Insee
Insee Analyses Pays de la Loire · Février 2023 · n° 109
Insee Analyses Pays de la LoireIndustrie et tertiaire productif : des atouts à conforter Économies ligériennes et transitions

Maëlle Fontaine, Laura Gallais (Insee)

L’économie des Pays de la Loire, dynamique, connaît aussi de profondes mutations. Première région agricole en 1975, la région perd cette spécificité et se démarque depuis les années 1990 par le maintien d’une industrie forte. Dans le tertiaire productif, l’informatique et l’ingénierie s’illustrent par leur essor. Depuis 20 ans, les métiers de l’industrie se sont technicisés, même si l’accroissement du niveau de qualification est moindre qu’au niveau national. Forte présence de l’intérim, salaires plus faibles, diplômes trop élevés pour les postes occupés : de nouveaux enjeux sont identifiés afin de permettre une transition équilibrée de l’économie ligérienne.

Insee Analyses Pays de la Loire
No 109
Paru le :Paru le07/02/2023

Cette étude fait partie d'une série de publications sur Économies ligériennes et transitions.

Depuis 1999, des mutations économiques à l’œuvre

Changements de modèles majeurs, transformations des systèmes productifs existants, intégration des problématiques environnementales : aux grandes tendances nationales de ces dernières décennies s’ajoutent certaines dynamiques propres aux Pays de la Loire. Afin de maintenir l’activité économique locale et d’offrir des emplois dans des volumes et des profils adaptés au potentiel du marché du travail local, les acteurs publics ont besoin de comprendre les mutations économiques à l’œuvre et de déterminer si elles sont sources d’atouts ou de fragilités pour l’avenir de la région.

En 20 ans, une main d’œuvre en hausse dans un paysage sectoriel changeant

Entre 1999 et 2019, le nombre d’actifs en emploi augmente davantage dans les Pays de la Loire : il progresse de 1,0 % par an en moyenne, contre 0,7 % en France métropolitaine, et atteint 1,6 million en 2019 (figure 1). Le fort dynamisme démographique régional est le premier facteur explicatif : avec +0,8 % par an contre +0,5 % au niveau national, il place les Pays de la Loire au 3e rang régional d’évolution de population. Les taux d'activité et d'emploi élevés contribuent aussi à la hausse soutenue du nombre d’actifs en emploi. En 20 ans, l’évolution n’est pas continue. Ralenti pendant la crise de 2008‑2009, l’emploi connaît, à partir de 2015, une embellie plus marquée qu’au niveau national.

Figure 1Évolution annuelle moyenne de la population et de l’emploi selon le secteur

Évolution annuelle moyenne de la population et de l’emploi selon le secteur
Évolution annuelle 1999-2019 Pays de la Loire (en %) France métropolitaine (en %) Pays de la Loire 2019 (en milliers)
Population totale (nombre d’habitants) 0,8 0,5 3806,5
Actifs en emploi 1,0 0,7 1576,3
dont agriculture -1,6 -1,5 61,3
dont construction 1,2 1,0 109,0
dont tertiaire 1,6 1,1 1137,3
dont industrie -0,5 -1,3 250,6
dont industrie alimentaire 0,1 -0,3 56,7
dont métallurgie 0,7 -1,3 33,2
dont fabrication de matériels de transport 0,6 -0,9 29,1
  • Source : Insee, Recensement de la population (RP) en 1999 et 2019, exploitations lourde ou complémentaire au lieu de travail.

Comme en France métropolitaine, l’augmentation du nombre d’actifs en emploi est surtout portée par le tertiaire, avec +1,6 % par an entre 1999 et 2019. Cependant, dans les Pays de la Loire, des secteurs industriels comme la métallurgie, la fabrication de matériels de transport ou l’agroalimentaire, résistent à la tendance nationale de désindustrialisation et continuent d’offrir des opportunités d’emploi croissantes sur la période. Le maintien de volumes conséquents d’emploi dans ces secteurs pourrait s’avérer une force du territoire en cas de relocalisations des activités productives, dans un contexte de fortes tensions internationales et d’une volonté de développer le Made in France.

