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Insee Flash Martinique · Février 2023 · n° 180
Insee Flash MartiniqueEn 2019, la croissance recule en Martinique, entraînée par la baisse de l’investissement des sociétés non financières

Emmanuel Mosny (Insee)

En 2019, le PIB en volume de la Martinique recule de 1,9 %, après avoir faiblement progressé en 2018 (+0,8 %). Deux facteurs concomitants entraînent un recul de l’activité. D’une part l’investissement des sociétés non financières baisse fortement (-15,5 %), contribuant à la quasi-totalité du recul (-1,8 point). D’autre part la consommation des ménages chute de 1,0 % en volume, en lien avec la baisse du pouvoir d’achat (-1,8 % par habitant).

Insee Flash Martinique
No 180
Paru le :Paru le09/02/2023

La valeur ajoutée ralentit, malgré la hausse des subventions

Avec un PIB de 8 873 millions d’euros en Martinique, en recul de 1,9 % en volume comparé à 2018, le PIB par habitant s’établit à 24 452 euros, en baisse de 0,8 %. Il est de 24 142 euros en Guadeloupe et de 36 341 euros pour la France entière. La valeur ajoutée à prix courants ralentit à +0,7 % (+1,6 % en 2018), soit une évolution en deçà de l’inflation (+1,2 %) qui traduit une activité en retrait (-0,5 % en volume).

Le secteur de l’industrie extractive, l’énergie, l’eau et la gestion des déchets bénéficie d’importantes subventions (+90 millions par rapport à 2018). Ce montant représente la quasi-totalité de la hausse sensible des subventions sur produits en 2019 (+22 %) et pèse sur l’évolution du PIB (-1 point). En effet, la mise en service en septembre 2018 de la centrale 100 % bagasse/biomasse Galion 2 et de nouveaux parcs éoliens (Grand Rivière) et photovoltaïques en 2019 ont entraîné une augmentation du coût de production de l’électricité. Ce surcoût a été compensé par une hausse des subventions versées, en lien avec la péréquation tarifaire visant à harmoniser le tarif de l’électricité au niveau national. La valeur ajoutée de ce secteur augmente pour la première fois depuis 2015 (+8,3 %).

La valeur ajoutée accélère dans l’agriculture et l’agro-alimentaire (respectivement +9,8 % et +6,7 %), grâce notamment à une augmentation des surfaces agricoles utiles dans la filière banane (+14 % après -11 % en 2018). À l’inverse, la valeur ajoutée baisse dans le secteur des biens manufacturés (-4,1 %), les activités de services administratifs et de soutien (-4,0 %), les activités financières et d’assurance (-2,6 %) et la construction (-1,7 %) (figure 1).

Figure 1Valeur ajoutée, rentabilité et taux d’investissement des entreprises non financières

(en millions d'euros courant et en %)
Valeur ajoutée, rentabilité et taux d’investissement des entreprises non financières ((en millions d'euros courant et en %))
Année Valeur ajoutée (en millions d’euros) Taux de marge (en %) Taux d’investissement (en %)
2015 3 590 33,7 25,6
2016 3 479 31,4 27,2
2017 3 748 30,0 28,8
2018 3 550 28,7 27,5
2019 3 593 29,5 23,0
  • Source : Insee, comptes régionaux définitifs de la Martinique base 2014.

Figure 1Valeur ajoutée, rentabilité et taux d’investissement des entreprises non financières

  • Source : Insee, comptes régionaux définitifs de la Martinique base 2014.

Le taux de marge des sociétés non financières s’accroît mais leur investissement recule

Le taux de marge des sociétés non financières (SNF) renoue avec la croissance (+2,5 % après -4,2 % en 2018), en raison du plus fort ralentissement de la rémunération des salariés (+0,3 % après +3,6 %) que celui de leur valeur ajoutée (+1,2 % après +2,1 %). En effet, dans le cadre de la transformation du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE), la baisse des cotisations patronales sur toutes les rémunérations inférieures ou égales à 2,5 SMIC est entrée en vigueur à partir du 1er janvier 2019.

Comme les impôts nets de subvention sur la production diminuent également, l’excédent brut d’exploitation (EBE) rebondit (+3,8 % après -2,3 % en 2018). Parallèlement, les dividendes nets versés baissent (-8,8 %) et l’épargne brute des SNF rebondit (+8,2 % après -13,3 %).

