Insee Analyses Normandie · Juin 2024 · n° 123

1,5 million d’actifs, dont 235 000 âgés de 55 ans ou plus en Normandie

La Normandie est actuellement confrontée à un vieillissement de sa population, un phénomène qui devrait s’intensifier au cours des prochaines années. La population active en particulier est donc aussi affectée par ce vieillissement, dans un contexte économique caractérisé par un taux de chômage au plus bas depuis une quarantaine d’années, qui ne peut que renforcer les tensions sur le marché du travail. Le renouvellement de la population active et la transmission des savoirs et des compétences qui doit l’accompagner sont par conséquent des enjeux importants pour la région, en particulier dans les métiers déjà affectés par des tensions de recrutement (encadré 1).

En 2020, la population active représente près de 1,5 million d’habitants de 15 à 64 ans en Normandie, soit 74 % de cette classe d’âge et 45 % de la population normande totale. La population active est composée des personnes ayant un emploi et de personnes n’ayant pas d’emploi mais qui en recherchent un. En Normandie, parmi les 15-64 ans, 87,5 % de la population active normande est en emploi, une proportion similaire à celle de France métropolitaine.

Au cours de la dernière décennie, le nombre d’actifs a légèrement diminué. Toutefois, le taux d’activité normand a progressé de 2,7 points sur cette période, essentiellement en raison de la progression de l’activité chez les femmes et les seniors.

Depuis 2009, le taux d’activité des moins de 25 ans a diminué de 2,1 points en Normandie pour atteindre 44,2 % en 2020, taux toujours supérieur (+3,3 points) à celui de la France métropolitaine (figure 1). Cette singularité régionale illustre deux phénomènes différents : d’une part la proportion de Normands poursuivant des études dans cette classe d’âge (encadré 2) qui augmente mais qui reste plus faible qu’en moyenne nationale (51,0 % des 15-24 ans sont élèves, étudiants ou stagiaires en Normandie contre 53,9 % en France métropolitaine) ; d’autre part, la part de chômeurs de moins de 25 ans plus élevée en Normandie (11,2 %, contre 10,1 % en France métropolitaine).

A contrario, le taux d’activité des 55 ans ou plus est plus faible en Normandie (53,3 %) que dans l’hexagone dans son ensemble (58,1 %). La prédominance des métiers d’ouvriers et d’employés nécessitant des études moins longues, associée à une activité débutant plus jeune, permet d’expliquer une sortie de l’activité plus précoce dans la région que sur l’ensemble du territoire national. Néanmoins, le taux d’activité des Normands de 55 ans ou plus est en hausse depuis 2009 (+15,4 points entre 2009 et 2020).

Il est à noter également l’augmentation de l’activité des femmes dont le taux passe de 67,5 % en 2009 à 71,6 % en 2020, réduisant ainsi de trois points l’écart avec le taux d’activité des hommes entre 2009 et 2020.

En Normandie, les actifs occupent plus rarement des postes de cadres ou d’ingénieurs qu’au niveau national. Ils exercent également moins souvent dans les domaines de l’informatique, de la communication et de l’information ainsi que dans les métiers du para-médical. En revanche, les métiers orientés vers l’industrie tels que les ouvriers, techniciens et agents de maîtrise sont surreprésentés parmi les actifs normands en emploi. La région se distingue également par une part très importante d’actifs dans les domaines de l’agriculture ou de la pêche, ou bien encore parmi les assistantes maternelles et les aides à domicile ou ménagères. Ces différences proviennent, en grande partie, des spécificités de l’appareil productif normand (encadré 3), la Normandie demeurant une région très industrielle (3ᵉ région de métropole pour le poids de ce secteur dans l’emploi salarié) et dans laquelle l’agriculture et l’aquaculture occupent une place importante.

En 2020, les personnes âgées de 55 ans ou plus représentent 16 % des actifs en emploi dans la région, une proportion identique à celle de la France métropolitaine. Cette part de seniors dépasse les 20 % dans 14 des 87 familles professionnelles. Parmi ces 14 familles professionnelles, ce sont près de 18 500 agents de la fonction publique, 15 400 agents d’entretien ou encore 8 300 agriculteurs qui sont concernés (figure 2).