L’agriculture : une spécificité régionale amoindrie

En 1975, l’agriculture représentait 19 % de l’ des Pays de la Loire (figure 2), la plaçant alors au 1er rang des régions françaises. En 2019, elle passe au 4e rang avec 4 % de l’emploi total. Entre 1975 et 2019, l’agriculture est le secteur qui enregistre la plus forte diminution de son poids dans l’emploi total. La baisse est plus prononcée qu’au niveau national (passage de 10 % à 3 %). Elle est très forte jusqu’à la fin des années 1990 (de 19 % à 7 %), et plus modérée depuis (de 7 % à 4 %).

Figure 2Évolution de la part des secteurs économiques dans l’emploi total entre 1975 et 2019

(en %)
Évolution de la part des secteurs économiques dans l’emploi total entre 1975 et 2019 ((en %))
Secteurs Pays de la Loire France métropolitaine
1975 1982 1990 1999 2008 2013 2019 1975 1982 1990 1999 2008 2013 2019
Tertiaire 43,8 50,0 58,1 64,8 69,2 71,5 73,0 51,4 57,7 65,8 72,1 75,8 77,6 79,0
Industrie 27,9 26,3 24,1 21,9 18,2 16,4 16,1 29,4 25,9 21,3 17,9 14,3 12,8 12,1
Construction 9,6 9,0 7,5 6,7 7,8 7,7 7,0 9,1 8,3 7,1 5,9 6,9 6,8 6,4
Agriculture 18,8 14,7 10,4 6,7 4,8 4,4 3,9 10,1 8,2 5,8 4,0 3,0 2,8 2,6
  • Source : Insee, RP 1975 à 2019, exploitations lourdes ou complémentaires au lieu de travail.

Figure 2Évolution de la part des secteurs économiques dans l’emploi total entre 1975 et 2019

  • Source : Insee, RP 1975 à 2019, exploitations lourdes ou complémentaires au lieu de travail.

Au-delà de l’emploi, le modèle économique agricole change aussi. En effet, le nombre d’exploitations a fortement diminué (-50 % entre 2000 et 2020, contre -41 % en France métropolitaine), pendant que la surface agricole utilisée (SAU) baisse peu (-4 %). En 20 ans, la SAU moyenne par exploitation double donc dans la région : elle atteint 79 hectares, gagnant 38 hectares contre seulement 27 hectares en France métropolitaine. Cette expansion s’accompagne d’un développement des formes sociétaires employant des salariés, mieux adaptées aux exploitations de grande taille.

Une désindustrialisation plus modérée qu’ailleurs

En 2019, l’industrie des Pays de la Loire compte 9 150 établissements employeurs et 250 600 actifs en emploi. Bien que la part du secteur dans l’emploi total diminue fortement entre 1975 et 2019 (de 28 % à 16 %, soit -12 points), la baisse reste nettement plus contenue qu’en moyenne nationale (-17 points). Le réseau routier développé, la position à la croisée des quatre régions du Grand Ouest, la proximité de grandes productions agricoles, ou encore la géographie en bord de mer, sont autant de paramètres favorables à l’industrie.

Spécificités régionales de longue date, quelques secteurs industriels se maintiennent dans la durée. Même si leurs poids relatifs dans l’emploi total ligérien sont en baisse, ils restent plus élevés qu’en moyenne nationale. La fabrication de denrées alimentaires, de boissons et de produits à base de tabac, avec 56 700 actifs en emploi en 2019, forme le premier secteur industriel de la région. Il représente 3,7 % de l’emploi total régional, soit le 2e rang derrière la Bretagne. Parmi les grands établissements, LDC, Socopa Viandes et Charal produisent de la viande. La fabrication de machines et équipements et la fabrication de produits en caoutchouc et en plastique sont également plus présentes dans la région, grâce au maintien de grandes entreprises structurantes comme Manitou à Ancenis ou Michelin à Cholet.