L’investissement diminue de 8,2 % en volume. En valeur il recule de 6,9 %, entraîné par la chute de l’investissement des sociétés non financières (-15,5 % après -2,5 % en 2018), qui représente un peu plus de la moitié de l’investissement martiniquais (52 %) (figure 2). Cette baisse est liée en partie à la suspension en 2019 du chantier d’extension de l’aérogare de l’aéroport Aimé Césaire initié en mai 2018, suite à la faillite de la multinationale INSO, chargée de coordonner les travaux. La hausse de l’investissement public (+8,9 %), qui représente un cinquième de l’investissement total, atténue un peu la chute de l’investissement des sociétés non financières. En effet, en cohérence avec le livre bleu des outre-mer, la dotation du Fonds Exceptionnel d’Investissement de l’État a plus que doublé, grâce au gain budgétaire dégagé par l’abaissement du plafond d’abattement de l’impôt sur le revenu dans les DOM, pour atteindre 110 millions d’euros en 2019. Enfin, l’investissement des ménages (24 % du total) reste stable.

Figure 2Investissement* et ses composantes

Investissement* et ses composantes - Lecture : les sociétés investissent 829 millions d’euros en 2019. L’investissement des ménages en 2019 est inférieur de 8% au niveau de 2011.
Année Sociétés financières et non financières (en millions d'euros) Ménages yc Entrepreneurs Individuels (en millions d'euros) Administrations yc Instituts sans but lucratif au service des ménages (en millions d'euros) Sociétés financières et non financières – base 100 en 2011 Ménages yc Entrepreneurs Individuels – base 100 en 2011 Administrations yc Instituts sans but lucratif au service des ménages – base 100 en 2011
2011 972 406 335 100 100 100
2012 912 380 395 94 94 118
2013 819 388 428 84 96 127
2014 918 388 481 94 96 143
2015 926 397 494 95 98 147
2016 970 396 394 100 98 118
2017 1 019 345 357 105 85 106
2018 979 369 343 101 91 102
2019 829 372 371 85 92 111
  • *Inclut seulement la FBCF
  • Lecture : les sociétés investissent 829 millions d’euros en 2019. L’investissement des ménages en 2019 est inférieur de 8% au niveau de 2011.
  • Source : Insee, comptes régionaux définitifs de la Martinique, base 2014.

Figure 2Investissement* et ses composantes

  • *Inclut seulement la FBCF
  • Lecture : les sociétés investissent 829 millions d’euros en 2019. L’investissement des ménages en 2019 est inférieur de 8% au niveau de 2011.
  • Source : Insee, comptes régionaux définitifs de la Martinique, base 2014.

Les exportations sont dynamiques, portées par le tourisme

Le déficit commercial continue de se contracter (-1,6 % après -3,3 % en 2018), avec une contribution neutre à la croissance (+0,1 point). Le taux de couverture du commerce extérieur (38 %) poursuit sa croissance initiée en 2017. Cette hausse s’explique par une accélération des exportations en volume (+6,5 % après +4,6 % en 2018) portée par les dépenses des touristes (+8,6 %) et l’expédition de matériel de transport comme les voiliers et les pièces détachées aéronautiques. Les importations progressent plus modérément (+2,1 % en volume après -2,8 % en 2018), une hausse essentiellement réalisée dans les produits manufacturés.

La consommation des ménages est en retrait

Le revenu disponible brut (RDB) diminue de 1,7 % sur un an. Dans un contexte de recul du taux de chômage (-2 points), la rémunération des salariés est quasi stable (+0,4 %), freinée par la baisse des cotisations sociales. Hors cotisations, la masse salariale progresse de 1,3 % dans le privé et stagne dans le public (-0,3 %). La diminution de 13 % du solde des revenus de la propriété, l’augmentation plus forte des contributions des employeurs (+3,0 %) que celle des prestations sociales (+0,9 %) et la progression des impôts sur le revenu et le capital (respectivement +3,6 % et +5,9 %) contribuent aussi à la baisse du RDB.

La population martiniquaise étant en baisse (-1,0 %) et compte tenu de l’augmentation des prix à la consommation (+1,2 %), le pouvoir d’achat par habitant diminue de 1,8 % après plusieurs années d’augmentation. Inhibée par la faible évolution des revenus et la baisse démographique, la consommation des ménages est en recul et contribue pour -0,6 point à la croissance (figure 3). En revanche, la progression de la consommation des administrations publiques locales (+3,9 %) tire à la hausse la consommation des administrations publiques (+1,4 % en volume), qui contribue pour 0,6 point à la croissance.

