Insee Analyses Occitanie · Septembre 2023 · n° 140

L’Hérault : un département très dynamique confronté à d’importantes fragilités sociales

Deuxième département le plus peuplé d’Occitanie, l’Hérault compte 1 232 800 habitants au 1^er janvier 2023. C’est l’un des quatre départements français dont la population augmente le plus entre 2014 et 2020. Sur cette période, la croissance atteint 1,2 % par an comme en Haute-Garonne, en Gironde et en Loire-Atlantique. Si les tendances démographiques récentes se poursuivaient, la population continuerait de s’accroître pour atteindre 1 430 000 habitants en 2050. Ce dynamisme démographique n’est pas nouveau. Il est toutefois moins fort sur la période récente qu’au début des années 60 (figure 1). Entre 1962 et 1968, la population a augmenté de 2,3 % par an en moyenne avec l’arrivée massive de rapatriés d’Algérie. Depuis cette période, le nombre d’habitants a évolué au même rythme qu’en Haute-Garonne, soit bien plus vite qu’en France métropolitaine.

L’Hérault est l’un des départements les plus attractifs de France, après les deux départements corses. Entre 2014 et 2020, la population augmente d’en moyenne 1 % chaque année sous le seul effet des migrations résidentielles, ce qui représente environ 12 000 habitants supplémentaires chaque année. Parmi ces nouveaux arrivants, six sur dix sont des jeunes (18-24 ans) ou des retraités.

En 2018, 12 000 jeunes âgés de 18 à 24 ans se sont installés dans le département et 9 000 en sont partis. Les jeunes représentent 33 % du gain migratoire du département en provenance d’autres départements français. Ils viennent principalement des départements voisins : du Gard, des Bouches-du-Rhône, des Pyrénées-Orientales ou de l’Aude. Environ 2 000 autres jeunes sont arrivés sur le territoire en provenance de l’étranger.

Ces nouveaux habitants âgés de 18 à 24 ans viennent souvent afin de poursuivre leurs études. En 2020, près de 86 000 étudiants sont inscrits dans l’enseignement supérieur dont 81 000 à Montpellier. Près de trois sur quatre étudient à l’université. Montpellier est la quatrième ville française par son nombre d’étudiants derrière Paris, Toulouse et Lyon. Leur poids dans la population est particulièrement important : 16 % des Montpelliérains sont étudiants (15 % des Toulousains). Les jeunes de 18 à 24 ans représentent 9,4 % de la population de l’Hérault, soit 1,5 point de plus qu’en France métropolitaine (figure 2).

Le département attire également des retraités, qui s’y installent plus souvent qu’ils ne le quittent. Ils représentent 26 % du gain migratoire du département en provenance d’autres départements français. Un retraité sur cinq s’installant dans l’Hérault vient d’un département d’Occitanie, un retraité sur cinq d’Île-de-France. Ces arrivées de retraités contribuent au vieillissement de la population. En 2019, 22 % des Héraultais sont âgés de 65 ans ou plus (20 % en France métropolitaine). Selon les dernières projections démographiques, la part des 65 ans ou plus gagnerait 6 points d’ici 2050 et le département compterait alors près de 140 000 seniors de plus qu’en 2019.

En 2020, 85 % de la population du département vit dans les aires d’attraction des villes (AAV) de Montpellier (68 %) et de Béziers (17 %). En 60 ans, la population du département a augmenté très fortement autour de Montpellier et dans une moindre mesure sur le littoral et autour de Béziers (figure 3). Le nombre d’habitants a été multiplié par trois dans l’actuelle aire d’attraction de Montpellier.

En 2020, l’Hérault est le 12^e département de province par sa densité de population. En dehors des deux principales villes et de leur périphérie, les zones les plus densément peuplées sont Sète et les principales stations balnéaires (Valras-Plage, Agde, Palavas-les-Flots, Frontignan, La Grande-Motte) ainsi que les communes de l’axe Clermont-l’Hérault–Pézenas, le long de l’autoroute A75.

Dans ces territoires déjà très denses, les nouveaux habitants sont nombreux chaque année et leur accueil constitue un enjeu important. Il se réalise en densifiant le territoire. Entre 2009 et 2019, le nombre de ménages a augmenté deux fois plus rapidement que l’espace consommé pour l’habitat (+20 % de ménages et seulement +9 % d’espace consommé). Au total, le nombre de m² consommés par ménage supplémentaire est le deuxième plus faible de province (260 m²), derrière le Rhône (190 m²). Il est bien inférieur à celui constaté en Haute-Garonne (480 m²) et en France de province (830 m²).