D’autres secteurs industriels n’étaient pas des spécificités ligériennes il y a 20 ans, mais le deviennent en maintenant un poids stable dans l’économie, à contre‑pied des baisses nationales. Deuxième secteur industriel de la région, la métallurgie et fabrication de produits métalliques (33 200 actifs en emploi en 2019) en est un exemple. Les Pays de la Loire passent du 7e au 4e rang des régions grâce à la présence de grands établissements, principalement en Vendée : Prima Kline dans la fabrication de menuiserie en aluminium, Cougnaud en construction modulaire, ou Arconic Fixations Simmonds pour les fixations pour l’aéronautique et l’automobile. De même, la région passe du 4e au 3e rang dans le secteur de la fabrication de matériels de transport, 3e secteur industriel de la région grâce à des grandes entreprises comme Airbus, les Chantiers de l’Atlantique, Renault, Naval Group ou SPBI. Cette tendance est probablement minorée du fait que les travailleurs détachés, principalement dans les chantiers navals, ne sont pas pris en compte.

Enfin, la fabrication de textiles, industries de l’habillement, du cuir et de la chaussure connaît une mutation spécifique. Dès les années 1990, et de façon accentuée dans les années 2000, le secteur est concerné par les délocalisations massives de la production vers des pays à la main d’œuvre moins onéreuse. Il passe ainsi de 2,3 % de l’emploi total de la région en 1999 à 0,8 % en 2019. Cependant, l’industrie textile s’est réorientée vers le luxe ou vers des marchés de niche, avec des établissements comme Longchamp à Segré-en-Anjou Bleu, Louis Vuitton à côté des Herbiers ou l’Atelier nantais de maroquinerie vers Clisson. Grâce à ce virage, les Pays de la Loire sont aujourd’hui la région française où la part du textile dans l’emploi est la plus élevée.

Dans le tertiaire, l’informatique tire son épingle du jeu

Bien que moins spécifique à la région, la tertiarisation de l’économie est une tendance de fond majeure. Depuis 20 ans, l’essor de l’informatique et de l’ingénierie est particulièrement marqué dans les Pays de la Loire. D’une part, les activités informatiques et services d’information triplent leur poids : elles passent de 0,5 % à 1,6 % de l’emploi total, soit le 3e rang des régions françaises. Les plus grands établissements régionaux de ce secteur sont Capgemini, GFI informatique et Sopra Steria. D’autre part, les activités juridiques, comptables, de gestion, d’architecture, d’ingénierie de contrôle et d’analyses techniques (Altran Technologies, Expleo, par exemple), doublent leur poids qui passe de 2,2 % en 1999 à 4,0 % en 2019. Forts de la 3e plus forte augmentation régionale, les Pays de la Loire sont en tête du Grand Ouest dans ce secteur depuis quelques années.

Une partie de ces activités du correspond à des services externalisés de l’industrie, soit dans une entreprise sous-traitante (comme Alten), soit dans un établissement du groupe (comme Lactalis Gestion Planification Organisation). La désindustrialisation massive apparente s’explique donc en partie par un recentrage des entreprises industrielles vers leurs activités de production stricto sensu. Un ensemble élargi d’activités qui engloberait à la fois l’industrie et les activités de soutien aux entreprises (industrielles ou non) connaîtrait tout de même une légère baisse de son poids depuis 20 ans.

Globalement, le tertiaire pèse 73 % de l’emploi total en 2019 contre 44 % en 1975 (respectivement 79 % et 51 % pour la France métropolitaine). Au sein du tertiaire, l’action sociale se détache. Ce secteur regroupe 8,4 % de l’emploi total de la région et offre des métiers d’assistantes maternelles, aides à domiciles, agents des services hospitaliers, aides-soignants, etc. Toutefois, la hausse du poids de l’action sociale est moins marquée qu’au niveau national : la région passe du 1er au 6e rang entre 1999 et 2019.

Une bascule des métiers industriels vers des qualifications intermédiaires

Au-delà des évolutions des activités, les métiers ont fortement évolué en 20 ans. Tous secteurs confondus, la part des ouvriers passe de 31 % en 1999 à 25 % en 2019. Le poids des cadres, des professions intermédiaires et des techniciens augmente (respectivement +3,9, +2,3 et +1,4 points). Ce phénomène est le plus visible dans l’industrie manufacturière (figure 3). À l’instar des grandes tendances nationales, la part des techniciens et des cadres y augmente, tandis que celle des ouvriers y diminue, en particulier les non qualifiés (-9,5 points). La chute du poids des ouvriers est la plus marquée dans la métallurgie ou le caoutchouc et plastique, au profit de métiers de techniciens et de cadres d’entreprises. Elle est aussi visible dans le textile, où la baisse de la part d’ouvriers non qualifiés se compense par une hausse chez les artisans.