Figure 3Consommation, revenu et épargne des ménages

Consommation, revenu et épargne des ménages
Année Consommation des ménages (en millions d’euros) Revenu Disponible Brut (en millions d’euros) Évolution Pouvoir d’achat / Tête (en %) Taux d'épargne (en %)
2015 4 915 6 580 3,1 25,3
2016 4 940 6 604 1,7 25,2
2017 5 054 6 716 2,2 24,7
2018 5 057 6 860 1,9 26,3
2019 5 065 6 745 -1,8 24,9
  • Source : Insee, comptes régionaux définitifs de la Martinique base 2014.

Figure 3Consommation, revenu et épargne des ménages

  • Source : Insee, comptes régionaux définitifs de la Martinique base 2014.
Publication rédigée par :Emmanuel Mosny (Insee)

Pour comprendre

La comptabilité nationale est le domaine de la statistique publique qui cherche à mesurer l’activité économique d’un territoire sur une période donnée, en mobilisant toutes informations disponibles (enquêtes, données administratives, etc.) et en s’appuyant sur des concepts et méthodes recommandés au niveau international dans des manuels tels que le « Système européen des comptes » (SEC) dans leur plus récente version.

L’existence de statistiques spécifiques, notamment sur le commerce extérieur, permet d’élaborer les comptes régionaux de Guadeloupe, Guyane et Martinique de A à Z selon les concepts et méthodes susmentionnés et non via la régionalisation des comptes France entière à l’instar des comptes des régions métropolitaines. Les comptes annuels Antilles-Guyane donnent une description globale et détaillée de l’économie de chacune des 3 régions une fois par an. Cette description porte sur les ressources et emplois de biens et de services, l’activité des branches et des secteurs institutionnels. En sont extraits divers indicateurs tels le Produit Intérieur Brut (PIB) et deux tableaux importants : le tableau entrées-sorties (TES) et le tableau économique d’ensemble (TEE).

Définitions

Produit intérieur brut (PIB) : mesure de la richesse produite sur un territoire donné, grâce à la somme des VA des biens et services produits sur le territoire.

La croissance est définie par l’évolution du PIB en volume.

L’évolution en volume ou en « euros constants » permet de mesurer l’évolution d’un agrégat macro-économique d’une année sur l’autre, indépendamment de l’évolution des prix. Elle décrit l’évolution des quantités produites.

L’évolution en valeur tient compte de l’évolution en volume conjuguée à l’évolution des prix. Par défaut, lorsque rien n’est mentionné, dans la publication les évolutions sont en valeur.

Valeur ajoutée (VA) : solde du compte de production. La VA est égale à la valeur de la production diminuée de la consommation intermédiaire.

Consommation intermédiaire : valeur des biens et services utilisés pour assurer la production.

Consommation des administrations publiques : celle-ci est conceptuellement égale à la production desdites administrations. Cette production étant évaluée aux coûts des facteurs, soit l’ensemble de leurs dépenses hors investissement utilisées pour remplir sa mission de service public à la nation ; la consommation des administrations correspond à leurs dépenses de fonctionnement (consommations intermédiaires) et rémunérations dans les secteurs de l’éducation, la santé, l’administration générale et la sécurité.

Revenu disponible brut des ménages (RDB) : revenu dont disposent les ménages pour consommer ou investir, après opérations de redistribution. Il comprend l’ensemble des revenus d’activité (rémunérations salariales y compris cotisations légalement à la charge des employeurs, revenu mixte des non-salariés), des revenus de la propriété (intérêts, dividendes, revenus d’assurance-vie…) et des revenus fonciers (y compris les revenus locatifs imputés aux ménages propriétaires du logement qu’ils occupent). On y ajoute principalement les prestations sociales en espèces reçues par les ménages et on en retranche les cotisations sociales et les impôts versés.

Pouvoir d’achat : volume de biens et services qu’un revenu permet d’acheter. L’évolution du pouvoir d'achat des ménages est calculée en retranchant au taux de croissance du RDB des ménages le taux de croissance du déflateur de la dépense de consommation finale en comptabilité nationale.

Taux d’épargne : ratio qui rapporte l’épargne des ménages au RDB.

Solde des échanges extérieurs (ou solde commercial) : différence entre exportations et importations.

Taux de couverture du commerce extérieur : rapport entre la valeur des exportations et celle des importations

Excédent brut d’exploitation (EBE) : solde du compte d’exploitation pour les sociétés. Il est égal à la VA, diminuée de la rémunération des salariés et des impôts nets des subventions sur la production et augmentée des subventions d’exploitation.

Taux de marge (EBE/VA) : ratio qui rapporte l’EBE ou le revenu mixte à la valeur ajoutée.

Taux d’investissement : ratio qui rapporte l’investissement corporel brut hors apport à la VA.