Insee Analyses Ile-de-France · Février 2025 · n° 197

Où les Parisiens sont-ils nés ?

Vivre à Paris ne signifie pas y être né. Ainsi, en 2020, parmi les 2 146 000 habitants de Paris, seuls 30 % sont nés dans la capitale. Pour autant, Paris représente une situation classique au regard des autres grandes villes françaises : elle se situe dans la moyenne, entre Bordeaux (24 %) et Nice ou Strasbourg (38 %). Marseille fait figure d’exception avec un résident sur deux natif de la ville.

Les Parisiens peuvent ainsi être nés à Paris (30 %) ou être originaires de province ou des DROM-COM (29 %), de l’étranger (25 %) ou d’un autre département francilien (16 %) (figure 1). La diversité des lieux de naissance des Parisiens est une conséquence des flux migratoires vers et depuis la capitale. Ville dense où réside 3,2 % de la population française sur 0,01 % du territoire, Paris a ainsi accueilli en 2020 environ 90 000 habitants d’autres territoires, mais en a vu partir 133 000, ce solde migratoire négatif étant pour partie compensé par un solde naturel, écart entre les naissances et les décès, positif.

Parmi toutes les personnes nées à Paris et résidant en France, 21 % habitent dans la capitale en 2020. Comparativement aux autres départements français, Paris est caractérisé par la proportion de personnes nées et vivant dans le même territoire la plus basse de France métropolitaine. C’est dans le Bas-Rhin qu’elle atteint le niveau le plus élevé (77 %). Ainsi, malgré l’importance de la capitale sur le plan culturel et économique, les départs de natifs parisiens vers d’autres territoires français sont nombreux. Les Parisiens connaissent deux vagues importantes de départs. La première se situe entre 30 et 59 ans, vers la banlieue notamment, pour des raisons professionnelles ou familiales : 43 % des natifs parisiens de cette tranche d’âge vivent dans la petite ou la grande couronne. La seconde vague concerne les personnes âgées de 60 ans ou plus, avec un choix de la province ou de l’outre-mer prédominant à 54 %.

La répartition des personnes résidant à Paris par lieu de naissance ne suffit pas à rendre compte de l’attractivité de la capitale auprès des différents territoires d’origine. Pour appréhender celle-ci, il convient de rapporter le nombre de résidents parisiens nés dans un territoire donné à l’ensemble des personnes nées dans ce même territoire et vivant en France. Cet indicateur, dénommé dans cette étude indice d’attractivité, permet ainsi de comparer la part relative des lieux de naissance entre eux.

Parmi les personnes nées en Île-de-France hors Paris, moins de 5 % vivent dans la capitale. Elles sont nées majoritairement dans un département de petite couronne et choisissent de préférence un arrondissement proche de leur département de naissance. Ainsi, les natifs des Hauts-de-Seine se retrouvent davantage dans les 15^e, 16^e et 17^e arrondissements, ceux de Seine-Saint-Denis, dans les 18^e, 19^e et 20^e et ceux du Val-de-Marne, dans les 11^e, 12^e et 13^e.

Aussi nombreux que les Parisiens de naissance parmi les résidents dans la capitale, les Parisiens natifs de province ou des DROM-COM sont proportionnellement peu présents dans la capitale : 1,3 % des personnes nées en province ou dans les DROM-COM et résidant en France habitent à Paris. Les disparités observées tiennent d’abord au degré d’éloignement de la capitale. L’attractivité est généralement plus forte dans les départements du bassin parisien, notamment au sud de la région Île-de-France (Loiret et Yonne 2,0 %, Nièvre et Indre-et-Loire 1,9 %, Eure-et-Loir 1,8 %, Marne 1,7 %) (figure 2). Elle l’est aussi dans la plupart des départements bretons et normands (entre 1,3 % et 1,7 %). En revanche, moins d’un natif du Nord sur 100 habite dans la capitale, même s'ils y sont les plus nombreux (27 600). De même, sont relativement peu présents à Paris les natifs des départements du Grand Est (notamment la Moselle 1,0 % et le Bas-Rhin 1,1 %), d’Auvergne-Rhône-Alpes (l’Ain 0,7 % et l’Isère 1,2 %) et d’Occitanie (entre 0,8 % et 1,4 %, excepté la Haute-Garonne 1,7 %). L’attractivité est un peu plus élevée dans le sud-est de la France, notamment pour les natifs des Alpes-Maritimes (2,0 %). L’attractivité est aussi relativement forte pour les départements des Antilles (Martinique 1,7 % et Guadeloupe 1,8 %).

L’attractivité de Paris est relativement élevée pour les personnes nées à l’étranger. En effet, la capitale concentre 6,4 % de la population née à l’étranger et vivant en France, alors qu’elle accueille 3,2 % des personnes résidant en France. Les disparités entre continents et entre pays de naissance sont importantes.

