Insee Analyses Provence-Alpes-Côte d'Azur · Mai 2024 · n° 129

Des trajets domicile-travail moins émetteurs de gaz à effet de serre qu’en France de province, principalement grâce à des distances plus courtes

En France métropolitaine, le transport est, dans son ensemble, le secteur le plus émetteur de gaz à effet de serre (GES). En 2019, il génère près d’un tiers des émissions intérieures totales. À eux seuls, les trajets domicile-travail représentent 13 % des émissions de l’ensemble des transports, y compris aérien.

Les mobilités sont un axe fort de la planification écologique qui définit des objectifs sectoriels territorialisés de réduction des émissions de GES conformes aux engagements de la France. Au niveau régional, le Schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (SRADDET) prévoit leur déclinaison dans les documents de planification locaux. Les politiques publiques s’appuient sur différents leviers pour réduire les émissions des transports de passagers : le verdissement du parc automobile, le développement des transports en commun, mais aussi la sobriété des déplacements, permise notamment par le développement du télétravail, etc. Pour répondre à ces enjeux, de multiples dispositifs sont mis en place, tels le volet mobilité du contrat de plan État-Région 2021-2027, des appels à projets en faveur d’infrastructures cyclables et de transports en commun ou encore des démarches de financements comme le « fonds vert » pour le développement du covoiturage, les mobilités durables en zone rurale, etc..

En 2019, 1,8 million de navetteurs résident en Provence-Alpes-Côte d’Azur et se déplacent pour aller travailler, soit 94 % des actifs en emploi de 15 ans ou plus (figure 1). Sur l’année, ces trajets domicile-travail génèrent au total 1,2 million de tonnes d’équivalent CO₂ (tCO₂e), soit en moyenne 0,66 tonne par navetteur (Pour comprendre). Ces émissions représentent, à elles seules, un tiers de la cible moyenne communément admise d’une empreinte carbone de 2 tCO₂e par personne et par an à atteindre d’ici 2050 dans un objectif de neutralité carbone.

Avec des émissions inférieures de 16 % à la moyenne de France de province, les navetteurs de la région sont parmi les moins émetteurs, juste après ceux de Corse (0,63 tCO₂e). Au niveau national, les navetteurs d’Île-de-France ont la meilleure empreinte carbone (0,41 tCO₂e).

Ces émissions dépendent des distances parcourues, des modes de transport utilisés et de leur efficacité carbone. L’écart avec la France de province s’explique essentiellement par des distances parcourues plus courtes mais aussi, dans une moindre mesure, par l’utilisation plus fréquente des modes de transport moins émetteurs.

Les navetteurs de la région parcourent en moyenne 12,2 km pour se rendre sur leur lieu de travail, contre 14,3 km pour ceux de France de province. Ce constat est lié à la forte concentration de la population dans les zones urbaines. Pour effectuer ces trajets, 80 % utilisent un véhicule routier motorisé, un peu moins fréquemment que dans les autres régions de France de province : 76 % utilisent la voiture et 4 % un deux-roues motorisé (contre respectivement 82 % et 2 % en France de province). Ils sont 11 % à utiliser les transports en commun et 9 % les modes actifs comme la marche ou le vélo.

Le mode de transport utilisé dépend fortement de la distance domicile-travail et des offres alternatives à la voiture individuelle. Dans la région, 20 % des navetteurs parcourent au moins 20 km pour se rendre au travail (figure 2). La grande majorité d’entre eux utilise la voiture ou un deux-roues motorisé (91 %, contre 93 % en France de province). À l’inverse, 20 % des navetteurs parcourent une distance domicile-travail inférieure à 2 km. Sur ces trajets, pourtant courts, 56 % utilisent un véhicule routier motorisé, 34 % se déplacent à pied ou à vélo et 10 % en transports en commun (contre respectivement 59 %, 36 % et 5 % en France de province).

En Provence-Alpes-Côte d’Azur, les trajets en voiture génèrent en moyenne 145 g de CO₂e par kilomètre et par navetteur, ceux en moto 91 g et ceux en transports en commun 15 g. Les modes actifs (marche et vélo) n’émettent pas de CO₂e. Combinés à des trajets en moyenne plus longs, les trajets effectués en véhicule routier motorisé concentrent au total la quasi-totalité des émissions de GES des trajets domicile-travail (97 % pour les voitures et 2 % pour les motos). Les 1 % restants proviennent des transports en commun. Ce constat est similaire aux autres régions, y compris l’Île-de-France. En Provence-Alpes-Côte d’Azur, plus de la moitié des émissions de GES des trajets domicile-travail proviennent des trajets supérieurs à 20 km. Si 10 % des navetteurs qui utilisent la voiture se tournaient vers les transports en commun pour se rendre au travail, plus de 100 000 tCO₂e pourraient être évitées sur un an. D’autres leviers, comme l’électrification du parc automobile ou le recours plus fréquent au télétravail, permettent aussi de limiter les émissions de GES (encadré 1 et encadré 2).

