Insee Flash Bourgogne-Franche-Comté ·
Novembre 2023 · n° 181Deux approches du suivi conjoncturel du chômage
Le taux de chômage au sens du Bureau international du travail (BIT) et le nombre de demandeurs d’emploi de catégorie A inscrits à Pôle emploi sont deux concepts de référence pour mesurer le chômage. Ces deux visions distinctes sont en apparence proches mais leurs évolutions diffèrent selon les périodes. En Bourgogne-Franche-Comté, entre 2000 et 2022, le chômage au sens du BIT recule légèrement tandis que le nombre de demandeurs d’emploi de catégorie A progresse. Les réformes mises en place par les gouvernements successifs ont une incidence marquée sur les inscriptions à Pôle emploi, notamment celles en faveur des seniors.
- Deux mesures du chômage existent au niveau régional
- Des évolutions décalées entre les deux indicateurs depuis 2005
- Les réformes modifient le volume d’inscription des seniors à Pôle emploi
- Les jeunes ne s’inscrivent pas systématiquement à Pôle emploi
- Les 25-49 restent les plus nombreux parmi les demandeurs d'emploi
Deux mesures du chômage existent au niveau régional
Pour suivre le chômage, deux mesures de référence sont disponibles au niveau régional, départemental et zone d'emploi. D’une part, le taux de chômage localisé au sens du Bureau international du travail (BIT) estime la part d’actifs sans emploi, en recherche active et disponibles immédiatement sur le marché du travail. D’autre part, le nombre de demandeurs d’emploi en fin de mois (DEFM) de catégorie A inscrits à Pôle emploi sont des personnes sans emploi au cours du mois mais tenues d’effectuer des actes positifs de recherche d’emploi.
Ces deux mesures sont proches mais diffèrent cependant. Tout d’abord, elles ne recouvrent pas la même population. Certaines personnes inscrites en catégorie A ne sont pas considérées au chômage au sens du BIT. C’est par exemple le cas des personnes qui n’ont effectué aucune démarche active de recherche d’emploi, au-delà du seul renouvellement de leur inscription à Pôle emploi. Inversement, certains chômeurs au sens du BIT s’affranchissent de s’inscrire à Pôle emploi pour trouver un travail. De plus, le nombre de DEFM de catégorie A provient de données administratives, exhaustives et facilement mobilisables. Cette inscription peut être affectée par des changements de règles dans le suivi, l’accompagnement ou l’indemnisation des DEFM. À l'inverse, les données utilisées pour le calcul du taux de chômage localisé sont en grande partie issues de l’Enquête Emploi en Continu réalisée par l’Insee. La collecte des données d’enquête est stable d'un trimestre à l'autre mais repose sur un échantillon de population. Enfin, la période d’observation n’est pas la même. Pour les DEFM, c’est une photographie en fin de mois, pour le taux de chômage la mesure se fait sur une semaine précise.
Des évolutions décalées entre les deux indicateurs depuis 2005
En Bourgogne-Franche-Comté, de 2000 à 2022, les deux approches sont globalement cohérentes pour décrire les différents cycles qui ont marqué le marché du travail. Néanmoins, on observe quelques nuances. Avec le ralentissement de la croissance du début des années 2000, le taux de chômage au sens du BIT et le nombre de DEFM de catégorie A augmentent, et ce de façon similaire entre 2001 et 2005 (figure 1). Ce n’est qu’entre 2005 et 2008 que les deux indicateurs baissent mais pas au même rythme. Avec la crise économique de 2008, dont les effets se sont fait sentir plus longtemps en Bourgogne-Franche-Comté, taux de chômage et nombre de DEFM augmentent de façon similaire jusqu’en 2015. Le taux de chômage atteint les 9,3 % et le nombre de DEFM de catégorie A est à son au plus haut niveau avec 137 000 personnes inscrites. Les écarts dans les évolutions des deux indicateurs augmentent à nouveau à partir de 2017 avec le retour de la croissance. Le taux de chômage diminue très rapidement alors que le nombre de DEFM de catégorie A baisse faiblement jusqu’en 2020. À partir de 2020, avec la poursuite de la croissance, le retour aux règles de gestion antérieures à la période Covid, le durcissement fin 2021 des conditions d’ouverture de droits au chômage ou encore le renforcement des contrôles et leurs possibles retombées en matière de radiations contribuent à faire baisser plus fortement le nombre de DEFM de catégorie A.
