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Insee Analyses Ile-de-France · Mars 2023 · n° 166
Insee Analyses Ile-de-FranceAide alimentaire : près d’un recourant francilien sur deux privé de logement personnel

Marie-Flavie Brasseur, Clotilde Sarron (Insee), Axelle Magnier (Direction régionale et interdépartementale de l'hébergement et du logement), Marianne Bléhaut, Pauline Jauneau (Centre de recherche pour l'étude et l'observation des conditions de vie)

En 2022, environ 1 100 sites de distribution d’aide alimentaire sont implantés en Île-de-France : centres de colis ou paniers alimentaires, épiceries sociales et distributions de repas. Près des deux tiers des recourants à l’aide alimentaire fréquentent les centres de distribution de colis ou de paniers alimentaires. La consommation de repas sur place concerne un tiers des recourants en Île-de-France, soit près de trois fois plus que pour l’ensemble de la France métropolitaine. En revanche, les épiceries sociales y sont moins fréquentées.

Le recours à l’aide alimentaire est souvent régulier et se fait auprès de la même structure. La moitié des recourants ne vivent pas dans leur propre logement : ils sont hébergés par l’entourage, à l’hôtel, en dortoir ou en chambre en hébergement collectif ou bien sont sans-abri.

Les personnes qui se rendent dans les sites d’aide alimentaire sont majoritairement des femmes ou des immigrés. De manière générale, ces personnes cumulent différentes difficultés. En outre, la crise sanitaire a détérioré la situation financière et la qualité de vie d’une partie d’entre elles.

Insee Analyses Ile-de-France
No 166
Paru le :Paru le21/03/2023

Lutter contre la précarité alimentaire, un enjeu social majeur

En Île-de-France comme en France, la stratégie de lutte contre la pauvreté vise à garantir des conditions de vie dignes à tous en améliorant la coordination d’aide alimentaire et en valorisant l’innovation dans la lutte contre la précarité alimentaire (encadré). Dans ce contexte, l’enquête «  » réalisée fin 2021 par l’Insee et la Drees (sources), dont les résultats sont présentés ici, permet de mieux connaître les caractéristiques et les conditions de vie des , c’est-à-dire des personnes fréquentant les sites distribuant de l’aide alimentaire en nature.

En 2022, 1 090 sites de distribution alimentaire sont implantés en Île-de-France. Ils se répartissent en trois principaux types distincts : les sites de distribution de repas uniquement (500 sites franciliens), ceux de distribution de colis ou paniers repas (380 sites) et les épiceries sociales (130 sites) (figure 1a). Une minorité de sites (80) propose plusieurs types d’aide à la fois. L’offre d’aide alimentaire est concentrée au centre de la région, en particulier pour les centres de distribution de repas et de colis. La distance moyenne pour se rendre au site d’aide alimentaire le plus proche, tous centres de distribution confondus, est de 1,4 kilomètre. Cette distance est plus importante en grande couronne, notamment dans les communes rurales de Seine-et-Marne.

Figure 1aSites d’aide alimentaire et distance au point de distribution le plus proche, par commune en Île-de-France en 2022

  • Données (à la commune) trop volumineuses, disponibles dans le fichier de données à télécharger.
  • Note : distance moyenne calculée à partir des centroïdes des carreaux composant la commune pondérée par la population des carreaux (calculs réalisés par le CRÉDOC). Les données du Soliguide permettant d’afficher les points ont été extraites le 14 octobre 2022.
  • Sources : Solinum, Soliguide (janvier 2022) ; DRIHL, base de travail pour les points de distribution à habilitation régionale (2021) ; DGCS, base publique pour les points à habilitation nationale (2020).

Plus de six recourants sur dix se rendent dans les centres de distribution de colis alimentaires

En Île-de-France, fin 2021, 63 % des personnes qui se sont rendues sur au moins un des sites d’aide alimentaire ont fréquenté un centre distribuant des colis ou paniers alimentaires, 32 % un centre de distribution de repas et 22 % une épicerie sociale (figure 2). La situation en Île-de-France diffère de celle au niveau national : la fréquentation des centres de distribution de repas est nettement plus importante dans la région qu’en France métropolitaine (12 % des recourants). Un tel constat reflète en partie l’offre d’aide alimentaire dans la région : les centres de distribution de repas représentent en effet la moitié des sites en Île-de-France.

