Insee Analyses Nouvelle-Aquitaine · Septembre 2024 · n° 155

En Corrèze, une consommation d’espaces liée à l’habitat plus forte qu’en région

Le développement du territoire artificialisé réduit les espaces naturels, agricoles ou forestiers. Les enjeux environnementaux conduisent à réfléchir aux politiques d’aménagement du territoire à venir. La loi dite Climat et Résilience, entrée en vigueur à l’été 2021, prévoit notamment d’ici 2031 la réduction de moitié du rythme de consommation d’espaces (encadré 1).

En Corrèze, un peu plus de 2 000 hectares d’espaces naturels, agricoles ou forestiers ont été consommés pour l’habitat entre 2009 et 2021. Cela représente la superficie d’une commune comme Varetz, Gimel-les-Cascades ou Grandsaigne. L’habitat représente les trois quarts de la consommation d’espaces totale, les autres usages étant l’activité économique, les infrastructures, ou un usage mixte.

Entre 2009 et 2021, l’espace consacré à l’habitat augmente de 12,5 % dans le département. Cette progression est supérieure à la moyenne régionale (+9,5 %). Seuls cinq départements métropolitains (les deux départements corses, le Calvados, les Landes et le Gers) consomment plus d’espace que la Corrèze pour construire des habitations. Parmi les dix départements consommant le plus d’espace pour l’habitat, quatre dont la Corrèze ont une population qui stagne ou diminue, et six une population qui augmente plus ou moins fortement.

Au sein du département, la consommation d’espaces pour l’habitat progresse davantage dans le sud-ouest, en particulier au niveau des intercommunalités du Bassin de Brive et du Midi Corrézien, ainsi que dans la Communauté d’agglomération de Tulle ou à l’ouest de celle de Xaintrie Val’Dordogne (figure 1).

Elle augmente plus modérément à mesure que l’on progresse vers le nord-est du département, notamment dans les intercommunalités de la Haute-Corrèze Communauté et de Vézère-Monédières-Millesources. Parmi les communes ayant le moins consommé, la majorité appartient au Parc Naturel Régional de Millevaches.

Par ailleurs, la consommation d’espaces pour l’habitat est plus marquée en périphérie des pôles d’emploi du département. Elle augmente le plus dans les couronnes des agglomérations de Brive (+18 %) et de Tulle (+15 %). Les centres urbains sont en effet moins consommateurs d’espace, car le foncier y est déjà bâti. La consommation d’espaces progresse alors seulement de 7 % en 12 ans dans la commune de Tulle, et de 6 % à Brive. L’habitat y est plus dense, l’offre résidentielle vraisemblablement plus complète et donc la consommation par ménage supplémentaire est plus faible. Hors de ces deux principales aires d’attraction du département, une même logique est à l’œuvre autour de plus petites centralités comme Ussel, Égletons ou Argentat-sur-Dordogne.

Le nombre de ménages, l’évolution de la population ou du nombre des résidences secondaires sont des exemples de facteurs pouvant contribuer à la hausse ou la baisse de la consommation d’espaces. Par rapport à la région, les contributions à la consommation foncière sont assez spécifiques en Corrèze (figure 2). À l’échelle régionale, la situation en Corrèze peut s’apparenter à celle observée en Haute-Vienne et en Dordogne, même si le rythme de consommation est moindre dans ces deux départements.

En Corrèze, l’espace est essentiellement consommé pour répondre aux besoins en logements des nouveaux ménages. En effet, l’évolution des modes de vie et de cohabitation augmente le nombre de ménages. Ce nombre a progressé de 3,3 % depuis 2009, malgré la baisse concomitante de population de 1,5 %. Séparations, départs des enfants du domicile parental ou vieillissement engendrent de nouveaux besoins en logements. Cet effet fait plus que compenser la déprise démographique et génère des besoins en nouveaux logements.

Les décohabitations expliquent à elles seules 47 % de l’augmentation de la consommation d’espaces liée à l’habitat en Corrèze entre 2009 et 2019, là où la baisse de population la modère de seulement 11 %. En ajoutant l’effet évolution de population à la taille des ménages, les résidences principales ne représentent donc que 36 % des besoins fonciers en Corrèze, contre 68 % pour la Nouvelle-Aquitaine.

La population ne diminue pas dans seulement trois intercommunalités depuis 2009 : le Bassin de Brive, le Midi Corrézien ainsi que Ventadour-Égletons-Monédières. Mais les besoins en résidences principales y restent largement portés par les décohabitations.

Entre 2009 et 2019, la hausse des logements vacants en Corrèze explique un quart de l’augmentation de la consommation d’espaces. En effet, ces logements vacants progressent de 17 % en 10 ans et ils représentent 11 % du parc de logements corrézien. La vacance augmente dans tout le département, et parfois très fortement comme en Haute-Corrèze Communauté.

Cette hausse des logements vacants pose la question de l’adéquation entre le parc de logements disponibles et les attentes de la population résidente. En Corrèze, 41 % des logements vacants sont construits avant 1946, et 87 % avant 1990. Une partie d’entre eux n’est plus adaptée aux normes actuelles et nécessite probablement des travaux plus ou moins importants de réhabilitation pour être loués ou vendus. Pour d’autres, leur localisation, souvent éloignée des grands centres urbains, ou leur configuration ne correspond pas nécessairement aux attentes des arrivants ou aux évolutions du parcours résidentiel. Les ménages optent alors probablement davantage pour la construction neuve ou récente, qui peut s’avérer parfois moins chère, ce qui entraîne une augmentation des surfaces consommées.

