Insee Analyses Grand Est · Juillet 2024 · n° 180

Voitures de particuliers : des émissions de gaz à effet de serre plus élevées dans le Grand Est

Atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050 est l’un des objectifs de l’accord de Paris. Pour ce faire, l’État français a établi une « Stratégie nationale bas carbone », qui définit une trajectoire de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES), avec des orientations dans tous les secteurs d’activité. En 2019, le secteur des transports contribue pour près d’un tiers aux émissions de GES intérieures, et la voiture représente la moitié de ces émissions. La transition vers des modes de déplacement moins émetteurs est donc un enjeu important. Cette étude se focalise sur les voitures détenues par des particuliers et les gaz à effet de serre émis seulement lors de leur utilisation. Elle ne regarde pas les autres impacts sur l’environnement (ressources utilisées, pollution…) faute d’information.

Dans le Grand Est, 3,1 millions de voitures sont détenues par des particuliers en 2019, soit 3,8 % de plus que cinq ans auparavant. Cela correspond à 0,71 voiture par adulte, comme à l’échelle de la province. En Île-de-France, les habitants se déplacent davantage en transports en commun, et ce taux est seulement de 0,48. En Bourgogne-Franche-Comté, Centre-Val-de-Loire et Nouvelle-Aquitaine, le nombre de voitures par adulte est un peu plus élevé (0,74).

Dans la région, en 2019, on compte 61 % de motorisations diesel, 38 % de motorisations essence, hybrides comprises pour les deux types, et moins de 1 % de véhicules fonctionnant uniquement à l’électricité ou au gaz. Ces chiffres sont proches de la moyenne de province. La région Hauts-de-France présente la plus forte proportion de voitures diesel (64 %), tandis qu’en Île-de-France, cette part n’est que de 50 %.

En sortie d’échappement (émissions dites « du réservoir à la roue »), les motorisations essences émettent davantage de gaz à effet de serre que leurs équivalents diesels (figure 1). En revanche, pour des voitures du même âge, les motorisations essence sont dotées de meilleures vignettes Crit’Air que les diesels, du fait de niveaux plus faibles d’émissions d’autres types de polluants, notamment les particules fines et oxydes d’azote (encadré).

Le nombre de voitures électriques ou hybrides a nettement augmenté ces dernières années : dans le Grand Est, il est passé de 4 000 à 133 000 entre 2013 et 2023. Malgré cette progression, elles pèsent encore peu dans le parc automobile (4,2 % en 2023). Ces voitures émettent peu ou pas de GES lors de l’utilisation, mais leur fabrication ainsi que leur recyclage sont plus polluants (notamment à cause de la présence de batteries). Toutefois, selon l’Ademe, « sur l'ensemble de sa durée de vie, une voiture électrique roulant en France, a un impact carbone 2 à 3 fois inférieur à celui d'un modèle similaire thermique, à condition que sa batterie soit de capacité raisonnable [Ademe, 2022, Pour en savoir plus (6)] ».

L’augmentation du nombre de véhicules électriques et hybrides contribue à faire baisser les émissions de gaz à effet de serre. Toutefois, le nombre de voitures essence s’accroît également, tandis que le nombre de voitures diesel diminue (respectivement +16 % et -7 % entre 2013 et 2023). Ces évolutions freinent la baisse des émissions de GES.

En outre, dans le Grand Est comme à l’échelle nationale, le parc automobile vieillit et s’alourdit. Or les véhicules les plus lourds et les plus anciens émettent davantage de gaz à effet de serre. Dans la région, entre 2014 et 2019, le nombre de véhicules de moins d’une tonne diminue de 27 %, alors que celui de plus d’une tonne augmente de 8 %. Quant aux voitures de 20 ans ou plus, leur nombre progresse de 36 %. En revanche, les véhicules les plus puissants sont de plus en plus rares, avec un recul de 19 % des véhicules de 100 kW et plus (soit plus de 135 chevaux), ce qui jouerait en faveur d’une baisse des émissions.

Le Grand Est est l’une des régions où le parc automobile est le plus récent, avec la région PACA et les Hauts-de-France. En 2019, 25,7 % des véhicules du Grand Est ont moins de 5 ans et 7,0 % ont 20 ans ou plus, soit respectivement 0,7 point de plus et 1,3 point de moins qu’en France de province.