Les cas de multi-recours, à deux ou trois types de distribution, concernent 14 % des recourants ; ils sont, en proportion, un peu plus fréquents qu’au niveau national (9 % pour l’ensemble de la France métropolitaine).

Figure 2Fréquentation des sites d’aide alimentaire fin 2021

(en %)
Fréquentation des sites d’aide alimentaire fin 2021 ((en %)) - Lecture : 32 % des recourants fréquentent un centre de distribution de repas en Île-de-France, contre 12 % en France métropolitaine.
Types de distribution Île-de-France France métropolitaine
Centre de distribution de colis 63 70
Centre de distribution de repas 32 12
Épicerie sociale 22 29
  • Note : le total dépasse 100 % du fait des cas de multi-recours à deux ou trois types de distribution.
  • Lecture : 32 % des recourants fréquentent un centre de distribution de repas en Île-de-France, contre 12 % en France métropolitaine.
  • Champ : recourants francophones à l’aide alimentaire en nature distribuée par les associations en Île-de-France et en France métropolitaine.
  • Source : Insee, enquête Aide alimentaire 2021.

Figure 2Fréquentation des sites d’aide alimentaire fin 2021

  • Note : le total dépasse 100 % du fait des cas de multi-recours à deux ou trois types de distribution.
  • Lecture : 32 % des recourants fréquentent un centre de distribution de repas en Île-de-France, contre 12 % en France métropolitaine.
  • Champ : recourants francophones à l’aide alimentaire en nature distribuée par les associations en Île-de-France et en France métropolitaine.
  • Source : Insee, enquête Aide alimentaire 2021.

Plus de la moitié des recourants se rendent au moins une fois par semaine dans un centre d’aide alimentaire

Tous types de distribution confondus, le recours à l’aide alimentaire en Île-de-France est hebdomadaire ou quotidien pour plus d’un recourant sur deux (54 %). En particulier, 33 % des personnes fréquentant les sites d’aide alimentaire s’y rendent une à deux fois par semaine, 8 % trois à cinq fois par semaine et 13 % tous les jours ou presque. Les recours quotidiens sont trois fois plus fréquents en Île-de-France qu’en France (4 %), en lien avec l’offre plus développée de distribution de repas. Le recours aux distributions de repas est plus propice à une fréquentation quotidienne d’un centre. À l’inverse, les personnes qui vont dans les sites de distribution de colis ou dans les épiceries sociales (hors sites étudiants) s’y rendent pour plus de la moitié d’entre elles une ou deux fois par mois. Les denrées alimentaires récupérées dans ces points de distribution permettent de préparer des repas pour plusieurs jours.

En Île-de-France, plus de 80 % des recourants ont fréquenté une seule et même structure durant le mois précédant l’enquête, comme en France, et 65 % sur l’ensemble de l’année écoulée (69 % en France). À l’inverse, au cours de l’année écoulée, les recourants franciliens sont plus nombreux que les recourants métropolitains dans leur ensemble à avoir fréquenté trois centres ou plus (20 % contre 11 %). Ceci peut s’expliquer par le plus grand nombre de personnes sans-abri ou en grandes difficultés financières en Île-de-France. La forte densité de l’offre en matière d’aide alimentaire couplée à une offre de transports en commun plus importante qu’en province peut être aussi un facteur d’explication.