Le nombre de résidences secondaires ou occasionnelles progresse lui aussi, de 7 % en 10 ans. Cette variation participe à hauteur de 15 % à l’augmentation de la surface consommée entre 2009 et 2019. C’est encore davantage dans les Communautés de communes de Vézère-Monedières-Millesources et de Xaintrie Val’Dordogne, et dans une moindre mesure dans celle du Midi Corrézien. Se concentre en effet dans ces intercommunalités une part importante de l’activité touristique du département.

Les caractéristiques des logements, telles que la surface ou le nombre d’étages, contribuent aussi à l’évolution de la consommation d’espaces. Entre 2009 et 2019, leurs effets sont nettement plus marqués en Corrèze qu’à l’échelle régionale. Le taux d’emprise au sol des logements augmente en Corrèze comme dans l’ensemble des départements néo-aquitains. La tendance à construire des nouveaux logements individuels plutôt que collectifs, et avec moins d’étages, explique 15 % de la consommation d’espaces, contre 9 % en région. En effet, 82 % des logements construits depuis 2018 sont des maisons, contre 78 % pour les logements construits avant.

La Corrèze se singularise davantage par une surface des nouveaux logements en hausse par rapport au parc existant, alors qu’elle tend à se stabiliser, voire à diminuer dans la région Nouvelle-Aquitaine. La surface des logements joue pour 9 % à la hausse de la consommation d’espaces du département, nettement plus qu’ailleurs. Les logements construits depuis 2009 sont en moyenne 10 m² plus spacieux que ceux construits auparavant, et la part des logements de plus de 120 m² est plus importante dans les logements livrés après 2018 (29 %) que dans les périodes antérieures (18 %). La dynamique des prix au mètre carré, plutôt en baisse dans les années 2010, favorise l’augmentation des surfaces. Mais, même dans les intercommunalités où les prix sont plus élevés, la surface des nouveaux logements progresse.

Le rythme de consommation d’espaces allouée à l’habitat ralentit ces dernières années. En Corrèze, l’augmentation atteint 7,8 % entre 2009 et 2015, puis 4,7 % entre 2015 et 2021 (figure 3). Ce ralentissement n’est pas propre à la Corrèze. Le phénomène est global et s’observe au niveau national ou encore régional. Par exemple, dans les départements voisins de Dordogne et de Haute-Vienne, la consommation d’espaces ralentit, passant respectivement de 5,8 % et 5,1 % entre 2009 et 2015 à 3,5 % entre 2015 et 2021.

Un tel ralentissement a plusieurs causes. La principale est la progression beaucoup plus faible de la vacance des logements depuis le milieu des années 2010, et dans une moindre mesure la faible augmentation du nombre de résidences secondaires. Les besoins en logements générés par la hausse du nombre de ménages, qui ont pour leur part fortement augmenté entre 2009 et 2019, ont donc partiellement été absorbés par le parc existant.

Dans une moindre mesure, les caractéristiques des logements contribuent aussi au ralentissement. La surface moyenne des nouveaux logements cesse quasiment de progresser dans la deuxième moitié de la décennie. De même, le taux d’emprise au sol des nouveaux bâtiments continue d’augmenter, mais moins vite, traduisant un recentrage vers des constructions collectives ou individuelles avec plus d’étages.

Ce ralentissement est commun à l’ensemble de la Corrèze. Dans toutes les intercommunalités, 60 à 70 % de la consommation des années 2009-2021 a été réalisée avant 2015. Le recul de la consommation foncière s’observe plus particulièrement dans les Communautés de communes de Haute-Corrèze Communauté, du Pays de Lubersac-Pompadour, ou du Midi-Corrézien. Cette dernière reste néanmoins l’une des plus importantes en termes de consommation foncière pour l’habitat après 2015, derrière la CA du Bassin de Brive.

En Corrèze, si les tendances des caractéristiques des logements observées depuis 2015 se poursuivaient et que la population évoluait d’après les projections démographiques du modèle Omphale de l’Insee, la superficie annuelle consommée à la fin des années 2020 pourrait représenter 82 % de celle de la fin des années 2010 (encadré 2 et pour comprendre). Toutefois, différents facteurs peuvent infléchir cette évolution tendancielle.

Dans l’hypothèse où le nombre de constructions neuves serait moindre, pour favoriser un changement d’usage des résidences secondaires ou des logements vacants vers des résidences principales, la consommation foncière pour l’habitat pourrait être réduite. Cette réduction atteindrait 32 points par rapport au scénario « tendanciel » sous l’hypothèse d’un taux de vacance, toutes choses égales par ailleurs, de 9 % en 2029 contre 11 % dans le scénario « tendanciel ». Cela réduirait de moitié les consommations d’espaces pour l’habitat par rapport à 2019. Ce scénario reviendrait à transformer 2 900 logements vacants en résidences principales ou secondaires (un peu moins de la moitié des besoins de nouveaux logements).

Le même résultat pourrait aussi être atteint si la part des résidences secondaires diminuait jusqu’à 13,7 % en 2029, au lieu de 15,3 % dans le scénario « tendanciel ».

Une évolution dans les caractéristiques des nouveaux logements permettrait également de réduire les surfaces consommées. Par exemple, une hypothèse de réduction de la surface moyenne des nouveaux logements à 80 m², contre 90 m² en moyenne pour le parc existant, tout en limitant l’étalement au sol des constructions, réduirait de 19 points la consommation foncière au-delà du scénario « tendanciel ».