Dans la région, la majorité des navetteurs (58 %) réside dans les pôles des aires d’attraction des villes, zones plus urbanisées qui concentrent population et emploi (contre 40 % en France de province). Ils émettent près de deux fois moins que les autres navetteurs de la région (0,5 tCO₂e contre 0,9 tCO₂e). Ils parcourent des distances plus courtes pour se rendre au travail (9,8 km en moyenne) et sont plus nombreux à utiliser les modes de transports les moins émetteurs : 12 % font le trajet à pied ou à vélo et 16 % en transports en commun. Dans les deux plus grands pôles de la région (Marseille – Aix-en-Provence et Nice), près d’un quart des navetteurs utilisent les transports en commun. Leurs émissions sont ainsi plus faibles : environ 0,4 tCO₂e en 2019 par navetteur, un niveau équivalent à ceux d’autres pôles tels que Bordeaux, Toulouse ou Nantes (figure 3). Les navetteurs du pôle de Lyon, dont le réseau de transports en commun est plus développé, sont moins émetteurs (0,3 tCO₂e). À l’inverse, ceux du pôle de Lille le sont davantage (0,5 tCO₂e).

Les résidents des pôles émettent moins car la grande majorité d’entre eux (78 %) travaillent au sein du pôle. Cumulant courtes distances et utilisation des transports en commun plus fréquente, leurs trajets sont les moins émetteurs (0,3 tCO₂e). Les autres résidents des pôles vont travailler dans la couronne de leur aire d’attraction (9 %) ou en dehors (13 %). Les trajets en direction d’un autre pôle ont une meilleure efficacité carbone grâce à une utilisation plus fréquente des transports en commun (figure 4). C’est le cas entre le pôle de Nice et celui de Monaco - Menton (87 g de CO2e/km) et entre les pôles de Nice et de Cannes - Antibes (112 g de CO2e/km). Pour autant, l’utilisation majoritaire de la voiture, couplée à de longues distances, augmente considérablement l’empreinte carbone de ces navetteurs.

Les navetteurs vivant au sein des couronnes des aires d’attraction sont en proportion moins nombreux qu’en France de Province (39 % contre 52 %). Ils génèrent la moitié des émissions de GES des trajets domicile-travail dans la région, chaque navetteur émettant en moyenne 0,9 tCO₂e (contre 0,5 pour les habitants des pôles). Ils parcourent en effet des distances plus longues (15,4 km) et utilisent, en très grande majorité, la voiture ou la moto pour ces déplacements (90 %). Toutefois, des différences fortes s’observent entre les communes : les émissions ont tendance à être plus fortes pour les navetteurs des communes éloignées des pôles d’emploi, notamment dans l’ouest du Var et dans l’arrière-pays des Alpes-Maritimes.

Pour la moitié des navetteurs habitant une couronne, le trajet jusqu’au lieu de travail se fait au sein même de la couronne. Même s’ils utilisent beaucoup la voiture ou la moto (87 %), leurs émissions (0,5 tCO2e) sont inférieures à la moyenne régionale, grâce à des distances relativement courtes (8,2 km).

Les autres trajets sont bien plus émetteurs : les navetteurs des couronnes qui se rendent dans le pôle de leur aire d’attraction (34 %) émettent en moyenne 1,0 tCO2e par an. Pour leur travail, 55 200 navetteurs résidant dans la couronne de Marseille - Aix-en-Provence se rendent dans le pôle principal de Marseille. Ils émettent en moyenne 130 g de CO₂e au kilomètre, pour un trajet moyen de 28 km, soit 1,4 tCO₂e au total sur un an. Les navetteurs des couronnes qui travaillent en dehors de leur aire d’attraction (16 %) émettent encore davantage (1,7 tCO₂e), cumulant une forte utilisation de la voiture avec de longues distances domicile-travail.

Les femmes émettent en moyenne moins de GES que les hommes (0,6 tCO₂e par an contre 0,8). Le constat est identique en France de province. D’une part, elles parcourent des distances plus faibles pour se rendre à leur travail (10,9 km contre 13,5 km), cela quelle que soit leur catégorie socioprofessionnelle. D’autre part, elles sont plus nombreuses à utiliser les modes de transport moins émetteurs : 24 % d’entre elles les utilisent (11 % pour les modes actifs et 13 % pour les transports en commun), contre 17 % des hommes. Elles sont aussi plus fréquemment à temps partiel, ce qui réduit leurs déplacements hebdomadaires.

Parmi les différentes catégories socioprofessionnelles, les employés sont en moyenne moins émetteurs (0,5 tCO₂e). Ils parcourent des distances plus faibles (10,1 km) et utilisent plus souvent les modes actifs et les transports en commun (respectivement 12 % et 14 %). À l’inverse, les cadres émettent davantage (0,8 tCO₂e). Ils n’utilisent pas plus la voiture, mais parcourent des distances domicile-travail plus élevées (15,5 km).

Les émissions de gaz à effet de serre sont exprimées en équivalent CO2 (CO2e), les principaux gaz à effet de serre étant inclus. Seules les émissions générées au cours des déplacements sont comptabilisées. Les émissions dues à la production de l’énergie, la construction des véhicules ou des infrastructures de transport sont exclues. Ainsi, selon cette approche, les voitures électriques n’émettent aucun GES. Les effets de la fluidité du trafic ne sont pas non plus pris en compte.