Un recours depuis mars 2020 pour la moitié des personnes

Fin 2021, le recours à l’aide alimentaire est relativement récent dans une majorité de cas. Pour 49 % des personnes recourantes en Île-de-France, il a commencé à partir du premier confinement décidé en mars 2020 (figure 3). Cependant, seul un quart de ces nouveaux recourants déclare que ce recours est lié à la crise de la Covid-19. Si elles font appel à l’aide alimentaire, certaines personnes se sont toutefois montrées réticentes avant de se décider : environ un recourant francilien sur trois a hésité avant de se rendre dans un centre de distribution. Selon les personnes concernées, cela tient principalement au sentiment de gêne ou de honte éprouvé et plus rarement au manque d’informations sur leurs droits ou sur l’offre existante (figure 4). À l’inverse, en Île-de-France, près de deux recourants sur trois n’ont pas hésité à se rendre dans un site d’aide alimentaire. Cette proportion relativement élevée par rapport à la province (56 %) peut s’expliquer par le cumul plus important dans la région des difficultés notamment en matière d’argent et de logement ou par une meilleure préservation de l’anonymat.

Figure 3Ancienneté du recours à l’aide alimentaire

(en %)
Ancienneté du recours à l’aide alimentaire ((en %)) - Lecture : en Île-de-France, le recours à l’aide alimentaire a commencé en 2018 ou avant pour 28 % des recourants.
Ancienneté du recours Île-de-France France métropolitaine
En 2020 pendant et après le premier confinement 49 45
En 2020 avant le début du premier confinement 8 9
En 2019 15 13
En 2018 ou avant 28 33
  • Lecture : en Île-de-France, le recours à l’aide alimentaire a commencé en 2018 ou avant pour 28 % des recourants.
  • Champ : recourants francophones à l’aide alimentaire en nature distribuée par les associations en Île-de-France et en France métropolitaine.
  • Sources : Insee, enquête Aide alimentaire 2021 ; recensement de la population 2019, exploitation principale au lieu de résidence.

Figure 3Ancienneté du recours à l’aide alimentaire

  • Lecture : en Île-de-France, le recours à l’aide alimentaire a commencé en 2018 ou avant pour 28 % des recourants.
  • Champ : recourants francophones à l’aide alimentaire en nature distribuée par les associations en Île-de-France et en France métropolitaine.
  • Sources : Insee, enquête Aide alimentaire 2021 ; recensement de la population 2019, exploitation principale au lieu de résidence.

Figure 4Raisons de l’hésitation à recourir à l’aide alimentaire

(en %)
Raisons de l’hésitation à recourir à l’aide alimentaire ((en %)) - Lecture : pour 67 % des recourants franciliens ayant hésité à recourir à l’aide alimentaire, la raison fût la gêne ou la honte.
Raisons de l’hésitation Île-de-France France métropolitaine
Vous étiez gêné / vous aviez honte 67 64
Vous ne saviez pas si vous aviez droit à cette aide 22 29
Vous ne saviez pas où trouver cette aide 14 12
Autre raison 6 13
  • Note : le total dépasse 100 % du fait des cas de multi-raisons de l’hésitation à recourir à l’aide alimentaire.
  • Lecture : pour 67 % des recourants franciliens ayant hésité à recourir à l’aide alimentaire, la raison fût la gêne ou la honte.
  • Champ : recourants francophones ayant hésité à recourir à l’aide alimentaire en nature distribuée par les associations en Île-de-France et en France métropolitaine.
  • Source : Insee, enquête Aide alimentaire 2021.

Figure 4Raisons de l’hésitation à recourir à l’aide alimentaire

  • Note : le total dépasse 100 % du fait des cas de multi-raisons de l’hésitation à recourir à l’aide alimentaire.
  • Lecture : pour 67 % des recourants franciliens ayant hésité à recourir à l’aide alimentaire, la raison fût la gêne ou la honte.
  • Champ : recourants francophones ayant hésité à recourir à l’aide alimentaire en nature distribuée par les associations en Île-de-France et en France métropolitaine.
  • Source : Insee, enquête Aide alimentaire 2021.