Figure 3Évolution et part des métiers dans l’industrie manufacturière entre 1999 et 2019

Évolution et part des métiers dans l’industrie manufacturière entre 1999 et 2019
Métiers Évolution des métiers dans l’industrie manufacturière entre 1999 et 2019 (en points de %) Part des métiers dans l’emploi total en 2019 (en %)
Pays de la Loire France métropolitaine Pays de la Loire France métropolitaine
Techniciens 6,6 5,8 11,5 11,7
Cadres d'entreprise 6,6 9,5 11,0 16,5
Professions intermédiaires et administratives des entreprises 2,3 1,3 7,7 8,0
Ouvriers qualifiés -2,9 -4,5 31,5 26,7
Ouvriers non qualifiés -9,5 -7,4 20,7 17,0
  • Champ : les cinq professions et catégories socioprofessionnelles (PCS, au sens de la nomenclature en 18 positions) qui connaissent les évolutions régionales les plus fortes.
  • Source : Insee, RP 1999 et 2019, exploitation complémentaire.

Figure 3Évolution et part des métiers dans l’industrie manufacturière entre 1999 et 2019

  • Champ : les cinq professions et catégories socioprofessionnelles (PCS, au sens de la nomenclature en 18 positions) qui connaissent les évolutions régionales les plus fortes.
  • Source : Insee, RP 1999 et 2019, exploitation complémentaire.

Toutefois, dans les Pays de la Loire, la bascule des métiers de l’industrie s’opère vers un niveau de qualification plus faible qu’en moyenne nationale. Ainsi, en 20 ans, dans l’industrie manufacturière, la part des cadres augmente moins qu’en France métropolitaine (+6,6 points contre +9,5 points), alors que celle des techniciens augmente davantage (+6,6 points contre +5,8 points). La fabrication de matériels de transport est emblématique du phénomène. Les ouvriers qualifiés y sont de moins en moins présents, au profit des techniciens dont la hausse est beaucoup plus marquée qu’au niveau national (+5,2 points contre +0,4 points). Enfin, la part de cadres augmente beaucoup moins (+8,0 points contre +17,0 points).

Par ailleurs, la part des ouvriers qualifiés baisse moins dans la région qu’en moyenne nationale. Le poids élevé de l’industrie alimentaire explique cet écart : dans ce secteur, la part d’ouvriers qualifiés augmente (+2,4 points), ainsi que celle des techniciens (+2,8 points), au détriment des ouvriers non qualifiés (-6,5 points).

Les artisans (boulangers, bouchers, charcutiers, etc.) voient aussi leur part diminuer (-3,7 points), principalement dans les années 2000. Dans la région, la forte présence des niveaux de qualification intermédiaires s’accompagne d’un recours plus marqué aux formations courtes professionnalisantes et à l’alternance.

Des formes d’emploi elles aussi en mutations

Si les modèles du salariat et du contrat à durée indéterminée restent dominants, les formes d’emploi ont beaucoup changé depuis 20 ans. Rendues possibles par des évolutions législatives, ces transformations sont induites par des changements sociétaux dans le rapport au travail et une adaptation individuelle aux aléas conjoncturels.

L’une de ces mutations relève de la diminution des non-salariés. Entre 1989 et 2019, leur part dans l’emploi total baisse davantage dans la région (-6,5 points contre -2,8 points en France métropolitaine), mais cette évolution se déroule en plusieurs phases. Dans les années 1990, la baisse est forte et s’explique par le changement de statut des agriculteurs (recul de la main d’œuvre familiale au profit du salariat) et par l’augmentation de la taille des exploitations. Puis, les années 2000 marquent une stagnation de la part de non-salariés. Enfin, celle-ci augmente légèrement dans les années 2010, suite à la création du statut d’auto-entrepreneur en 2008, réformé en micro-entrepreneur en 2014.