En 2019, 11,6 % des résidences principales sont sur-occupées dans l’Hérault contre 10,6 % en Haute-Garonne et 9,6 % en France métropolitaine. La sur-occupation est encore plus marquée dans les zones très denses.

La densification du territoire est à l’origine de tensions sur le marché de l’immobilier. Les prix des transactions sont en forte hausse depuis 2016. C’est dans l’Hérault et la Haute-Garonne qu’ils sont les plus élevés d’Occitanie. Les prix sont élevés au sein de Montpellier Méditerranée Métropole mais aussi dans la communauté d’agglomération du pays de l’Or et la communauté de communes du Grand Pic Saint-Loup.

Avec l’étalement urbain, les trajets en direction des villes-centres pour aller travailler s’intensifient et s’allongent. En 2018, plus d’un tiers des Héraultais en emploi à Montpellier parcourent plus de 10 km pour venir travailler. Les flux les plus importants concernent Castelnau-le-Lez (4 300 navetteurs), Lattes (3 000) et Juvignac (2 500). Ils conduisent à d’importants engorgements des routes aux heures de pointe. Les transports en commun sont utilisés par 16 % des actifs de l’agglomération de Montpellier. Dans la ville-centre, seuls 22 % des Montpelliérains ayant un emploi utilisent les transports en commun pour se rendre au travail contre 27 % des Toulousains. Pour encourager ce mode de déplacement, la Métropole a mis en place progressivement pour ses habitants la gratuité des transports en commun sur l’ensemble du réseau TaM (Transports de l’agglomération de Montpellier) depuis 2020.

Le nombre d’emplois a plus que doublé entre 1975 et 2019 dans l’Hérault, évoluant ainsi plus rapidement que la population. Entre 2008 et 2019 (dernière année avant le Covid), il augmente de 1,3 % par an en moyenne, plaçant l’Hérault en troisième position des départements français pour la croissance de l’emploi derrière la Haute-Corse et la Haute-Garonne. Comme ailleurs en France, les activités tertiaires progressent (+20 %) alors que l’agriculture et l’industrie reculent.

En 2019, 440 000 personnes occupent un emploi dans l’Hérault dont 164 500 à Montpellier (38 %) et 39 000 à Béziers (9 %). 87 % des emplois salariés sont exercés dans les activités tertiaires, soit cinq points de plus qu’en Haute-Garonne et en France métropolitaine. Les emplois des secteurs de l’administration publique, de la santé humaine et de l’action sociale, qui relèvent en grande partie de la sphère publique, sont en proportion plus nombreux dans l’Hérault.

Dans le secteur privé, le plus gros employeur est la caisse régionale de Crédit Agricole mutuel du Languedoc à Lattes. Parmi les autres grands établissements privés, deux à Montpellier relèvent du secteur de la santé et de l’action sociale : l’Institut régional du cancer et la société de services à la personne Présence verte services. Les activités de ces établissements sont directement liées aux besoins de la population présente sur le territoire. Dans des domaines plus ouverts à la concurrence avec d’autres territoires comme les nouvelles technologies, deux gros employeurs sont basés à Montpellier : le site de recherche et développement de Sanofi-Aventis et le siège social Europe du Sud de l’entreprise Dell.

En 2019, 32 400 emplois sont liés à la présence de touristes dans l’Hérault, soit 9 % de l’emploi marchand dans le département (7 % en Occitanie). La zone littorale, longue de 87 km, compte aujourd’hui plus de dix stations balnéaires. Son urbanisation a été largement favorisée à partir de 1964 par la mission Racine. Cette mission avait pour objectif d’aménager le littoral pour attirer les touristes alors davantage tournés vers les côtes espagnoles. Cette opération est notamment à l’origine de la création des stations balnéaires de La Grande-Motte et du Cap d’Agde ainsi que des infrastructures de transport pour accéder au littoral.

Dans l’Hérault, 18 % des logements sont des résidences secondaires contre 15 % en Occitanie et 10 % en France métropolitaine. Cette proportion dépasse 60 % dans plusieurs stations balnéaires : Valras-Plage, La Grande-Motte, Agde, Portiragnes, Marseillan, Palavas-les-Flots. Les campings sont également très nombreux : 47 600 emplacements en 2023, classant l’Hérault au 3^e rang des départements français derrière la Vendée et la Charente-Maritime et devant le Var.