Près d’un recourant sur deux ne vit pas dans son propre logement

En Île-de-France, les tensions sur le marché du logement sont vives et contribuent à expliquer les conditions de vie moins favorables des recourants comparativement à leurs homologues de province. Ainsi, à peine plus de la moitié des recourants qui se rendent dans un centre de distribution en Île-de-France vivent dans leur propre logement contre les trois quarts en France métropolitaine (figure 5). De manière générale, les conditions de logement jouent un rôle déterminant dans le type de centre fréquenté : les personnes résidant dans leur propre logement ont davantage recours aux colis alimentaires ou aux épiceries sociales, puisqu’ils sont a priori en mesure de cuisiner les denrées récupérées. En revanche, les centres de distribution de repas accueillent davantage de personnes sans-abri ou hébergées à l’hôtel. Ces dernières représentent en Île-de-France 22 % de l’ensemble des recourants contre 6 % en France métropolitaine.

Un recourant francilien à l’aide alimentaire sur dix est hébergé à l’hôtel, contre seulement 2 % en France. La région capitale concentre en effet plus de 80 % des nuitées hôtelières financées pas l’État dans l’ensemble de la France. La plus forte présence en Île-de-France de personnes en «  » parmi les recourants s’explique aussi en partie par la surreprésentation de ces habitats au sein de la région.

Figure 5Conditions de logement des recourants à l’aide alimentaire

(en %)
Conditions de logement des recourants à l’aide alimentaire ((en %)) - Lecture : 12 % des recourants franciliens à l’aide alimentaire sont sans-abri.
Conditions de logement Île-de-France France métropolitaine
Logement personnel - Locataire du parc social 37 46
Logement personnel - Locataire du parc privé 15 25
En dortoir, ou chambre en hébergement collectif 12 8
Sans-abri 12 4
Hébergé par parents, famille, amis 11 9
Hôtel 10 2
Autres (propriétaires, habitations mobiles, etc.) 3 6
  • Lecture : 12 % des recourants franciliens à l’aide alimentaire sont sans-abri.
  • Champ : recourants francophones à l’aide alimentaire en nature distribuée par les associations en Île-de-France et en France métropolitaine.
  • Source : Insee, enquête Aide alimentaire 2021.

Figure 5Conditions de logement des recourants à l’aide alimentaire

  • Lecture : 12 % des recourants franciliens à l’aide alimentaire sont sans-abri.
  • Champ : recourants francophones à l’aide alimentaire en nature distribuée par les associations en Île-de-France et en France métropolitaine.
  • Source : Insee, enquête Aide alimentaire 2021.

Davantage de femmes et de personnes sans emploi parmi les recourants

En Île-de-France, 56 % des recourants à l’aide alimentaire sont des femmes (figure 6). Les femmes recourantes sont en particulier plus nombreuses dans les centres de distribution de colis ainsi que dans les épiceries sociales, où l’aide alimentaire bénéficie également aux éventuelles autres personnes du ménage. Elles sont plus nombreuses à avoir des enfants à charge que les hommes recourants (62 % contre 14 %). De même, les familles monoparentales, deux fois plus nombreuses parmi les recourants à l’aide alimentaire que dans l’ensemble de la population francilienne (10 %), se rendent plus fréquemment dans les centres de distribution de colis et les épiceries sociales. À l’inverse, les centres de distribution de repas sont fréquentés en Île-de-France à 85 % par des hommes dont la majorité vivent seuls sans enfant (83 %).

Les recourants âgés de 65 ans ou plus sont surreprésentés en Île-de-France (13 % contre 10 % en France métropolitaine). Ce constat peut sembler paradoxal dans la mesure où la région est relativement jeune et où la part des personnes âgées de 65 ans ou plus y est moindre qu’en province. Il peut s’expliquer en partie par la baisse de revenus lors du départ à la retraite et par les migrations résidentielles des retraités franciliens : les plus aisés, plus mobiles, quittent plus souvent la région au moment de la retraite, tandis que les plus modestes déménagent certes plus souvent mais restent davantage en Île-de-France [Dubujet et al., 2022 ; pour en savoir plus (4)]. Tous âges confondus, 63 % des recourants à l’aide alimentaire sont inactifs. Ils sont plus rarement au chômage (22 %) ou en emploi (15 %).