En outre, la région s’illustre par un recours historiquement élevé à l’intérim, en lien avec la forte présence de l’industrie alimentaire. En effet, en 2019, dans les Pays de la Loire, deux contrats conclus sur dix dans ce secteur sont des contrats intérimaires. Avec un de 4,4 % au 1er trimestre 2022, la région se situe continûment au premier rang régional depuis 2016. Cette particularité se confirme depuis la reprise post-Covid, principalement dans la fabrication de matériels de transport (hors automobile). En dépit de ces formes particulières d’emploi, 84 % des actifs en emploi continuent d’être en contrat à durée indéterminée ou titulaires de la fonction publique, comme en France métropolitaine.

Autre particularité, le temps partiel est plus répandu dans la région. Il concerne 19 % des salariés de 15 ans ou plus contre 17 % en France métropolitaine. L’écart est net chez les femmes, avec 31 % contre 27 % : il s’agit du plus fort taux régional. Le taux d’emploi des femmes de 15 à 64 ans est élevé dans la région : 65 % en 2019 contre 62 % en France métropolitaine.

Des conditions d’emploi moins favorables

En 2019, les actifs en emploi de la région sont moins rémunérés qu’en moyenne nationale : ils perçoivent 14,0 euros nets horaires (€/h) contre 15,3 €/h en France métropolitaine et 14,3 €/h hors Île-de-France (figure 4). Le moindre niveau de rémunération s’explique premièrement par un effet de structure de l’économie ligérienne : elle compte plus d’ouvriers et moins de cadres. Deuxièmement, les écarts de rémunération, à professions égales ou à secteurs égaux, sont accentués dans la région. Ils s’observent à tous les niveaux de l’échelle de salaires, mais ils sont plus marqués en proportion pour les hauts salaires (chefs d’entreprises par exemple). Dans l’industrie, les Pays de la Loire se positionnent au 11e rang des régions françaises pour le salaire moyen.

Figure 4Salaires nets horaires des actifs en emploi selon le secteur d’activité en 2019

(en euros)
Salaires nets horaires des actifs en emploi selon le secteur d’activité en 2019 ((en euros))
Secteurs Pays de la Loire France métropolitaine
Ensemble de l’économie 14,0 15,3
Agriculture 11,0 11,2
Administration publique, enseignement, santé & action sociale 13,4 14,1
Construction 13,4 14,2
Commerce, transports et services divers 14,1 15,9
Industrie 14,9 17,0
  • Source : Insee, base Tous salariés 2019.

Figure 4Salaires nets horaires des actifs en emploi selon le secteur d’activité en 2019

  • Source : Insee, base Tous salariés 2019.

Si la région semble favorablement positionnée en matière d'insertion professionnelle, au regard des taux d’emploi élevé et de chômage faible, elle fait néanmoins face à des décalages entre diplôme obtenu et poste espéré. Ainsi, 28 % des salariés occupent un poste d’une catégorie socioprofessionnelle moins élevée que celle à laquelle ils pourraient théoriquement prétendre par leur niveau de diplôme (situation de «  »), contre 25 % en France métropolitaine. Bien que le fait de disposer d’un diplôme puisse contribuer favorablement à l’insertion professionnelle, le « sur-diplôme », s’il perdure dans le temps, traduit une adéquation imparfaite entre les emplois proposés sur le territoire et le profil de la main d’œuvre disponible. Il pourrait aussi suggérer un processus de déclassement plus présent, même si l'évolution des compétences requises sur les métiers au-delà de celles acquises lors de la formation initiale seraient à prendre en compte pour le confirmer.

Dans la région comme en moyenne nationale, les activités des ménages en tant qu’employeurs (services à domicile, ménage, gardiennage, etc.), l’agriculture, l’action sociale, et l’hébergement‑restauration sont les activités les plus touchées par le « sur-diplôme » (plus de 40 % d’emplois concernés). En outre, la région se démarque dans les activités financières et d’assurance et les activités juridiques, comptables et d’ingénierie : avec respectivement 29 % et 22 % de personnes « sur-diplômées », ces secteurs sont ceux où l’écart avec la moyenne nationale est le plus marqué (+6 points). Dans l’industrie, l’industrie alimentaire est la plus confrontée à cette inadéquation. Les tensions de recrutement dans certains secteurs peuvent jouer dans le fait d’accepter un poste d’un niveau de qualification moindre.

