Insee Analyses Corse · Octobre 2024 · n° 53

La silver économie, une filière d’avenir en Corse

En 2021, 104 000 personnes âgées de 60 ans ou plus, les « seniors », résident en Corse. Ils représentent 30 % des habitants de l’île contre 26 % en France métropolitaine. La Corse se situe ainsi au 2^e rang des régions où le taux de seniors est le plus important derrière la Nouvelle-Aquitaine. Leurs besoins permettent d’alimenter un marché spécifique dénommé la silver économie.

La silver économie désigne précisément la palette d’activités visant à améliorer la qualité de vie des personnes âgées, à garantir leur autonomie et à augmenter leur espérance de vie. Dans cette étude, elle comprend une sélection d’activités concernant la santé, le maintien à domicile et l’hébergement des seniors, mais elle exclut les salariés des hôpitaux. Dans un contexte de vieillissement de la population à l’horizon 2035, la Corse est concernée au premier titre par le développement de la silver économie (encadré 1).

Sur l’île, en 2021, 10 700 emplois sont occupés au sein des établissements de la silver économie. Ils représentent 7,4 % de l’emploi régional – salarié ou non salarié – en fin d’année. Le poids de la silver économie y est le plus important des régions de France métropolitaine où il s’établit à 5,5 % en moyenne. Il varie de 3,5 % en Île-de-France à 7,2 % en Occitanie (figure 1).

En Corse, 5 890 emplois de la silver économie sont occupés dans des secteurs de la santé. Ils représentent 55 % des emplois de la filière, une part conforme à la moyenne nationale (figure 2). Ils couvrent dans de larges proportions les besoins de la population âgée avec 33 professionnels soignants pour 1 000 seniors sur l’île contre 26 professionnels dans l'Hexagone.

Parmi eux, 2 590 emplois sont occupés en tant qu’infirmiers ou kinésithérapeutes. Ils sont tous indépendants et nécessitent un niveau de qualification élevé. Ces activités sont souvent pratiquées chez les patients et participent aussi au maintien à domicile des seniors. Elles couvrent d’ailleurs très bien la population âgée insulaire avec 24 professionnels pour 1 000 seniors contre 15 en France.

La santé regroupe aussi 950 médecins généralistes ou spécialistes, dentistes, chirurgiens ou radiologues. Ils exercent leur métier à 57 % de façon non salariée. Ces professionnels de santé répondent aux besoins insulaires à hauteur de 9 professionnels pour 1 000 seniors (contre 11 dans l’Hexagone). La Corse se place dans les régions les moins bien dotées, au dixième rang des treize régions métropolitaines. Ces structures médicales nécessitent aussi la présence de 540 personnels d’assistance (secrétaires, assistants dentaires, techniciens médicaux).

Enfin, les laboratoires d’analyses médicales, les pharmacies, les opticiens et les activités d’ambulances emploient 1 810 personnes dont les dirigeants de structures, les préparateurs en pharmacie, les ambulanciers, les vendeurs, les techniciens ou encore les secrétaires.

Le maintien à domicile, très présent en Corse, mobilise 3 610 emplois. Il représente 34 % des emplois de la silver économie insulaire contre 21 % dans l'Hexagone. Ces travailleurs sont exclusivement salariés. Dans un tiers des cas, ils sont directement employés par les particuliers chez lesquels ils se déplacent. Leurs emplois ne demandent généralement que peu de qualifications initiales. Parmi eux, 80 % sont occupés à temps partiel contre 20 % dans l’ensemble de la silver économie ou même de l’économie globale. Ces caractéristiques d’emploi posent la problématique de la précarité à laquelle sont confrontés les salariés.

Par ailleurs, 10 000 seniors vivant à domicile sont en perte d’autonomie en Corse en 2020 (Pour en savoir plus). Ils représentent 10 % de l’ensemble des seniors qui vivent chez eux, soit 3 points de plus que sur le continent. De plus, 18 % des seniors vivant à leur domicile se déclarent en mauvaise ou très mauvaise santé, soit 6 points au-dessus du niveau national.

Le plus fort recours au maintien à domicile s’explique notamment par la volonté de s’occuper de ses parents jusqu’à la fin de leur vie, mais aussi par une précarité plus importante des seniors. Sur l’île, 18 % des seniors vivent sous le seuil de pauvreté contre 12 % en moyenne dans les autres régions. Pour le quatrième âge (75 ans et plus), l’écart est encore plus grand : 20 % des ménages sont pauvres contre 11 % en France. La Corse est ainsi la seule région où le taux de pauvreté des plus âgés est supérieur à celui de l’ensemble des ménages.

À l’inverse, en Corse, les établissements d’hébergement de seniors emploient 1 200 personnes, soit une part moins importante de la silver économie avec 11 % des emplois contre 24 % sur le continent. Ces emplois sont exclusivement salariés et concernent en majorité des employés tels les agents des services hospitaliers, les aides-soignants ou les aides médico-psychologiques.