Dans les grandes villes, les habitants se déplacent davantage en transports en commun, à pied ou à deux roues. La proximité des emplois, commerces et services facilite les mobilités douces. Le nombre de voitures par adulte est ainsi plus faible dans les grands centres urbains et, dans une moindre mesure, dans les centres urbains intermédiaires que dans les autres types de communes (grille de densité). On compte autour de 0,6 voiture par adulte dans les grands centres urbains, de 0,7 dans les centres urbains intermédiaires et de 0,8 dans les zones rurales (figure 2).

Le type de motorisation et l’âge des véhicules varient aussi selon le lieu d’habitation. Les voitures diesel sont surreprésentées en milieu rural : deux véhicules sur trois, contre un peu plus de la moitié dans les grands centres urbains. Les départements alsaciens se démarquent par une plus forte proportion de motorisations essence (figure 3). La part des voitures anciennes est également plus forte dans les zones rurales avec notamment 8,5 % de véhicules de 20 ans ou plus dans les zones rurales à habitat dispersé, contre 6,2 % dans les grands centres urbains. Les voitures sont plus récentes à proximité de la frontière luxembourgeoise et en Champagne, où les niveaux de revenus sont aussi plus élevés que la moyenne. Dans le Sillon lorrain également, les véhicules sont plus récents.

Dans le Grand Est, un peu plus de 6 millions de tonnes d’équivalent CO₂ ont été émises en 2019, soit 1,41 tonne par adulte. La région se situe au cinquième rang pour les émissions totales (après Auvergne-Rhône-Alpes, Île-de-France, Nouvelle-Aquitaine et Occitanie) et au même rang lorsque les émissions sont rapportées au nombre d’adultes (après la Bretagne, Bourgogne-Franche-Comté, Centre-Val de Loire et Nouvelle-Aquitaine).

Dans la région, les émissions de GES par adulte sont ainsi supérieures de près de 12 % à la moyenne de France métropolitaine (1,26 tonne) et de 4 % à celle de province (1,36). Ces écarts s’expliquent en grande partie par le fait que le Grand Est fait partie des régions (avec la Bretagne et les Hauts-de-France) où la distance moyenne parcourue par voiture est la plus longue (3,5 % de plus que dans l’ensemble de la province). Néanmoins, le nombre de voitures par adulte et les émissions kilométriques des véhicules sont sensiblement les mêmes qu’en province.

L’Île-de-France se distingue des autres régions par son faible taux d’émissions de GES par adulte (0,85 tonne en 2019), notamment parce que les ménages possèdent moins souvent une voiture. La région PACA et surtout la Corse se démarquent quant à elles par une distance parcourue par voiture plus faible que la moyenne. Pourtant, la Corse et l’Île-de-France sont les régions où le taux d’émission de GES par kilomètre parcouru est le plus élevé, en raison notamment d’un plus grand nombre de motorisations essence (la fluidité du trafic ou encore la topographie des lieux ne sont pas prises en compte dans cette analyse).

Les véhicules immatriculés dans les plus grandes agglomérations produisent une grande partie des émissions. Ainsi, les métropoles de Strasbourg, Nancy, Metz, Reims et Mulhouse concentrent 22 % des émissions de la région. Rapportées au nombre d’adultes, les émissions de gaz à effet de serre s’avèrent toutefois plus fortes dans les zones rurales. Le nombre de voitures par adulte et les distances parcourues y sont en effet plus élevés.

Quel que soit le type de commune, les émissions de GES par adulte sont plus importantes dans le Grand Est que dans l’ensemble de la province (figure 4) : les distances parcourues sont en effet toujours supérieures dans la région. Dans les zones rurales, le nombre de voitures par adulte est aussi un peu plus élevé dans le Grand Est qu’en province, tandis que c’est l’inverse pour les zones urbaines.

En Moselle, les distances parcourues sont les plus élevées. C’est notamment le cas dans les intercommunalités proches du Luxembourg, où résident de nombreux travailleurs frontaliers (figure 5). Ces actifs effectuent de plus longs trajets domicile-travail que la moyenne : 62 % font plus de 30 km pour aller travailler, contre 18 % de l’ensemble des actifs en emploi de la région. Dans les départements alsaciens, ce sont les émissions par km qui sont plus élevées, en lien notamment avec une plus grande proportion de voitures essence.