De nouveaux enjeux pour la main d’œuvre ligérienne

Afin que les conditions d’emploi puissent accompagner les mutations économiques à venir et ne se dégradent pas dans les décennies futures, les enjeux démographiques sont à considérer. Tout d’abord, le jeu des migrations résidentielles pourrait accentuer les situations de « sur-diplôme ». En effet, le dynamisme démographique des Pays de la Loire est, depuis les années 2000, davantage porté par les arrivées sur le territoire que par le solde naturel. Or, les nouveaux arrivants sont plus diplômés : 16 % d’entre eux ont un diplôme supérieur à bac + 2 contre 7 % des résidents. La région attire notamment des actifs plus jeunes et des cadres en provenance du Grand Ouest ou de l'Île-de-France.

De plus, dans le contexte de nombreux départs à la retraite des générations du baby-boom (nées entre 1946 et 1974), offrir des emplois cohérents avec les niveaux de diplôme des nouvelles générations est un enjeu grandissant. En effet, les situations de « sur-diplôme » sont nettement plus fréquentes chez les jeunes : dans la région, elles concernent 36 % des actifs en emploi de moins de 25 ans et 15 % des 55 ans ou plus. Les secteurs qui combinent « sur-diplôme » fréquent et âge moyen élevé sont les activités des ménages en tant qu’employeurs, l’agriculture, le textile et l’habillement. Dans ces activités, plus de 35 % des effectifs ont 50 ans ou plus.

De nouvelles mutations déjà amorcées dans les organisations productives pourraient apporter une partie de la réponse à ces enjeux. En particulier, l’industrie dite « 4.0 » fait intervenir davantage d’intelligence artificielle dans les processus et se développe grâce à des efforts de recherche et développement croissants. Cependant, ces transformations s’inscrivent sur du temps long et leur impact réel en matière de débouchés n’est pas encore connu.

Encadré : partenariat

Cette étude est issue d’un partenariat entre l’Insee des Pays de la Loire et la direction régionale de l’Économie, de l’Emploi, du Travail et des Solidarités des Pays de la Loire.

Publication rédigée par :Maëlle Fontaine, Laura Gallais (Insee)

Sources

La plupart des données de cette étude sont issues des recensements de la population de 1975 à 2019 (exploitations lourdes ou complémentaires au lieu de travail). Cette source est privilégiée pour les analyses sur longue période. Les données sur les salaires sont issues de la base Tous salariés et celles sur les non-salariés de la base non-salariés.

Les entreprises citées sont celles dont les effectifs sont les plus élevés de leur secteur.

Définitions

L’emploi total correspond à l’ensemble des actifs en emploi des domaines privés et public, salariés ou non.

Le tertiaire productif correspond aux activités de services destinés aux entreprises qui produisent des biens consommés majoritairement dans un territoire.

Le taux de recours à l’intérim rapporte l’effectif intérimaire de la zone au nombre total de salariés en fin de trimestre. Le calcul s’appuie sur les estimations trimestrielles d’emploi de l’Insee, corrigées des variations saisonnières.

Le « sur-diplôme » s’appuie sur un tableau de correspondance [Forgeot, Gautié, 1997 ; pour en savoir plus (5)] avec quelques ajustements entre le niveau de diplôme (en 7 positions) et la catégorie d’emploi occupé (en 18 positions).

Pour en savoir plus

(1) Féfeu L., Hervy C., « En 40 ans, forte croissance des emplois métropolitains et présentiels », Insee Flash Pays de la Loire no 128, septembre 2022.

(2) Cloarec N., « Des transitions nécessaires pour maintenir la dynamique ligérienne », Insee Analyses Pays de la Loire no 92, septembre 2021.

(3) Delhomme I., Kurzmann J., « L’emploi salarié progresse dans les Pays de la Loire, porté par la zone d’emploi de Nantes », Insee Analyses Pays de la Loire no 105, décembre 2020.

(4) Fontaine M., Vahé M., « L’économie des nouvelles zones d’emploi ligériennes : une forte orientation industrielle », Insee Analyses Pays de la Loire no 83, octobre 2020.

(5) Forgeot G., Gautié J., « Insertion professionnelle des jeunes et processus de déclassement », in Les trajectoires des jeunes : distances et dépendances entre générations, coll. "Économie et Statistique" no 304-305, avril 1997.