Les personnes immigrées (c’est-à-dire nées étrangères à l’étranger) francophones fréquentent davantage les sites d’aide alimentaire que celles qui ne sont pas immigrées. En Île-de-France, deux tiers des recourants sont ainsi des personnes immigrées, soit une part 3,4 fois supérieure à celle dans la population générale (en France métropolitaine, ce ratio s’élève à quatre). Ils sont davantage hébergés à l’hôtel, voire sans-abri, et fréquentent donc plus souvent les centres de distribution de repas.

Figure 6Profil socio-démographique des recourants à l’aide alimentaire et de la population

(en %)
Profil socio-démographique des recourants à l’aide alimentaire et de la population ((en %)) - Lecture : en Île-de-France, 67 % des recourants à une des trois formes de distribution d’aide alimentaire fin 2021 sont des immigrés, alors qu’ils représentent 20 % de la population.
Caractéristiques socio-démographiques Île-de-France France métropolitaine
Recourants à l’aide alimentaire Ensemble de la population Recourants à l’aide alimentaire Ensemble de la population
Sexe
Femme 56 52 64 52
Homme 44 48 36 48
Type de ménage
Personne seule 45 37 42 37
Famille monoparentale 20 11 24 10
Couple sans enfant 4 21 5 26
Couple avec enfant(s) 21 28 22 25
Ménage complexe 10 3 7 2
Origine
Immigré 67 20 44 11
Non-immigré 33 80 56 89
Âge
Moins de 25 ans 10 32 11 14
Entre 25 et 49 ans 50 35 53 38
Entre 50 et 64 ans 27 18 26 24
65 ans ou plus 13 15 10 24
Niveau de diplôme
Sans diplôme 30 18 27 21
Diplôme général de niveau collège ou lycée 29 20 21 20
Diplôme professionnel de niveau collège ou lycée 22 21 31 30
Études supérieures 19 41 21 29
Statut d’activité
Actif ayant un emploi 15 56 15 50
Étudiant non rémunéré 3 9 8 8
Chômeur 22 8 27 7
Retraité 12 20 12 28
Femme ou homme au foyer 12 3 18 3
Autre inactif 36 4 20 4
  • Lecture : en Île-de-France, 67 % des recourants à une des trois formes de distribution d’aide alimentaire fin 2021 sont des immigrés, alors qu’ils représentent 20 % de la population.
  • Champ : recourants francophones à l’aide alimentaire en nature distribuée par les associations en France métropolitaine, âgés de 16 ans ou plus. En population générale, ensemble des personnes âgées de 15 ans ou plus.
  • Sources : Insee, enquête Aide alimentaire 2021 ; recensement de la population 2019, exploitation principale au lieu de résidence.

Près d’un recourant sur cinq bénéficie d’aides associatives autres qu’alimentaires

En Île-de-France, 18 % des recourants à l’aide alimentaire déclarent avoir bénéficié, pour leur ménage, au cours de l’année écoulée, d’aides autres qu’alimentaires de la part d’une association ou d’un centre communal d’action sociale (CCAS). En France, cette proportion est plus élevée de 9 points. Pour les Franciliens, dans près de la moitié des cas, il s’agit d’aides matérielles (vêtements, articles pour bébé, fournitures scolaires, matériel de cuisine, etc.), pour 35 % d’aides financières, pour 31 % de produits d’hygiène, pour 16 % d’accompagnement dans les démarches administratives et pour 13 % d’accompagnement dans l’accès au logement. Par ailleurs, 45 % de l’ensemble des recourants à l’aide alimentaire déclarent être suivis par un travailleur social en Île-de-France, contre 50 % en France. Ce moindre recours aux aides associatives autres qu’alimentaires en Île-de-France pourrait provenir d’une part d’une saturation des dispositifs accordant ce type d’aides en Île-de-France. D’autre part, les inégalités sociales sont plus fortes dans la région et se traduisent par des situations de précarité plus grandes des recourants franciliens : une partie d’entre eux n’est sans doute pas en mesure d’accéder à l’ensemble des dispositifs d’aides (difficultés administratives, méconnaissance des droits), entraînant ainsi un non-recours à ces aides, notamment pour les personnes arrivées récemment en France.

