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Insee Analyses Ile-de-France · Avril 2023 · n° 168
Insee Analyses Ile-de-FrancePrécarité alimentaire en Île-de-France : un risque important dans les grandes villes mais présent aussi dans les zones rurales

Marianne Bléhaut, Pauline Jauneau (Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie), Marie-Flavie Brasseur, Clotilde Sarron (Insee), Axelle Magnier (Direction régionale et interdépartementale de l’hébergement et du logement)

Les communes d’Île-de-France présentent une grande variété de situations au regard de la précarité alimentaire. Les offres d’aide alimentaire sont très concentrées dans les communes les plus peuplées. À l’opposé, certaines petites communes en sont totalement dépourvues. Les personnes potentiellement à risque de précarité alimentaire vivent plus souvent dans les communes denses ou en périphérie de la région. La population en grande précarité est surtout concentrée dans les communes les plus peuplées. Les risques de santé publique en lien avec l’alimentation sont plus importants dans les zones rurales situées en périphérie de la région. Ainsi, en Île-de-France, se dessinent différents profils de communes, dont un seul ne présente pas de risque de précarité alimentaire pour les habitants.

Insee Analyses Ile-de-France
No 168
Paru le :Paru le17/04/2023

Objectiver le risque de précarité alimentaire en Île-de-France après la crise sanitaire

Depuis la pandémie de Covid-19, la précarité alimentaire fait l’objet d’une attention renforcée dans le débat public. Multidimensionnelle, elle englobe des situations plus larges que la seule pauvreté monétaire ou le fait d’être bénéficiaire d’une aide alimentaire. Elle est « la conjonction d’une pauvreté économique et d’une série d’empêchements socio-culturels et politiques dans l’accès à une alimentation durable : obligation d’avoir recours à l’assistance avec un passage obligé par des structures de contrôle, pouvoir d’agir contraint, assignation à la distribution de produits alimentaires, assignation à la consommation de produits alimentaires non-durables » [Paturel, 2017 ; pour en savoir plus (6)].

Déjà marquée par d’importantes inégalités socio-économiques, l’Île-de-France a été particulièrement touchée par la crise sanitaire avec des situations de précarité alimentaire en nombre accru [Radé, Léon, 2022 ; pour en savoir plus (4)]. Pour rendre compte du risque de précarité alimentaire à une échelle territoriale fine, tout en intégrant le caractère multidimensionnel de cette précarité, plusieurs indicateurs ont été analysés dans le cadre d’un diagnostic régional (encadré). L’analyse, dont la présente étude constitue une synthèse, a permis de mettre en évidence cinq axes, correspondant à la fois à l’offre existante en direction des demandeurs et aux profils de ces derniers, et révèle, au sein de la région Île-de-France, une palette de situations très diverses (figure 1) (pour comprendre).

Figure 1Schéma de construction du diagnostic de la précarité alimentaire

Schéma de construction du diagnostic de la précarité alimentaire - Lecture : le diagnostic de précarité alimentaire repose sur 5 axes : l’offre alimentaire, l’offre d’aide alimentaire, les publics à risque de précarité alimentaire, la grande précarité et la santé publique.
Caractériser l’offre disponible sur le territoire Caractériser les publics Objectiver les risques de santé publique
Offre alimentaire Grande précarité Santé publique
Distance aux commerces les plus proches Nombre de personnes sans domicile fixe Diabète, maladies cardio-vasculaires
Commerces de proximité : épiceries, boulangeries... Nuitées hôtelières Prévention : médecins généralistes sur le territoire, population n’ayant pas de médecin traitant
Grandes surfaces Nombre de places d’hébergement, en intermédiation locative et en logements adaptés
Marchés
CROUS (pour les étudiants)
Offre d’aide alimentaire Publics à risque de précarité alimentaire
Densité des points de distribution Indicateurs socio-démographiques
Distance au point le plus proche Dépendance aux aides
Structures habilitées ou non
  • Lecture : le diagnostic de précarité alimentaire repose sur 5 axes : l’offre alimentaire, l’offre d’aide alimentaire, les publics à risque de précarité alimentaire, la grande précarité et la santé publique.