tableauFigure 1 – Évolutions du taux de chômage au sens du BIT et du nombre de demandeurs d’emploi de catégorie A, en Bourgogne-Franche-Comté et en France métropolitaine, entre 2000 et 2022
Année | Bourgogne-Franche-Comté | France métropolitaine | ||
---|---|---|---|---|
Taux de chômage au sens du BIT | DEFM de catégorie A | Taux de chômage au sens du BIT | DEFM de catégorie A | |
2000 | 100 | 100 | 100 | 100 |
2001 | 90 | 91 | 91 | 91 |
2002 | 96 | 100 | 93 | 97 |
2003 | 106 | 107 | 100 | 102 |
2004 | 112 | 108 | 105 | 102 |
2005 | 113 | 108 | 105 | 101 |
2006 | 116 | 99 | 105 | 91 |
2007 | 104 | 86 | 95 | 81 |
2008 | 97 | 84 | 88 | 78 |
2009 | 127 | 109 | 109 | 96 |
2010 | 127 | 113 | 110 | 102 |
2011 | 122 | 112 | 109 | 105 |
2012 | 131 | 122 | 116 | 114 |
2013 | 140 | 133 | 122 | 124 |
2014 | 137 | 137 | 122 | 130 |
2015 | 139 | 141 | 123 | 135 |
2016 | 134 | 138 | 121 | 134 |
2017 | 122 | 133 | 112 | 133 |
2018 | 115 | 128 | 107 | 131 |
2019 | 110 | 127 | 101 | 128 |
2020 | 104 | 135 | 96 | 140 |
2021 | 100 | 120 | 95 | 128 |
2022 | 94 | 105 | 88 | 111 |
- Champ : personnes âgées de 15 ans ou plus.
- Sources : Insee, Taux de chômage localisés ; Pôle emploi – Dares, statistiques du marché du travail (STMT).
graphiqueFigure 1 – Évolutions du taux de chômage au sens du BIT et du nombre de demandeurs d’emploi de catégorie A, en Bourgogne-Franche-Comté et en France métropolitaine, entre 2000 et 2022
Les réformes modifient le volume d’inscription des seniors à Pôle emploi
De 2000 à 2008, le taux de chômage et le nombre de DEFM de catégorie A des seniors (personnes âgées de 50 ans et plus) présentent des évolutions similaires dans la région (figure 2). À compter de 2008, les variations du nombre de DEFM sont davantage marquées que celles du taux de chômage. Ainsi, entre 2008 et 2015, en Bourgogne-Franche-Comté, le nombre de DEFM des seniors augmente de 160 % alors que le taux de chômage n'augmente que de 2,4 points, soit 62 %. La dispense entre 2009 et 2012 de recherche d’emploi pour les seniors proches de la retraite ainsi que les réformes successives relatives au recul de l’âge de la retraite maintiennent dans les fichiers de Pôle emploi des seniors qui ne font plus de démarches actives pour trouver un emploi. De par sa construction, le taux de chômage reste insensible à ces changements. Après 2015, le taux de chômage connait une lente diminution. Le nombre de DEFM de catégorie A se stabilise jusqu'en 2020 avant de chuter brusquement. L'essor de l'activité réduite peut aussi expliquer ce phénomène.
