Insee Analyses Pays de la Loire · Septembre 2023 · n° 116

Fruits et légumes : six emplois saisonniers agricoles sur dix au fil des saisons Économies ligériennes et transitions

Dans les Pays de la Loire, l’agriculture joue historiquement un rôle majeur dans le tissu économique local. Néanmoins, entre 1975 et 2019, sa part dans l’emploi total diminue plus fortement que pour les autres secteurs d’activité. En 1975, l’agriculture représente 19 % de l’emploi total dans les Pays de la Loire. En 2019, son poids est de 4 % et situe la région au 4^e rang des régions françaises.

L’emploi agricole est polymorphe : à côté du salariat classique dans les exploitations (emploi saisonnier ou non), figurent l’intérim et le non-salariat (non abordés dans cette étude). De nouvelles formes de travail telles que les entreprises de travaux agricoles (ETA), les groupements d’employeurs (GE), les Coopératives d’utilisation de matériel agricole (Cuma), le travail détaché et l’insertion par l’activité économique (IAE) se développent mais ne compensent pas la baisse du nombre d’emplois dans le secteur.

Les Pays de la Loire présentent de nombreux atouts propices à la pratique agricole tels que son climat doux, son relief favorable et sa moindre surface boisée. Dans la région, l’agriculture est majoritairement orientée vers l’élevage, mais elle se distingue aussi par la diversité de ses productions végétales. Cette variété de productions engendre des surcroîts d’activité ponctuels liés aux cycles de la nature et nécessite une main-d’œuvre supplémentaire dite « saisonnière ».

En 2019, dans la région, l’agriculture emploie 41 700 salariés dans le secteur privé (hors intérim et particuliers employeurs). Parmi eux, 13 600 sont des saisonniers. Les Pays de la Loire comptent 19 100 postes saisonniers. L’emploi saisonnier représente 29 % des postes salariés agricoles, soit 3 points de plus qu’en France. Cette part est la 4^e plus élevée des régions après Grand Est, Provence-Alpes-Côte d’Azur (PACA) et Occitanie.

En 2019, dans la région, l’agriculture emploie en moyenne 890 postes saisonniers par jour. Ce nombre fluctue durant l’année, au rythme des saisons et des conditions climatiques. Il augmente de manière significative au cours de trois périodes (figure 1). La première hausse, spécifique à la région, a lieu quand sonne le printemps lors de la 2^e quinzaine d’avril, avec un pic à 2 700 postes. Elle fait écho à la cueillette emblématique du muguet en Loire-Atlantique et aux récoltes de fruits et de légumes. La deuxième augmentation est plus longue et s’étend de juin à juillet, avec un pic un peu plus prononcé à 3 200 postes. Elle reflète aussi des besoins accrus en main-d’œuvre pour la récolte de fruits et de légumes. Enfin, l’accroissement le plus marqué se déroule de septembre à octobre, avec un pic à 5 400 postes. Il rime avec les récoltes dans l’arboriculture fruitière, notamment la pomiculture bien implantée dans la région, et la période des vendanges.

Les Pays de la Loire se distinguent par une présence plus forte qu’en France d’emplois dans les cultures de fruits et de légumes. Cette caractéristique concerne aussi bien les postes saisonniers que l’ensemble des postes salariés. Ainsi, en 2019, la culture de fruits à pépins et à noyau et la culture de légumes, de melons, de racines et de tubercules regroupent respectivement 43 % et 19 % des postes saisonniers agricoles, contre 24 % et 11 % en France (figure 2). La reproduction de plantes (plants, bulbes, greffons, etc.) est aussi surreprésentée avec 9 % des postes saisonniers agricoles contre 2 % au niveau national. En revanche, la culture de la vigne pèse trois fois moins qu’en France (14 % des postes saisonniers agricoles contre 39 %). Ainsi, les productions végétales recrutent la quasi-totalité des emplois saisonniers agricoles. A contrario, les activités en lien avec l’animal nécessitent très peu de main-d’œuvre saisonnière.

