Insee Première · Juin 2024 · n° 2000

Le compte des services marchands en 2023  Les services marchands assurent la croissance du PIB et de l'emploi

L’économie française retrouve un rythme de croissance proche de la décennie précédente. Les exportations et l’investissement sont ses composantes les plus dynamiques. Les services marchands non financiers restent les principaux créateurs de valeur ajoutée (VA) dans l’économie française. Leur part dans le produit intérieur brut (PIB) s'élève à 35,8 % en 2023.

Les services marchands sont la branche dont la VA est la plus dynamique depuis 2019, avec une hausse de 8,1 % en volume (figure 1). La VA des services non marchands, deuxièmes contributeurs du PIB, avait mieux résisté à la crise sanitaire de Covid-19 en 2020, car ces services sont moins soumis aux fluctuations du marché, et elle était la seule à avoir dépassé son niveau de 2019 dès 2021, en volume. Elle marque un léger recul en 2023. Après avoir dépassé son niveau de 2019 en 2022, la VA du commerce-transport-services financiers diminue nettement en 2023 (-1,9 %), essentiellement sous l'effet de la hausse des taux d'intérêt qui écrase les marges des crédits à taux bas accordés les années précédentes. C'est dans l'industrie-construction et l'agriculture que la VA progresse le plus en 2023 (+4,9 % dans les deux branches). C'est cependant insuffisant pour que ces branches rattrapent leur niveau de 2019 en volume.

La croissance de la VA en volume dans les services marchands non financiers ralentit en 2023 (figure 2). Elle est deux fois moins forte que les deux années précédentes, mais reste supérieure à la hausse moyenne annuelle au cours de la décennie précédente. La VA des services aux ménages, comme des services aux entreprises, dépasse légèrement 2 % de croissance en volume.

La progression de la VA est modérée dans la majorité des branches des services marchands. Elle est même quasi nulle pour l’immobilier (+0,9 %). La VA progresse fortement dans les seules branches de l’hébergement-restauration (+10,2 %), des arts, spectacles et activités récréatives marchands (+5,9 %), ceux-ci étaient toujours en 2023 en phase de rattrapage des niveaux de 2019. Le secteur des arts, spectacles et activités récréatives marchands et celui de l’hébergement-restauration ne retrouvent toujours pas en volume leur niveau de VA de 2019 (écarts de -9,9 % et -0,8 %). La progression de l’information-communication se distingue nettement : la croissance de sa VA reste marquée en 2023 (+5,8 % en volume, contre +6,3 % en 2022), et est la plus forte des services marchands depuis 2019 (+23,0 %). Pesant pour un septième de la VA des services marchands, le secteur de l’information-communication contribue en 2023 à plus du tiers de sa croissance.

La production de services marchands progresse de 3,6 % en volume en 2023 après deux années de fort rebond (environ 9 %). C’est dans les services aux ménages que la croissance de la production ralentit le plus, passant de +10,2 % en volume en 2022 à +2,5 % en 2023. Dans un contexte d’inflation et de baisse du pouvoir d’achat, les ménages ont ajusté à la baisse leur volume de consommation, y compris en services. Quelques activités restent cependant en hausse. La production augmente nettement dans la branche arts, spectacles et activités récréatives marchands (+9,1 %) et dans l’hébergement restauration (+5,7 %). Elle avait très fortement chuté lors de la crise de Covid-19 et n’avait retrouvé le niveau de 2019 qu’en 2022. La demande de loisirs reste forte et continue à stimuler en 2023 la demande des services qui y sont associés. La production de services immobiliers stagne au contraire. De nombreux ménages renoncent à acheter en raison de la hausse des taux de crédit conjuguée à une forte hausse des prix au cours des années précédentes.

La production de services d’information-communication semble indépendante des aléas et continue de progresser fortement (+6,7 % après +9,4 %). L’accélération de la numérisation de la société favorise les activités liées aux logiciels, à la programmation informatique et aux télécommunications, à la fois vers les ménages et les entreprises.