tableauFigure 2 – Taux de chômage au sens du BIT et nombre de DEFM de catégorie A en Bourgogne-Franche-Comté entre 2000 et 2022
Tranche d’âge | Indicateurs | 2000 | 2022 | Évolution * | ||
---|---|---|---|---|---|---|
2000-2008 | 2008-2015 | 2015-2022 | ||||
15-24 ans | Taux de chômage | 15,0 | 15,5 | +3,7 | +6,4 | -9,6 |
DEFM de catégorie A | 15 970 | 14 030 | +2,9 | +37,5 | -37,9 | |
25-49 ans | Taux de chômage | 5,9 | 5,6 | -0,4 | +2,8 | -2,7 |
DEFM de catégorie A | 63 200 | 57 660 | -18,3 | +53,2 | -27,1 | |
50 ans et plus | Taux de chômage | 4,7 | 4,3 | -0,8 | +2,4 | -2,0 |
DEFM de catégorie A | 17 490 | 30 240 | -23,0 | +160,1 | -13,7 | |
Ensemble | Taux de chômage | 6,7 | 6,3 | -0,2 | +2,8 | -3,0 |
DEFM de catégorie A | 96 660 | 101 930 | -15,7 | +67,7 | -25,4 |
- * les évolutions du taux de chômage sont en points de pourcentage alors que celles des DEFM sont en pourcentage.
- Lecture : entre 2015 et 2022, le taux de chômage des personnes âgées de 15 ans et plus a baissé de 3 points alors que le nombre de DEFM a baissé de 25,4 %.
- Champ : personnes âgées de 15 ans ou plus.
- Sources : Insee, Taux de chômage localisés ; Pôle emploi - Dares, statistiques du marché du travail (STMT).
Les jeunes ne s’inscrivent pas systématiquement à Pôle emploi
Le taux de chômage au sens du BIT traduit mieux la situation réelle des jeunes de moins de 25 ans sur le marché du travail que les demandeurs d'emploi. En effet, les jeunes chômeurs semblent moins enclins à s’inscrire à Pôle emploi, car ils n’ont pas tous suffisamment travaillé pour bénéficier des droits à l’indemnisation. Toutefois, la simplification du processus d’inscription ainsi que la mise en place du dispositif « Garantie jeunes » en janvier 2017 (remplacé au 1er mars 2022 par le « Contrat d'engagement jeune ») contribuent au rapprochement de ces deux indicateurs depuis cette date.
Les 25-49 restent les plus nombreux parmi les demandeurs d'emploi
Parmi les demandeurs d’emploi, ceux âgés entre 25 et 49 ans sont les plus nombreux mais cette tranche d’âge tend à diminuer dans la région (environ 60 % en moyenne sur 2000-2022). Tout comme pour les 15-24 ans, l’évolution du nombre de DEFM de catégorie A des 25-49 ans est plus faible que celle du taux de chômage. Cependant, depuis 2015, les deux indicateurs suivent une tendance similaire à la baisse. Entre 2015 et 2022, le taux de chômage a diminué de 2,7 points, soit une baisse de 33 % et le nombre de DEFM a diminué de 27 %.
Définitions
Taux de chômage localisé au sens du Bureau international du travail (BIT) : ratio entre le nombre de chômeurs au sens du BIT et le nombre d’actifs (en emploi ou au chômage) estimé au niveau régional.
Demandeur d’emploi de catégorie A : personne inscrite en fin de mois sur les listes de Pôle emploi, tenue d’effectuer des actes positifs de recherche d’emploi et n’ayant travaillé aucune heure au cours du mois.
Chômeur au sens du BIT : personne âgée de 15 ans ou plus répondant à trois conditions : être sans emploi durant une semaine donnée, être disponible pour prendre un emploi dans les deux semaines et avoir cherché activement un emploi au cours des quatre dernières semaines ou en avoir trouvé un qui commence dans moins de trois mois.
Pour en savoir plus
(1) Dreets-Pôle emploi, « Ouvrir dans un nouvel ongletStatistiques trimestrielles des demandeurs d'emploi ».
(2) Blin CL., Pialle MF., Piffaut B., « Au 2ᵉ trimestre 2023, l’emploi hésite », Insee Conjoncture Bourgogne-Franche-Comté no 39, octobre 2023.
(3) Cherchem O., Minni D. (Dares), « Chômeurs au sens du BIT et demandeurs d’emploi de catégorie A : une réduction de l’écart depuis 2021 », Insee références, édition 2023.