Insee Analyses Pays de la Loire · Mai 2024 · n° 129

Les seniors moins présents sur le marché du travail Économies ligériennes et transitions

La région comptabilise 477 500 personnes âgées de 55 à 64 ans, dites seniors dans cette étude, soit 20 % de la population en âge de travailler (personnes âgées de 15 à 64 ans) en 2020. Avec le vieillissement de la population, la part des seniors va augmenter dans les prochaines décennies et atteindrait 23 % dans les Pays de la Loire en 2070.

L’âge légal de départ à la retraite et la durée de cotisation ont des impacts directs sur l’emploi des seniors. L'étude porte sur des données antérieures à la réforme des retraites de 2023. En 2020, 55,3 % des habitants des Pays de la Loire âgés de 55 à 64 ans sont actifs, soit 8 points de plus qu’en 2014, mais 3 points de moins que la moyenne nationale (figure 1).

Améliorer les parcours professionnels et favoriser l’insertion et le maintien en emploi jusqu’aux âges de la retraite représentent des enjeux spécifiques pour les acteurs publics, dès aujourd’hui et dans les années futures. L’objectif est notamment de répondre aux besoins en main-d’œuvre dans les filières aux nombreux projets d’embauche et d’en limiter les tensions.

Le moindre taux d’activité des 55 à 64 ans dans les Pays de la Loire place la région en bas du classement métropolitain au 9^e rang. Au contraire, le taux d’activité de l’ensemble de la population en âge de travailler est supérieur au niveau national (76,2 % localement contre 74,6 %) et positionne la région sur le podium, juste derrière l’Île-de-France (76,5 %).

Les seniors sont plus actifs en Loire-Atlantique (57,0 %) et Maine-et-Loire (56,9 %), mais restent en deçà du niveau national. Les seniors mayennais et sarthois ont un taux d’activité moindre avec respectivement 54,6 % et 53,8 %. Les seniors vendéens, quant à eux, ont l’un des dix plus faibles taux départementaux de l’hexagone, avec 51,9 %.

Le littoral est particulièrement marqué par une faible activité des seniors (figure 2). Les zones d’emploi de Pornic, Challans et des Sables-d’Olonne, à forte orientation touristique, dénombrent au maximum un senior actif sur deux. En effet, ces territoires attirent de jeunes retraités qui emménagent dans la région ou transforment leur résidence secondaire en principale, surtout sur les zones des Sables-d’Olonne et de Challans. Parmi leurs retraités de 55 à 64 ans, 6 % n’habitaient pas dans la région un an avant, contre seulement 2 % pour ceux des Pays de la Loire. Saint-Nazaire n’est pas caractérisée par sa composante touristique mais davantage par sa grande agglomération dotée de gros employeurs. Ainsi, les seniors y sont plus actifs (52,1 %) que dans les autres zones du littoral.

Seules les zones d’emploi de Nantes et d’Angers enregistrent des taux supérieurs au niveau national (respectivement 59,8 % et 59,2 %). La population y est plus diplômée, ce qui retarde son entrée dans la vie professionnelle et donc sa fin de carrière. Par ailleurs, de jeunes retraités quittent la zone d’emploi de Nantes, ce qui fait mécaniquement augmenter son taux d’activité.

Les seniors des Pays de la Loire sont davantage inactifs (44,7 %) que ceux de France métropolitaine (41,9 %) : ils partent plus tôt à la retraite. En effet, 36 % des ligériens de 55 à 64 ans sont à la retraite contre 30 % dans l’hexagone.

Dans les Pays de la Loire, 34 % des nouveaux retraités terminent leur carrière avant l’âge légal, en tête devant la Normandie et le Centre-Val de Loire (32 %). Avec 44 %, la Mayenne enregistre la plus grande part de départs anticipés. Par conséquent, la région détient l’âge moyen de départ à la retraite le plus bas de France (62,1 ans). Cependant, les femmes restent actives plus longtemps et prennent leur retraite en moyenne 7 mois après les hommes, du fait des interruptions de carrière.

De plus, les carrières sont souvent complètes : seulement 10 % des retraités partent en 2020 avec une pension à taux réduit, proportion la plus faible de l’hexagone. Parallèlement, 11 % des retraités de la région bénéficient d’une surcote, taux également le plus bas de France métropolitaine.