Figure 1Schéma de construction du diagnostic de la précarité alimentaire

  • Lecture : le diagnostic de précarité alimentaire repose sur 5 axes : l’offre alimentaire, l’offre d’aide alimentaire, les publics à risque de précarité alimentaire, la grande précarité et la santé publique.

Les publics potentiellement à risque de précarité alimentaire très concentrés dans les zones denses et les franges de la région

Les risques de précarité alimentaire sont évidemment liés aux revenus des ménages. Ainsi, au sein d’une commune, la part des ménages dont les ressources dépendent au moins pour moitié du RSA est un révélateur de l’exposition au risque de précarité. Une autre mesure est la part des enfants des ménages à bas revenus parmi l’ensemble des enfants allocataires de la Caf. Au-delà des revenus, d’autres facteurs de risque interviennent, en lien avec la configuration familiale des ménages (part des ménages d’une seule personne), le niveau de diplôme (part des individus peu ou non diplômés), la situation en matière d’emploi (part des individus au chômage) ou d’études (part des étudiants de 18 ans ou plus), le niveau d’équipement (part des personnes ne possédant pas de voitures rapportées à la densité) ou encore le fait d’être immigré.

À l’échelle départementale, Paris, les Hauts-de-Seine et les Yvelines ont une composition socio-démographique moins porteuse de risques de précarité que les autres départements. Ainsi, parmi les habitants de ces départements, moins de 15 % sont peu ou non diplômés, et le revenu médian y est supérieur à 25 000 euros. Pour autant, une partie de la population qui y réside peut présenter des risques de précarité alimentaire. Par exemple, 16 % des ménages résidant dans les Yvelines et 18 % dans les Hauts-de-Seine disposent de ressources dépendant au moins pour moitié des prestations Caf ; cette part atteint 24 % à Paris.

Globalement, le nord et l’est de la petite couronne sont marqués par une forte concentration des publics à risque de précarité alimentaire (figure 2). En particulier, presque toutes les communes de Seine-Saint-Denis et la majorité des communes du Val-de-Marne concentrent des populations potentiellement plus susceptibles de se trouver dans une telle situation. Une partie des habitants des communes de grande couronne présentent également un profil de risque élevé. C’est le cas en particulier dans le sud du Val-d’Oise (par exemple à Cergy, Pontoise ou Gonesse), dans le nord des Yvelines (notamment à Poissy et Mantes-la-Jolie) et dans certaines communes périphériques de l’Essonne ou de la Seine-et-Marne (comme Étampes et Provins).

Figure 2Indicateur synthétique de la population potentiellement à risque de précarité alimentaire, par commune en Île-de-France

  • Note : les données sont disponibles dans le fichier en téléchargement.
  • Lecture : plus le score est proche de 1, plus la commune considérée cumule de difficultés dans sa composition socio-démographique par rapport aux autres communes d’Île-de-France. À l'inverse, plus il est proche de 0 et plus la commune cumule d'avantages.
  • Sources : Insee, recensement de la population 2018, géographie au 01/01/2021 ; Caf, Observatoire des territoires – ANCT 2019 ; Caf, données au 31/12/2018.

Les publics sans-abri, en hébergement ou logement adapté sont surtout présents dans les communes les plus denses

La privation de logement personnel tend à aggraver le risque de précarité alimentaire et conduire les personnes concernées à vivre des situations de grande précarité. De telles situations sont particulièrement présentes dans les grandes communes de la région, car les personnes sans-abri y sont proportionnellement plus nombreuses (1,2 ‰ à Paris par exemple). Les et de , qui leur permettent de trouver une solution provisoire, sont essentiellement situés au cœur de l’Île-de-France et dans les communes les plus peuplées des départements de grande couronne (figure 3). À l’inverse, certaines communes ne disposent d’aucun dispositif. La région compte en moyenne 5,2 places d’hébergement généraliste et pour demandeurs d’asile et réfugiés (hors places d’hôtel) pour 1 000 habitants mais, à l’échelle départementale, la situation est très variable, de 3,8 places pour 1 000 habitants dans les Hauts-de-Seine à 8,7 dans Paris.