Les aides informelles fournies par la famille, les amis, le voisinage jouent également un rôle important. En Île-de-France, neuf recourants sur dix ont eu besoin de l’aide de leur cercle proche de connaissances, et près de quatre sur dix l’ont obtenue. Le soutien attendu est principalement financier (39 %), mais aussi alimentaire (24 %) et matériel (15 %). Outre le soutien matériel, un soutien moral peut aussi être sollicité. Parmi les recourants, 30 % déclarent n’avoir personne sur qui compter pour l’obtenir et parler de leurs difficultés, auxquels il faut ajouter 10 % qui ne pensent probablement pas trouver un tel soutien.

La crise sanitaire a détérioré la situation financière de plus d’un quart des recourants

De manière générale, la crise sanitaire liée à la Covid-19 a dégradé la situation financière ou la qualité de vie des recourants à l’aide alimentaire.

La moitié d’entre eux déclarent avoir subi une baisse de leurs revenus ou une hausse de leurs dépenses entre mars 2020 et fin 2021 et 28 % des recourants imputent cette détérioration financière à la crise sanitaire. Selon l’enquête Epicov, un quart des Franciliens âgés de 15 ans ou plus avaient déclaré que leur situation financière s’était dégradée pendant le premier confinement [Bayardin et al., 2021 ; pour en savoir plus (7)]. Pour les recourants à l’aide alimentaire, cette dégradation s’explique par une baisse des revenus occasionnée par la perte d’emploi d’au moins une personne du ménage (22 %) ou par la perte d’une prestation ou d’un droit (12 %). Elle peut provenir aussi d’une hausse des dépenses globales du fait du coût croissant de l’énergie (56 %) et de l’augmentation du nombre de repas pris à la maison (37 %).

Outre leur niveau de vie, la crise sanitaire a également détérioré la qualité de vie de près des trois quarts des recourants à l’aide alimentaire : l’état de santé psychique de la moitié des recourants franciliens (et métropolitains), ainsi que leur accès à l’alimentation (38 %), leur état de santé physique (34 %), l’accès aux soins (32 %) (figure 7). Au cours de l’année écoulée, un recourant (ou un membre de sa famille) sur quatre a dû renoncer à un examen ou un traitement médical non dentaire dont il avait besoin. Très souvent, ces renoncements sont dus au manque de moyens financiers (61 %) ou à des délais trop longs (22 %).

Depuis février 2022, la hausse des prix des denrées alimentaires et la crise énergétique en lien avec le conflit russo-ukrainien devraient aggraver la situation des recourants à l’aide alimentaire interrogés fin 2021.

Figure 7Détérioration des conditions de vie des recourants à l’aide alimentaire suite à la crise sanitaire

(en %)
Détérioration des conditions de vie des recourants à l’aide alimentaire suite à la crise sanitaire ((en %)) - Lecture : fin 2021, 38 % des recourants franciliens considèrent que l’accès à l’alimentation s’est détérioré à cause de la crise sanitaire liée à la Covid-19.
Domaines affectés par la détérioration Île-de-France France métropolitaine
État de santé psychique 49 50
Accès à l’alimentation 38 30
État de santé physique 34 31
Accès aux soins 32 26
Relations avec famille, amis, entourage 30 30
Accès à des services d’aide sociale et de Pôle emploi 27 24
Accès à l’hygiène 15 8
  • Note : le total dépasse 100 % du fait des cas de multi-réponses à la détérioration des conditions de vie.
  • Lecture : fin 2021, 38 % des recourants franciliens considèrent que l’accès à l’alimentation s’est détérioré à cause de la crise sanitaire liée à la Covid-19.
  • Champ : recourants francophones à l’aide alimentaire en nature distribuée par les associations en Île-de-France et en France métropolitaine.
  • Source : Insee, enquête Aide alimentaire 2021.