Une bascule s’opère à 60 ans (figure 3). Avant cet âge, les taux d’activité sont supérieurs au niveau national. En revanche, dès 60 ans, la part des actifs de la région décroît rapidement au profit des retraités. La proportion de retraités est alors multipliée par 3,5 entre 59 et 60 ans. Ainsi, 50 % des ligériens de 60 ans sont actifs, contre 56 % en France métropolitaine. L’écart persiste ensuite et atteint jusqu’à 9 points pour les personnes âgées de 61 ans (38 % d’actifs contre 47 % dans l’hexagone).

Cette bascule s’observe aussi en Normandie et en Centre-Val de Loire, expliquée en grande partie par des seniors normands moins diplômés que la moyenne nationale et par la spécificité industrielle du Centre-Val de Loire.

Les seniors des Pays de la Loire ont principalement un CAP ou BEP comme diplôme le plus élevé (39 %), ce qui implique une entrée plus rapide sur le marché du travail et une carrière professionnelle longue. L’apprentissage, historiquement développé dans la région, conduit aussi à des cotisations précoces pour la retraite.

Avec l’allongement de la durée des études, les départs anticipés à la retraite devraient être de moins en moins fréquents. Désormais, 55 % des personnes en âge de travailler disposent du baccalauréat ou d’un diplôme supérieur, contre 26 % pour les CAP et BEP. Cela entraîne une arrivée plus tardive sur le marché du travail et donc un décalage de liquidation de la retraite pour les générations futures.

Les seniors ligériens en emploi travaillent davantage dans l’administration publique, l’enseignement, la santé et l’action sociale (36 %) que l’ensemble des 15 à 64 ans en emploi (29 %). Cela concerne en particulier l’administration publique (+2 points) et l’hébergement médicosocial et social et action sociale sans hébergement (+3 points). En 2021, 30 % des titulaires de la fonction publique d’État (hors enseignement) ont 55 ans ou plus, soit 5 points de plus en 10 ans, soulevant alors des questions de renouvellement des effectifs [Deheeger, 2024 ; pour en savoir plus (1)].

À l’inverse, le secteur du commerce, transports et services divers, qui concentre la plus grande part d’actifs, emploie, en 2020, moins de seniors (37 %, contre 44 % des 15 à 64 ans), notamment dans le commerce et réparation automobile et motocycle, ainsi que les activités de services administratifs et de soutien (-2 points chacun).

Par ailleurs, la part des Ligériens dans l’industrie reste sensiblement la même pour les seniors (15 %) comparée aux personnes de 15 à 64 ans (16 %).

À l’image des spécificités de l’appareil productif régional, les secteurs agricoles et industriels se démarquent localement avec une part des seniors en emploi supérieur au niveau national : 6 % des seniors ligériens travaillent dans l’agriculture contre 4 % en France métropolitaine, respectivement 15 % et 12 % dans l’industrie [Fontaine, 2023 ; pour en savoir plus (4)].

En 2020, les ouvriers sont sous-représentés chez les seniors en emploi, en comparaison à la population en âge de travailler (-3 points) (figure 4). L’écart est encore plus marqué pour les professions intermédiaires (-4 points).

À l’inverse, les seniors occupent plus souvent un emploi de cadre ou de profession intellectuelle supérieure (+2 points). Ils sont également plus souvent artisans, commerçants ou chefs d’entreprise (+2 points). Les agriculteurs exploitants, qui sont très présents dans la région, partent eux aussi à la retraite plus tardivement. Ce profil est plus fréquent chez les seniors que dans la population en âge de travailler (+2 points). Les ouvriers quittent leur emploi plus tôt que les cadres, en lien avec des débuts de carrières précoces, mais aussi la pénibilité de leur métier. En particulier, les ouvriers peu qualifiés finissent leur carrière plus souvent que les autres pour une raison de santé, avant la retraite. Pour exemple, en France métropolitaine, 31 % des ouvriers peu qualifiés de la manutention quittent leur métier suite à des problèmes de santé [Flamand, 2023 ; pour en savoir plus (3)].

Les seniors ligériens en emploi sont moins souvent salariés que ceux âgés de 15 à 64 ans (respectivement 84 % contre 89 %). Cependant, leurs contrats sont plus stables. Neuf salariés seniors sur dix ont un emploi sans limite de durée, contre huit sur dix pour les salariés de 15 à 64 ans dans les Pays de la Loire. L’avancement dans la carrière peut expliquer le glissement des actifs vers des postes à responsabilité.