Le vieillissement d’une population peut être approché en rapportant la population des actifs de 55 ans ou plus en emploi à celle des actifs de moins de 25 ans également en emploi. Lorsque cet indice de vieillissement est supérieur à 1, les actifs « seniors » en emploi sont plus nombreux que les plus « jeunes » et plus l’indice est élevé, ou à l’inverse très faible (proche de zéro), plus le rapport entre les deux est déséquilibré. Cet indice permet d’identifier, en partie, les professions potentiellement exposées à un fort besoin de renouvellement de main d’œuvre au cours des prochaines années. Plus de la moitié des familles professionnelles comptent deux fois plus d’actifs « seniors » que de « jeunes » actifs. Cet indice est même très élevé pour 12 familles professionnelles dont les cadres et professions intermédiaires de la fonction publique, les enseignants, les cadres des services administratifs, comptable et financiers ou encore les assistantes maternelles. Pour cette dernière activité professionnelle, la tension de recrutement pourrait être particulièrement marquée dans les années à venir, s’agissant d’un métier où la proportion de travailleurs seniors est relativement élevée et surreprésentée en Normandie par rapport à l’ensemble de la France métropolitaine (indice de spécificité de 1,27).

À l’inverse, un quart des familles professionnelles présentent davantage de « jeunes » actifs en emploi que de « seniors » (indice de vieillissement inférieur à 1). On y retrouve principalement les métiers de vendeurs, les employés de l’hôtellerie-restauration ou les ouvriers non qualifiés.

En 2020, l’Eure et la Manche sont les départements normands où le taux d’activité est le plus élevé (respectivement 75,6 et 75,4 %), devant la Seine-Maritime et ses 72,9 % d’actifs. Cette hétérogénéité entre les départements relève de mécanismes propres à chaque territoire, notamment les caractéristiques de l’emploi ou encore la structure de la population.

Ainsi, le département de l’Eure se caractérise par des taux d’emploi et de chômage (au sens du recensement) plus élevés alors que dans la Manche, seul le taux d’emploi est très élevé. À l’inverse, la Seine-Maritime cumule un taux de chômage élevé et un taux d’emploi plus faible, tenant au poids plus important des étudiants dans le département, à l’instar du Calvados.

Ces dynamiques de l’activité sont le reflet des caractéristiques des territoires. Si les zones d’emploi de Rouen, de Caen et du Havre concentrent près de la moitié de la population active normande (respectivement 23 %, 16 % et 9 %), c’est dans les zones d’emploi d’Avranches, de Honfleur Pont-Audemer et de Saint-Lô que la proportion d’actifs est la plus importante (76 %). À l’inverse, les proportions d’actifs les plus faibles, entre 72 et 73 %, sont observées dans les zones d’emploi du Havre, d’Argentan et de Rouen. Les disparités constatées entre les territoires pourraient de ce point de vue sensiblement évoluer au regard de l’âge de la population active. En effet, le vieillissement de la population et l’élévation du taux d’activité à des âges plus élevés pourraient avoir un impact sensible sur le renouvellement de la main d’œuvre, à l’échelle de la région comme au sein des différentes zones d’emploi qui la composent.

C’est dans les zones d’emploi du sud de la région que l’on relève les indices de vieillissement les plus élevés, jusqu’à 1,8 actif de 55 ans ou plus pour 1 actif de moins de 25 ans dans la zone d’emploi de Granville (figure 3). Très souvent, les zones d’emploi présentant un fort taux d’activité affichent également un indice de vieillissement élevé. C’est le cas des zones d’emploi d’Avranches, de Honfleur Pont-Audemer, ou encore de Vire Normandie. Pour ces territoires, la question du renouvellement de la main d’œuvre pourrait se poser de manière accrue. À l’inverse, c’est dans les zones d’emploi les plus urbaines de Rouen, du Havre et de Caen, mais aussi dans la zone d’Yvetot-Vallée du Commerce, située entre celles de Rouen et du Havre, que les indices de vieillissement de la population active sont les plus faibles. Celles-ci profitent en effet d’une population plus jeune, ce qui constitue déjà un atout pour renouveler la main d’œuvre. Dans ces territoires, la part plus importante de jeunes actifs s’explique en partie par une offre plus importante d’infrastructures, de services et d’opportunités professionnelles dans les pôles de ces zones, mais aussi par la présence de sites universitaires, culturels et économiques attractifs pour cette population.