Figure 3Indicateur synthétique de la grande précarité, par commune en Île-de-France

  • Notes :
  • - les données sont disponibles dans le fichier en téléchargement ;
  • - les populations sans-abri sont particulièrement difficiles à caractériser avec un outillage statistique classique. Il est possible que cette représentation souffre d’un biais de mesure.
  • Lecture : plus le score est proche de 1, plus la commune considérée cumule de difficultés concernant la présence de publics en grande précarité par rapport aux autres communes d’Île-de-France. À l'inverse, plus il est proche de 0 et plus la commune cumule d'avantages.
  • Sources : DRIHL ; Nuit de la Solidarité 2022 ; Insee, recensement de la population 2018.

L’offre alimentaire très inégalement répartie sur le territoire francilien

Un facteur potentiel de risque de précarité alimentaire réside dans une insuffisance de l’offre de proximité proposée aux ménages. L’offre alimentaire classique est appréciée ici à travers la distance au marché de plein vent le plus proche, la distance au commerce de proximité le plus proche, la distance à l’hypermarché le plus proche et la distance au restaurant universitaire le plus proche. L’offre alimentaire francilienne est concentrée dans les communes les plus denses : Paris, les départements de petite couronne et les plus grandes communes de grande couronne. Cependant, à densité de population comparable, les communes de petite couronne, et notamment de Seine-Saint-Denis, tendent à bénéficier d’une offre alimentaire plus faible que Paris (figure 4). La densité d’offre alimentaire au sein de la capitale est plus importante qu’au sein des autres départements, du fait notamment de la plus forte présence de touristes et de personnes venant travailler au sein de ce territoire sans y résider.

La grande couronne est marquée par d’importantes disparités territoriales, certaines communes présentant un déficit d’offre alimentaire comme celles situées entre Cergy et Épinay-sur-Seine dans le nord-ouest de la région, ou au sud de Provins dans le département de Seine-et-Marne.

Figure 4Indicateur synthétique de l’offre alimentaire classique relativement à la densité de la population, par commune en Île-de-France

  • Notes :
  • - les données sont disponibles dans le fichier en téléchargement ;
  • - distance aux centroïdes des carreaux pondérée par la racine carrée de la densité.
  • Lecture : plus le score est proche de 1, plus la commune considérée cumule de difficultés d’accès à l’offre alimentaire classique par rapport aux autres communes d’Île-de-France. À l'inverse, plus il est proche de 0 et plus la commune cumule d'avantages.
  • Sources : Insee, Base Permanente des Équipements 2021 ; Localisation des marchés : sites internet des CROUS, Scraping 2022 ; Sites internet des marchés, Ouvrir dans un nouvel onglethttps://marches-reguliers.pagesperso-orange.fr.

L’aide alimentaire plus présente au centre de la région et dans les communes les plus denses

L’offre alimentaire spécifiquement conçue en direction des personnes ou ménages les plus précaires se déploie dans les sites d’aide alimentaire, qui prennent différentes formes : épiceries solidaires, distribution de repas, restauration assise et distribution de colis. L’offre d’aide alimentaire est davantage développée dans les communes de petite couronne, lesquelles présentent un nombre plus important de telles structures ciblées, a priori en lien avec le niveau de besoins qui y est observé. Elle est moins développée dans les communes situées en périphérie de la région, en particulier en Seine-et-Marne et dans le Val-d’Oise (figure 5). De tels territoires ont une offre moins importante relativement à la densité de population. Dans les départements de grande couronne, l’offre d’aide alimentaire est surtout présente dans les communes les plus peuplées, comme Fontainebleau, Étampes et Dourdan qui disposent de plusieurs points de distribution alimentaire. Si la distance moyenne des habitants d’Île-de-France à un lieu de distribution de colis alimentaires est relativement faible (1,2 km), elle s’élève toutefois à plus de 7 km pour les habitants de 20 % des communes de la région [Bléhaut et al., 2023 ; pour en savoir plus (3)].