Figure 7Détérioration des conditions de vie des recourants à l’aide alimentaire suite à la crise sanitaire

  • Note : le total dépasse 100 % du fait des cas de multi-réponses à la détérioration des conditions de vie.
  • Lecture : fin 2021, 38 % des recourants franciliens considèrent que l’accès à l’alimentation s’est détérioré à cause de la crise sanitaire liée à la Covid-19.
  • Champ : recourants francophones à l’aide alimentaire en nature distribuée par les associations en Île-de-France et en France métropolitaine.
  • Source : Insee, enquête Aide alimentaire 2021.

Encadré - La politique francilienne d’aide alimentaire pilotée par l’État

L’aide alimentaire constitue l’un des volets de la politique de lutte contre la précarité alimentaire. Le pilotage de l’aide alimentaire par l’État est assuré en Île-de-France par la Direction régionale et interdépartementale de l’hébergement et du logement (DRIHL), par les unités départementales (UD-DRIHL) en petite couronne et par les directions départementales de l’emploi, du travail et des solidarités (DDETS) en grande couronne. Sous l’autorité des préfets, des instances de coordination départementale assurent la cohérence de l’action au plus près des enjeux territoriaux.

La politique mise en œuvre par la DRIHL tient compte du parc d’hébergement francilien et priorise l’accès à l’alimentation des publics hébergés à l’hôtel. En effet, l’hébergement généraliste représente 100 000 places chaque soir, dont la moitié à l’hôtel où 25 000 enfants sont hébergés. Ainsi, un tiers des crédits d’aide alimentaire de la DRIHL sont dédiés au public sans domicile et hébergé, un cinquième exclusivement pour le public hébergé à l’hôtel, proportions en croissance depuis le début de la crise sanitaire. Ces actions d’aide alimentaire sont composées de distributions de colis, de repas en accueils de jour, de paniers repas distribués au cours des maraudes mais aussi d’ateliers culinaires dans des cuisines partagées, etc. Grâce au soutien du plan de relance, des expérimentations de tiers lieux fixes ou mobiles, notamment à destination des publics hébergés à l’hôtel, ont aussi pu être soutenues par la DRIHL. Les collectivités territoriales soutiennent également des actions d’aide alimentaire et sont, à ce titre, membres des différentes instances de gouvernance.

Publication rédigée par :Marie-Flavie Brasseur, Clotilde Sarron (Insee), Axelle Magnier (Direction régionale et interdépartementale de l'hébergement et du logement), Marianne Bléhaut, Pauline Jauneau (Centre de recherche pour l'étude et l'observation des conditions de vie)

Sources

L’enquête auprès des personnes fréquentant les lieux de distribution alimentaire (dite enquête « Aide alimentaire »), réalisée par l’Insee (dans le cadre d’un partenariat avec la Drees) du 15 novembre au 10 décembre 2021, a permis de recueillir plus de 950 questionnaires dans 49 sites d’Île-de-France. Les sites sont représentatifs des lieux de distribution alimentaire en nature de France métropolitaine, hors CCAS, CIAS et distribution de repas ambulante (maraude). Le champ des personnes enquêtées est quant à lui limité aux personnes ayant recours directement à l’aide alimentaire, âgées de 16 ans ou plus, et en capacité de comprendre le questionnaire (donc francophones).

Le Soliguide est une plateforme en ligne qui référence les lieux et services utiles et accessibles aux personnes en difficulté alimentaire et qui est mise à jour en continu par les acteurs de l’aide sociale et les bénéficiaires. Elle a été mise en place par Solinum, association de lutte contre la pauvreté créée en 2016. Ouvrir dans un nouvel ongletConsulter le site.

L’enquête Épidémiologie et conditions de vie (Epicov) a été mise en place par la Drees, l’Inserm, Santé Publique France et l’Insee dans le contexte de la pandémie de Covid-19. Son objectif est double : estimer la dynamique de l’épidémie à un niveau national et départemental et étudier l’effet du confinement et de l’épidémie sur les conditions de vie.