Les personnes nées dans un pays européen en dehors de la France et vivant à Paris représentent 26 % des Parisiens nés à l’étranger. Pour autant, leur concentration à Paris est plus faible que pour les autres origines étrangères : l’indice d’attractivité de la capitale s’établit pour les Européens à 5,4 %, soit un point en dessous de l’indice moyen calculé pour l’ensemble des résidents français nés à l’étranger. Les natifs des pays européens les plus attirés par la capitale relativement aux autres communes françaises sont ceux nés en Pologne (8,2 % des Polonais vivant en France résident à Paris), en Serbie (6,7 %), en Italie (6,3 %), au Royaume-Uni (5,7 %) et en Allemagne (5,6 %). Comparativement à ces pays, les natifs du Portugal et de l’Espagne, même s’ils sont nombreux à résider à Paris, y sont relativement moins présents, l’indice d’attractivité s’établissant respectivement à 3,9 % et à 4,9 %.

Les trois premiers pays de naissance comptant le plus d’habitants à Paris sont les trois pays du Maghreb (Algérie, Maroc et Tunisie). Ils totalisent 150 000 personnes, soit 28 % des natifs de l’étranger. L’attractivité de la capitale est particulièrement élevée pour les personnes nées en Tunisie (8,5 %) alors qu’elle est plus faible pour celles nées en Algérie (4,8 %) et au Maroc (4,6 %).

Hors Maghreb, les trois pays de naissance d’Afrique comptant le plus d’habitants à Paris sont le Sénégal, la Côte d’Ivoire et le Mali, qui totalisent conjointement 7 % de la population parisienne née à l’étranger. L’attractivité de Paris au regard des autres communes françaises est très importante, avec un indice valant respectivement 8,7 %, 9,7 % et 12,4 %.

Pour les autres continents, l’attractivité de Paris est particulièrement importante. Pour les personnes nées en Asie, qui représentent un natif de l’étranger sur cinq vivant à Paris, l’indice d’attractivité est de 9,3 %. Le choix de Paris pour les personnes nées sur le continent américain est également élevé, avec un indice de 10,6 %. De manière générale, les pays de naissance les plus éloignés de la France sont ceux pour lesquels l’attractivité parisienne est la plus élevée, tous pays étrangers confondus. Ainsi, Paris accueille un natif du Japon sur trois vivant en France (32 %), près d’un sur trois des Philippines (29 %), un sur quatre des États-Unis (24 %) et un peu moins d’un sur cinq de la Chine (19 %).

Parmi les résidents parisiens nés à l'étranger, 19 % sont Français de naissance, et 30 % le sont devenus, tandis que 51 % sont de nationalité étrangère.

Les caractéristiques socio-démographiques des Parisiens diffèrent fortement selon leur lieu de naissance (figure 3). Ainsi, les Parisiens de naissance sont relativement plus jeunes que les Parisiens d’adoption. Environ 58 % des personnes nées à Paris ont moins de 30 ans. Cela s’explique par l’importance des départs, au-delà de cet âge, de nombreux Parisiens de naissance (sortie des études et mise en couple en particulier). Les Parisiens natifs des autres départements franciliens sont moins jeunes : 39 % d’entre eux ont moins de 30 ans. Cette proportion est encore plus faible parmi les natifs de province (30 %).

L’âge des habitants renseigne aussi indirectement sur l’ancienneté potentielle de la migration vers Paris pour ceux qui n’y sont pas nés, alors même que leur date précise d’arrivée n’est pas connue. Ainsi, pour tous les jeunes vivant à Paris sans y être nés, l’installation à Paris est relativement récente. À l’opposé, les Parisiens les plus âgés sont ceux nés au Maghreb (42 % ont 60 ans ou plus) et ceux nés aux Antilles (38 % des Martiniquais et 34 % des Guadeloupéens), souvent arrivés en France métropolitaine dans les années 1960-1970. En revanche, seuls 17 % des Parisiens nés à Paris ont 60 ans ou plus, ce qui témoigne d’importants départs de Parisiens au cours ou à la fin de leur vie professionnelle.

Dans l’ensemble, 65 % des Parisiens de 15 ans ou plus sont actifs, 19 %, retraités, 10 %, élèves ou étudiants et 6 %, inactifs. Cette répartition varie selon le lieu de naissance. Ainsi, les Parisiens de naissance sont moins souvent en activité (56 %), mais plus fréquemment étudiants (19 %) ou inactifs (10 %). Les Franciliens de naissance (hors Paris) et les provinciaux de naissance ont sensiblement le même taux d’activité (respectivement 71 % et 69 %), mais les premiers, plus jeunes, sont plus souvent étudiants que les seconds (11 % contre 7 %) et moins souvent retraités (14 % contre 20 %).