Figure 5Indicateur synthétique de l’offre d’aide alimentaire relativement à la densité de la population, par commune en Île-de-France

  • Notes :
  • - les données sont disponibles dans le fichier en téléchargement ;
  • - distance aux centroïdes des carreaux pondérée par la racine carrée de la densité.
  • Lecture : plus le score est proche de 1, plus la commune considérée cumule de difficultés d’accès à l’offre d’aide alimentaire par rapport aux autres communes d’Île-de-France. À l'inverse, plus il est proche de 0 et plus la commune cumule d'avantages.
  • Sources : Solinum, Soliguide (janvier 2022) ; DRIHL, base de travail pour les points de distribution à habilitation régionale (2021) ; DGCS, base publique pour les points à habilitation nationale (2020).

Un risque de santé publique en lien avec l’alimentation plus marqué dans les zones rurales

L’alimentation a une incidence importante sur l’état général de santé et le risque de pathologies induites par l’environnement. Elle peut également être un levier de soins dans la prise en charge de certaines pathologies. C’est pourquoi les risques de santé publique en lien avec l’alimentation, d’une part sont d’ordre préventif (difficulté d’accès aux professionnels de santé), et d’autre part s’expriment à travers certaines pathologies (personnes prises en charge pour le diabète ou pour une maladie cardio-vasculaire).

Les territoires qui apparaissent le plus à risque en matière de santé publique sont situés dans les franges des Yvelines, de l’Essonne et tout particulièrement de la Seine-et-Marne. Dans 29 communes de ce département, l’indicateur synthétique est très élevé (supérieur à 0,8) et plus de 170 autres ont un score considéré comme élevé (entre 0,6 et 0,8). Avec 40 % des communes concernées par un risque de santé publique dégradée selon le seuil retenu, la Seine-et-Marne apparaît ainsi dans une situation nettement défavorable comparativement aux autres territoires (figure 6). En petite couronne, ce sont les communes de Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne qui connaissent les difficultés de santé les plus prononcées. Les communes de grande couronne proches de Paris ont tendance à être plutôt favorisées, de même que celles des Hauts-de-Seine et les arrondissements parisiens pour lesquels la situation moyenne en matière de santé publique apparaît comme particulièrement favorable.

Figure 6Indicateur synthétique de risque de santé publique en lien avec l’alimentation, par commune en Île-de-France

  • Notes :
  • - les données sont disponibles dans le fichier en téléchargement ;
  • - distance aux centroïdes des carreaux pondérée par la racine carrée de la densité.
  • Lecture : plus le score est proche de 1, plus la commune considérée cumule de difficultés par rapport aux autres communes d’Île-de-France. À l'inverse, plus il est proche de 0 et plus la commune cumule d'avantages.
  • Sources : Drees 2013 ; SNDS, cartographie des pathologies CNAM-TS - Agrégation des données : ORS Île-de-France 2017 ; SNDS/DCIR 2019 - Agrégation des données : ORS Île-de-France 2019.

Six profils de communes au regard du risque de précarité alimentaire en Île-de-France

Les cinq dimensions analysées précédemment (publics potentiellement à risque de précarité alimentaire, publics en situation de grande précarité, offre alimentaire « classique », offre d’aide alimentaire, risque de santé publique) permettent d’établir une catégorisation des communes en six groupes, au sein desquels les formes de risques de précarité alimentaire rencontrées et les enjeux afférents sont relativement proches (figure 7).