Sous l’effet du changement climatique, ces territoires littoraux sont exposés au recul du trait de côte, qui va encore s’accentuer. D’après le Cerema, l’Hérault fait partie des cinq départements français pour lesquels plus de la moitié des côtes sont en recul. En 50 ans, le département a déjà perdu une surface équivalant à 90 ha.

Les activités industrielles sont peu développées dans le département. Elles génèrent 6 % des emplois, deux fois moins qu’en France métropolitaine. Le plus gros employeur industriel est Horiba ABX, fabricant japonais de matériel médical de pointe, au sein du biopôle Euromédecine situé au nord de Montpellier.

D’autres sociétés industrielles sont intégrées aux pôles de recherche médicale à Grabels (Euromédecine) et agronomique à Montpellier (Agropolis) qui rassemblent des entreprises, des centres de recherche et des unités de formation aux compétences reconnues dans le domaine des biotechnologies.

L’agriculture est peu présente. Seulement 2,5 % des emplois sont agricoles en 2019, cinq fois moins qu’en 1975. L’activité viticole, très majoritaire dans l’Hérault, emploie de nombreux saisonniers ou salariés occasionnels. Leur nombre diminue nettement entre 2010 et 2020 mais cette baisse est compensée par un allongement du temps de travail. L’agriculture biologique s’est fortement développée : 20 % des surfaces en vigne et 15 % des exploitations sont certifiées ou en cours de conversion, soit trois fois plus en 2021 qu’en 2010.

Dans l’Hérault, le chômage reste très important malgré le dynamisme de l’emploi, la population active progressant encore plus vite que l’emploi. En 2022, le taux de chômage s’élève à 10,1 %, classant le département au 4^e rang des départements métropolitains, derrière les Pyrénées-Orientales, l’Aisne et la Seine-Saint-Denis, à égalité avec l’Aude.

Le taux de chômage est un peu plus faible dans la zone d’emploi de Montpellier (9,5 %) mais un peu plus élevée dans celles de Sète (10,3 %) et de Béziers (10,9 %). La zone d’emploi d’Agde-Pézenas enregistre le plus fort taux de chômage de France métropolitaine (13,9 %).

Dans l’Hérault, la moitié des habitants ont un niveau de vie inférieur à 21 130 € par an, soit 1 190 € de moins que le niveau médian en France. Ce niveau de vie modeste s’explique en partie par l’importance du chômage dans le département. Il est un peu plus élevé dans l’aire d’attraction (AAV) de Montpellier (22 100 €) (figure 5). C’est 2 600 € de plus par an que le niveau de vie de l’aire d’attraction de Béziers. L’AAV de Montpellier concentre des actifs plus qualifiés et aisés. Un actif sur cinq y est cadre ou exerce une profession intellectuelle supérieure contre un sur dix dans l’AAV de Béziers. Les diplômés d’études supérieures longues (Bac+3 ou plus) sont trois fois plus nombreux à Montpellier qu’à Béziers.

L’Hérault est le 7^e département le plus pauvre de France métropolitaine derrière le Gard et devant le Nord : le taux de pauvreté y atteint 19 % contre 14 % en France métropolitaine. Il est moins élevé dans l’AAV de Montpellier (17 %) mais atteint 23 % dans celle de Béziers et 24 % dans celle de Sète. Il dépasse également 20 % dans les AAV d’Agde et de Pézenas ainsi que dans l’arrière-pays.

Les fragilités sociales sont plus marquées dans les villes-centres de Montpellier et de Béziers que dans leurs couronnes (figure 4). Les niveaux de vie médians y sont inférieurs de 4 000 € et la population vivant sous le seuil de pauvreté y est deux fois plus importante. Les villes-centres abritent plusieurs quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) (12 à Montpellier et 3 à Béziers) qui concentrent les populations les plus précaires : 18 % des Montpelliérains et 34 % des Biterrois vivent dans un QPV.

Plus généralement, en 2019, plus de 100 000 Héraultais vivent dans un QPV, soit 9 % de la population du département (6,5 % en moyenne en province). Les trois quarts d’entre eux résident dans un QPV de Montpellier ou de Béziers.

Dans ces quartiers, le taux de pauvreté dépasse 50 % en 2020. Le QPV de l’Île de Thau à Sète et celui d’Iranget Grangette à Béziers figurent parmi les 20 plus pauvres de France avec plus de 60 % de la population vivant sous le seuil de pauvreté.