La production des services aux entreprises reste la principale composante de la production de services marchands (43,6 %). Elle continue de croître un peu plus que celle des services aux ménages en 2023 (+3,3 %, après +8,6 % en volume), si bien que depuis 2019 sa hausse est deux fois plus forte que celle des services aux ménages, mais deux fois plus faible que celle de l’information-communication. Les activités dont la production augmente le plus sont la location et location-bail de propriété intellectuelle (+12,0 %), l’activité des agences de voyages et voyagistes (+14,5 %), les activités connexes (+21,8 %) et l’organisation des salons professionnels et congrès (+14,8 %). La production des services de publicité et études de marchés, et surtout des autres activités spécialisée, scientifiques et techniques, à l’exception du design, sont en recul (respectivement -0,9 % et -2,7 %). Compte tenu de leur poids économique, les services qui contribuent le plus à la hausse de la production en volume sont ceux des sièges sociaux et conseil de gestion (+9,5 milliards d'euros – Md€), la location et location-bail (+5,0 Md€) et les services administratifs et de soutien (+2,5 Md€).

Après plusieurs années de hausse très modérée, moins de 1 % en 2020 et 2021, l’accélération des prix de production des services marchands non financiers de 2022 se poursuit à un rythme comparable en 2023 (+2,7 %) tout en restant nettement inférieure à l’inflation. Pour la troisième année consécutive, les prix des services aux entreprises augmentent plus que ceux des services aux ménages. La hausse des prix est plus modérée dans les services d’information-communication et fait suite à huit années de baisse. Les prix de production de certains services sont en baisse en 2023, en particulier dans les activités liées au numérique où les progrès techniques provoquent une baisse régulière : télécommunications (-3,5 %), autres services de réservations et activités liées aux voyages (-2,6 %), édition de livres, périodiques, autres activités d’édition et de jeux électroniques (-1,5 %), production de films cinématographiques, de vidéo et de programmes de télévision (-1,3 %), activités spécialisées de design (-0,5 %), mais aussi pour les agences immobilières (-1,9 %) sous l’effet d’un début de baisse des prix des transactions. À l’opposé, les prix des activités des agences de voyages et des voyagistes augmentent de façon spectaculaire (+11,7 %) pour la deuxième année, à la fois sous l’effet de la hausse des prix de l’énergie, du transport, des matières premières alimentaires, et de la demande. La hausse des prix de production dépasse également 5 % pour les services personnels (+6,9 %), les restaurants et services de restauration mobile (+6,1 %), la location et location-bail d'autres machines, équipements et biens (+5,8 %), la location et location-bail de véhicules automobiles (+5,7 %), les activités photographiques (+5,7 %), la blanchisserie-teinturerie (+5,6 %) et les terrains de camping et parcs pour caravanes ou véhicules de loisirs (+5,2 %).

En 2023, la demande intérieure en services marchands progresse encore de 3,7 % en volume, après deux années de fort rebond. Elle est composée pour plus de la moitié par la consommation intermédiaire des entreprises et des administrations. L’investissement est la composante qui augmente le moins pour la deuxième année consécutive. Le ralentissement est très net, passant de +9,2 % en 2021 à +0,6 % en 2023 en volume, il ne représente plus que 11,2 % de la demande intérieure en services marchands (figure 3).

L’investissement dans les logiciels et bases de données (48,8 % de l’investissement en services marchands) reste en forte hausse (+8,0 % en volume) avec la poursuite de la numérisation de l’économie. Mais cette hausse est quasi compensée par le net recul de l’investissement en activités juridiques et immobilières (-16,6 %). Ce dernier diminue pour la deuxième année consécutive en raison de la baisse du nombre de transactions, tant dans l’immobilier de logements que professionnel. Sa part passe ainsi de 22,9 % à 17,3 % depuis 2021. Les investissements en activités d’architecture et d’ingénierie et en recherche et développement (R&D) marchande, qui représentent près du tiers des investissements en services, ne progressent plus en volume en 2023. La part de la R&D dans l’ensemble des investissements en services marchands poursuit la baisse observée sur la décennie précédente et passe de 17,9 % à 15,9 % depuis 2019.