Les communes caractérisées par des publics très fragiles sont des communes denses, principalement situées dans le centre-est de la région. Les indicateurs synthétiques mesurant l’importance des publics à risque, la grande précarité et la part de la population affectée par des problèmes de santé publique y sont tous trois particulièrement élevés. L’offre alimentaire classique, pondérée par la densité de la population, y est aussi moins abondante que la moyenne. Elles bénéficient cependant d’une offre d’aide alimentaire, au regard de leur population, particulièrement élevée. Ces communes regroupent 52 % de la population francilienne, avec une très nette surreprésentation en Seine-Saint-Denis (85 %), dans le Val-de-Marne (69 %) et à Paris. Les Hauts-de-Seine et les départements de grande couronne comptent également quelques communes appartenant à ce premier groupe, mais en nombre limité (par exemple, Nanterre, Mantes-la-Jolie et Étampes).

Au sein de la deuxième catégorie, correspondant aux communes à publics fragiles, les deux indicateurs synthétiques relatifs aux publics potentiellement à risque et à la grande précarité sont aussi relativement élevés. De telles communes, généralement moins centrales que celles du groupe précédent, mais relativement denses, ne présentent en revanche pas de difficulté marquée concernant l’offre alimentaire classique ou l’offre d’aide alimentaire. Près d’un tiers des habitants de la région (32 %) y résident. Ces communes sont surreprésentées dans l’ouest de la région : 60 % de la population des Hauts-de-Seine (par exemple Rueil-Malmaison ou Meudon) et 40 % des Yvelines (par exemple Conflans-Sainte-Honorine).

Des communes caractérisées par des publics potentiellement à risque et avec une santé publique modérément dégradée représentent la troisième catégorie. L’aide alimentaire y est dans la moyenne francilienne. Elles ont aussi pour caractéristique de bénéficier d’une meilleure offre alimentaire classique que la moyenne, et les publics en grande précarité y sont moins présents. Environ 4 % des Franciliens vivent dans l’une des 203 communes concernées. Peu denses, ces dernières sont surreprésentées en grande couronne, par exemple en périphérie de Provins, Nemours ou Rambouillet ; 12 % de la population de Seine-et-Marne, 8 % de la population du Val-d’Oise, 6 % de la population de l’Essonne et 5 % de la population des Yvelines résident dans une commune de ce groupe.

Les communes marquées par un éloignement fort à l’offre et aide alimentaires et une santé publique dégradée de la quatrième catégorie sont très majoritairement rurales. Elles présentent notamment un important éloignement de l’offre d’aide alimentaire, potentiellement peu adaptée, dans sa forme classique, à leur situation géographique. L’offre alimentaire classique et la santé y sont également nettement moins favorables que la moyenne, et les publics à risque légèrement plus présents. 3 % de la population de la région réside dans une des 195 communes de ce groupe, localisées très majoritairement en grande couronne et en particulier dans l’est de la Seine-et-Marne (par exemple entre Provins et Bray-sur-Seine). Dans ce département, 10 % de la population réside dans une commune de ce groupe.

Dans la cinquième catégorie figurent des communes caractérisées par des publics favorisés et une meilleure situation que la moyenne en matière de santé. Mais leur offre alimentaire classique et leur offre d’aide alimentaire sont en revanche un peu moins développées par rapport à la moyenne, en cohérence avec des besoins potentiellement plus faibles. 5 % de la population vit au sein d’une commune de ce groupe. En Seine-et-Marne, dans les Yvelines et dans l’Essonne, ces communes sont plus présentes qu’ailleurs et la part de la population concernée y est deux à trois fois plus importante que la moyenne (11 % à 12 %).