La région se caractérise par un besoin en main-d’œuvre saisonnière agricole plus marqué qu’en France. En effet, le taux de recours à l’emploi saisonnier est plus élevé que la moyenne nationale : 7,2 % contre 6,1 %. Il est le 4^e plus élevé des régions, après l’Occitanie, PACA et la Corse. Le recours fréquent à l’emploi saisonnier agricole dans la région est en lien avec une forte présence d’emplois dans les cultures de fruits et de légumes. Ces activités sont par nature fortement utilisatrices de saisonniers comme l’illustrent leurs taux de recours qui sont les plus élevés des activités agricoles, dans la région comme en France. La reproduction de plantes, plus présente dans la région, a également un taux de recours supérieur à la moyenne nationale. Enfin, le poids de la culture de la vigne dans l’emploi agricole est moindre dans la région. Cette activité présente un taux de recours à l’emploi saisonnier plus faible que la moyenne nationale.

Les besoins en main-d’œuvre saisonnière agricole varient selon les zones d’emploi et dépendent des activités agricoles qui y sont développées. Ainsi, le taux de recours à l’emploi saisonnier est supérieur à la moyenne régionale dans 8 zones d’emploi, sur les 23 que compte la région. Ces zones bénéficient d’une localisation privilégiée entre productions végétales luxuriantes et ruissellement de fleuves et rivières (figure 3). Dans ces zones d’emploi, excepté à Fontenay-le-Comte, la culture de fruits à pépins et à noyau fait appel chaque année à de nombreux saisonniers. Par ailleurs, la culture de légumes, de melons, de racines et de tubercules et la reproduction de plantes nécessitent un surcroît de main-d’œuvre dans les zones d’emploi d’Angers, Fontenay-le-Comte, Nantes et Saumur. Enfin, la culture de la vigne fait face à un fort besoin en saisonniers dans les vignobles nantais et angevin, au niveau des zones d’emploi d’Ancenis, Angers, Nantes et Saumur. À l’inverse, le taux de recours à l’emploi saisonnier est très faible (moins de 1 %) dans certaines zones d’emploi où les productions végétales spécialisées sont moins présentes : Châteaubriant, La Roche-sur-Yon, Laval et Les Herbiers-Montaigu. Certaines zones d’emploi n’ont pas recours à l’emploi saisonnier agricole tel qu’il est défini dans cette étude : Alençon, La Ferté-Bernard, Les Sables-d’Olonne, Pornic et Redon.

En 2019, parmi les 13 600 saisonniers agricoles qui résident dans la région, 44 % sont des femmes contre 36 % pour l’ensemble des salariés agricoles. Ces parts sont plus élevées qu’au niveau national, respectivement 38 % contre 32 %. Par ailleurs, dans l’agriculture, les saisonniers sont plus jeunes que l’ensemble des salariés agricoles : 34 ans en moyenne contre 37 ans. Ce plus jeune âge s’explique notamment par la part des 16 à 25 ans qui est plus élevée chez les saisonniers que dans l’ensemble des salariés agricoles : 44 % contre 30 %.

Le travail saisonnier agricole constituerait ainsi un revenu d’appoint pour les jeunes et les femmes, mais il pourrait aussi révéler leur situation plus fragile et leurs plus grandes difficultés à s’insérer durablement sur le marché du travail. En effet, si les emplois saisonniers sont le plus souvent temporaires, ils peuvent aussi se cumuler durant l’année et constituer une situation précaire dont peu parviennent à s’extraire. Parmi les Ligériens ayant occupé un poste saisonnier agricole (hors intérim) du 1^er septembre 2013 au 31 décembre 2014, seuls 15 % travaillent en contrat à durée indéterminée (CDI) trois ans plus tard.

