier 2016 ;

« La France et ses territoires », Insee, Insee Références Édition 2015.