Enfin, dans le sixième groupe des communes favorisées, les situations de précarité alimentaire sont rares a priori. Ce groupe présente des résultats plus favorables que la moyenne pour toutes les dimensions étudiées (hormis concernant l’offre d’aide alimentaire, pour laquelle le besoin est, de fait, moins important que dans les autres groupes). 4 % de la population réside dans l’une des communes de ce groupe. Cette proportion est plus importante dans les Yvelines, dans l’Essonne et en Seine-et-Marne (9 à 10 % des habitants de ces départements sont concernés, résidant par exemple au Perray-en-Yvelines ou à Noisy-sur-École).

Figure 7aTypologie des communes au regard de la précarité alimentaireRépartition des communes franciliennes par famille de communes

  • Notes :
  • - les données sont disponibles dans le fichier en téléchargement ;
  • - la typologie est établie à partir des scores de risque de chaque dimension de la précarité alimentaire à l’échelle communale.
  • Lecture : plus le score est proche de 1 et plus la commune considérée cumule de difficultés par rapport aux autres communes d’Île-de-France. À l'inverse, plus il est proche de 0 et plus la commune cumule d'avantages.
  • Sources : Insee, recensement de population 2018, géographie au 01/01/2021 ; Caf, Observatoire des territoires – ANCT 2019 ; Caf données au 31/12/2018.

Encadré - Un diagnostic de la précarité alimentaire en Île-de-France

Dans le cadre de « France Relance » et sous l’égide de la Commissaire francilienne à la prévention et à la lutte contre la pauvreté, la DRIHL Île-de-France a retenu le projet proposé par l’Ansa et le CRÉDOC visant la réalisation d’un diagnostic régional de la précarité alimentaire (ce projet est également soutenu par le Conseil régional d’Île-de-France). Le pilotage de ce diagnostic est réalisé par les membres du GT5 de la stratégie pauvreté francilienne « Accès à l’alimentation ». Le GT5 est une instance de coordination régionale, présidée par la commissaire à la prévention et à la lutte contre la pauvreté. Son rôle est d’animer, au niveau régional, le réseau des acteurs de l’accès à l’alimentation. Il est animé par la DRIHL, la DRDFE et l’association ReVIVRE et rassemble des représentants d’entités institutionnelles ou associatives.

Ce projet s’inscrit dans une méthodologie mixte :

  • Un volet qualitatif porté par l’Ansa a fait émerger et a approfondi trois thématiques prioritaires : la logistique de l’aide alimentaire, les coordinations locales de la précarité alimentaire et l’adaptation des offres aux publics âgés en zone rurale et ceux hébergés à l’hôtel.
  • Un volet quantitatif porté par le CRÉDOC a produit une méthodologie pour objectiver la précarité alimentaire à un échelon communal, pour l’ensemble de la région. La réalisation du diagnostic s’est appuyée sur des échanges avec un groupe d’experts (Inrae : Nicole Darmon et Dominique Paturel ; Insee : Clotilde Sarron et Élisabeth Prévost ; ReVIVRE : Alain Jézéquel ; DRIHL : Caroline Nigon et Axelle Magnier ; Solinum : Théo Dumouchel). Les résultats de ce volet sont accessibles sur un site dédié.

Le rapport d’analyse final de ce diagnostic comprendra les résultats des deux volets [CRÉDOC-Ansa, 2023 ; pour en savoir plus (1)]. Dans son ensemble, ce projet a permis de fédérer autour d’un objet commun un grand nombre d’acteurs aux niveaux départemental et régional (services déconcentrés de l’État, collectivités, associations).