L’emploi agricole se distingue par les salaires les plus bas de tous les secteurs d’activité. De plus, dans ce secteur, le niveau de salaire des saisonniers est encore plus faible que celui de l’ensemble des salariés. Ainsi, en 2019, dans les Pays de la Loire, en prenant en compte l'ensemble des postes occupés dans l'année (saisonniers ou non), la moitié des saisonniers agricoles (médiane) perçoit moins de 183 euros nets par mois contre 694 euros pour la moitié des salariés agricoles (figure 4). Par ailleurs, parmi les saisonniers les mieux rémunérés, un sur quatre (3^e quartile) perçoit 496 euros ou plus, contre 1 485 euros pour un salarié agricole sur quatre. Ainsi, le quart des saisonniers agricoles les mieux rémunérés ne parvient pas à obtenir un salaire mensuel comparable à celui d’un salaire minimum interprofessionnel de croissance (Smic) à temps complet sur la base de 35 heures hebdomadaires (1 204 euros nets par mois au 1^er janvier 2019).

Ce faible niveau de rémunération est lié, d’une part, au caractère ponctuel du travail saisonnier qui se traduit par de courtes durées des contrats et qui induisent des périodes sans activité salariée. En effet, en 2019, la moitié des contrats sont de 23 jours ou moins par an et un quart dure 9 jours ou moins. D’autre part, il est aussi à relier au moindre niveau de qualification des saisonniers agricoles. En effet, la quasi-totalité d’entre eux sont recrutés en tant qu’ouvriers non qualifiés : 99 % contre 88 % pour l’ensemble des salariés agricoles, respectivement 99 % et 86 % en France.

De fait, la part des travailleurs à bas salaire est nettement plus élevée chez les saisonniers que dans l’ensemble des salariés agricoles : 91 % contre 61 %, respectivement 88 % et 62 % en France.

Le faible niveau de salaire des saisonniers agricoles semblerait ériger cette activité en tant que complément de revenus, notamment pour les saisonniers les plus précaires comme les demandeurs d’emplois et les inactifs (bénéficiaires de minima sociaux, étudiants, retraités, etc.). En effet, en 2019, pour la moitié des saisonniers agricoles, les salaires perçus au titre des emplois saisonniers agricoles constituent la totalité de leurs salaires.

Malgré leurs faibles salaires, les saisonniers agricoles travaillent un peu moins souvent dans la zone d’emploi dans laquelle ils résident que l’ensemble des salariés agricoles : 70 % contre 72 % (figure 5). Toutefois, dans la région, cet écart est moins marqué qu’au niveau national : respectivement 62 % contre 73 %.

Par ailleurs, les faibles salaires et les courtes durées des contrats incitent les saisonniers agricoles à occuper davantage de postes au cours de l’année : 2,1 en moyenne, contre 1,5 pour l’ensemble des salariés agricoles. Parfois, ces postes se chevauchent sur une même période et certains saisonniers concernés sont qualifiés de multi-actifs. La multi-activité est plus répandue chez les saisonniers agricoles (9 %) que dans l’ensemble des salariés agricoles (5 %). L’essentiel des multi-actifs sont en réalité des bi-actifs. Parmi eux, 80 % occupent leurs deux postes dans des secteurs d’activité distincts et 48 % avec des types de contrats différents. Comme l’ensemble des saisonniers agricoles, la majorité des bi-actifs travaillent en contrat à durée déterminée (CDD). Pour un quart d’entre eux, cet emploi saisonnier vient en complément d’un CDI.

De fortes tensions de recrutement de saisonniers agricoles sont apparues ces dernières années dans la région, comme dans le reste de la France. Aussi, d’après les dernières enquêtes Besoins en main-d’œuvre réalisées par Pôle emploi et le Centre de recherche pour l'étude et l’observation des conditions de vie (Crédoc), les projets de recrutements saisonniers agricoles diminuent en 2023 au profit de recrutements pérennes. Les employeurs auraient plutôt tendance à vouloir fidéliser une main-d’œuvre de plus en plus rare en proposant des contrats plus longs, dans un contexte qui devient particulièrement tendu.