Les femmes occupent 77 % des emplois de la silver économie. Cette proportion est élevée dans les emplois moins qualifiés et plus précaires comme ceux du maintien à domicile (98 % de femmes parmi les aides à domicile), mais aussi au sein des Ehpad (85 %). Le constat est le même chez les indépendants, dans les activités d’infirmiers (78 % de femmes) et dans une moindre mesure de kinés-osthéopathes (56 %). En revanche, les femmes sont minoritaires dans les métiers de médecins (33 % de femmes) alors qu’elles sont largement majoritaires au sein des métiers supports à ces activités (87 % chez les secrétaires).

Au sein des 19 établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), trois principaux profils de territoires émergent, au regard des seniors qui y résident (Sources et Pour comprendre) (figure 3).

Douze EPCI à dominante rurale se caractérisent par la combinaison de plusieurs facteurs de risque. Ils regroupent 38 % des seniors insulaires. Tout d’abord, les personnes âgées y sont proportionnellement plus nombreuses avec 35 % de la population contre 30 % en moyenne (figure 4). Particulièrement dans les intercommunalités Pasquale Paoli, du Cap Corse et Spelunca-Liamone, elles représentent plus de 40 % de la population. Ensuite, ces seniors ont des niveaux de vie modestes. Le niveau de vie médian y est inférieur de 4 % à la moyenne insulaire, et le taux de pauvreté plus élevé (20 %). Un quart de la population se confronte à cette situation dans les communautés de communes de l’Oriente et de la Castagniccia-Casinca. En outre, les habitants y sont nettement plus éloignés des équipements et services nécessaires au maintien de la qualité de vie des seniors.

En revanche, les trois EPCI à dominante urbaine, Ajaccio, Bastia et Corte, offrent une très bonne accessibilité aux équipements et services utiles aux seniors. Ils regroupent 44 % des seniors de l’île. Les habitants se situent en moyenne à 5 minutes des services de la silver économie contre 11 minutes en moyenne régionale. Les seniors sont proportionnellement moins présents qu’ailleurs, surtout dans le centre Corse avec la présence de l’Université à Corte. En lien avec le caractère plus urbain de ces territoires, ils ont moins souvent besoin d’une voiture pour se déplacer. Par ailleurs, ils sont plus rarement propriétaires de leur logement.

Dans quatre EPCI à dominante péri-urbaine, la problématique d’accompagnement des seniors est moins perceptible : Marana-Golo près de Bastia, la Pieve de l’Ornano et du Taravo et le Celavu-Prunelli en périphérie d’Ajaccio, ainsi que le Sud-Corse. Cet ensemble regroupe 18 % des seniors de la région. Ces seniors sont plus jeunes et vivent en couple. Les questions de dépendance et de perte d’autonomie sont donc moins prégnantes que dans les autres territoires. De même, la problématique de l’accès aux équipements n’est pas flagrante. D’une part, les temps d’accès sont proches de la moyenne (14 minutes) du fait de la proximité des pôles d’Ajaccio et de Bastia. D’autre part, neuf seniors sur dix vivant dans ces intercommunalités sont équipés d’un véhicule et donc mobiles. En outre, ces habitants ont un niveau de vie plus élevé, en particulier dans le pourtour ajaccien.

La typologie des EPCI est effectuée par une classification ascendante hiérarchique (CAH), faisant suite à une analyse en composante principale (ACP) effectuée sur les huit variables suivantes : la part des seniors du territoire, la part du quatrième âge au sein des seniors, la part de seniors vivant seuls, la part de seniors propriétaires de leur logement et la part de seniors sans voiture, mais aussi la part de seniors vivant sous le seuil de pauvreté, leur niveau de vie moyen, et enfin le temps d’accès moyen de la population aux équipements du panier senior. Ce panier senior est composé des quinze équipements suivants : magasin d’optique, urgences médicales, médecin omnipraticien, spécialiste cardiologie, infirmier, masseur kinésithérapeute, pharmacie, laboratoire d’analyses médicales, hébergement pour personnes âgées, soins à domicile pour personnes âgées, service d’aide pour personnes âgées, bassin de natation, tennis, cinéma, salle ou terrain multisports.

Plusieurs sources concourent aux résultats présentés dans cette étude. La partie présentant les emplois occupés dans la silver économie utilise la base tous salariés et la base non salariés, pour l’année 2021. Les données démographiques proviennent du Recensement de la population (RP), à partir duquel sont effectuées les projections de population issues du modèle Omphale. Les caractéristiques de pauvreté ou de niveau de vie proviennent des sources fiscales Filosofi. Enfin, l’accès aux équipements est fourni par la base permanente des équipements (BPE).

La silver économie est constituée de quinze secteurs d’activités regroupés en cinq sous-champs d’activités. Ils sont composés des activités de médecine généraliste ou spécialiste, des activités d’infirmiers et de kinésithérapeutes-ostéopathes, d’autres activités à la santé (pharmacies, laboratoires etc), mais aussi du maintien à domicile et de l’hébergement des personnes âgées.