Le socle Hébergement et Logement adapté au 31 décembre 2021, élaboré par la DRIHL, recense l’ensemble des places d’hébergement et de logement adapté financées par l’État en Île-de-France et installées au 31/12/2021. Les données sont disponibles, pour chaque dispositif, à l’échelle régionale, départementale, intercommunale (EPCI et EPT) et communale. Consulter le Ouvrir dans un nouvel ongletsite de la DRIHL Île-de-France.

Définitions

On peut distinguer essentiellement quatre types d’aide alimentaire :

  • la distribution de repas : repas chauds ou froids et consommés directement après distribution sur place au sein de la structure ou à l’extérieur ;
  • les colis ou paniers alimentaires distribués par les associations ou choisis par les personnes en libre-service : les recourants viennent chercher des denrées qu’ils pourront cuisiner ensuite chez eux ;
  • les épiceries sociales et solidaires : il s’agit de structures proposant des produits alimentaires, d’hygiène ou d’entretien à des prix très bas, entre 10 % et 30 % des prix du marché ;
  • les aides financières directes aux ménages : bons d’achats ou chèques services distribués par les associations et pouvant être utilisés dans des structures partenaires comme des sites de la grande distribution ; aides directement dispensées par les autorités publiques comme les aides à la restauration scolaire ou encore les Chèques d’accompagnement personnalisé (CAP).

On distingue deux principaux types de personnes utilisant les sites distribuant de l’aide alimentaire en nature :

  • le recourant : personne qui va chercher l’aide alimentaire sur le site de distribution ;
  • le bénéficiaire : personne qui vit dans le ménage d’un recourant.

Parfois, le recourant et le bénéficiaire ne font qu’un si c’est une personne seule ou si cette personne se rend dans un centre de distribution de repas. Cependant, le plus souvent, le recourant va chercher l’aide alimentaire pour sa famille. De fait, il existe donc plus de bénéficiaires que de recourants.

Les lieux de vie des recourants vivant en dortoir ou en chambre dans un hébergement collectif regroupent les CHRS, CHU, centres pour demandeurs d’asile (CADA, HUDA…), lieux ouverts dans le cadre du plan Grand froid (gymnases, salles municipales…), foyers de jeunes travailleurs, foyers de travailleurs migrants, résidences sociales, pensions de famille, hôpitaux, cliniques et résidences pour personnes âgées.

Pour en savoir plus

(1) Bléhaut M., Brasseur M.-F., Jauneau P., Magnier A., Sarron C., « Précarité alimentaire en Île-de-France : un risque important dans les grandes villes mais présent aussi dans les zones rurales », Insee Analyses Île-de-France, à paraître.

(2) Préfecture de la région Île-de-France, « Ouvrir dans un nouvel ongletBilan 2022 de la stratégie territorialisée de prévention et de lutte contre la pauvreté en Île-de-France », février 2023.

(3) Accardo A., Brun A., Lellouch T., « Les bénéficiaires de l’aide alimentaire, pour beaucoup parmi les plus pauvres des pauvres », in France, portrait social, coll. « Insee Références », édition 2022.

(4) Dubujet F., Laurent P., Tissot I., « Départs des Franciliens vers la province : des écarts de niveau de vie parfois importants avec leurs nouveaux voisins », Insee Analyses Île-de-France no 157, septembre 2022.

(5) Accardo A., Brun A., Lellouch T., « La crise sanitaire a accentué la précarité des bénéficiaires de l’aide alimentaire », Insee Première no 1907, juin 2022.

(6) Radé É., Léon O., « Ouvrir dans un nouvel ongletAide alimentaire : une fréquentation accrue des centres de distribution dans les grandes villes les plus exposées à la pauvreté début 2021 », Drees, Études et Résultats no 1218, février 2022.

(7) Bayardin V., Veal D., « Des conséquences financières du premier confinement contrastées entre l’est et l’ouest de l’Île-de-France », Insee Flash Île-de-France no 58, juin 2021.

(8) Ouvrir dans un nouvel ongletSite du diagnostic régional de la précarité alimentaire (volet quantitatif).