Publication rédigée par :Marianne Bléhaut, Pauline Jauneau (Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie), Marie-Flavie Brasseur, Clotilde Sarron (Insee), Axelle Magnier (Direction régionale et interdépartementale de l’hébergement et du logement)

Pour comprendre

Pour rendre compte de la complexité de la notion de précarité alimentaire, cinq axes ont été retenus. Deux axes permettent de caractériser les publics ou, en d’autres termes, les besoins : l’un permet d’identifier les populations présentant un risque accru de précarité alimentaire, sur la base de caractéristiques socio-démographiques recensées dans la littérature, tandis que l’autre est consacré à la grande précarité à travers la part de personnes sans-abri, hébergées ou logées. Deux axes visent à caractériser l’offre alimentaire : un axe est dédié à l’offre alimentaire « classique », tandis que le second permet de rendre compte de l’offre d’aide alimentaire. Ces deux dimensions relèvent de logiques très différentes, notamment en matière d’accessibilité. Les éventuelles actions publiques à mener face à un déficit caractérisé dans l’une ou l’autre de ces dimensions ne sont pas nécessairement les mêmes. Les besoins de ces deux populations sont potentiellement distincts. Enfin, un axe rend compte de la dégradation de la santé publique en lien avec l’alimentation, à travers des données relevant de l’accès aux soins et de données de prévalence de certaines maladies induites par l’environnement.

Chaque axe repose sur plusieurs variables, agrégées en un score synthétique. Les étapes de calcul sont les suivantes :

  • Pour chaque variable initiale, les communes sont ordonnées de la plus favorisée à la plus défavorisée. Un indicateur allant de 1 à 10 leur est attribué en fonction de leur position par rapport aux autres communes : les 10 % de communes les plus favorisées ont une note de 1, les 10 % suivantes une note de 2, etc. jusqu’aux 10 % les plus défavorisées pour lesquelles la note est de 10. Le résultat est normalisé pour obtenir un indicateur allant de 0 à 1.
  • Le score d’un axe est la moyenne des indicateurs d’un axe (toutes les composantes d’un axe ont le même poids). Le résultat est normalisé pour que la note minimale d’un score soit égale à 0 et la note maximale à 1.

Le score d’un axe s’interprète de manière relative : il vaut 0 pour la commune ayant la meilleure situation par rapport aux autres communes d’Île-de-France, et 1 pour la commune ayant le plus de difficultés pour l’axe étudié par rapport aux autres communes. Pour un axe donné, plus le score est élevé et plus la commune considérée cumule de difficultés par rapport aux autres communes franciliennes.

La typologie est obtenue grâce à un algorithme K-means à partir des cinq indicateurs synthétiques.

Définitions

Les dispositifs d’hébergement regroupent les places en hébergement généraliste (centres d’hébergement d’urgence, hébergement d’urgence avec un accompagnement social et centres d’hébergement et de réinsertion sociale) ainsi que les places pour les demandeurs d’asile et les réfugiés. Ils ne prennent pas en compte les places en hôtel.

Les places en logement adapté comprennent les places en résidences sociales, en foyers de jeunes travailleurs, en foyers de travailleurs migrants et en pensions de famille. Les places en intermédiation locative correspondent aux places des dispositifs Solibail et Louez-solidaire.

Pour en savoir plus

(1) CRÉDOC-Ansa, « Ouvrir dans un nouvel ongletDiagnostic à échelon communal, Précarité alimentaire en Île-de-France », avril 2023.

(2) Ouvrir dans un nouvel ongletSite Internet du diagnostic francilien.

(3) Bléhaut M., Brasseur M.-F., Jauneau P., Magnier A., Sarron C., « Aide alimentaire : près d’un recourant francilien sur deux privé de logement personnel  », Insee Analyses Île-de-France no 166, mars 2023.

(4) Radé É., Léon O., « Ouvrir dans un nouvel ongletAide alimentaire : une fréquentation accrue des centres de distribution dans les grandes villes les plus exposées à la pauvreté début 2021 », Drees, Études et Résultats no 1218, février 2022.

(5) Sagot M., « Ouvrir dans un nouvel ongletGentrification et paupérisation au cœur de l’Île-de-France - Évolutions 2001-2015 », L’Institut Paris Region, note no 2.18.031, mai 2019.

(6) Paturel D., « Ouvrir dans un nouvel ongletInsécurité alimentaire et précarité alimentaire », ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation, octobre 2017.