Parmi l’ensemble des Parisiens actifs, 47 % sont cadres. Ces derniers sont surreprésentés parmi les natifs de province ou des DROM-COM (56 %) et d’Île-de-France hors Paris (52 %). Ils sont relativement moins nombreux parmi les Parisiens de naissance (45 %) et surtout parmi les personnes nées à l’étranger (33 %). À l’inverse, les actifs parisiens nés à l’étranger sont plus souvent employés ou ouvriers (respectivement 28 % et 13 %) qu’en moyenne dans l’ensemble de la population active de Paris (respectivement 18 % et 6 %). Pour autant, pour les personnes originaires de l’étranger, la probabilité d’être cadre est deux fois plus élevée si la personne habite à Paris que si elle réside ailleurs en France (15 %), ce qui reflète l’importance des offres d’emplois de cadres dans la capitale.

Les différences d’âge ou de situation vis-à-vis de l’activité entraînent des écarts de revenus et des différences de conditions de logement. Près du tiers des Parisiens sont propriétaires de leur logement. Cette part est plus forte pour les natifs de la capitale (38 %) comme pour ceux de province ou du reste de l’Île-de-France (37 %). Elle est en revanche sensiblement plus faible pour les Parisiens natifs de l’étranger (24 %). À l’inverse, les personnes nées en province (notamment entre 18 et 30 ans) et à l’étranger sont trois fois plus souvent locataires de logements meublés que les Parisiens de naissance (12 % contre 4 %). En outre, si seuls 2 % des Parisiens vivent en communauté (foyers, résidences étudiantes…), 41 % d’entre eux sont nés à l’étranger.

La population parisienne évolue chaque année sous l’effet, d’une part, des naissances et des décès et, d’autre part, des migrations résidentielles entrantes et sortantes. Rapportés à la population parisienne, ces flux sont actuellement relativement faibles en rythme annuel, de l’ordre de 1 % pour les naissances et les décès, de 6 % pour les migrations entrantes et de 7 % pour les migrations sortantes. Par conséquent, la composition de la population évolue relativement lentement. Cependant, dans les années 1960 et 1970, les flux migratoires et l’excédent naturel étaient plus élevés et leurs impacts sur la population en conséquence plus visibles. Outre leur nombre, le profil des personnes qui arrivaient dans la capitale ou qui la quittaient était différent également. Enfin, le poids démographique de Paris dans la population française était plus important : 5,2 % en 1968 contre 3,2 % en 2020.

Ainsi, en 1968, 35 % des Parisiens étaient nés à Paris. Cette part a diminué rapidement au cours des années 1970 pour se stabiliser à 31 % à partir de 1982 et atteindre 30 % en 2020 (figure 4). De la même façon, les personnes nées en province, dans les DROM ou les COM (appelés TOM à l’époque) représentaient 38 % de la population parisienne en 1968 contre 29 % en 2020. Durant cette période, l’attractivité de Paris a été divisée par deux : en 2020, Paris regroupe 1,3 % des natifs de province ou des DROM-COM contre 2,5 % cinquante ans auparavant. Cela s’explique notamment par la baisse des migrations entrantes à Paris, les provinciaux qui souhaitent venir à la capitale s’installant plus souvent dans sa banlieue.

Parmi ces personnes originaires de province ou des DROM-COM, il s’est également opéré depuis les années 1960 une recomposition importante. Ainsi, en conséquence de la politique publique d’aide à la migration des Antillais vers la métropole, Paris concentrait, en 1968, à elle seule, un tiers des Guadeloupéens de naissance et un quart des Martiniquais de naissance résidant en France, Antilles comprises. Cela explique la présence aujourd’hui de nombreux Antillais de naissance âgés de 60 ans ou plus à Paris. Il en est de même, dans une moindre mesure, pour les natifs du bassin parisien (Loiret, Indre-et-Loire, Marne, Oise, Seine-Maritime, Aisne, Somme) et de la Bretagne, déjà très nombreux en 1968 à « monter » à Paris, ville alors synonyme de travail et d’ascension sociale.

Sous l’effet d’arrivées importantes, la population native de l’étranger a fortement augmenté entre 1968 et 1982. Ainsi, en 1982, elle représentait 23 % de la population parisienne contre 17 % en 1968. Ensuite, entre 1982 et 2020, cette part évolue très peu pour atteindre 25 % en 2020. Toutefois, pour les natifs de l’étranger comme pour ceux de province, l’attractivité de Paris s’affaiblit : la proportion de ceux qui vivent à Paris parmi tous les natifs de l’étranger vivant en France s’amenuise, passant de 8,7 % en 1968 à 6,4 % en 2020. Ce recul de l’attractivité est commun à toutes les origines géographiques, mais à des degrés divers. Il est particulièrement marqué pour les personnes nées sur les continents africain (hors Maghreb), américain ou asiatique : leur indice d’attractivité a été divisé par deux, signe d’un plus grand attrait des autres départements. Pour les personnes nées au Maghreb, cet indice d’attractivité diminue également, passant de 7,8 % en 1968 à 5,3 % en 2020. Enfin, la proportion des natifs d’Europe baisse aussi, et ce, malgré l’élargissement de la Communauté européenne. Celui-ci n’a pas entraîné davantage de migrations vers Paris mais a modifié la répartition selon l’origine (provenance plus forte de l’Europe de l’Est et moindre de l’Europe du Sud).