La consommation des ménages en services marchands augmente un peu moins que la consommation intermédiaire des entreprises et administrations, mais plus que l’investissement en 2023, comme en 2022. Elle représente un tiers de la demande intérieure en services marchands. Cette part diminue légèrement chaque année depuis 2019. Sur cette période, la consommation des ménages a nettement moins progressé que la consommation intermédiaire, l’investissement et les échanges extérieurs. Cela s’explique en grande partie par la part des dépenses en services de logements. Les loyers (réels et imputés) représentent plus de la moitié de la consommation des ménages en services marchands non financiers. La faible volatilité des prix et des volumes amortit les chocs en période de crise mais aussi en période de reprise. L’hébergement-restauration est le premier contributeur de la hausse de la consommation des ménages en services, pour la troisième année consécutive (figure 4). Les ménages privilégient plus largement la consommation de services de loisirs en 2023. Leur consommation de distribution de films cinématographiques, de vidéo et de programmes de télévision (+14,7 %), de services des agences de voyages, voyagistes et services de réservations (+14,1 %), d’activités créatives, artistiques et de spectacle marchandes (+10,1 %) ou d’activités sportives, récréatives et de loisirs marchandes (+13,0 %), progresse en effet fortement. La consommation ne dépasse pas en 2023 son niveau d’avant-crise sanitaire, à l’exception des activités récréatives. Enfin, la consommation des ménages en services juridiques, funéraires ou de coiffure décroît légèrement en volume.

Hors transports, activités financières et voyages, les échanges extérieurs de services marchands continuent à progresser depuis 2020. Les exportations marquent cependant le pas avec une progression limitée à 1,4 % en volume. Tandis que les exportations d’arts, spectacles et activités récréatives marchands diminuent de 9,0 % en volume, celles de la plupart des autres services ne progressent pas. Seule l’édition, production audiovisuelle et diffusion se distingue avec des exportations en hausse de 6,0 %. Les importations en revanche restent en forte hausse (+6,9 % en volume), principalement portées par les activités spécialisées, scientifiques et techniques marchandes, en hausse de 12,3 %. Le solde reste positif (3,6 Md€), mais est à son plus bas niveau depuis 2019 (figure 5).

Les activités spécialisées, scientifiques et techniques marchandes contribuent à hauteur de 2,7 Md€ à l’excédent commercial, malgré un déficit de 2,6 Md€ des services de publicité et études de marché. Les services administratifs et de soutien contribuent le plus au solde extérieur positif en 2023, avec 6,4 Md€ d’excédent. Les services d’information-communication sont les seuls qui ne dégagent pas d’excédent (-6,5 Md€). Le recours aux multinationales américaines du numérique est en effet très présent sur certains segments de ce marché. Les services d’arts, spectacles et activités récréatives marchands ainsi que des autres activités de services marchandes contribuent à l’excédent pour environ un demi milliard d’euros chacun en 2023.

L'emploi dans les services marchands s'élève à 8,0 millions d'équivalent temps plein (ETP) en moyenne annuelle, soit 27,3 % de l'emploi total. Avec 166 000 ETP, il concentre plus de la moitié de la hausse des emplois (294 000 ETP) pour la troisième année consécutive et progresse deux fois plus que dans l'ensemble de l'économie (+2,1 % contre 1,0 %), en 2023 comme depuis 2019. Après avoir réagi de façon variée selon les branches au choc de la crise sanitaire, l'emploi tend vers 10 % de croissance depuis 2019 dans l'hébergement-restauration, les activités immobilières et les activités spécialisées, scientifiques et techniques, administratives et de soutien. L'emploi dans l'information-communication se distingue avec une croissance double de l'ensemble des services marchands (+20,0 % en ETP depuis 2019), à l'image de sa production.

Dans les services marchands, l'emploi non salarié représente 17 % de l'emploi total. Il progresse presque deux fois plus vite que l'emploi salarié depuis 2019. La hausse se concentre surtout dans les métiers des activités spécialisées, scientifiques et techniques, administratives et de soutien. L'emploi s'y exerce souvent dans des petites entreprises, en tant que profession libérale ou dirigeant non salarié.

L'emploi salarié progresse de 132 000 ETP, principalement dans les métiers des activités spécialisées, scientifiques et techniques, administratives et de soutien (+57 000 ETP). Il progresse davantage dans l'hébergement-restauration (+3,2 %) et l'information-communication (+3,6 %). Sous l'effet de la crise du marché immobilier, l'emploi salarié des activités immobilières se distingue en diminuant de 0,4 %. L'emploi intérimaire est ici classé dans les activités de soutien ; or les missions peuvent être exercées dans des entreprises dont l’activité principale n’est pas une activité de services.