La région dispose du taux de temps partiel le plus élevé pour les seniors en emploi (22 % contre 19 % au niveau France métropolitaine). Il concerne 35 % des femmes et 10 % des hommes.

En France, de 2021 à 2023, les personnes en emploi de 55 à 64 ans déclarent avoir plus souvent recours au temps partiel que les 15 à 64 ans pour avoir du temps libre (28 % contre 15 %), mais également pour des raisons de santé ou d’handicap (17 % contre 10 %). En revanche, elles le sont moins faute d’avoir trouvé un emploi à temps complet (22 % contre 24 %), ou pour s’occuper de leurs enfants ou d’un proche (6 % contre 24 %). Certains seniors en emploi peuvent bénéficier de la retraite progressive, dispositif permettant de travailler à temps partiel à partir de 60 ans et de percevoir une partie de sa pension de retraite pour compléter son salaire.

Les postes à temps réduit sont également plus plébiscités par les seniors demandeurs d’emploi inscrits à France Travail : un sur cinq recherche un poste à temps partiel, deux fois plus que les personnes âgées de 15 à 64 ans. Lorsqu’ils recherchent un emploi et sont inscrits à France Travail, 50 % des seniors ligériens ont une activité dans le mois, contre seulement 41 % au niveau national. Ils sont 17 % à exercer une activité réduite courte (78 heures ou moins au cours du mois) et 33 % une activité réduite longue (plus de 78 heures).

Le cumul emploi-retraite est également présent dans la région, principalement à partir de 60 ans et les écarts se creusent aux âges suivants. En effet, 3 % des ligériens en emploi de 60 ans affirment toucher une retraite contre seulement 2 % dans l’hexagone. Ils sont 20 % dans cette situation dans les Pays de la Loire à 63 ans, 6 points de plus qu’en France métropolitaine.

Les hommes sont plus nombreux à cumuler emploi et retraite (56 % des seniors bénéficiaires). Les employés représentent 29 % des seniors en cumul emploi-retraite, devant les ouvriers (23 %).

Parmi les seniors actifs ligériens, 9 % sont au chômage au sens du recensement, 1 point de moins qu’en France. Cependant, retrouver un emploi est particulièrement difficile pour les seniors alors que la vie professionnelle a tendance à s’allonger. En 2023, les Pays de la Loire enregistrent 42 600 seniors demandeurs d’emploi. Parmi eux, 64 % recherchent du travail depuis un an ou plus, dont la moitié depuis 3 ans ou plus. Alors que les demandeurs d’emploi de 15 à 64 ans sont seulement 44 % à rechercher depuis un an ou plus. Cela peut s’expliquer par une perte d’employabilité avec l’âge (réelle ou perçue), un recours à la formation plus faible en fin de carrière qui limite les possibilités d’adaptation aux emplois, mais aussi par des niveaux de salaires parfois plus élevés liés aux grilles salariales [Akriche, 2022 ; pour en savoir plus (5)].

Les femmes sont plus nombreuses à chercher du travail, particulièrement chez les seniors. Elles représentent 57 % des demandeurs d’emploi seniors de la région, plus qu’au niveau national (53 %).

Dans les Pays de la Loire, en 2020, 9 % des seniors sont inactifs, hors retraite. Entre 2021 et 2023, les seniors inactifs sont pour moitié en incapacité de travailler en raison d’un handicap ou d’un problème de santé durable. Une santé fragile peut être un réel frein à la recherche d’emploi.

Par ailleurs, le tiers se sent handicapé car fortement limité dans ses activités habituelles. Or, ces personnes passent en moyenne plus d’années sans emploi ni retraite après 50 ans que les personnes sans incapacité. Par conséquent, elles liquident généralement leur retraite plus tard car elles n’ont pas pu bénéficier d’un départ anticipé, davantage possible pour les personnes sans incapacité qui sont parties à la suite d’une carrière longue [Aubert, 2020 ; pour en savoir plus (6)].

Dans certains métiers considérés comme pénibles, les seniors peuvent être licenciés pour inaptitude, car ils sont usés physiquement ou psychologiquement. La question de l’employabilité dans ces métiers est un enjeu important. Améliorer les conditions de travail reste un des moyens pour diminuer les difficultés de recrutement des métiers combinant départs précoces pour raisons de santé et conditions de travail contraignantes.